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  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 15:57

1955: on présente à la télévision (en noir et blanc) une production d'Astroid City, la pièce de Conrad Earp (Edward Norton). On en présente les contours, les acteurs et même l'auteur, et puis...

Et puis on se retrouve (en couleurs) à Asteroid City, au coeur même du "drame" qui se joue en plein désert, dans l'Arizona. Le lieu s'appelle ainsi en raison de la chute d'une astéroïde qui a laissé un cratère. Le lieu est à la fois dédié à la recherche spatiale avec un observatoire dernier cri, et à des expériences atomiques. Et comme c'est situé en plein désert, l'écran est parfois traversé de roadrunners, les oiseaux coureurs locaux, et de voitures qui se tirent dessus...

Un certain nombre de personnes se retrouvent pour la remise des prix d'une compétition de jeunes génies... Sont donc venus entre autres Midge Campbell (Scarlett Johansson), une actrice de premier plan, et sa fille Dinah (Grace Edwards) qui est l'une des surdoués, et Augie Steenbeck (Jason Schwartzmann) et ses quatre enfants: trois petites filles fantasques, et un adolescent génial, Woodrow (Jake Ryan). L'attirance entre Midge et Augie, d'une part, et entre Dinah et Woodrow, d'autre part, est immédiate...

D'une part, les jeunes génies fraternisent tous les cinq en attendant la remise des prix, d'autre part, Midge remet sa nature d'actrice en question tout en constatant son incapacité à ressentir, et Augie doit enfin admettre à ses enfants, que leur mère est décédée trois semaines auparavant. Leur grand-père (Tom Hanks) doit les rejoindre... Alors que les trois filles ont décidé d'enterrer les restes de leur maman dans un rituel de sorcellerie...

D'autre part, pendant la cérémonie, un alien (Jeff Goldblum) s'invite et ramasse la météorite avant de partir en soucoupe volante: Asteroid City est désormais en quarantaine...

J'admets que ce résumé est soumis à des réserves, mais comment voulez-vous résumer un tel film? C'est impossible... Et encore on ne parle pas ici de l'esthétique. Au-delà de l'habituelle géométrie des plans (plus prononcée encore que d'habitude, il semble que chaque plan est soumis à ces soudaines embardées de la caméra, à droite à gauche les deux...), de la manière dont les costumes, étiquettes, badges, et attributs (blouses blanches, lunettes, uniformes) vont 'informer en un regard le spectateur de la fonction du personnage (Jeffrey Wright est donc officier, Matt Dillon garagiste, Steve Carell avec sa visière, gérant d'un motel, et Tilda Swinton scientifique), le réalisateur s'est plus à jouer avec les couleurs, pour convoquer le fameux nuancier des années 50... On a parfois l'impression d'assister à une vision du monde qui serait partagée entre Wes Anderson et Norman Rockwell... Donc profondément esthétisante, mais aussi faussée qu'elle est plastique...

Ce qui est peut-être l'une des idées, se replonger dans les codes du passé, pour y voir l'humanité se fourrer le doigt dans l'oeil, derrière des codes et des protocoles, qui n'auront pas d'effet, pour voir passer un cataclysme potentiel plutôt que de le comprendre ou l'enrayer. Et la jeune génération, incarnée par cinq petits génies (qui adorent jouer à des jeux de mémoire et de connaissances, même si en retirer une victoire s'avère impossible puisqu'ils sont tous géniaux...) aura beau jeu de se demander "pourquoi recommence-t-on comme avant?", personne neles écoutera. Non, le film nous montre chaque événement comme un passage, et chaque histoire potentielle comme une décision qui change tout, à prendre ou à laisser: entre Augie et Woodrow, l'un aura de la chance, et l'autre...

Et surtout le film explore l'esprit de communauté, en utilisant une fausse oeuvre; ce n'est pas nouveau: Dans Rushmore, le héros montait des pièces hyperréalistes à partir d'intrigues de film; The Royal Tennenbaums est constellé de références à la littérature fictive des trois héros, et d leur entourage: journaux, romans, pièces de théâtre et livres de souvenirs... The life aquatic est supposé être le titre d'une série de films réalisés par Steve Zissou, le faux Cousteau... Moonrise Kingdom est souvent assimilable à l'expérience d'un journal intime croisé de plusieurs des protagonistes, et aussi bien The Grand Budapest Hotel que The French Dispatch sont tributaires, l'un de la forme d'un roman, l'autre de celle d'une édition spéciale d'un magazine... Pour nous donner à voir ce groupe humain confronté à l'inédit, l'impossible ou le fantastique, Anderson choisit cette fois de passer par une pièce de théâtre, et nous fait nous poser la question: et si tout bonnement nous étions devenus incapables, à l'âge du portable et d'internet, d'expérimenter pour de vrai les événements? Nos médias, pastichés avec rigueur par Anderson, deviennent des grilles de lecture rassurantes, une lorgnette qui en atténue les contours. Mais qu'on ne s'y trompe pas: même filmés en Espagne (dans un merveilleux Arizona plus faux que nature), c'est bien des Américains qui s'agitent ici, cherchant une probable porte de sortie à une quarantaine qui les dépasse... Tiens donc.

Le film a été une fois de plus la course à la participation pour les acteurs. Les détracteurs de Wes Anderson railleront sans doute à la fois ses obsessions formelles, et le fait qu'on y trouve une trentaine d'acteurs célèbres qui y font parfois de tout petits tours... les admirateurs se ront ravis d'y retrouver certains en se demandant pourquoi tel ou tel acteur n'y figure pas. C'est vrai que cette fois, deux manquent singulièrement à l'appel... Mais cette pléthore ne gène pas, car la plupart des comédiens se glissent dans le jeu ambiant, qui est celui imposé par l'auteur. Un trait de son oeuvre qu'Anderson partage avec... Barry Sonnenfeld, pour moi... Mais cette fois, Scarlett Johansson a réussi à tirer son épingle du jeu en brillant d'un éclat particulier, comme le faisait Anjelica Huston dans les trois autres films auxquels elle a participé...

Voilà: tout dépend donc de ce que vous attendez d'un film de Wes Anderson. Si la géométrie de son style et son jeu "deadpan" vous irrite...

Je ne peux plus rien faire pour vous.

 

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Published by François Massarelli - dans Wes Anderson