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30 décembre 2010 4 30 /12 /décembre /2010 12:37

 

29 ans après, ce film a bien vieilli. Certains aspects rappellent les années 80, et l’enthousiasme de Terry Gilliam a parfois laissé la place à des moments bâclés, et un peu ridicules. Qu’importe : le désir de cinéma du réalisateur, sa volonté de raffiner son art après deux longs métrages dont un en collaboration avec une bande de zozos incontrôlables, l’emportent largement sur les scories. Le film se place, beaucoup plus que Jabberwocky ou Monty python and the holy grail, en première place dans la continuité de l’œuvre, avec des résonnances dans trois autres films majeurs : Brazil, Les aventures du baron de Münchausen, et 12 monkeys. Trois réussites…

Kevin a des parents nuls, fascinés par la vie moderne au point de passer leur temps à utiliser, convoiter et se documenter sur des appareils (Grille-pain, mini-four, TV) qui forment leur univers. Pour autant, ils ne s’intéressent pas à Kevin, qui est pourtant fin et imaginatif. Celui-ci, passionné d’histoire et d’histoires, aperçoit une nuit un chevalier qui traverse sa chambre. Le lendemain, il se met à l’affut, mais cette fois ce sont des nains (6) qui sortent de son armoire : ils ont piqué à l’Etre suprême une carte du temps, et se présentent comme des bandits : ils vont dans le temps, voler des objets précieux (Ils ont d’ailleurs une Joconde dans leur sac !). Kevin s’associe à eux : tout, plutôt que de rester avec ses parents ! Il leur faut maintenant faire attention à l’Etre suprême, qui ressemble au Magicien d’Oz, et au génie du mal, qui convoite la carte du temps…

On est en pleine féérie, un peu à la façon du Legend de Ridley Scott paru peu d'années plus tard; mais là ou ce dernier était très sérieux dans le délire, et doté il est vrai d’un budget plus conséquent, Gilliam a laissé sa tendance naturelle et Montypythonesque au délire prendre le dessus; il faut dire que le scénario était signé de Michael Palin, autre Python, et de Gilliam soi-même. Hélas ! Aux trois-quarts du film, le délire visuel tend à prendre le dessus, et l’ennui pointe son nez au milieu de tout ce n'importe quoi. Le film représente bien sur une nette amélioration, tant sur Monty Python and the holy grail que sur Jabberwocky : le premier (Cosigné par l’autre Python, Terry Jones) soumettait son impeccable sens de la reconstitution et des costumes à un semblant de scénario dominé par des gags hilarants mais disjoints, et le deuxième laissait cette fois l’esthétique et la rigueur de la reconstitution prendre le pas sur les personnages et l’histoire ; cette fois, on a une histoire !

Le thème dominant de ce film est sans aucun doute le rêve, incarné par ce petit garçon, qui bien sur se retrouvera dans son lit à la fin (mais deux détails que je laisse découvrir lui permettront de savoir que le rêve n’en est pas vraiment un). Après Dennis Cooper, être distancié qui passe son temps à errer de ratage en anecdote incomprise dans Jabberwocky, Kevin est le deuxième héros rêveur de Terry Gilliam, mais pas le dernier; on retrouvera ce type de personnage qui éloigne son mal-être en révant tout éveillé, pour le meilleur (The fisher King, Münchausen) ou pour le pire (Brazil, 12 monkeys). Mais une autre des tendances typiques de Gilliam, c’ets de faire évoluer ses personnages dans un monde envahi par la bureaucratie. Cette manie très propre aux Monty Pythons, on la retrouve bien sur à son apogée dans Brazil, mais tous les films de Gilliam contiennent un ou plusieurs personnages, comptables tristes, fonctionnaires rances, qui sont là pour saper le bien-être des honnêtes gens. C’est d’ailleurs le sujet même de Brazil, et de Crimson’s permanent insurance, le court métrage réalisé par Gilliam qui ouvre le film The meaning of life… Disons, que cette tendance à l’excès fonctionnaire, est une caractéristique très Britannique, et qu’elle rapprocherait parfois Gilliam des libertaire, voire des « libertariens ». Chez lui, on a le sentiment qu’il faudrait un retour non à l’ordre, mais en tout cas à une société antérieure; plus Kevin remonte le temps, en compagnie de ses « bandits du temps », plus il se plait ; rencontrant Robin des bois (John Cleese), il est aux anges, et le roi de Mycène, Agammemnon, joué par Sean Connery, l’adopte. et il aimerait rester avec lui. Il ya aussi une forme d’escapisme dans cette volonté de partir à l’aventure, qui n’est pas sans rappeler la façon dont James Cole (Twelve monkeys), voyageant dans le passé pour prévenir un cataclysme, se prend à ne plus vouloir croire en l’imminence de la catastrophe, tant le monde auquel il est confronté lui parait plus beau que le nôtre.

Une autre constante de Gilliam qui apparait de façon très nette ici, c’est son hallucinante maitrise picturale, qui le pousse à la création d’images très fortes et qui hantent : en particulier, le géant qui sort de l’eau, portant un bateau sur la tête, écrasant négligemment une chaumière au passage, est dans la mémoire de ceux qui ont vu ce film.
 

Bref, sans être un chef d’œuvre, ce film est une introduction souvent drôle à l’univers d’un maître, alors en passe de transcender ses influences et de devenir le grand cinéaste qu’on s’est plu à voir en lui, jusqu’à ce que le film Fear and loathing in Las Vegas ne le discrédite à tout jamais aux yeux de la critique. On en appréciera la fantaisie, et les bouffées occasionnelles d’humour Pythonesque, en particulier assumée par les apparitions drôlatiques d’un couple qui, sans aucune bonne raison, traverse les siècles : Michael Palin et la délicieuse Shelley Duvall. Ils sont irrésistibles.

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Published by François Massarelli - dans Terry Gilliam Criterion John Cleese