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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 18:36

Cendrillon est au coeur de l'oeuvre de Borzage. en 1976, dans un numéro spécial de Positif, jacques Segond explorait cet aspect de la flmographie du metteur en scène, relevant dans ce qui était à l'époque le corpus des films connus (Essentiellement la période 1927-1941, de Seventh Heaven à The mortal storm) les traces du conte de fées sur les films. Essentiellement, Borzage tend à raconter des histoires dans lesquelles on change un être, de fond en comble, aussi bien visuellement (Habillement) que dans son for intérieur. mais on l'a vu avec Nugget Jim's partner, le metteur en scène aime à ajouter une conséquence de ce premier changement, qui est que l'être changé va à son tour agir positivement sur son environnement. Cette variante est justement la base de ce beau film...

 

Dans un prologue, on apprend qu'un homme, Kirby, a été obligé d'en tuer un autrepour légitime défense, alors qu'il devait se rendre chez lui pour assister sa femme dans son accouchement, et que les hommes auxquels il s'adressait ont non seulement refusé de lui donner un cheval, mais l'ont également menacé. une fois chez lui, et alors que son épouse est morte, rattrappé par la police montée, il était prèt à collaborer, mais un quiproquo a fait que le "mountie" a cru qu'il avait pris la fuite. c'est désormais un homme traqué, entre le sud du Canada et le nord des Etats-Unis. Puis l'histoire continue avec l'arrivée dans un petit ranch du Montana, ou travaille une jeune fille, Margy (Pauline Starke). Celle-ci ne demande qu'à s'enfuir, mais au moment ou elle essaie de fuir la maison des gens qui l'exploitent, elle tombe nez à nez avec Kirby. Tout les deux s'échappent ensemble, et finalement se séparent, Kirby conseillant à la jeune femme de trouver refuge chez les Mounties, et la jeune fille mentant pour permettre à Kirby de partir. Margy, recueillie par la police montée, devient bien vite la mascotte du fort, et plait de plus en plus au policier qui, obsédé par la traque de Kirby, n'a pas dit son dernier mot...

 

Avec ce film, l'un de ses premiers longs métrages (5 bobines), Borzage fait déjà des merveilles en explorant avec passion des thèmes qui ne le quitteront plus. Il fait siennes les règles du mélodrame, qu'il ne transcende pas trop encore, et joue avec brio avec des fils narratifs qui n'en demandaient pas tant en 1917:  le film commence carrément par une digression, qui plus est celle-ci n'a rien de didactique. En faisant reposer le film sur ce prologue dédié à la saga de Kirby, qui disparait d'une grande portion du film ensuite, Borzage prend des risques, mais le résultat est passionnant. On est toujours dans ce western âpre, réaliste, et cruel des films de 1915-1916 mais le film saura faire prévaloir les sentiments.

 

Cendrillon, c'est donc Pauline Starke, qui est exploitée par des gens peu scrupuleux, et qui décide de s'enfuir. Le vêtement joue un grand rôle dans cette histoire, puisque pour s'enfuir, Margy doit se déguiser en garçon, puis le "mountie" lui conseille de s'habiller en fille, dans la mesure ou il ne peut pas la ramener comme cela, et enfin elle achève sa transformation par les vêtements en deux temps, en devenant au fort une jeune fille "comme il faut", puis quatre ans plus tard une femme. Le vêtement et son corollaire, le déshabillage, qu'on retrouvera souvent associé à la promiscuité amoureuse ou sexuelle (A man's castle, ou la résistance de Chico dans Seventh Heaven, voire l'embarras de l'homme dans Lucky star, face à celle qu'il croyait n'être qu'une enfant, et qui est en réalité une femme), jouent aussi un rôle lorsque la jeune fille en salopette s'éloigne du mountie, qui détourne les yeux, et profite du moment pour aller dire à Kirby de prendre le large.

La transformation de Pauline Starke passe également par la maturité de son personnage. il est à porter au crédit du metteur en scène comme de l'actrice d'avoir évité une caractérisation par trop dynamique, à la Mae marsh, telle que Griffith imaginait une adolescente... Mais bien sur, Margy va changer tout et tous. Elle sauve Kirby, donne un idéal à son Mountie préféré, et apporte la joie de vivre dans le fort...

 

Contrairement à Humoresque, Strange Cargo ou Seventh heaven, pas de miracle encore dans ce film, sinon dans le singulier hasard des rencontres, ressort éminemment mélodramatique. Mais par contre, Borzage insiste beaucoup sur le code d'honneur, celui des gens de la police montée, qui attrappent toujours leur homme, ce qui est après tout leur travail: un homme comme Borzage est sensible à cette valeur. Mais c'est aussi le code d'honneur de Kirby, qui n'a tué que contraint et forcé, mais qui va se rendre, afin de laisser la justice se faire. et le code d'honneur est enfin lié à Margy, qui doit à Kirby d'avoir vraiment pu s'enfuir. Elle fait tout pour ne pas trahir le secret de son ami: celui-ci se rend chez son fils tous les ans pour son anniversaire, se mattant ainsi en danger d'être cueilli par la police. Lors de la confrontation entre Kirby et celui qui le pourchasse, Margy se doit d'être là, comme elle était présente lors de leur dernière confrontation, au moment ou Margy a été recueillie par la police montée. pas de miracles, mais des liens entre les êtres, jamais anodins. Et un lien plus visible que les autres, c'est cette tache de sang qui orne le visage de Margy après qu'elle ait pris Kirby blessé dans ses bras, alors qu'ils se disaient adieu: la trace d'un lien, entre deux personnes, des marginaux, qui sont en fuite.

 

Le rendez-vous de Kirby avec son fils est une autre touche qui aura des suites dans les films de Borzage, avec ce rendez-vous onirique dans Seventh Heaven, l'heure à laquelle Chico et Diane se retrouvent intérieurement... Bien sur, chez le Borzage de 1917, le lien entre les êtres d'une même famille ou d'un même couple, est déjà sacré, et la parole donnée, une loi absolue...

 

Utilsant magnifiquement des décors désolés dans lesquels on reconnait plus facilement la Californie que le Canada, Borzage montre avec passion une histoire une fois de plus considéré a priori comme un western de plus, mais qui décidément annonce plus d'un feu d'artifice. Un film qu'on aimerait voir dans une copie digne de ce nom.

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage 1917 Muet Western Thomas Ince