Dans les années 80, dans un pays qui pourrait être la Pologne, mais une Pologne parallèle, deux sirènes sortent de l'eau... Leur premier contact avec la race humaine pour cette sortie en ville, sera une rencontre avec trois musiciens: un trio, composé d'un batteur, d'un bassiste et d'une chanteuse qui joue aussi des claviers. Ils travaillent pour une boîte de nuit qui sert de showcase aussi bien à des musiciens qu'à des strip-teaseuses, et le patron choisit de laisser leur chance aux deux sirènes, qui vont vite devenir un numéro à succès; tout irait pour le mieux dans le plus musical des mondes, s'il n'y avait un petit problème: d'un côté, Silver, la sirène blonde, tombe vite amoureuse du bassiste du groupe.
Ce qui pose en effet des soucis: elle n'est pas humaine, et ne peut avoir accès à ses organes génitaux qu'en tant que sirène. Ca freine un peu la fringale. Et de l'autre côté, cet appétit de Silver pour l'humanité énerve sa copine Golden, la brune. Elle aussi développe un appétit certain pour la race humaine, mais le mot est à prendre au sens littéral.
Un film d'horreur musical? Pourquoi pas après tout! D'autant que le genre a des classiques (Auxquels je ne me référerai pas, d'autant qu'ils n'ont rien à voir avec ce film venu d'une autre planète), et que tout est possible. Et Agnieszka Smoczyńska, décidément fascinée par les rapports étroits entre musique et sexualité féminine, a choisi d'utiliser du disco synthétique ultra-mélodique pour mettre en musique cette histoire qu'elle met en images au premier degré. Ca aurait pu être une catastrophe (voir à ce sujet Mamma Mia!, le film dont tous ceux qui y ont trempé devraient être fusillés sur-le-champ), mais ça marche à fond, ne serait-ce qu'en donnant une cohérence à cet univers de robes moulantes, de boules à paillettes, de Kohl aux yeux et de cheveux décolorés...
Elle a aussi obtenu de ses acteurs un don total de soi, ce qui n'était pas forcément facile pour les deux principales protagonistes, qui passent les trois quarts du film à déambuler dans le plus simple appareil, ou éventuellement avec une queue de poisson encombrante (Et bien sûr "finie" en 3D, ce qui a le bon goût de ne pas se voir). Mais Marta Mazurek (Silver) et Michalina Olszanska (Golden) ne sont pas que la Blonde et la Brune, la fragile et la méchante. Elles vont beaucoup plus loin et posent effectivement des questions sur la féminité (Ainsi, crûment, Silver souhaite savoir si elle peut être une femme sans pour autant avoir d'organes génitaux...), le passage à la sexualité, le respect dû à la femme (Quand Golden a une fringale, on se débarrasse d'elles sans trop de ménagements...), et l'entraide.
Mais surtout, surtout, son conte est une formidable histoire au ton ironique, racontée avec ce qu'il faut d'humour et de froideur. de quoi y revenir avec délices...