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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 16:46

En France, on connait ce film sous le titre Scandale, ce qui s'explique certainement très facilement, dans la mesure où il parle justement d'une agitation politico-médiatico-judiciaire, autour de Fox News, le principal média conservateur des Etats-Unis... Les principaux protagonistes en sont Roger Ailes, l'apparemment intouchable patron de Fox News, qui a créé le média mais doit rendre des comptes à la famille Murdoch; Gretchen Carlson, ancienne présentatrice qui s'est élevée contre ailes à plusieurs reprises, et qui a du souffrir un licenciement qu'elle estime abusif et qui a déclenché de sa part une poursuite de Fox News en justice, dirigée nommément contre Ailes, pour harcèlement sexuel; enfin, Megyn Kelly, autre présentatrice avec pignon sur rue, qui a entamé un bras de fer avec Trump en 2016, et a ensuite été parmi les soutiens d'une action contre le média conservateur...

Le terme de bombshell désigne un obus, et est parfois utilisé pour désigner une femme, notamment blonde, si on en croit l'histoire du cinéma: Blonde Bombshell était le surnom donné par la presse à l'actrice Jean Harlow, dans les années 30... Le jeu sur les deux sens du mot, bien sûr, me semble parfaitement entendu. Il sera beaucoup question dans ce film qui reprend l'histoire du scandale Fox news, d'envoyer une bombe pour secouer le monde de la presse et de la politique conservatrice, ainsi que de la beauté et de la blondeur des femmes... Deux aspects du film qui se trouvent aussi au coeur de la tende #MeToo, et ce n'est pas un hasard. 

L'intrigue suit un développement linéaire, dans lequel on suit les points de vue de trois, puis quatre personnes: celui de Roger Ailes (John Lithgow) est le plus tardif à entrer en scène, et pour cause, il est pendant un temps l'objet du film avant d'en devenir à son tour le l'un des sujets... Trois femmes jouent donc un rôle de premier plan, à savoir Megyn Kelly (Charlize Theron), qui dans un premier temps est engagée dans un bras de fer avec Donald Trump, et Gretchen Carlson (Nicole Kidman), qui constate sa rétrogradation de plus en plus systématique, et le fait que ses opinions, certes conservatrices,  mais pas aveuglément, la mettent parfois au ban de la rédaction et de la direction (...masculine, bien sûr) du média. Une troisième femme (Margot Robbie) est un composite, créée pour incarner le type de journaliste ambitieuse et de droite qui sert la concupiscence des prédateurs comme Ailes, en acceptant ses avances...

C'est construit comme une fiction, mais avec le flot narratif d'un documentaire, qui entremêle de façon extrêmement excitante les anecdotes, les extraots (souvent authentiques) de news, les allusions à la vie privée, et le fait très bien. Le réalisateur n'est d'ailleurs pas un inconnu: marqué à gauche, Jay Roach a tourné en 2008 un film (Recount) pour HBO qui attaquait le camp républicain pour sa manipulation de l'information dans l'élection de 2000 entre Bush et Gore... Mais ici, l'ensemble de l'accusation s'effectue dans le camp conservateur, justement, dont nous assistons aux derniers moments de leur existance avant de se faire complètement phagociter par l'administration Trump. Et puisqu'on en parle, l'agent orange de la Maison Blanche, dans les derniers mois de sa campagne, est presque un acteur du film... mais c'est une fausse piste. Il sert en quelque sorte de préambule, lorsqu'on y montre que la journaliste Megyn Kelly, Républicaine mais pas forcément prête à laisser les femmes se faire attaquer, est aux premiers rangs d'un combat pour au moins porter la contradiction à un butor qui ne fait pas mystère de a misogynie. Elle s'en mordra les doigts... Le film choisit, après les intimidations sérieuses que sa famille aura reçu (probablement du camp Trump, mais "on ne prête qu'aux riches", dit-on), de nous montrer Kelly mettre de côté sa querelle avec lui, suite à un entretien télévisé sur Fox News où elle se sera quand même écrasée. A l'heure actuelle, elle est un de ses soutiens... au nom du pluralisme. Qu'il me soit permis de douter qu'il s'agisse de la vraie raison, le film porte en lui des éléments qui peuvent nous donner à penser qu'elle aurait subi des pressions (sans parler d'une hypothétique tentative d'empoisonnement qui est au coeur du premier acte)...

Mais cette affaire Trump à l'intérieur du film est un trompe l'oeil plus qu'autre chose, l'arbre qui cache la forêt. Ce qui est apparemment en cause, ce n'est pas la droitisation dure de l'intelligentsia politique, la fuite en avant des conservateurs, mais la façon dont les médias, les politiques, le monde de l'entreprise et du capitalisme, se sont ligués au fur et à mesure des années pour installer une hiérarchie et une méritocratie purement masculine, une méritocratie dans laquelle les femmes peuvent gravir les échelons si eles le méritent, mais... ce sont justement des hommes comme Roger Ailes qui décident si elles le méritent, sur leurs propres termes, bien entendu.

Charlize Theron, productrice du film à travers Roach, s'est extrêmement bien entourée, notamment d'actrices (beaucoup d'entre elles ont surtout fait carrière à la télévision) comme Allison Jeanney (qui joue une avocate de Roger Ailes), Robin Weigert (elle incarne une des avocates de Gretchen), ou Bridgette Lundy-Paine, qui est une des assistantes de Kelly. C'est courageux d'avoir, avant même que l'épisode conservateur des années Trump se referme (provisoirement, semble-t-il, et ça n'a rien de réjouissant), commencé à montrer l'emprise masculine et conservatrice sur les médias, et la façon dont les hommes puissants commencent à s'armer contre l'émergence d'une réaction,  salutaire, enfin, des femmes qui ont du travailler pour eux dans des circonstances inacceptables. Le seul reproche à faire au film, sans doute, tient dans le côté très artificiel du personnage de Margot Robbie ("Kayla Pospisil"), qui est en effet un composite de plusieurs expérience. Intéressant qu'au détour d'une réplique, elle se nomme elle-même "Barbie reporter"! Mais son cas, celui d'une feme très ambitieuse en effet, qui va aller trop loin et en souffrir de la culpabilité, avance au moins la cause du film, et fournit au spectateur un point de vue en contact avec le vif du sujet. Et nous permet à travers l'unique scène (muette) durant laquelle les trois protagonistes féminines sont ensemble sur l'écran, de montrer que la solidarité, en 2016, est entravée par la peur. Le lieu de cette rencontre? Un ascenseur...

Et enfin, le film nous montre aussi bien sûr qu'aux Etats-Unis, la cause des femmes reste un domaine de mission, bardé de préjugés, de conervatisme (sans jeu de mots), de conceptions antédiluviennes, et même si le film n'est pas un brûlot anti-Trump (je l'ai dit, le propos est ailleurs, et de toute façon Trump lui-même est un brûlot anti-Trump! Il suffit de le regarder dans son oeuvre pour voir qui il est vraiment ), il laisse présager d'un avenir difficile pour la cause féministe dans l'avenir. Bombshell sert au moins à ce que le sujet soit sur la table, et pour de bon.

 

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Published by François Massarelli - dans Jay Roach
2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 18:25

Une sacrée surprise! Ce téléfilm, écrit par l'acteur Danny Strong (Pour les connaisseurs, c'est l'ineffable Jonathan dans Buffy!) et réalisé par Jay Roach (connu surtout pour deux franchises, Austin Powers, et Meet the parents, avec de Niro et Ben Stiller....) est une fictionalisation de la fameuse élection controversée de 2000, lorsque les Etats-Unis se sont retrouvés devant une impasse, impossible à régler, entre le candidat Démocrate (Al Gore, alors vice-président) et le candidat Républicain (Alors Gouverneur du Texas, l'un des pires hommes politiques de l'histoire Américaine). Le film, produit par HBO, suit la tradition maison du thriller politique, à savoir qu'il est filmé dans une fausse urgence, avec des caméras nerveuses, au plus près des acteurs. Avant de rappeler les faits, il convient d'ajouter que l'histoire est vue aux deux tiers par le camp démocrate, et pour le tiers restant par le camp Républicain. Mais les deux camps ont bien pris le film, qui ne prend pourtant pas de gants avec les forces en présence...

 

Rappel des faits: Aux Etats-Unis, l'élection présidentielle est une affaire compliquée: les citoyens votent par état, et le vainqueur de chaque état emporte alors les suffrages symboliques de 538 "grands élécteurs", proportionnels au nombre de citoyens par état. Dans un petit état comme le Vermont, les grands électeurs sont en petit nombre (3); de plus grands états en dénombrent 27 (Floride), 34 (Texas) et même 55 (Californie). Il suffit donc pour un candidat de gagner à 50,5% l'élection dans un état pour raffler les suffrages de tous les grands électeurs du dit état: on comprendra pourquoi certains états sont considérés comme des états-clés. Pas la Californie, pourtant, généralement considérée comme acquise au camp Démocrate sur le plan fédéral, et oscillant d'un parti à l'autre pour les élections locales. Par contre, la Floride, qui a longtemps été Démocrate comme beaucoup d'états Sudistes, et est passée dans le camp Républicain depuis 1994, est un point chaud avec ses 27 électeurs, puisque l'état est très divisé: les classes moyennes, les Blancs et les Cubains votent traditionnellement Républicain, alors que la classe ouvrière, les Noirs votent traditionnellement démocrate, et à chauqe élection, c'est l'état dans lequel le vote est le plus serré. Mais en 2008, l'affaire a été plus loin encore: d'une part, Gore et le gouverneur du Texas ont été au coude à coude dans le reste des Etat-Unis, laissant la Floride, le dernier état à proclamer ses résultats, décider qui allait gagner l'élection.

Mais un facteur supplémentaire allait faire empirer la situation: de nombreux électeurs ont constaté que leur vote avait été mal comptabilisé. Il faut dire que le vote Américain n'est pas aussi simple que le notre, avec ses petits papiers dans de petites enveloppes: il est en fait effectué sur une carte, il faut cocher un point à coté d'un "ticket" (le couple de candidats pour président et vice président). Et cette année là, le carton était si mal fichu en Floride, que lorsqu'on cochait un ticket, on pouvait en fait voter pour un autre ticket: il a été avéré que de nombreux électeurs ont souhaité voter pour Gore, et ont en fait voté pour Pat Buchanan, un candidat indépendant, ce que celui-ci a d'ailleurs reconnu...

Pour compliquer encore les choses, de nombreux électeurs ont été refusé dans les bureaux, au motif que leurs noms étaient des homonymes de divers malfrats, que la loi de Floride déchoit de leurs droits civiques. Bien sur, ils étaient tous noirs. Voilà tout ce que le camp Démocrate, incarné entre autres par l'avocat Ron Klain, l'ancien secrétaire d'état Warren Christopher, mais aussi bien sur Al Gore lui-même, ont pu constater dans les 36 jours de batailles juridiques, de recomptage, d'appels à la cour suprême et autres moyens légaux à leur disposition. De leur côté, les Républicains, de Jeb Bush gouverneur de Floride (Et frère du candidat Républicain) à James Baker, ancien secrétaire d'état, en passant par Ben Ginsberg, avocat, et Katherine Harris, secrétaire d'état de Floride, ont également bataillé pour faire triompher leur thèse, à savoir que les Républicains avaient gagné, que toutes ces histoires de vote irrégulier et d'électeurs écarté des urnes étaient des trucs, de la poudre aux yeux.

Le film fait la part belle aux acteurs, et on retrouvera avec plaisir en particulier Kevin Spacey en Ron Klain, et Laura Dern en Katherine Harris, une femme pas du tout faite pour la politique et qui se retrouve tout à coup sur le devant de la scène, comme une diva qui aurait oublié d'apprendre à chanter...  Mais surtout on applaudit à la faculté de faire un film basé sur des images vues par tous les Américains (le générique de fin se déroule sur ces authentiques images d'actualité reproduites dans le film), qui montre les rouages de la politique, on n'ose pas dire de la démocratie, et qui laisse l'impression à la fin que tous ces gens sont malgré tout humains. James Baker, à la fin, se réjouit de l'élection de son poulain, le gouverneur du Texas, en saluant la victoire du système, contre le chaos, dont il pense qu'il aurait pu résulter des manigances des Démocrates.

Mais s'il ne fait aucun doute que si les Démocrates avaient eu la main, ils n'auraient pas plus bougé le petit doigt que les Républicains ne l'ont fait pour laisser le décompte des voix se faire, il n'en reste pas moins que le film démontre que le système a certes fonctionné, mais que la victoire évidente d'Al Gore a été volée par d'autres, que des électeurs, notamment Noirs, ont été écartés de cette si parfaite démocratie, et que les décisions judiciaires de faire compter ou non le voix de nouveau étaient suspendues au pouvoir décisionnaire de Katherine Harris, Républicaine de droite, partisane acharnée du candidat qui sera élu. Bref, le système a fonctionné, mais la démocratie...

Avant de gloser pendant des heures sur les Américains et leur prétendue démocratie, maintenant, qu'on rappelle que ce film a été réalisé en toute indépendance, montré et sollicité par la presse Américaine, applaudi comme une leçon d'histoire par la droite et la gauche. le système a encore besoin d'être réformé, mais le cas fera sans doute jurisprudence. on sait du reste que depuis, les deux élections présidentielles de 2004 et 2008 se sont déroulées sans heurts, y compris en Floride. Donc on pourra toujours ironiser sur la démocratie Américaine, mais ce film paradoxal et sain me semble décidément une preuve que les Américains ont bien de l'avance sur le pays qui fut celui des droits de l'homme, mais est devenu celui de Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, Manuel Valls et Eric Zemmour.

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Published by François massarelli - dans Jay Roach