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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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23 octobre 2018 2 23 /10 /octobre /2018 14:52

Au moyen âge, au Japon, deux femmes violées et tuées par un groupe de samouraïs en vadrouille reviennent hanter la bambouseraie où le crime a été perpétré, et font un voeu de vengeance: la plus jeune attirera tous les samouraïs de passage avec une promesse de volupté, et elles les tueront ensuite en buvant leur sang. Tout se passe comme prévu, jusqu'au jour où un guerrier se présente, amené par une mission très claire: trouver et tuer "le monstre" responsable de ces crimes. Problème: c'est le fils de l'une, et le mari de l'autre...

Essentiellement un jeu esthétique, le film reprend pourtant certains thèmes du très noir Onibaba. Notamment en situant l'intrigue délibérément autour d'un duo d'actrices (Noburo Otowa, et Kiwako Taïchi) qui jouent respectivement la mère et l'épouse d'un héros absent. Otowa était déjà la mère d'Onibaba, mais la dynamique entre les deux, une fois passées "de l'autre côté", est bien différente. Le début, qui nous montre la mort des deux femmes dans une scène de violence froide, est très réaliste, mais il se dégagera des ruines fumantes de leur maison un monde totalement différent, stylisé à outrance, dans lequel les fantômes volent, et le montage fait constamment mentir les choix esthétiques, dont le faux est souligné à dessein par la continuité malmenée par Shindo.

Et pourtant, le metteur en scène qui s'amuse à placer autant de codes théâtraux que possible, et qui continue sans censure à surfer sur la vague d'érotisme très présente dans le cinéma Japonais des années 60, continue en effet la réflexion sur les codes d'honneur et les créatures en marge de l'histoire de son pays, avec humour, et des fantômes qui virevoltent, rendus translucides par la lumière blanche dans ces scènes nocturnes, tout en explorant un Oedipe particulièrement carabiné, dans lequel un homme doit tuer le fantôme de sa mère...

 

 

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Published by François Massarelli - dans Kaneto Shindo
23 octobre 2018 2 23 /10 /octobre /2018 11:31

Lors d'un conflit entre le Nord et le Sud du Japon (Ce qui placerait cette intrigue dans la deuxième moitié du quatorzième siècle), le chaos est tel que certaine franges de la population doivent trouver refuge et subsistance à l'écart du monde. Ainsi une petite, toute petite communauté survit-elle dans un marais, au milieu d'herbes qui les cachent complètement ou presque. Deux femmes, une plus âgée (Noburo Otowa) dont le fils est parti se battre, et sa belle fille (Jitsuko Yoshimura) ont une technique de survie efficace, mais austère: elles dépouillent les guerriers morts de leurs effets, et revendent le tout contre du millet, ou du riz. Parfois, elles doivent aussi tuer les hommes dont elles prendront les armes, et les cadavres finissent toujours dans une fosse bien pratique, située elle aussi au milieu des herbes...

Les temps sont durs, d'autant que l'homme qui achète les objets les exploite honteusement. Mais tout va changer lors de l'arrivée de Hachi (Kei Sato): il se présente comme un soldat qui a pris la fuite après avoir participé à une défaite cuisante; mais surtout il annonce aux deux femmes qu'il a été témoin de la mort du fils de la femme âgée... Dans un premier temps, il aide les deux femmes en apportant plus de poids dans les négociations, mais très vite il va semer le trouble: ce qu'il veut, c'est la jeune femme. Et de son côté, celle-ci se laisserait bien faire... Sentant son affaire mal partie, et vexée de voir qu'une autre femme est préférée, l'aînée va imaginer un stratagème pour reprendre le pouvoir sur sa belle-fille.

Le titre veut dire "la femme-démon", et c'est approprié, même si il me semble d'après les commentaires linguistiques que j'ai consultés (Oui, je ne vais ps prétendre: je ne parle pas un mot de Japonais) que le terme a des connotations plus graveleuses aussi... Et Shindo, qui savait ce qu'il voulait, a placé ses personnages dans un environnement naturel (un champ d'herbes hautes a été planté à cet effet, exprès, par l'équipe) mais aussi totalement recréé; le trou béant et noir, inquiétant, qui est situé au milieu du champ est lui aussi un symbole éminemment sexuel, qui trouvera son pendant (si j'ose dire) dans une scène de frustration intense où Nobuko Otowa se frotte sans ambiguïté contre un arbre mort à la forme évocatrice... Car si le film nous montre en effet un conte cruel du moyen-âge Japonais, qui vire sur le fantastique, l'essentiel es quand même largement consacré à la lutte de deux femmes pour assumer leur sexualité, et le film est plutôt notable pour pousser très loin l'enveloppe de la censure à cet égard. Il va plus loin, par exemple, que Le silence de Bergman sorti l'année précédente.

A côté de la sexualité, ce qui intéressait bien sûr aussi Shindo, était l'absence de morale de tout ce petit monde réduit à survivre dans l'ombre des idées folles et nobles qui poussaient les hommes à s'entre-tuer. moins de vingt années après la fin de la guerre, on peut quand même juger la chose ironique, et c'était impensable dans l'immédiate après-guerre. Les deux femmes, pourtant liées à un combattant (mais je ne suis pas sûr qu'elles-mêmes sachent de laquelle des deux factions rivales), n'ont aucun scrupule à tuer les valeureux guerriers qui passent par chez elles, et pour bien le démontrer, Shindo choisit de commencer le film par le meurtre de deux hommes qui sont en plein duel: les deux femmes ne feront aucune distinction, et décident de massacrer les deux; la scène commence par des plans en plongée sur les herbes, qui dessinent de superbes vagues surnaturelles dans les plantes...

C'est que le film est visuellement magnifique, dans un noir et blanc aux contrastes très poussés, et truffé de séquences au montage provoquant, le metteur en scène alternant les gros plans et les plans larges, et utilisant aussi l'ellipse d'une façon inattendue pour un film Japonais. Le tournage, qui a la réputation d'avoir été très dur pour tout le monde, a été l'occasion pour l'équipe de production de briser un grand nombre de tabous, aussi bien formels (le manque revendiqué de fluidité de la narration, l'inscription de trucs liés à des genres "mineurs", dans une narration située au moyen-âge, et une musique volontiers avant-gardiste), que moraux (la sexualité, jamais vue de manière aussi crue qu'ici avant, et le mépris des codes moraux guerriers et nationaux). Le film a pourtant, et c'est notable, été un triomphe. C'est aujourd'hui un classique, un de ces rares films Japonais des temps héroïques, qui ait sérieusement gardé la dent très dure.

 

 

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Published by François Massarelli - dans Kaneto Shindo