Au moyen âge, au Japon, deux femmes violées et tuées par un groupe de samouraïs en vadrouille reviennent hanter la bambouseraie où le crime a été perpétré, et font un voeu de vengeance: la plus jeune attirera tous les samouraïs de passage avec une promesse de volupté, et elles les tueront ensuite en buvant leur sang. Tout se passe comme prévu, jusqu'au jour où un guerrier se présente, amené par une mission très claire: trouver et tuer "le monstre" responsable de ces crimes. Problème: c'est le fils de l'une, et le mari de l'autre...
Essentiellement un jeu esthétique, le film reprend pourtant certains thèmes du très noir Onibaba. Notamment en situant l'intrigue délibérément autour d'un duo d'actrices (Noburo Otowa, et Kiwako Taïchi) qui jouent respectivement la mère et l'épouse d'un héros absent. Otowa était déjà la mère d'Onibaba, mais la dynamique entre les deux, une fois passées "de l'autre côté", est bien différente. Le début, qui nous montre la mort des deux femmes dans une scène de violence froide, est très réaliste, mais il se dégagera des ruines fumantes de leur maison un monde totalement différent, stylisé à outrance, dans lequel les fantômes volent, et le montage fait constamment mentir les choix esthétiques, dont le faux est souligné à dessein par la continuité malmenée par Shindo.
Et pourtant, le metteur en scène qui s'amuse à placer autant de codes théâtraux que possible, et qui continue sans censure à surfer sur la vague d'érotisme très présente dans le cinéma Japonais des années 60, continue en effet la réflexion sur les codes d'honneur et les créatures en marge de l'histoire de son pays, avec humour, et des fantômes qui virevoltent, rendus translucides par la lumière blanche dans ces scènes nocturnes, tout en explorant un Oedipe particulièrement carabiné, dans lequel un homme doit tuer le fantôme de sa mère...