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4 mars 2018 7 04 /03 /mars /2018 19:11

Sur une petite île de Polynésie française, une petite communauté sans histoires: le père Cluzeot (Marcel Dalio) maintient la petite flamme de son église branlante, Michael "Guns" Donovan (John Wayne), un ancien combattant Irlandais qui a décidé de s'installer, rafraîchit les âmes avec la bière servie à sa taverne, et le docteur Dedham (Jack Warden) s'occupe de la santé de chacun, sous l'oeil morne du gouverneur de l'île (Cesar Romero), qui s'ennuie ferme et souhaite ardemment sa mutation.

Deux événements vont arriver: le premier sera le retour d'un enfant prodigue, le marin Thomas Gilhooley (Lee Marvin), bagarreur insatiable (Et assez inutile à l'intrigue, si ce n'est pour balancer des bourre-pifs); puis l'autre événement, plus difficile à gérer, sera l'arrivée de la fille de Dedham, Amelia (Elizabeth Allen): une Bostonienne pur jus élevée à coups de bible, qui vient afin de vérifier si son père "mérite" de faire partie des actionnaires de la compagnie familiale, c'est à dire afin de vérifier sa moralité. Le médecin est absent, mais ses copains sont embêtés: il vit avec trois jeunes enfants issus d'un mariage avec une princesse locale, depuis décédée...

Quel a été le prétexte déclencheur? l'intrigue vraiment? Ou la perspective de partir faire la nouba dans les mers du Sud avec les copains? Sans doute la deuxième solution, et Ford a du prendre Lee Marvin en stop sur son yacht en chemin, parce que je ne m'explique absolument pas sa présence! ...Sauf si pour la Paramount, l'idée était de recréer l'alchimie particulière développée entre Wayne et Marvin sur le tournage de The man who shot Liberty Valance. Mais dans ce cas... C'est raté! 

Donc le film marche, cahin-caha, pas mieux ni pire que Hatari, pour des raisons similaires. La "famille" Fordienne s'y ressoude autour d'un argument de pacotille, avec des moments qui viennent en droite ligne de The Quiet man, à tel point qu'on les sent forcés. Mais ce petit film rigoureusement inutile se laisse gentiment regarder, comme une sorte de post-scriptum un peu mièvre, devant lequel on passe un peu des vacances par procuration.

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Published by François Massarelli - dans Comédie John Ford John Wayne
7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 18:41

Tourné en Arizona, principalement à Monument Valley, le très beau film de John Ford prétend pourtant dès le départ être situé au Texas. C'est d'ailleurs visible: les sommets étonnants des gros géants de pierre, l'ocre poussiéreux du sol, l'aridité des paysages: on n'est pas au Texas. Donc avec ce film, Ford a décidé de jeter une fois pour toutes la vraisemblance géographique pour laisser libre cours à son lyrisme visuel.

Au Texas, en 1868, une famille de fermiers installés à l'ombre des grands canyons voit revenir Ethan, le frère d'Aaron, le père de famille. Soldat du Sud vaincu, Ethan revient, mais pas de la guerre; amer, il n'a jamais reconnu la victoire du Nord de 1865. Bien qu'officiellement non-engagé, le Texas a envoyé beaucoup de ses enfants du côté du Sud durant la guerre de Sécession... Ethan, qui a donc mis trois ans à revenir au bercail, est d'ailleurs souvent présenté comme un hors-la-loi en fuite; il a sur lui de l'argent non marqué, donc probablement volé au gouvernement, et il se peut même si ce n'est jamais dit, qu'il ait été un Jayhawker, un de ces soldats sudistes qui se sont enfoncés dans l'illégalité et le terrorisme à la fin de la guerre par jusqu'au-boutisme. Le personnage joué par John Wayne ne laisse jamais passer une occasion de rappeler son engagement dans la confédération des Etats du Sud... Mais Ethan vient se ressourcer en famille, auprès de son frère Aaron, de sa belle-soeur et de leurs trois enfants, Lucy, Ben et la toute jeune Debbie. Mais un groupe de Texas Rangers viennent réquisitionner Aaron pour enquêter sur les exactions d'un parti d'indiens; Ethan part à la place de son frère, mais durant leur absence, la famille Edwards est attaquée par des Comanches. Aaron, Martha et Ben sont massacrés, mais les Indiens ont emmené les petites Debbie et Lucy. Ethan part alors à leur recherche, avec Brad Jorgensen, le fils des plus proches voisins, et Martin Pawley, un jeune homme d'origine métisse recueilli par Aaron Edwards après qu'Ethan l'ait trouvé. Les recherches vont être longues, et compliquées par la mort du jeune Brad, et les conflits de plus en plus fréquents entre Ethan qui considère que si les jeunes filles ont été abusées, elle n'ont plus qu'à mourir, et Martin qui pense fort différemment...

L'ouverture est célèbre, et trouve un écho tout aussi connu dans une fin qui éclaire le personnage d'Ethan d'une dimension symbolique. Ethan Edwards, symbole d'un monde disparu dans une société qui ne demande qu'à tourner la page, est un homme de parole, mais aussi de principes. Au capitaine des Texas Rangers, le révérend Clayton (Ward Bond), il rappelle qu'ils ont tous deux juré fidélité à la confédération, mais que Clayton a tourné sa veste en travaillant pour les Texas Rangers. Mais Ethan, qui admet de lui même qu'il 'ne croit pas à la reddition', est surtout obsédé par une haine farouche à l'égard des indiens. Celle-ci se manifeste la première fois lorsqu'il est attablé avec sa famille au début du film, et que Martin Pawley (Jeffrey Hunter) entre. Sans aucun mot d'affection pour celui dont il a pourtant sauvé la vie, il dit tout simplement qu'il ne l'a pas reconnu, et qu'il avait juste cru voir entrer un métis. Leurs rapports sont systématiquement marqués par la volonté de Edwards de taquiner, rabaisser l'autre. Puis, Ethan, qui connait bien les Indiens, leurs coutumes, leurs langages, profane un cadavre en lui crevant les yeux, dans une scène qui fait froid dans le dos. Enfin, bien sûr, il devient de plus en plus obsédé par l'idée de tuer sa nièce Debbie (Natalie Wood), la seule survivante des deux captives, parce qu'elle est désormais compromise, étant devenue l'une des épouses du chef Comanche.

Cette obsession raciste est d'autant plus paradoxale qu'Ethan, très loquace sur ses principes, a pourtant manifestement bien intégré non seulement les bases de la civilisation Comanche, dont il est un expert, mais plus encore dont il a adopté diverses coutumes. Son fusil est protégé par une gaine de peau, à frange et à motifs des Indiens du désert, où il a peut-être séjourné (On sait qu'il vient de Californie, officiellement, au début du film); il porte pour dormir des mocassins faits main, etc. Et lorsqu'il rencontre le chef Scar, ou Cicatriz en Espagnol, il lui dit, entre ses dents: "Tu parles bien l'Anglais pour un Comanche. Quelqu'un te l'a appris?", faisant ainsi allusion à la présence d'une blanche parmi les Indiens. Mais Scar rétorque: "Tu parles bien le Comanche. quelqu'un t'a appris?" La clé de cette répartie, c'est peut-être la découverte quelques minutes plus tard d'un scalp dans la collection de Scar, celui de la mère de Martin. Celui-ci serait-il le fils d'Ethan et d'une métisse? Celle-ci aurait-elle été assassinée par un Comanche? Ces questions ne sont soulevées que par un spectateur attentif, au vu de la haine déraisonnable d'un Ethan par ailleurs très chatouilleux sur sa famille. Ayant vu la jeune Debbie se comporter en Squaw, il la déshérite illico au profit de... Martin Pawley. Et il interrompt les funérailles de sa famille pour aller tuer les Indiens le plus vite possible. Enfin, au terme d'une quête longue et douloureuse, tenant Debbie dans ses bras pour la tuer, il reconnait enfin la jeune femme comme sa nièce, et prononce enfin les mots de l'apaisement: "Let's go home, Debbie..."

A ce personnage aveuglé et par ses principes, et par une rancoeur qui ne s'arrêtera jamais, Ford oppose une communauté fragile mais ténue, de fermiers tous éloignés les uns les autres par des kilomètres de désert. Ces gens sont tenaces, et les femmes le sont encore plus; outre Martha, il faut citer Ma Jorgensen, une ancienne institutrice qui a des belles visions d'avenir d'un Texas enfin acquis à la paix, ou encore sa fille Lucy, amoureuse de Martin Pawley mais qui est prête à se marier à quelqu'un de plus stable, fut-il cette grande andouille de Charlie McCorry (Ken Curtis). Tous ces gens ont appris à faire des compromis, réunis derrière le révérend Clayton. Ils acceptent le changement, le progrès, et on voit leur volonté d'aller de l'avant dans leur vie quotidienne, à travers ces gestes simple que Ford se plait à mettre en valeur... Le bonheur du révérend devant les embrassades des ados et les jeux des enfants, le désir pour Mose le simple d'esprit d'un rocking chair, la mise en place d'une liaison postale, et d'une vie sociale symbolisée par un  mariage qui va tourner court. Et une fois de plus, Ford se plait à faire jouer ensemble ces deux magnifiques acteurs que sont Wayne et Bond, en les opposant, créant des étincelles. C'est tout son monde (John Qualen, Harry Carey Jr, Olive Carey, ou encore Mae Marsh pour quelques secondes...) qu'il a réuni dans ce film qui est aussi une chronique d'un monde en construction, dont Ethan, résurgence d'un passé guerrier et haineux, est à la fin irrémédiablement exclu. Il le sait, et laisse tout le monde entrer chez les Jorgensen, restant à la porte pendant que Debbie est enfin accueillie chez les siens.

On notera aussi un sous-texte intéressant dans un genre réputé si clairement raciste, dans un film apparemment ambigu à ce sujet: contrairement à ce chef Comanche certes cruel, Ethan lui n'est pas prêt d'accepter le mélange des races. Cette obsession de pureté est d'ailleurs une obsession des blancs, qui vont se doter durant le 19e et le 20e siècle de lois ignobles d'interdiction de mariage inter-racial: pas tendances à tout cloisonner chez les natifs, qui n'avaient eux aucune obsession du pedigree... D'ailleurs Ford qui s'est plu dès les années 20 à donner à des natifs (notamment ses copains Navajos) le rôle des Indiens dans ses films, semble souligner en permanence les yeux bleus et le visage Caucasien de Scar, un chef Comanche qui pourrait bien lui aussi avoir été enlevé aux siens, avant de devenir le chef d'une tribu.

Si l'habillement et l'équipement de Wayne font allusion au métissage, comme on l'a vu, ce métissage est de plusieurs ordres: ainsi, les habits portés par le comédien dans sa première scène sont un mélange détonnant, cape sudiste et pantalon plus jaquette nordiste, sont les témoins d'un passé tumultueux. La recherche, située sur plusieurs années, voit les deux hommes faire beaucoup de kilomètres, depuis le nord (Très belle scène neigeuse dans un sous-bois), jusqu'au Sud, à la lisière du Mexique. Mais Ford se plait à décliner d'autres mélanges, d'autres proportions: les matières naturelles, si nombreuses à monument Valley, sont mises à profit, et on verra beaucoup de poussière, de terre, de sable, mais aussi de boue et d'eau dans ce film. D'une part parce que les Comanches, comme les blancs qui construisent près des points d'eau, suivent les rivières; ensuite, l'eau est la denrée rare de ces contrées semi-désertiques comme se plaisent à nous rappeler certaines scènes. Mais aussi parce que l'eau, qui envahit tout, et qui est présente dans chaque scène, est ici aussi un symbole de passage, de vie, et de mélange. Ethan Edwards, si obsédé par la pureté de la race, devra accepter, laisser couler le flot, ou mourir. Dans la dernière scène, il s'exclut de lui-même... Et laisse enfin vivre les autres.

Pour finir, je sais que Marion Morrison dit John Wayne a fort mauvaise presse; cet homme de droite avait sans doute, pour les jeunes des années 60, du culot d'être encre en vie à l'heure de changer la société de fond en comble. Oui, sans doute certaines idées d'Ethan Edwards sont-elles inexorablement celles de l'acteur. Il n'empêche: celui qui a amené ses propres vêtements, ses propres habitudes de gentleman ranchero Texan au personnage complexe de vétéran habitué à la vie à la dure dans les déserts de l'ouest, a toujours exprimé sa fierté d'avoir incarné un personnage aussi complexe et aussi dur, dans un tel film, qui a toujours eu, du reste, sa préférence.

 

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Published by François Massarelli - dans John Ford Western John Wayne
29 décembre 2017 5 29 /12 /décembre /2017 18:36

Deuxième film en Technicolor de DeMille, si on excepte bien sûr les inserts des films The ten commandments et The King of Kings, Reap the wild wind est une histoire de naufrage. ...De naufrageurs, plutôt, situé à Key West en 1840, il nous intéresse aux destins croisés de trois personnages, la belle Loxi Claiborne (Paulette Goddard), le brillant avocat de Charleston Stephen Tolliver (Ray Milland) et le taciturne capitaine de vaisseau Jack Stuart (John Wayne).

Ce dernier est le capitaine d'un bateau qui s'échoue sur les récifs au large de la Floride, suite à un sabotage mené de main de maître par les frères Cutler (Raymond Massey et Robert Preston), naufrageurs professionnels et aguerris. Secouru par l'impulsive Belle Sudiste Loxi, Stuart tombe amoureux d'elle, mais devra répondre de la responsabilité du naufrage auprès de ses autorités, et malgré l'intervention en sa faveur de Tolliver, qui est lui aussi amoureux de la belle Loxi, va tomber en disgrâce. Il planifie une vengeance hors du commun, qui passe par un naufrage volontaire...

C'est à la fois très simple et très compliqué, comme toujours avec ces films d'aventures de DeMille... On y retrouve une intrigue mélodramatique qui entremêle les personnages, poussés généralement à choisir entre le bien et le mal, et on sera sans doute surpris de savoir que Wayne (à peine trois ans après sa révélation tardive avec Stagecoach) est cette fois-ci tenté par le mauvais côté... J'y reviendrai plus loin. Mais là où l'intrigue se simplifie considérablement, c'est dans le fait que Paulette Goddard, tout comme Barbara Stanwyck dans Union Pacific, est tiraillée entre deux hommes, l'un du bon et l'autre du mauvais côté: simple, efficace, voilà un ressort qui fonctionne à plein temps!

Car il faut bien le dire, si les personnages eux s'enfoncent dans les profondeurs abyssales (Lors d'une scène de suspense plus que satisfaisante, et magnifié de surcroît par le Technicolor sub-maritime), le film n'est pas des plus profonds. C'est finalement la meilleure des choses que DeMille pouvait faire afin d'éviter de couler ses chances: ne pas les noyer dans des couches de sens qui n'auraient fait qu'alourdir la barque, et l'aurait immanquablement fait prendre l'eau. En lieu et place d'un film (Tel qu'on imagine Lang le faire) qui cherche à donner du sens à toutes ces épaves, DeMille assure le spectacle maximal, dans un technicolor qu'il maîtrise à la perfection, et ma foi, c'est bien tout ce qu'on demande: des scènes maritimes qui reposent sur des transparences très bien accomplies, du drame, de la traîtrise, des retournements de situation... 

Et Duke dans tout ça? Je ne pense pas qu'il soit à l'aise, contrairement à Ray Milland. Il est vrai que ce dernier a le beau rôle, mais en 1942, Wayne n'avait pas encore rencontré sa part d'ombre: ce sont les rôles que lui donneront Hawks (Red River) et surtout Ford (The three Godfathers, The searchers surtout) qui lui permettront de donner une nouvelle dimension à ses personnages. Ici, il est un brave type plutôt lent, sympathique, et dont on a du mal à croire qu'il puisse tomber si bas. D'ailleurs, lui aussi. Par contre, DeMille a vu juste dans l'idée d'opposer Wayne à Milland: leur rivalité fait mouche, et débouche sur quelques bagarres d'un genre qu'on retrouvera souvent dans la carrière de Duke Wayne.

Pour bien apprécier ce film, qui n'a pas bonne presse auprès des spécialistes, je pense qu'il ne faut pas le traiter autrement que comme un merveilleux catalogue d'images, toutes plus fausses les unes que les autres. Après tout, il nous parle d'un monde disparu: le Sud de 1840... En belles images, faites pour être consommées au premier degré. A ce niveau, c'est une réussite.

Avec de vrais bouts de calmar géant dedans.

 

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Published by François Massarelli - dans Cecil B. DeMille John Wayne
27 septembre 2017 3 27 /09 /septembre /2017 16:41

De même qu'il convient de savoir commencer une carrière, la fin est importante... bien que je ne sache absolument si Hawks savait que ceci serait son dernier film. Il a quand même du voir les signes un peu partout: le cinéma n'en finissait pas de muter dans tous les sens, et les genres populaires tentaient de se raccrocher à tous les wagons possibles et imaginables, pendant que les auteurs laissaient progressivement la place à des jeunes réalisateurs turbulents... Pas de place pour un vieux réalisateur certes indépendant, mais aussi particulièrement marqué à droite, dans le cinéma Américain des années 70... c'est d'autant plus paradoxal que nombreux sont les petits nouveaux qui d'une manière ou d'une autre se réclameront de son cinéma: Eastwood, Bogdanovich, Carpenter, Milius, tous l'ont dit ou fait comprendre à un moment ou à une autre.

Donc Rio Lobo est le dernier film de Hawks, et donc son dernier western et bien sur son dernier auto-plagiat. Pourtant, quiconque s'endormirait avant la deuxième heure aurait bien du mal à retrouver ici les schémas de Rio Bravo et El Dorado: on y vient tardivement. D'abord, il y a un long prologue poussif durant lequel le Colonel Cord McNally (John Wayne) qui commande une unité Nordiste durant la guerre civile, se fait rouler par une troupe sudiste, mais réussit à triompher d'eux et les faire prisonniers. Ils va se lier avec deux d'entre eux, le Capitaine Cordona (Jorge Rovero) et le Sergent Phillips (Chris Mitchum). Et à la fin de la guerre, ils vont s'allier: d'une part les deux sudistes vont aider le vieux colonel à mettre la main sur deux traîtres de son bataillon, et de son côté, le colonel va leur prêter main-forte pour aller se mêler des exactions malhonnêtes d'un propriétaire terrien qui s'est allié à un shérif corrompu, dans le conté où vit le sergent Phillips...

Et c'est là que les vieilles tambouilles ressortent: autour de Wayne, juste parmi les justes, on retrouve une troupe de bras cassés, avec beaucoup de femmes dont certaines tiennent un discours féministe, tel que Hawks le voyait (Exactement le même que celui des hommes), un vieux porté sur la boisson (Cette fois c'est Jack Elam), un bellâtre (Cordona est d'origine Louisianaise et Mexicaine, donc il drague à tout va), un dentiste rapide de la tenaille... Tout ce petit monde passe son temps à soutenir des sièges et à balancer des bourre-pifs à une troupe ennemie, comme au bon vieux temps de Rio Bravo, et on boit environ une bouteille de whisky frelaté toutes les dix minutes. La partie consacrée au conflit fratricide est hallucinante de stupidité (En gros, c'est un peu de sport dans les bois, et beaucoup de chevalerie, et non un conflit grave de civilisation impliquant de l'esclavage!): les hommes y passent en une minute trente d'ennemis à meilleurs amis du monde... Hawks tente bien de rafraîchit la situation en faisant de ceux qui sont supposés faire la loi les méchants, et en multipliant les personnages féminins, plus une scène de nudité gratuite à la mode 1970, mais on patine, on patine... Hawks aurait-il dû prendre sa retraite? Ce film n'ajoute rien à sa légende, et est constamment mou du genou. Quant à Wayne, il fait vingt-cinq ans de plus que son âge, et c'est pathétique.

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Published by François Massarelli - dans Western Howard Hawks John Wayne
24 septembre 2017 7 24 /09 /septembre /2017 11:54

Ce film, l'avant-dernier de Hawks, illustre parfaitement un adage typiquement Hawksien: quand les personnages sont bons et que l'alchimie entre eux est parfaite, pourquoi ne pas les reprendre? Et du même coup, pourquoi d'ailleurs ne pas reprendre la même trame, les mêmes enjeux? Donc de Rio Bravo, on passe à El Dorado. De là à faire deux bons films, toutefois, ce n'est évidemment pas gagné. Et pourtant...

Cole Thornton (John Wayne), un homme à la gâchette sûre, un professionnel mais doué de moralité, a un rendez-vous pour un travail: il doit porter son flingue et son savoir-faire au service de Bart Jason, un gros bonnet du conté d'El Dorado. Mais le shérif dudit conté, J. P. Harrah (Robert Mitchum), qui est un vieux copain à lui, ne l'entend pas de cette oreille: il sait que Jason entend faire main basse sur les terres de ses voisins, des éleveurs tranquilles, les Mac Donald. Décidé à refuser l'offre, Thornton voit Jason, mais en revenant à El Dorado il est attaqué par un des jeunes Mac Donald. En légitime défense, il le tue, et ramène son corps dans sa famille. Le père de la victime comprend, mais pas sa soeur, l'impétueuse Joey (Michele Carey): elle tire à son tour sur Thornton, et sans pour autant le tuer, lui loge une balle près de la colonne vertébrale...

Quelques temps plus tard, Thornton apprend que Jason n'a plus face à lui qu'un shérif alcoolique et bon à rien: avec l'aide de "Mississippi" (James Caan), un jeune aventurier rencontré sur sa route, il revient pour prêter main-forte à son copain...

Tout ce qui précède est assez éloigné, finalement, de Rio Bravo, mais ce n'est que le prologue. On reviendra immanquablement aux figures imposées: un shérif, peu d'aide, des gens qui se targuent d'être des pros, des innocents et des "civils" qui passent leur temps à se mêler de ce qui ne les regarde pas, et un vieux bras cassé qui parle trop mais qui abat du boulot: Walter Brennan marchait à la dynamite, pour Arthur Hunnicutt ce sera l'arc et les flèches. En lieu et place de Ricky Nelson, James Caan est un "bleu" très convaincant, dont le chapeau déclenche bien des commentaires. On ajoute aussi, par rapport à Rio Bravo, des chevauchées dans une nature rassurante et fortement ciné-génique! Mais si Hawks a décidé d'inverser le shérif et son copain, c'est quand même Mitchum qui sera l'alcoolique auquel il faut venir en aide: pas question de refiler une telle tare à John Wayne!

Ce dernier est ralenti par sa blessure, ce qui sert tout le monde: ça ajoute un brin de suspense, et ça permet à l'acteur de ralentir le rythme d'une façon convaincante, car l'âge et la santé fragile sont là... Les convictions aussi d'ailleurs, car durant le siège inévitable, en fin de film, les échanges portent autour d'un discours sécuritaire bien à droite, qui est probablement celui de tous les protagonistes: Mitchum, Hawks, Wayne et Caan ne s'en sont jamais cachés.

...Et alors? C'est le mythe du western, cette vieille idée que la loi sur la Frontière dépend d'abord des hommes avant de dépendre de la collectivité, que la loi n'est bonne qu'à s'appliquer, elle ne venge pas et elle ne débarrasse pas nécessairement des putois. Non, croyez-moi, on ne fait pas de gros fun qui tâche avec un western de gauche, parce que c'est purement et simplement de ça qu'il s'agit: du fun. Mission, en ce qui me concerne, accomplie: certes, El Dorado n'est pas Rio Bravo, mais... ce n'est pas Rio Lobo non plus.

 

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Published by François Massarelli - dans Western Howard Hawks John Wayne
1 juillet 2016 5 01 /07 /juillet /2016 09:31
She wore a yellow ribbon (John Ford, 1949)

On repart donc à Monument Valley, pour l'un des films centraux de l'oeuvre de John Ford, un nouveau western avec John Wayne, encore une fois (la quatrième) situé à Monument Valley, et comme Fort Apache tourné l'année précédente, une histoire située dans le quotidien de la Cavalerie. Fort Apache était inspiré de la bataille fameuse de Little Big Horn, cet affrontement dans lequel Custer avait entraîné tout un régiment, dont Ford montrait le mécanisme fatal dans son film. Ce nouveau chapitre de l'histoire (Ou des histoires pour être plus juste) de la Cavalerie commence justement en pleine actualité, en 1876 au moment ou la nouvelle de la défaite spectaculaire de Custer et du 7e de Cavalerie se répand sur la Frontière. Dans un petit fort, on assiste à des mouvements de troupe des tribus Indiennes Kiowa, Arapaho, Cheyenne et Comanche qui mettent de côté leurs différences, et on craint une nouvelle attaque sur l'armée. Le fort étant aux premières loges, le risque est grand. Et justement, le Major Allshard (George O'Brien) commandant le fort est doublement inquiet. Il fait d'une pierre deux coups, il charge son second le Capitaine Nathan Brittles (John Wayne) de patrouiller pour observer les indiens, et leurs trafics avec des contrebandiers qui leurs fournissent les armes, tout en véhiculant deux femmes que le commandant du fort souhaite éloigner de l'éventuel théâtre des opérations: sa propre épouse (Mildred Natwick), et sa nièce (Joanne Dru). Pour Brittles, la période est particulière: il est à cinq jours de la retraite. Une retraite bien méritée pour ce vieux soldat qui prépare activement sa succession en couvant les trois jeunes loups les plus brillants de sa troupe, interprétés par Ben Johnson, John Agar et Harry Carey Jr, mais veut-il vraiment prendre sa retraite? Et surtout, les circonstances vont-elles vraiment le lui permettre?

La patrouille, le risque de guerre Indienne, l'ombre de Little Big Horn... tout ça n'est finalement que prétexte, voire contexte. Une façon comme une autre d'amener les deux véritables sujets du film: la vie quotidienne d'un poste avancé de l'armée Américaine, sur la frontière, dans le territoires qui ne sont plus tout à fait des terres à prendre, mais pas encore des états de l'Union. Cette vie tourne autour d'une certaine dose de discipline, mais tempérée de bon sens: une scène montre Nathan passer sa colère de devoir transporter des civiles dans une mission dangereuse en faisant une réclamation en bonne et due forme, sous les yeux de son supérieur hiérarchique, cible de sa diatribe mais qui lui corrige impassiblement ses fautes, avec une certaine tendresse... L'atmosphère de camaraderie, de solidarité masculine, éclate au grand jour dans l'une des scènes les plus simplement poignantes de tout le cinéma Fordien, lorsque le matin de sa retraite, Brittles voit face à lui toute la troupe, impeccablement rangée, avec un cadeau pour lui... Et la façon dont Nathan couve son soldat préféré (Ben Johnson), le sergent Tyree (Bien que Brittles ait été un soldat du Nord, et Tyree soit du Sud), ou encore l'impayable et sempiternel sergent Quincannon, vieille baderne Irlandaise et alcoolique, interprété comme de juste par Victor McLaglen, tout va dans cette même direction de montrer des hommes unis dans et par l'adversité, dans laquelle la discipline et les éventuelles sanctions ne sont finalement que des pudeurs d'homme. Tous ces gens meurent d'envie de s'embrasser à la moindre occasion... Et pas loin, les Indiens qui se massent en l'attente d'une éventuelle bataille ne sont pas beaucoup plus menaçants. Oui, le danger est là, mais une scène montre Brottles qui va repérer les lieux, et deviser avec le chef Pony-That-Walks (Chief Big Tree) comme on retrouve un vieux camarade. Les deux hommes philosophent au sujet de la vieillesse, leur lot commun...

Avec son troisième film de long métrage en couleurs, Ford a trouvé la palette juste, et ce film est d'une beauté plastique impressionnante, avec des effets de brume et d'orage (Rajouté en post-production!), des crépuscules d'un rouge très vif, et comme toujours chez Ford cet oeil de peintre qui sait tirer parti de n'importe quel environnement pour créer des images inoubliables: Cette façon de faire contraster les rochers gigantesques de Monument Valley, et la petitesse des cavaliers en contrebas, ces jeux de couleurs inspirés de Frederick Remington, qui mettent en scène des Indiens sur le sentier de la guerre, certains d'entre eux d'ailleurs authentiques, car Ford a, en cette période, un carnet d'adresses impressionnant... Il n'oublie pas non plus de continuer à nous montrer ces hommes qui visitent la tombe d'une femme qu'ils ont aimée, comme dans Young Mr Lincoln, une figure courante dans le cinéma Fordien, et qui parfois s'étende à d'autres liens familiaux (Dans My Darling Clementine, Fonda-Earp visite la tombe de son jeune frère). La mort fait partie de la vie de ces soldats, aussi bien dans l'exercice de leur métier, que dans leur vie privée... Elégie à un soldat sur le départ, réflexion désabusée mais tendre sur le crépuscule d'un homme, et l'héroïsme quotidien des obscurs et des sans-grade, ce film est le plus beau des trois films de Cavalerie inspirés de James Warner Bellah, haut la main.

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Published by François Massarelli - dans John Ford Western John Wayne
29 juin 2016 3 29 /06 /juin /2016 19:52
3 godfathers (John Ford, 1948)

C'est après l'échec public retentissant de leur première production en commun, The fugitive (Objectivement, l'un des pires films de Ford, adapté de Graham Greene) que Merian Cooper et Ford ont renchéri avec un film clairement taillé pour le succès, un conte de Noël déjà tourné une fois à la MGM par Chester Morris... Ford disait souvent que Marked men (1919) qu'il avait tourné avec Harry Carey, était aussi une version de la même histoire, mais le film étant perdu, on pourra juste le croire sur parole, ce qui n'est jamais garanti! Le deal avec la MGM, après l'aventure du flop précédent, était une bonne affaire, et le film (Dédié au passage, à Harry Carey, décédé quelques mois plus tôt) ressemble quand même beaucoup à du sur-mesure pour le box-office. De fait, c'est un classique, sur lequel je ne peux pas m'empêcher d'avoir deux avis...

Rappelons l'histoire: trois hommes (John Wayne, Harry Carey Jr et Pedro Armendariz) arrivent dans la sympathique petite ville de Welcome Arizona, et conversent quelques minutes avec le shériff (Ward Bond) et son épouse (Mae Marsh) avant de se tuer sur la banque et de la dévaliser. En fuite, ils se précipitent dans le désert, qu'ils envisagent de traverser en allant d'un point d'eau à l'autre... mais la malchance les poursuit, l'eau vient à manquer bien vite, es chevaux s'enfuient, et l'un d'entre eux (Harry Carey Jr) est sérieusement blessé. Ils trouvent un chariot, dans lequel une femme (Mildred Natwick) enceinte, agonisante, va donner vie en leur présence à un garçon. Ils décident de le suver, même s'ils doivent tous mourir pour ça...

Donc d'un côté, un conte fortement teinté de Christianisme pour cous d'écoles, dans lequel "trois parrains" vont se donner à fond pour un enfant, rachetant du même coup tous leurs péchés, même si cela ne semble pas du tout être l'intention! Un conte simpliste, fait de bons sentiments, de coïncidences et de miracles téléphonés...

De l'autre, c'est un film de John Ford, certes pas forcément de la meilleure eau, mais on sent qu'il a aimé tourner cette histoire, et que ses acteurs l'ont aussi apprécié. On aime toujours voir John Wayne en baroudeur du désert de l'ouest, on sent que ce n'est jamais un rôle de composition. De même, Ward Bond en shériff bourru est fantastique, et le Technicolor rutilant (C'est le deuxième film de Ford en couleurs après Drums along the Mohawk), vu par son oeil unique mais légendaire fait merveille avec les teintes du désert et la nuit d'un bleu pâle inattendu, mais si esthétique... Alors on se laisse gentiment aller, bien entendu...

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Published by François Massarelli - dans John Ford Western John Wayne
25 juin 2016 6 25 /06 /juin /2016 10:06

On peut imaginer pire, dans le déroulement d'une journée, que de regarder ce film... Mais il faut avoir conscience de son importance, tant pour la carrière de ses deux principaux protagonistes que pour l'histoire du genre dont il fait partie: avant Stagecoach, Ford a réalisé des films pendant 21 ans, et a fait son dernier western en 1926. Plus encore, on peut considérer qu'il ne tourne plus pour ce genre depuis son passage à la Fox en 1920; en effet, Cameo Kirby se passe dans le sud des Etats-Unis, The iron horse sera d'abord vendu pour ses aspects épiques et historiques, et Three bad men pouvait passer comme un film d'aventures classiques, même s'il mélangeait, plus efficacement que ne le faisait The iron horse les valeurs du western et celles de l'épopée historique. C'est donc un grand retour pour Ford, et en 1939, le western était motibond, confiné à part quelques rares films à la série B. Le résultat sera pourtant non seulement un énorme succès, tant critique que public, mais on peut aussi le considérer comme l'invention consciente du western moderne...

Ford y ménage bien son suspense, de façon magistrale, en jouant sur quatre enjeux: une diligence parcourt le pays en proie à la rébellion Apache, quand attaqueront-ils? Les passagers en réchappront-ils? Ringo Kid parviendra-t-il a assumer sa vengeance une fois arrivé à Lordsburg? Et enfin, quelle sera sa réaction lorsqu'il découvrira que Dallas, la femme dont il est tombé amoureux, est une prostituée? On peut ajouter un cinquième, voire un sixième enjeu, d'une part la façon de percevoir Dallas: quand va-t-elle être acceptée par les autres, et dans quelle mesure (On sait ce que le film doit à Boule de suif, de Maupassant)? Et enfin, le "major" Hatfield va-t-il trouver la rédemption dans le voyage, par le biais de l'amitié de la belle native de Virginie (qui n'est autre que la fille de l'homme sous les ordres duquel le jouer professionnel a jadis servi)? Autant de question qui trouveront à temps des réponses...

Purement Rooseveltien, avec ses luttes de classe dans une diligence, le film est aussi très Fordien, par sa symbolique construction d'une famille idéale, Américaine, faite de parias qui se rachètent (Le prisonnier évadé Ringo Kid, la prostituée Dallas, qui dorlote un nouveau-né pendant une bonne demi-heure, ce qui va faire changer d'avis toute la bonne société en ce qui la concerne). Ford attaque le mauvais esprit des conventions, opposant à la bigoterie et aux préjugés des "braves gens" (John Carradine, le "major", Berton Churchill, le corrompu banquier, Louise Platt l'oie blanche de Virginie) la simplicité et la véracité des sentiments humains du délinquant et de la femme déchue. On prend, une fois de plus, Ford en flagrant délit d'humanisme catholique! Par ailleurs, le réalisateur aimait à confronter un groupe communautaire en fuite à des forces négatives, on peut donc difficilement trouver meilleur exemple que cette diligence en proie à un groupe d'Apaches anonymes...

Et de nouveau confronté au western 13 années après Three bad men, Ford s'en donne à coeur joie: il installe ce sentiment d'urgence et de menace sur la frontière qui nous aggrippe dès l'ouverture du film, campe ses personnages les uns après les autres dans le cadre de la ville nouvelle dans laquelle la diligence va faire le plein de ses passagers, et laisse éclater son lyrisme dans les plans de Monument Valley... Où il orchestre une poursuite d'anthologie, ainsi qu'une charge de cavalerie de bon aloi. Le plan est célèbre, et mérite d'être rappelé: un panoramique tranquille, pris depuis les hauteurs d'une mesa, nous montre a diligence à vive allure... avant de brusquement se tourner vers la gauche: sur une hauteur, les Apaches que nous attendions depuis 75 minutes sont là, et ils vont enfin attaquer! Une autre scène va alimenter des centaines de westerns à venir: Luke Plummer, le bandit de Lordsburg, est prévenu que Ringo Kid est en ville. Il se met en chasse dans la ville obscurcie par la nuit. Ford nous rappele son influence expressonniste dans une scène paradoxale, puisque c'est le héros qui se fait cette fois attendre, et les trois bandits vont être ses proies. Après quelques minutes, Wayne, en silhouette, entre dans le champ par la gauche. On sait que les trois autres n'ont aucune chance. Quelques années plus tard, Ford tournera une variante de la scène pour l'un de ses ultimes chefs d'oeuvre... 

Mais il fait mieux encore: Revitalisant le western, John Ford en profite pour lui créer une star, vue dans le plus glorieux de ses moments dans le film: après 15 minutes passées à remplir une diligence, on se rendait bien compte qu'il y manquait quelqu'un: le bandit au grand coeur. Tout à coup, un homme arrête la diligence, et la caméra, comme prise par surprise, a du mal à faire le point. La Winchester virevolte, une voix dit "Oh, it's the Ringo kid!" A star is born. Magnifique plan!! Superbe film.

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Published by François Massarelli - dans John Ford Western John Wayne Criterion
8 novembre 2015 7 08 /11 /novembre /2015 18:00

Des êtres en errance, entre deux feux, entre par exemple la "frontière" et la paix (Stagecoach), entre une guerre ratée et le risque de se faire massacrer par des Comanches en révolte (The searchers), entre l'arrivée dans l'ouest et la lutte politique (The man who shot Liberty Valance)... Ford a passé sa vie et sa carrière à raconter ce genre d'histoires, finalement, alors comment s'étonner qu'avec une petite production personnelle comme ce film (Sous la bannière d'Argosy Pictures qu'il vient de créer avec Merian C. Cooper), il revienne à ce thème? Il en profite aussi pour montrer son attachement romantique à ces histoires de marins, tout en rendant un hommage aussi vibrant que d'habitude à "son" Irlande: le bateau où se situe l'action des trois quarts du film s'appelle le Glencairn, et Thomas Mitchell, Barry Fitzgerald et Arthur Shields y interprètent des marins Irlandais.

Le film oscille en permanence entre comédie picaresque et drame, et Ford a décidé d'adopter un style qui renvoie à ses années Fox au temps du muet, lorsque à partir d'Upstream le cinéaste avait suivi l'exemple de Murnau et intégré le Chiaroscuro dans son style pictural.Avec Gregg Toland à la caméra, le résultat est splendide, bien entendu, bien meilleur en tout cas que ne le sera le style de The fugitive lorsqu'il reviendra à cette tendance (Que certains critiquent fortement dans son oeuvre, Lindsay Anderson le premier). Adaptée de plusieurs pièces de Eugene O'Neill, l'intrigue est essentiellement basée autour des pérégrinations de quelques marins rassemblés sur le même bateau, chacun ayant son histoire. On remarquera en particulier Driscoll, l'Irlandais à forte tête (Thomas Mitchell), l'Américain Yank au destin triste (Ward Bond), l'alcoolique Britannique qui a fui sa famille (Ian Hunter), et enfin les deux marins Suédois John Qualen et John Wayne, ce dernier servant vaguement de fil rouge tant son désir de rentrer au pays est l'objet d'un petit suspense: y parviendra-t-il sans rempiler? John Wayne en marin Suédois (Avec accent, bien sur), c'est bien sur inattendu, et on sent vaguement comme une certaine farce du metteur en scène, qui ne traitera jamais Wayne comme une grande vedette, et lui jouera parfois des tours pendables...

S'il n'est pas un très grand film de John Ford, ce jolie effort au lyrisme parfois un peu pesant reste, au moins, un film totalement personnel, et l'auteur qui vient de triompher avec Stagecoach inaugurait là une série de productions indépendantes qui allaient enrichir son canon de façon intéressante. Tout en montrant avec une grande affection la vie de ces perdants, Ford n'oublie pas de manier l'ironie. Mais sans la moindre méchanceté, juste une forte pointe d'amertume...

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Published by François Massarelli - dans John Ford John Wayne
12 août 2015 3 12 /08 /août /2015 16:11
The wings of eagles (John Ford, 1956)

Des hauts et des bas... Dans les années 50, Ford n'a plus rien à prouver, d'où la profusion de films, certains bons voire exceptionnels, d'autres franchement médiocres... Celui-ci, tourné pour la MGM, ne fait partie ni des premiers, ni des autres: c'est un film personnel, d'autant qu'il s'agit de la biographie d'un copain et que Ford fait (presque) partie des personnages, et aussi parce que le rôle principal est tenu par John Wayne, marié à Maureen O'Hara... Le sujet, bien sur, est la vie de Frank 'Spig' Wead, un marin/aviateur qui a presque participé à la seconde guerre mondiale, inventé de façon sporadique des trucs intéressants pour moderniser l'utilisation des porte-avions, décroché quelques records non négligeables, écrit des romans, nouvelles, et bien sur quelques scénarios dont un certain nombre pour John Ford, appelé John Dodge (Ward Bons, saisissant de ressemblance)... Mais au final, à la fin de sa vie, il ressent surtout une frustration terrible, celle d'avoir été le bon homme, oui, mais au mauvais moment: trop jeune pour participer au premier conflit et servir son pays, trop vieux et trop abîmé par un spectaculaire accident qui l'a longtemps laissé paralysé, pour servir lors de la seconde guerre mondiale, pendant que ses copains montaient en grade ou mouraient en héros... Et trop attaché à sa vie militaire pour être le mari idéal, ce qui l'a forcé à sentir grandir ses deux filles à l'écart, sans parler de la mort traumatique de son fils, âgé de quelques mois seulement...

Ford est toujours à l'aise avec les sentiments, ce qui devient d'ailleurs facile de lui reprocher tellement il a tendance à s'y vautrer. C'est un peu le cas dans ce film qui tient à peu de choses et dont le relâchement certain quant à la chronologie des événements ajoute à son aspect joyeusement foutraque. Mais 'Spig' est bougrement attachant, et dans l'introduction de son double John Dodge, Ford semble lâcher l'une des clés de son propre personnage, ce côté si Irlandais, cette indéfectible nostalgie... En contant l'histoire de celui qui n'a pas assez vécu et se sent désormais mourir dans les regrets, Ford sent quant à lui l'effet du temps qui passe trop vite, à plus forte raison quand on a vécu intensément. Et s'il y a bien un metteur en scène qui a vécu intensément, c'est sans aucun doute John Ford... Ce portrait de Frank Wead est un portrait en creux de John Ford, le plus personnel sans doute. Alors avec ou sans défauts, tant pis, on prend! ... Et il y a Maureen O'Hara, alors...

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Published by François Massarelli - dans John Ford John Wayne