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14 avril 2015 2 14 /04 /avril /2015 16:14
They were expendable (John Ford, 1945)

Ford revenait après trois ans d'absence au cinéma avec ce film, tourné pour la MGM. Il est sorti en décembre 1945, soit à peine quelques mois avant la fin des conflits liés à la seconde guerre mondiale. They were expendable se limite à un aspect de la guerre, celui de la bataille des Philippines, qui commence tout de suite après l'attaque sur Pearl Harbor, et se déroule jusqu'à mai 1942. Les héros en sont des capitaines de vedettes-torpilleurs, des petits bateaux aisément manoeuvrables, mais limités à des attaques ciblées essentiellement pour défendre les côtes, et dont l'armement n'était pas très lourd: des moustiques, en quelque sorte, mais dont les piqures étaient parfois nécessaires. On suit donc les tribulations des lieutenants Brickley (Robert Montgomery) et Ryan (John Wayne), qui mènent des escarmouches, et vont vite devoir se rendre à l'inéluctable: les Philippines vont progressivement tomber sous la coupe du Japon.

Ford sortait de trois ans de services rendus à la nation, avec le service cinématographique, tout comme Robert Montgomery qui avait précisément servi dans le même corps de marine, et fait le même travail, que les héros du film... Le scénario, signé de l'officier en retraite Frank "Spig" Wead, faisait retourner ce dernier à un sujet militaire, et les trois hommes sont d'ailleurs mentionnés au générique avec leurs distinctions militaires. Mais pas de cocardisme triomphant dans ce film, qui s'il n'a rien d'un brulot antimilitariste, a au moins le mérite de se parer d'un réalisme très impressionnant. Et cette fois, il s'agit de fait de chanter les louanges des obscurs, des sans-grades, à travers l'évocation des moments de plus en plus incertains au fur et à mesure que le film progresse. Quant il se termine, il nous dépeint d'ailleurs une situation inachevée...

Mais Ford n'est finalement jamais aussi à l'aise que lorsqu'il doit peindre une situation noire avec un mélange explosif de pudeur et d'émotions, d'où la réussite inévitable de ce film, tourné d'ailleurs en famille: on reconnaitra les habituels Russell Simpson, Ward Bond et Jack Pennick auprès des personnages principaux; Et la situation, celle de soldats en proie à un destin difficile, arrivés au bout de la course, sera reprise dans certains aspects des films de la cavalerie qui termineront la décennie. Disons que le film le plus proche de l'esprit de celui-ci dans la canon Fordien est sans doute She wore a yellow ribbon, avec l'incapacité dans laquelle Wayne se trouve de faire table rase de son temps passé dans l'armée. c'est bien sur ironique dans la mesure ou Ford a été parait-il exécrable avec l'acteur dans la mesure ou celui-ci ne s'était pas engagé... They were expendable est aussi notable pour deux points: d'une part, Ford y a confié les rênes du film, lors d'une incapacité de tourner, à Montgomery, qui est ainsi devenu réalisateur; d'autre part, Ford qui l'a tourné dans l'urgence n'en faisait aucun cas, estimant que c'était du pur produit de propagande, avant que Lindsay Anderson ne lui fasse voir raison. Chapeau!

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Published by François Massarelli - dans John Ford John Wayne
19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 14:44

"Hatari!", ou un titre trompeur: le mot veut dire danger, en Swahili, et est bien prononcé dans le film lors d'une scène située dans la deuxième moitié. Mais c'est trompeur dans la mesure ou le danger concret, physique, est bien peu représenté dans ce film, une énième variation typique de son auteur sur le thème des hommes au travail, et d'une confrérie disparate dans laquelle l'intrusion d'une femme pose inévitablement problème, ce qui nous renvoie immédiatement à Only angels have wings, en plus relâché: ce nouvel opus, après tout, dure 157 minutes... Troisième film de Hawks à graviter autour d'un personnage interprété par John Wayne, Hatari! doit une grande part de son intrigue à Rio Bravo, rejoignant en contrebande la fameuse trilogie de westerns bégayants de la fin de carrière du grand réalisateur: à John T. Chance qui tente par tous les moyens de faire son boulot de shériff tout en jouant les mères poules pour son meilleur copain, et en supervisant d'un oeil critique tous les efforts des professionnels (Ou d'un novice qu'il croit amateur) qui l'entourent, Hatari! oppose une équipe internationale réunie en Afrique (Le film a été tourné en Tanzanie et au Tanganyika) qui a pour mission de capturer des animaux pour un zoo; nous suivons la progression de cette tâche, alors qu'un des membres (Bruce Cabot) a été blessé, ce qui nécessite l'incorporation d'un nouveau chasseur, joué par Gérard Blain; parallèlement, une jeune photographe Suisse (Elsa Martinelli) va venir jouer les trouble-fêtes, mais sera acceptée uniquement parce que c'est une femme... ce qui n'empêchera par Sean (John Wayne), le patron, de bougonner ni bien sur d'en tomber amoureux.

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Les paralèles avec Rio Bravo sont nombreux, depuis la dynamique créée par le personnage de Sean et son autorité bienveillante, mais entièrement dédiée à un idéal professionnel et à la notion d'efficacité liée intimement au métier, jusqu'à l'humour d'une intrigue déliée et faite essentiellement d'anecdotes tricotées les unes aux autres. Si on pousse la comparaison, la supériorité de Rio Bravo est bien sur évidente, tant les amours contrariées de ces personnages et le jeu inégal (C'est un euphémisme) des deux starlettes présentes manquent cruellement d'intérêt... De plus, le titre a beau parler d'un danger (Se faire emplâtrer par un rhino, par exemple, ou mourir dans un accident de voiture: les deux sont évoqués dans le film), les seuls dangers du tournage ont vraiment eu lieu hors-champ, à cause d'animaux qui ne voulaient pas faire ce qu'on leur demandait! Pourtant ce film dépourvu de méchant, d'aspérité, voire d'enjeu reste un plaisir étrange, lié à une atmosphère de fraternité, de camaraderie, à un humour tendre, comme un baroud d'honneur avant que les années 60 ne commencent... A ce propos, on pourra se plaindre sans trop de problème que le film nous montre des blancs, en Afrique, qui se comportent sans aucune communication avec les noirs, même si une scène de fraternisation essaie de faire dire le contraire. C'est une organisation d'un autre age...

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Le film doit sans doute beaucoup de son charme à une partition superbe de Henry Mancini, et le compositeur a sans doute fait beaucoup pour sauver une scène désormais célèbre: Elsa Martinelli se retrouve en effet dans le film flanquée d'un éléphanteau, puis deux, puis trois, qu'il faut nourrir, et qui sont si jeunes qu'ils la prennent désormais pour leur mère (A laquelle elle ne ressemble pourtant pas vraiment, ou ça ne m'a pas frappé); la longue exposition d'une séquence (Qui établit le rapport de protection de Sean à l'égard de celle qu'ils appellent tous Dallas) mettant en scène la "mère" et ses trois enfants était supposée être coupée, mais Mancini inspiré l'a repéchée en composant sa célèbre "Baby Elephant Walk", créant du même coup un passage parmi les plus appréciés du film, et qui renforce encore plus l'aspect familial...

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Enfin, on pourra noter le parallèle qui s'effectue entre la mission donnée à Sean et son équipe, et un tournage de film: Sean dirige un groupe qui n'est d'ailleurs pas permanent, mais constitué de spécialistes trouvés ça et là, qui iront une fois le travail accompli ailleurs pour offrir leurs services, comme une équipe de film fait se côtoyer deux ou trois mois durant des techniciens glanés ici ou là, et qui alterneront ensuite les jobs sur une longue période. Le tableau qui présente les animaux à capturer, le fait de devoir changer de programme en fonction de la disponibilité ou de la météo, tout renvoie à cette atsmophère de travail sur un film en extérieurs, un monde que forcément Hawks connait bien, et qui lui permet d'assoir sa thématique habituelle de travail à faire, travail bien fait... 

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Published by François Massarelli - dans Howard Hawks John Wayne
4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 09:39

The quiet man commence par l'arrivée d'un homme en Irlande, quelque part dans les années 20 ou peut-être 30; il est Américain, et il ne tardera pas à être confronté au charme particulier du lieu. Sitôt sorti du train, il fait face à une redoutable troupe de gens (Conducteur de train, chef de gare, clients...) qui se mettent en quatre pour l'aider à retrouver son chemin, vers le petit village d'Innisfree. Mais la conversation va rapidement tourner au désastre, par la faute de trop de digressions, jusqu'au moment où, surgi de nulle part, un drôle de petit homme, Michaeleen Oge Flynn, prend d'autorité ses bagages et l'amène à Innisfree...

Hors du temps, le village apparait comme un pays d'Oz à partir de là, un autre côté du miroir, dans lequel sans que ce soit jamais trop grave, tout est légèrement distordu: la voix off par exemple, qui est celle de notre ami Ward Bond, interprétant comme de juste le curé de la paroisse, a beau nous raconter l'histoire, le personnage sera pris plusieurs fois de cours, pêchant (Des poissons, bien sur) au lieu de se tenir au fait de l'histoire qu'il est en train de raconter... Le prêtre protestant et son épouse, qui à la base ne servent à rien (Et d'ailleurs ne font rien, à part se promener à vélo, jouer à des jeux de société, faire des visites sociales, parler de sport et même faire des paris et des stratagèmes tordus...) sont ici parfaitement intégrés, fêtés même par une population catholique prête à se mettre en quatre pour qu'ils restent au pays au lieu d'être mutés en raison de leur inutilité. Le tenancier du pub local, autant dire le troisième représentant d'un culte, est Juif (Il s'appelle CohAn, comme le fait remarquer Michaeleen Oge Flynn: "c'est comme ça qu'on le prononce ici") et lui aussi parfaitement intégré... Bref, on est dans une Irlande qui se joue des clichés, et qui joue sur la couleur locale, surtout du vert...

Donc, Sean Thornton (John Wayne) vient en Irlande parce qu'il est riche et retraité, même si toute la première moitié du film garde le silence sur ce qu'était son activité avant, et il souhaite rentrer au pays, celui qu'il a toujours considéré durant sa vie aux Etats-Unis comme le paradis qu'il n'aurait jamais du quitter. Il vient dans l'intention d'acheter sa maison d'enfance, ce qui ne va pas être facile puisqu'elle est la propriété d'une riche veuve, Sarah Tillane (Mildred Natwick)  qui n'entend pas céder ses possessions aussi facilement; c'est à la faveur d'un contentieux que Sean va pouvoir accéder à son rêve: l'homme fort du pays va réclamer cette terre avec tellement de grossièreté que la veuve va décider de la céder à Sean...

L'homme fort en question, interprété par Victor Mc Laglen, s'appelle Will Danagher; il est un vrai despote, riche, dictatorial, mais surtout un vrai personnage de comédie, sans doute aussi sentimental et doux qu'il souhaite apparaitre menaçant et colérique. Mais il prend en grippe Sean, qui en plus a repéré sa (Très jolie) soeur, la flamboyante rousse Mary Kate (Maureen O'Hara): il n'aimait déjà pas être supplanté en affaires par ce yankee (re)venu de nulle part, alors l'idée de faire de lui son beau frère, il ne faut pas y compter. Et ce que va découvrir Sean, qui en pince vraiment pour Mary Kate, c'est qu'en Irlande (Ou du moins dans ce film) la soeur aura beau être majeure, rien ne peut fonctionner sans l'accord de principe du chef de famille, ici en l'occurence le frère. Ce sera le moteur du film, le seul accroc à cette belle balade dans les décors naturels du Conté de Galway... et ça promet du sport.

Innisfree n'existe pas, à tous les sens du terme, il a donc fallu aller le chercher, en Irlande bien sur. c'est que Ford voulait tourner ce film depuis les années 30, après avoir lu le roman de Maurice Walsh; Il l'avait acheté, mais n'a pas pu trouver de studio pour le faire avec lui. Une fois la guerre passée, la formation avec Merian Cooper de Argosy Productions va lui permettre de faire le film, dans des conditions inattendues: d'une part, il intègre (Pour trois films) la Republic Pictures d'Herbert Yates, le beau-père de John Wayne, soit un studio de très petite envergure; d'autre part, il va aller faire le film en Irlande, ce qu'il n'avait bien sûr pas pu faire pour The Shamrock Handicap (1926), Mother Machree (1928), Hangman's house (1928), The Informer (1935) et The plough and the stars (1936); il n'avait d'ailleurs pas non plus mis les pieds au Pays de Galles pour How green was my valley (1941), le petit cousin de ses films Irlandais... Mais après la guerre, les studios vont vers plus de réalisme, et Ford se saisit de l'occasion.

Ce ne sera pas facile de faire admettre à Yates de tourner le film en Irlande, ou même d'utiliser le Technicolor. Ce n'est pas seulement l'avarice qui motive le patron, mais une certaine façon de faire des films, économiquement, à l'ancienne (Et les droits sur un autre système de couleur)... Ford, pour montrer patte blanche, va donc tourner un film vite fait, qui rapportera suffisamment: ce sera l'inutile mais sympathique Rio Grande (1950), le troisième film de cavalerie de Ford, qui recycle des éléments de Fort Apache (1948) et She wore a yellow ribbon (1949). Le travail en Irlande sera pour Ford l'occasion de renouer avec ses origines, un grand moment d'émotion sans doute, ce qui se sent en permanence dans le film; Sean Thornton, c'est surtout Ford lui-même, un homme qui abandonne tout ce qu'il est aux Etats-Unis pour redevenir un Irlandais, mais dans une Irlande rêvée, idéale.

Les indices, comme je le disais, ne manquent pas pour souligner cette non-réalité, depuis le plan qui voit la carriole de Michaeleen au début qui passe sous un pont sur lequel passe un train, comme on passe à travers le miroir, jusqu'à ce salut des acteurs-personnages à la fin du film, en passant par le climat d'envoûtement de certaines scènes, et bien sûr certains personnages qui font déborder l'histoire du côté de la farce, de la comédie, et du fantastique: Michaeleen Oge Flynn (Barry Fitzgerald), qui dicte au compositeur Victor Young un air folklorique pour la grande scène de bagarre, après tout, est comme une bonne fée, non?

Et puis le film ne se contente pas d'être un retour à une Irlande qui n'existe pas, c'est une halte bienvenue dans les films de Ford, qui ronronnaient de plus en plus; ici, il s'est passionné pour l'histoire de cet amour contrarié d'un homme marié, mais avec une femme dont le frère n'a pas voulu qu'elle dispose de tous ses objets et de sa dot: elle va donc exiger de son mari qu'il défende l'honneur de son épouse, avec ses poings s'il le faut. Celui-ci refuse, pour des raisons qui nous seront expliquées à temps (Il est un ancien boxeur, et a quitté le ring parce qu'il a malencontreusement tué un homme), et aussi parce qu'il ne parvient pas à comprendre cette coutume Irlandaise d'un autre siècle. Tout rentrera dans l'ordre, d'une façon folklorique et comique, dans une bagarre homérique, pour reprendre l'expression de Michaeleen Oge Flynn... Mais surtout, l'histoire d'amour contée, confiée aux bons soins de John Wayne et Maureen O'Hara, va bénéficier non seulement d'acteurs sublimes, profondément physiques, mais aussi de séquences d'une grande beauté, dans lesquelles le lyrisme purement Fordien, les avantages du lieu (Ce vert! Ces petits murets! ces moutons!), une certaine sensualité (Maureen O'Hara enlève ses bas dans la plus pure tradition érotique du cinéma muet, puis le baiser fougueux dans le cimetière)  les éléments ( Le vent, la pluie) et même un souvenir de cinéma muet (La fameuse séquence en tandem, dans laquelle les acteurs jouent mais ne parlent plus, est jouée comme dans les années 20) vont créer une des plus belles scènes d'amour qui soient... Et qui prend son temps, d'ailleurs, dépassant une bobine: Wayne et O'Hara ont le temps de couvrir beaucoup de terrain, que ce soit en carriole, en tandem, ou à pieds...

Pour finir, les commentaires critiques sur ce film ont souvent semblé décalés par rapport au plaisir qu'on prend et à l'importance du film pour Ford lui-même: oui, bien sûr, ce n'est pas exactement l'Irlande, d'ailleurs les Irlandais n'ont au départ pas vraiment accroché au film, jugé caricatural. Il l'est certainement, même si ce n'est sans doute pas volontaire. Ford était d'origine Irlandaise, pas Irlandais: il n'a pas vécu en Irlande, et s'y est fait des copains, notamment à la faveur de ce tournage, exactement de la façon dont il s'est fait des amis d'une tribu Navajo qui l'a adopté durant ses nombreux tournages à Monument Valley. Il est venu en vacances en Irlande, avec sa troupe (Barry Fitzgerald, Wayne, Mclaglen, Bond, et même dans son avant-dernier rôle, son vieux cabotin de frère Francis Ford) et tous les enfants Wayne apparaissent dans le film... Si à la façon de Flaubert, il est Sean Thornton, c'est comme on devient un personnage quand on joue étant enfant, ou comme on rêve. Comme d'autres films, des très beaux, de Powell ou Minnelli ou Borzage, ce film est beau comme un rêve, qui finit bien, et auquel on a envie de revenir depuis la première fois qu'on l'a vu; c'est un film sacré, d'autant plus sacré que jusqu'à ce début 2013 (Sortie du film dans un superbe Blu-ray aux Etats-Unis chez Olive films) on ne pouvait le voir que dans d'abominables copies toutes plus laides les unes que les autres, et ça, cest désormais du passé! 

Bref, The quiet man n'est pas l'Irlande, cest en tout cas le premier film authentiquement Irlando-Américain, ou Américano-Irlandais: le reflet décalé d'une culture rêvée plutôt qu'authentique... Il donne aussi furieusement envie de partir en vacances à Cong, dans le conté de Galway, et pour ma part je le considère comme un sommet de l'oeuvre de Ford, ayant même l'outrecuidance de considérer que si on n'aime pas The Quiet man, alors on n'aime pas Ford!

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Published by Allen john - dans John Ford John Wayne
10 février 2013 7 10 /02 /février /2013 17:05

John Ford avait quitté la cavalerie en 1950, sur un Rio Grande pas vraiment convaincant dont le principal avantage était d'offrir à la republic Pictures d'Herbert Yates un film vite fait à donner en pature au public, avant d'entamer un autre opus qui lui tenait tant à coeur, The quiet man. Ce petit film inspiré comme l'étaient Fort Apache et She wore a yellow ribbon des récits de james Warner Bellah terminait une trilogie aux résonnances internes nombreuses, et les histoires en étaient tellement proches qu'on irait facilement jusqu'à parler d'auto-plagiat si on ne se retenait pas. Mais avec The horse soldiers, le propos s'éloigne des trois films de 1948, 1949 et 1950: il y est cette fois question de guerre civile: John Wayne y est le colonel d'un bataillon de soldats de l'union qui doivent s'introduire en territoire sudiste afin de préparer une offensive musclée par des opérations chirurgicales de sabotage et de reconnaissance. Il est flanqué d'un médecin (William Holden) avec lequel il s'accroche très vite, pour un oui ou pour un non: les deux hommes n'ont pas la même vision des choses et la présence d'un gradé qui n'est pas vraiment un militaire a tendance à irriter le vieux soldat; alors lorsque ce petit monde se retrouve accompagné d'une femme, Hannah Hunter (Constance Towers), une "Southern Belle" qui les a accueillis le temps d'un bivouac et qui essaie par tous les moyens de leur nuire (Espionnage, évasion, etc), la rivalité entre les deux hommes s'exacerbe...

 

Ce film, situé dans la dernière partie de la carrière de Ford, est loin d'être son meilleur, c'est du reste une cause entendue. L'argument est inspiré du reste d'une anecdote authentique: le raid mené par le Colonel Grierson sur les chemins de fer du Mississippi, et le film se tient à l'écart de tout "westernisme" excessif, en situant l'essentiel de son action dans un sud rural, au plus près du fleuve, et avec une certaine logique géographique: pas de Monument valley cette fois-ci! Le point culminant de l'action concerne ici la deuxième moitié du film, lorsque le bataillon conduit par Marlowe (Wayne) se trouve à la gare de Newton et doit affronter une horde de sudistes appelés en renfort et qui ne sont finalement que de bien pouilleux soldats, et bien sur deux autres moments situés à la fin du film restent en mémoire: la bataille autour d'un pont, qui ne semble pas vraiment inspirer Ford, et surtout une pittoresque charge menée par des cadets d'une école militaire, sans doute le meilleur moment du film, tout en étant inspirée là encore d'un fait réel: des garçons de 8 à 16 ans en uniforme de parade s'attaquent aux troupes nordistes, qui préfèrent fuir plutôt que de risquer de  les tuer...

C'est d'ailleurs là que le bât blesse: on a souvent le sentiment que ce film, pour lequel on est prêt à avoir une grande indulgence, rate sa cible en prenant trop le parti de s'en foutre un peu... C'est lent, la première partie possède peu d'attraits, à part la constante bataille entre les deux héros, et l'impression qui domine est que Ford pousse un peu trop John Wayne à assumer un rôle de monolithique vieux bougon: Ethan Edwards (The searchers), lui, avait au moins une certaine carrure et des circonstances atténuantes.

Mais ce qui sauve finalement le film, c'est inévitablement son image. Non que le film soit d'une grande beauté visuelle; d'ailleurs certains plans apparaissent gâchés par les ombres mal placées, et une fois de plus on est sûr que Ford s'est systématiquement limité à une prise de chaque plan. Non, l'intérêt est ici dans la représentation réaliste, non-spectaculaire, de cette guerre de sous-bois qu'était la guerre de Sécession: les sources citées par Ford ne manquent pas: les tableaux de Kunstler et autres, qui représentent ces petits moments de la vie quotidienne sur le front (Par exemple un bivouac d'officiers nordistes, attablés autour d'un plan, déjà contaminés par la douceur du Tennessee); les photos de Mathew B. Brady, d'ailleurs présent nommément et physiquement dans le film; et enfin les courts métrages de David Wark Griffith, dont Ford cite le type de plan en réglant la première bataille du film en un plan parfaitement orchestré: au centre, un chemin, à droite, de la végétation, à gauche le fleuve. Les Nordistes s'engagent sur le chemin, mais des sudistes cachés dans la végétation les prennent par l'arrière. D'ailleurs le film est marqué par une économie légendaire qui fait mouche dans certains plans; de plus, le réalisme des uniformes (Réglementaires dans le nord, et de fortune dans le Sud, qui dépendait beaucoup des volontaires auto-proclamés aux habits bricolés) renvoie à l'image d'une guerre qui était rappelons-le vécue comme une agression par les citoyens des états du Sud.

Tout dépend donc, avant de voir ou revoir ce film, de ce qu'on en attend. On y passe gentiment le temps, on y voit un reflet relativement authentique de la guerre, mais... si le pittoresque surnage (Cette anecdote des cadets, bien sur, avec cette mère inquiète qui demande à ce que son fils soit exempté contre son gré, par exemple), l'impression qui domine est que tout ça c'est une guerre de gentlemen, qui font tout pour ne pas s'agresser, et on ne peut pas être plus loin de la vérité: tous les historiens s'accordent, et les archives le prouvent, c'était une boucherie sans limite, et le romantisme qu'on a attribué à cette guerre durant un siècle de fiction n'y changera rien... Et le plus embêtant, c'est quand même que le film se traîne!

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Published by François Massarelli - dans John Ford John Wayne
26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 13:44

Monument Valley, John Wayne, la cavalerie, la camaraderie virile, Ben Johnson et Harry Carey Jr, les soucis familiaux au milieu des conflits contre les Apaches, et Victor Mclaglen en Sergent quincannon alcoolique. Cet inventaire renvoie non seulement à ce film, mais aussi à Fort Apache et She wore a yellow ribbon, deux films remarqués parmi ceux que Ford a fait durant les années 50: plus traditionnels dans leur approche (par opposition à l'allégorie Westernienne de Three Godfathers, et à l'égarement d'une adaptation peu convaincante, pour rester poli, de Graham Greene: The fugitive), entièrement situés dans le cadre de la cavalerie à la fin des guerres Indiennes, sur la frontière, à chaque fois symbolisée par Monument Valley. Les trois films ont pour point commun d'être adaptés des nombreux écrits de James Warner Bellah surl'époque glorieuse de la cavalerie.

 

Wayne y est le Colonel Kirby Yorke, en pleine campagne contre les Apaches, qui se sont unis contre le poste frontière, et passent leur temps entre le nord du Rio Grande (Soit les Etats-Unis) et le sud du Rio Bravo (la même rivière, mais coté Mexicain); comme un malheur n'arrive jamais seul, il voit débarquer son fils, qu'il n'a pas vu depuis quinze ans, et qui s'est enrôlé dans la cavalerie suite à son exclusion de West Point. Ils arrivent très vite à un accord: afin de laisser au gamin la chance de faire ses preuves, toute mention du lien de parenté sera bannie, mais il ne faut pas qu'il s'attende en retour à la moindre démonstration d'affection de son père. Et puis, tant qu'à faire, l'épouse de Yorke, Kathleen, qui est séparée de lui depuis 15 ans, débarque à l'mproviste pour récupérer le fiston... Pendant ce temps, les Apaches s'affairent...

 

Il y aurait beaucoup à dire, comme toujours, sur la géographie menteuse de Ford: Monument Valley sur la frontière Mexicaine, il fallait l'oser. Mais le décor, ici permanent, puisque le fort est construit sur un flanc d'une de ces gigantesques Mesas, est un moyen pour Ford de rappeler la présence majestueuse de ces mastodontes de pierre qui continuent à défier le temps, et qui sont le territoire des Navajos. Une fois de plus, le réalisateur (Qui dérogera pourtant à cette règle dans The Searchers) fait d'ailleurs appel à des hommes du cru pour figurer ses trois tribus Apaches qui ont, exceptionnellement, partie liée dans le film. Mais le conflit avec les Indiens passe clairement au second plan, derrière la confrontation de la dernière chance entre Kathleen (Maureen O'Hara, une immense actrice comme chacun sait) son colonel de mari.

Sans doute un peu trop ouvertement conçu comme un galop d'essai pour le studio Republic pictures afin de leur fournir un succès facile avant d'aller en Irlande dépenser les sous du producteur Herbert Yates sur le tournage de The quiet man, le film souffre de baisses de régime, de ces multiples intermèdes de chansons folkloriques interprétées par les Sons of the pioneers, dont on se dit qu'ils ont du payer le réalisateur pour faire leur promotion tellement ils sont présents... Mais comme toujours avec Ford, le film est sans doute décevant, trop copié sur les deux films susmentionnés pour être vraiment intéressant, mais il y a des plans, des gestes, des compositions, qui au détour de chaque scène, rappellent que même en sommeil ou en service commandé, Ford reste l'un des plus grands. La scène ou Mrs Yorke vient rendre visite à son fils, et le temps s'arrête, sur les visages des amis de Jefferson Yorke, qui n'en croient pas leurs yeux d'une telle apparition, ou encore la tendresse lointaine et gauiche manifestée par Kirby Yorke à l'égard de son fils... On ne se refait pas.

 

La morale, c'est que non seulement le film aura un petit succès tranquille et engrangera les espèces espérées par Yates, et par ford qui souhaitait être totalement libre sur son film suivant, mais en prime The quiet man, auquel Ford tenait tant, s'est fait et bien fait. et le trio Wayne-O'Hara-McLaglen a pu s'y retrouver avec les résultats réjouissants que l'on sait...

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Published by Françoic Massarelli - dans John Ford Western John Wayne
9 septembre 2012 7 09 /09 /septembre /2012 16:36

On connait l'anecdote, dont Hawks, plusieurs années après, a fait le prétexte pour réaliser ce film: en voyant High Noon (Fred Zinnemann, 1952), aussi bien Wayne que Hawks auraient été absolument scandalisés de voir Gary Cooper en shériff sacrifié par la communauté, obligé de courir d'une personne à l'autre pour qu'on l'aide à faire son travail... Quels que soient les mérites réels du film de Zinnemann, le fait est que l'idée d'aller pleurnicher pour qu'on l'aide ne fait pas très professionnel. C'est ainsi que la situation inverse se retrouve dans Rio Bravo, dont le héros John T. Chance ne manque pas une occasion de rappeler qu'il n'a pas à s'encombrer d'amateurs pour faire son travail... Mais réduire ce western à cette seule fin politique (Rio Bravo étant dans cette hypothèse la réponse de droite à un High noon de gauche) serait trop réducteur. Rio Bravo est juste l'un des meilleurs westerns qui soient, l'un des meilleurs films de Hawks, et une histoire dans laquelle on est plongé dès la première seconde, et qui ne nous lâche pas jusqu'à la fin de ses 141 minutes.

Dans une petite ville du Texas, John T. Chance intervient dans un saloon pour venir en aide à son adjoint "Dude", un alcoolique qui est la proie des moqueries d'une bande de malfrats payés par Nathan Burdette, riche éleveur sans trop de scrupules. Durant cette intervention, Joe Burdette tue un homme de sang-froid, et est arrêté par le shérif. Chance va devoir garder le bandit en prison, sans que son frère n'intervienne, jusqu'à l'arrivée du marshall. Il est donc amené à soutenir le siège contre le gang Burdette, et par la même occasion, il va devoir faire attention à son adjoint et ami qui a décidé de redevenir sobre, mais aussi à l'arrivée en ville d'une jeune femme, Feathers, dont il tombe amoureux...

La notion de professionnalisme, le plaisir qu'a un homme de faire son travail, et la représentation d'un environnement professionnel dans ses moindres détails sont au coeur de l'oeuvre de Hawks, à égalité avec la notion de groupe masculin. Il y a peu de différences entre Cary Grant dans Only angels have wings et John Wayne dans Rio Bravo: tous deux sont obligés à l'occasion de mettre leurs sentiments de coté. Mais le personnage de John T. Chance finit par être beaucoup moins froid que le patron de l'aérodrome dans le film de 1940. Il a, après tout, charge d'âmes, et en prime il a moins de monde dans sa "famille": Stumpy, un vieux râleur édenté et handicapé dont la fonction première en temps de paix est de faire la cuisine, et en temps de guerre de garder la cambuse; on aura reconnu l'acteur Walter Brennan, que Hawks adorait faire jouer sans ses dents (Voir Red River); Dude, un alcoolique qui a perdu son savoir-faire depuis trois ans à cause d'une femme, mais dont le film raconte le retour des enfers, interprété avec une sensibilité formidable par Dean Martin, qui n'a jamais été aussi bon à mon avis. Enfin, Chance a trouvé en "Colorado" (Ricky Nelson) un reflet de lui-même, un homme jeune, mais à la tête assez froide pour faire exactement ce qu'il faut au bon moment, et avec une philosophie parfaitement adéquate... Tous ces gens font leur travail, et parlent beaucoup, en réduisant le plus souvent la tension palpable (Soulignée par le regard des passants dans cette petite ville en siège) et en blaguant et se chamaillant en permanence: un atout de plus pour le film qui est constamment drôle. La cerise sur le gateau, c'est Angie Dickinson en Feathers, une femme Hawksienne...

Hawks a passé sa vie à dire qu'il n'avait aucun style, et qu'il se contentait généralement de placer la caméra là ou il était le plus logique de la placer. Grande modestie assurément pour un metteur en scène qui était en 1931 capable de se débrouiller comme un poisson dans l'eau avec un style visuel échafaudé, héritier de la façon de faire de Murnau et des autres Allemands (Scarface). Mais en 1959, il n'a rien à prouver, et ses scènes sont effectivement d'un style épuré, qui laisse la part belle à la lisibilité et au travail des acteurs. Il se paie même le luxe d'une exposition en 5 minutes totalement muettes, qui permettent pourtant d'établir l'alcoolisme de Dude, sa relation père-fils avec Chance, le danger représenté par la bande Burdette, et les deux aspects de la vie quotidienne pour les deux héros: maintenir l'ordre, et préserver les copains... Un superbe début de western, qui ne peut pas se raconter.

Quant à la fameuse réponse supposément conservatrice de Hawks à Zinnemann (qu'il n'aimait assurément pas, mais compte tenu des idées de l'un et de l'autre, on s'en doute un peu), elle est moins radicale qu'il a bien voulu le dire. Bien sur, on notera que c'est à Ward Bond qu'il revient de jouer le rôle de Pat Wheeler, l'ami de Chance qui lui suggère benoîtement de trouver de l'aide, ce qui va permettre à Wayne de dire aussi clairement que possible qu'il est un pro, et n'a pas besoin de s'encombrer de bras cassés, qu'il faudrait protéger au lieu de faire le boulot... Bond, ami de Wayne depuis l'université, ou ils ont joué au football ensemble, partageait de façon claire les idées fort droitières de Hawks et surtout de John Wayne, mais le film n'est pourtant pas le pamphlet politique qu'on attendrait... d'une part, la notion de professionnalisme de la police est beaucoup moins marquée à droite aux Etats-unis (Rappelons que la droite Américaine, à l'instigation des marchands d'arme et de la NRA, préconise purement et simplement que le citoyen se substitue à la police selon le deuxième amendement à la constitution!); d'autre part, Wayne, Martin, Brennan, Nelson et Dickinson évoluent dans un univers marqué par la fraternité et la générosité. au plus dur du combat, Chance se retrouve avec tout le monde autour de lui, dont Stumpy auquel il a demandé de rester à l'écart à cause de sa jambe, et il a même les services inattendus de l'hôtelier Carlos! Toute une famille, quoi...

Sauf que cette famille-là joue avec la dynamite.

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Published by François Massarelli - dans Howard Hawks Western John Wayne
17 août 2012 5 17 /08 /août /2012 18:28

How the west was won est un objet bien encombrant, dont il est difficile de savoir quoi faire; c'est un western, qui couvre un ensemble de sujets particulièrement spectaculaires (Les débuts des déplacements vers l'ouest des pionniers, la ruée vers l'or, l'implication des gens de l'Ouest dans le conflit Nord-Sud, l'expansion due à la construction du chemin de fer, et enfin la fin du banditisme et des guerres Indiennes), sans en approfondir aucun, une collection d'entrées et de sorties, d'allées et venues de stars (James Stewart, Henry Fonda, Richard Widmark, George Peppard, Debbie Reynolds, John Wayne...) et se pose comme l'histoire d'une famille depuis la rencontre sur une rivière entre Eve (Bien entendu) Prescott et Linus Rawlings, elle une fille de fermiers et lui un trappeur, rencontre symbolique entre l'esprit d'aventure et la volonté de bâtir en profondeur donc...

 

Confié à trois metteurs en scène (Ainsi qu'à Richard Thorpe pour quelques transitions), le film est surtout le prétexte à montrer des morceaux de bravoure en Cinerama, depuis la descente mortelle des rapides jusqu'à l'attaque du train en passant par le stampede fatal des bisons... Marshall a pour charge l'épisode durant lequel les incidents émaillent la progression de la construction du chemin de fer, Hathaway a pour sa part signé le plus gros du film: trois épisodes, dont le premier (le meilleur?) situé sur les rivières; Ford laisse sa marque de façon évidente sur l'épisode de la Guerre Civile: sentimental, marqué par la mort des deux protagonistes du premier épisode, le réalisateur semble nous indiquer à quel point le guerre civile entre les Etats de l'est a profondément changé les mentalités de tous les Américains, provoquant une rupture émotionnelle y compris dans l'Ouest... Il en profite aussi pour représenter un duo de généraux, Grant et Sherman dont l'éternel second laconique, qui suit le premier comme un petit chien, est interprété par John Wayne. Les commentaires sur l'alcoolisme invétéré de Grant sont ils une private joke sur Wayne et Ford? Pour le reste, on ne va pas faire trop grand cas de cette Guerre civile; c'est du Ford, mais on n'est pas devant The Searchers...

 

Pour conclure, si How the west was won n'a rien d'un grand western, la sortie de la version blu-ray présentant une recréation de l'effet original du cinerama, sous la forme d'un écran "Smilebox", rend le visionnage extrêmement plaisant: peu importe que le film ne soit qu'une succession de moments faciles, c'est un musée dont le parcours est une source de plaisir... coupable.

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Published by François Massarelli - dans John Ford Henry Hathaway Western Filmouth John Wayne
23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 16:54

Le Screen director's playhouse consistait en une série de courts métrages réalisés pour la télévision par des metteurs en scène de renom, certains en bout de course (Frank Borzage réalisera ainsi deux films durant sa traversée du désert) d'autres en pleine activité, et non des moindres: Ford, Dwan ou même Ida Lupino vont ainsi s'illustrer, dans des exercices soignés, dont ils auront le plus souvent choisi les scripts. Dans ce court métrage, Ford a choisi de s'intéresser à la légende et à la distortion nécessaire de la réalité... Ce qu'il a souvent fait par ailleurs, voir à ce sujet les deux longs métrages Fort Apache et The man who shot Liberty Valance. Mais il le fait ici hors du cadre westernien, même si le complice John Wayne est lui bien là: il interprète un journaliste sportif à la recherche d'un scoop pour améliorer sa situation et qui découvre qu'un joueur de base-ball, étoile montante, ressemble bien à un autre joueur mythique qui a disparu de la circulation après un scandale: faut-il le révéler, et menacer le bien-être du sportif, ou se taire par respect, et voir échapper le scoop?

Même mineur, un Ford peut être diablement séduisant, ce film en est la preuve. Autour de Wayne, il a convoqué Vera Miles qu'il va retrouver pour The searchers, mais aussi le vieux James Gleason, qui est excellent; ce film est un court métrage, certes, mais il est plus soigné que d'autres films longs du maitre...

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Published by François Massarelli - dans John Ford John Wayne
17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 17:25

Tourné après My darling Clementine, puis The Fugitive, et enfin The three Godfathers, soit une période durant laquelle certains accusent Ford (Lindsay Anderson en tête) de se laisser aller à la facilité, Fort Apache inaugure une trilogie de films sur la cavalerie qui seront tournés en trois ans: deux pour la RKO, celui-ci et She wore a yellow ribbon, et un pour la Republic (Rio Grande) en préparation d'un film plus important au coeur de Ford: The quiet man. Outre John Wayne et certains acteurs qui se retrouvent d'un film à l'autre (Comme d'habitude, dans des combinaisons diverses: Victor McLaglen, Ward Bond, l'insubmersible Jack Pennick et la discrète Mae Marsh), les trois films sont tous inspirés de l'oeuvre de James Warner Bellah sur la cavalerie, et se passent à l'époque des guerres Indiennes. Enfin, Wayne y incarne à chaque fois plus ou moins le même homme, à des ages variés, et avec des variations subtiles d'un film à l'autre: ici, il est Kirby York, dans le suivant il sera Nathan Brittles, enfin dans Rio Grande, il répond au nom de Kirby Yorke...

Quelques années après la Guerre Civile Américaine (Egalement connue sous le nom de Guerre de sécession), Thursday (Henry Fonda) un ambitieux ex-général, désormais réengagé sous le grade de colonel, se rend à son poste d'affectation, un fort perdu sur la frontière, en plein territoire Apache. Une fois arrivé, il essaie de mettre bon ordre à une organisation qui n'est pas de son gout, la communauté du fort vivant sous la responsabilité du capitaine Collingwood (George O'Brien) dans un relatif confort humain par trop affectif selon lui. Il s'oppose systématiquement à Kirby York (John Wayne), un subalterne avec une grande connaissance des Apaches, et va déclencher par son aveuglement des hostilités d'une façon irrémédiable, précipitant le bataillon dans le chaos. Par ailleurs, il va aussi combattre un jeune lieutenant s'origine Irlandaise et modeste (John Agar) qui courtise sa fille (Shirley temple)...

Si le meilleur des trois films, bénéficiant d'un scénario plus rigoureux, et de la couleur, sera She wore a yellow ribbon, on est avec ce Fort Apache devant un objet fascinant, un film de Ford sombre et lyrique, qui explore conjointement deux thèmes: d'une part, comme il le fera de façon plus accentuée encore dans les deux suivants, il montre la vie dans la communauté d'un fort, le quotidien militaire, avec humour, parfois peut-être trop d'indulgence aussi: de nombreuses anecdotes renvoient à la saoulographie des sergents Irlandais et consorts, emmenés par Victor McLaglen et Jack Pennick... d'autres intermèdes, notamment musicaux, rappellent que pour cette production Argosy, Ford était son propre maitre, et menait son film comme il le souhaitait: il ya donc une chanson sentimentale Irlandaise, et des passages de folklore dont on aurait peut-être pu se passer. 

Mais à coté de tout ce fatras sympathique, Ford réemploie la légende de George Armstrong Custer, héros de la guerre de Sécession, pour le Nord, et saisi par le virus politique après la guerre, mais qui a essuyé revers sur revers, au point de finir sa vie dans l'armée ou il souhaitait se refaire une réputation par un coup d'éclat. Il entendait en vérité mener une bataille décisive contre les Indiens (Dans son cas, une rare alliance de Sioux, et de Cheyennes), quelque fut leur nombre, en misant sur sa supériorité naturelle puisqu'il était blanc. Que Custer ait donc été massacré dans ce qui reste la seule vraie victoire militaire des Américains natifs, c'était inévitable, j'ai même tendance à penser que c'était totalement mérité. Mais c'est aussi de ce genre de stupidité assumée que sont faits les héros chez les mirlitaires... Thursday, insupportable baderne joué avec un plaisir évident par un Fonda qui rêvait d'échapper à son image de jeunôt un peu naïf, est donc un démarquage ambigu de Custer, dont Ford se garde bien de faire un monstre. Tout au plus le rend-il volontiers antipathique, hautain, pétri de préjugés de la bonne société de Nouvelle-Angleterre face à ces Irlandais qui croient pouvoir s'élever socialement, ignare en civilisations Indiennes, et aveugle à la tragédie dont il va se rendre coupable.

Comme il le fera dans The man who shot Liberty valance, Ford n'hésite pas à nous montrer que la légende prend systématiqueemnt le pas sur la réalité; si la folie du colonel Thursday a poussé les hommes qui lui ont survécu à changer leur vision de l'armée, c'est après tout un peu grâce à lui... "Print the legend": à la fin du film, des peintures glorieuses ont rendu Thursday célèbre jusqu'à Washington. Pour sa part, il a assuré sa descendance en évitant de sacrifier à ses côtés le jeune coq dont pourtant il ne voulait pas pour sa fille.... A coté, Ford retrouve avec plaisir Monument Valley pour la troisième fois, après Stagecoach (Dont il copie sans vergogne la fameuse attaque de la diligence), et My darling Clementine. Forcément, le film n'est est décidément que plus regardable encore...

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Published by François Massarelli - dans John Ford Western John Wayne
17 mai 2011 2 17 /05 /mai /2011 18:34

Le dernier film de Michael Curtiz est donc un Western, dominé par un John Wayne en forme ! C’est si je ne dis pas de bêtise le septième western d’un auteur touche-à-tout, qui a su trouver dans les paysages du sud Texan (et les contreforts magnifiques de Monument Valley) un décor lyrique à souhait. Chez lui, le western a toujours été plus le théâtre des passions (Santa Fe trail, Virginia City, Bright Leaf, Proud Rebel...) que le conte de civilisation... En coulisses, un étrange ballet a eu lieu. John Wayne, qui n’allait pas tarder à se laisser rattraper par le cancer, a remplacé au pied levé un Curtiz qui souffrait de plus en plus, et qui allait décéder à la fin du tournage. Cet échange venait en plus d’une longue période de préparation qui avait vu le film et les rôles principaux passer de main en main. Ni Wayne ni Curtiz n’étaient présents sur le projet à la base, ils vont toutefois marquer le film tous les deux…

1843, Galveston Bay, Texas. Le Texas Ranger Jake Cutter (Wayne) arrête un homme, Paul Regret (Stuart Whitman) : il a tué un homme, le fils d’un notable, au cours d’un duel en Louisiane. Cutter tente de ramener le jeune homme, avec lequel il sympathise, mais il s’évade. Quelque temps après, alors que Cutter tente d’infiltrer une bande de Comancheros, des bandits ayant fait alliance avec les Comanches, il tombe de nouveau sur son prisonnier. Il va désormais s’allier avec lui afin de mener à bien sa mission…

Bien sur, John Wayne tire la couverture à lui. Texan jusqu’au bout des ongles, il est présenté comme un homme déjà acquis à la cause de l’union (Le Texas n’en fait pas encore partie à cette époque, et est une république indépendante); il est patriote, le dit, et a à cœur de respecter et faire respecter la loi avec droiture, quitte à faire de petits arrangements le cas échéant, mais tout cela reste bon enfant. Wayne est déjà en train de peaufiner ses futurs rôles de patriarche bourru, même si une idylle enfouie semble surgir à la faveur d’une pause, ce que ne manque pas de relever Regret. Le film anticipe donc sur les productions de McLaglen…

…mais il reste un film de Curtiz, même si celui-ci a sans doute eu des difficultés bien compréhensibles sur ce tournage. Si le Texas romantique est bien celui de Wayne, si le décor magnifique renvoie à Ford (Bien que Monument Valley soit vu souvent d’un autre angle, des collines environnantes notamment, avec de la pelouse !!), et si une scène d’approche renvoie encore plus directement à The searchers, Curtiz a fait du parcours de Paul Regret l’itinéraire d’un dandy, un gentleman, qui a tué un homme, parce qu’il était provoqué en duel, mais avoue qu’il a mal visé! Un gentleman Sudiste, pris malgré lui dans une lutte qui ne le concerne pas, et qui le moment venu fera les bons choix, c’est bien du Curtiz. Du reste, avec un Texas ranger qui accepte de le laisser filer à la fin, la cavale de Regret n’est pas finie, loin de là… Le choix d'ouvrir en Louisiane donne d'ailleurs un relief qu'il n'aurait pas eu à regret si le film avait commencé à Galveston Bay, et une fois de plus renvoie au propre exil de Curtiz, qui a marqué tout son cinéma. On remarquera aussi la présence de Guinn Williams, qui a joué dans plusieurs de ses westerns, ainsi que chez Borzage et Ford à la fin du muet.

Bien qu’il soit violent, et qu’on touche avec les "Comancheros" à des tortures graphiques (ils adorent laisser rôtir leurs prisonniers au soleil…), le film est totalement distrayant, plein de péripéties. Wayne doit se déguiser, mais oui, et l’épisode avec Lee Marvin en matamore brutal et alcoolique est un mélange de suspense et de picaresque qui bénéficie d’une mise en scène brillante: à une table de poker, magnifiquement éclairée, Cutter va de nouveau rencontrer son prisonnier évadé. A coté, les scènes d’action pêchent un peu par leur mollesse et le fait qu’on en voit un peu trop les coutures, sans parler de ses gens qui tombent de cheval de façon un  peu trop chorégraphiée. Même s’il faut être indulgent avec le capitaine du navire, on se dit quand même qu’on est clairement à la fin d’une carrière. Ces scènes sont l’œuvre de metteurs en scène de seconde équipe, pas de Curtiz ni de Wayne. Un autre problème est que le film est marqué par les anachronismes: Les armes utilisées n'existaient pas en 1843, et les costumes du western traditionnel renvoient plutôt à 1885. La première scène située en Louisiane détonne, tout comme Wayne fait tâche dans le bateau à aubes... Mais une fois qu'on est dans l'Ouest, on se laisse aller, tant pis pour les dates...

Néanmoins, le film a l’étoffe d’un petit classique, ce qui n’est pas rien, compte tenu de la fin de carrière souvent problématique de l’immortel auteur de Casablanca… il peut donc rejoindre le cercle fermé des autres réussites de Curtiz dernière manière, auprès de King Creole: un autre film Fox! Wayne a refusé d'être crédité au générique pour sa contribution, afin de rendre hommage au grand réalisateur, un geste fort, qui scelle la réussite d'un film qui ne bouleverse rien, mais qui est un plaisir qui n'a rien de coupable.

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz John Wayne