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29 septembre 2023 5 29 /09 /septembre /2023 22:17

Tourné en 1946, monté et déposé en 1947, et sorti en fin 1948... ce film tend à prouver que hawks aimait à prendre son temps... Mais il ne s'agit pas ici seulement de commenter la production compliquée d'un western hors-normes qui entendait changer un peu la face du genre, mais aussi de prendre en compte la façon dont, dans tant de films et en particulier ses westerns, (celui-ci étant le premier qu'il achèvera seul), les personnages sont lents, méthodiques, appliqués... Ce qui leur donne une efficacité imparable.

Tom Dunson (John Wayne) désire monter un ranch au Texas, mais en partant en compagnie de son assistant Nadine (Walter Brennan) pour accomplir son rêve, il apprend la mort de sa fiancée dans un raid indien... Sur les lieux de l'attaque, il recueille un rescapé, un adolescent choqué, chatouilleux... et armé. Les trois se mettent en route pour créer le ranch Red River D. Les années passent, l'adolescent, Matt, est devenu un homme (Montgomery Clift), et Dunson en est fier. Mais les temps sont durs, et une solution pour se tirer des ennuis est de se rendre dans le Missouri pour y vendre du bétail... Le voyage s'avérera difficile, car non seulement les éléments extérieurs (bandits, attaques d'indiens, une caravane rencontrée en chemin) compliqueront les choses, mais la relation entre Matt et Dunson s'enveimera jusqu'à la rupture...

voilà un film exceptionnel, qui commence à l'écart du monde et semble ne jamais vouloir se reconnecter à la moindre communauté établie. Dunson, son copain et son fils adoptif semblent avoir vécu leur vie entière dehors, au soleil, et on ne les verra jamais dans une ville, attablés dans un saloon, ou dans quelque endroit "civilisé que ce soit... Ni ville, ni ville fantôme, ce qui s'y apparente le plus serait sans doute la caravane et ses chariots. Il s'en dégage une impression de liberté totale qui traduit bien l'idéal romantique d'une vie à la dure, d'une quête perpétuelle du bout de la prarie, là où l'herbe se fait remplacer par les constructions. Un monde qui tend vers la civilisation, donc, mais sans jamais l'atteindre car une fois atteint ce rivage, l'histoire ne sera plus la même. Le film en devient donc l'égal de ces grands films fondateurs du genre que sont The covered wagon (James Cruze), Three bad men (John Ford), The big trail (Raoul Walsh), ou d'autres classiques qui offrent une réflexion romantique et amère sur la perte de l'innocence et de la liberté de l'ouest, notamment The searchers, de John Ford...

En cherchant à construire cette épure du western, il peut nous sembler normal voire évident que Hawks ait choisi de confier à John Wayne, encore jeune (il se vieillira pour une bonne part du flm afin de coïncider avec l'âge de son personnage), le rôle principal de son film. Aujourd'hui, derrière son conservatisme alarmant, le bonhomme est encore qu'on le veuille ou non un symbole de cette image du cow-boy, épris de la liberté, qui s'épanouit plus en cherchant la fortune qu'il ne le fera jamais en la trouvant, et qui finit par se fondre dans un environnement hostile dont il saura prendre et célébre le meilleur. Mais voilà, il restait à Wayne à écrire ces pages du western, un genre où à l'exception des films de Ford et de Walsh (en particulier The big trail en 1930) pour lequel il n'avait quasiment tourné que des séries B voire des navets... Quand il tourne Red River, il n'a pas encore participé à la trilogie de la cavalerie, à The Searchers, Hondo, et tant d'autres films... Au même titre que Stagecoach, Red River sera donc une oeuvre majeure pour sa carrière.

La façon dont Hawks présente l'équipe (composée principalement mais pas uniquement de trois personnages) est typique de son oeuvre: là où d'autres (Curtiz, par exemple) auraient préféré exposer les personnages rapidement en ayant recours à des types (Alan Hale et Guinn Williams, dans Dodge City, sont de pittoresques faire-valoirs unidimensionnels, qui se différencient considérablement du valeureux Irlandais au sourire suave de Erroll Flynn... Lui aussi est un stéréotype bien pratique. Pas ici: les personnages n'en finissent pas de se définir, et de se dévoiler lentement, dans une approche pourtant ni naturaliste ni psychologique... Tout est dans l'art de la digression, comme je le disais: ces gens se définissent dans le travail, dans l'action, la décision froide, mais réfléchie et jamais précipitée. C'est d'autant plus notable que bien souvent les personnages de Wayne (notament dans les films qu'il produira, qui seront souvent marqués d'un sceau très idéologique de droite, voire libertarien avant l'heure) finiront par être un rien trop infaillibles dans leur jugement, dans leur radicalisme aussi. Mais Tom Dunson, marqué au fer rouge par la perte d'un être cher, est un homme qui garde jusqu'au bout du film le droit de mener sa barque en se trompant...

Dans cet art consommé de la digression érigée en fil narratif, on ne peut que remarquer et souligner, d'un côté le rôle primordial joué par Walter Brennan, auquel il suffit d'enlever son dentier pour apparaître plus vieux... Véritable conscience de John Wayne, il effectue dans certaines versions du film la narration avec un certain bonheur. Il commente tout, mais on évite toute redondance un peu trop pittoresque justement parce qu'il humanise le héros, en lui conservant son amitié, mais surtout en montrant que ses errements et sa colère sont motivés, justement, par la perte. Et l'autre partie de ce fil digressif concerne le personnage de Matt, le comlice et l'héritier, qui complère Dunson, mais s'oppose à lui quand ça lui semble légitime. Et justement, c'est ce qui fera le sel du film dans sa deuxième moitié... Mais Matt est également un adolescent à peine grandi, où Hawks va aussi bien mettre des qualités de professionalisme et matière de maniement d'arme, qu'on retrouvera chez d'autres (Ricky Nelson dans Rio Bravo, et James Caan dans El Dorado), qu'une certaine tendance à dégainer pour frimer, voire des allusions à certaines manies adolescentes ("ton bras pour tirer fonctionne bien?" "oui, je m'entraîne tous les soirs"...). Au-delà donc de la fascination de Hawks pour le travail des cow-boys dans la prairie, et de la façon dont Wayne joue un homme qui porte en lui une impression de responsabilité telle qu'il s'arroge le droit de vie et de mort sur ses employés, le film devient le conte d'une confrontation entre un homme et son fils adoptifs, une querelle liée aussi bien à un héritage matériel (le ranch, les bêtes) que culturel (l'ardeur au travail, la loi de la prairie)... 

Et plus que tout, à travers ce conte en liberté et au grand air, c'est la naissance, après vingt ans de comédies, films de gangsters, films noirs et films d'aventure, d'un maître du western, qui n'allait pas en tourner beaucoup (trois autres, j'en exclus The Big Sky dont la période n'est pas celle du "Wild West"), mais en délivrer deux chefs d'oeuvre absolus. Celui-ci est donc le premier... Un film dans lequel l'impulsion d'aller vers l'Ouest, cet appel fondamental de l'aventure, se retrouve dans deux hommes, un ancien, qui court après tout ce qu'il a gagné puis perdu, mais qui refuse de remettre en question son approche fondamentale, à la dure, et un jeune, un homme d'avenir élevé à la dure mais foncièrement adaptable, adepte aussi bien des armes que de la négociation, et qui porte en lui l'espoir d'un ouest pacifié, dompté, et civilisé. Un conflit de génération qui se mue en une parabole de la construction d'un monde, il n'y a pas de meilleur sujet pour un western.

 

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Published by François Massarelli - dans John Wayne Howard Hawks Western Criterion
19 mars 2023 7 19 /03 /mars /2023 09:55

Le capitaine Wilder (John Wayne) travaillait sur les ports Chinois, principalement à Hong Kong, lorsque les Communistes ont pris la Chine... Depuis, il est en prison, où il tient le coup grâce à une amie imaginaire, une femme qu'il appelle Baby et avec laquelle il dialogue en permanence. Quand le film commence, il est en plein plan d'évasion: retenu depuis plusieurs années, il a décidé de suivre les conseils de mystérieux amis qui l'ont fait prévenir qu'ils avaient lancé une opération pour le sortir de sa geôle... Il sort et rejoint le mystérieux groupe de "résistants", les habitants d'un village qui se rebellent contre le nouveau pouvoir en place, et la fille (Lauren Bacall) d'un médecin Américain en disgrâce avec le nouveau pouvoir...

John Wayne et Lauren Bacall: on pourrait s'arrêter là, tellement l'attelage parait improbable, ce qui n'est pas un commentaire sur les capacités de l'un ou de l'autre, juste un constat d'évidence: ces deux-là, deux mythes, deux monstres sacrés, ne vont pas bien ensemble... Pourtnat tous deux amis proches de Howard Hawks, mais voilà, probablement étaient-ils suffisamment ennemis politiquement parlant, pour ne pas pouvoir trop passer de temps ensemble. Et si Wayne (producteur du film pour sa compagnie Batjac) a toujours apprécié de travailler aussi bien avec des partenaires qui sont des femmes fortes, et avec des gens qui ne partageaient pas ses idées conservatrices, extrêmes voire indignes (ce qui n'est pas le sujet), ici, le fossé entre eux a du être infranchissable... Et ça se voit, ou du moins ça se sent. Aucune tendresse, aucune alchimie entre eux. Quand elle lui avoue ses sentiments, elle jette la réplique comme si c'était pour s'en débarrasser. Impossible, ne serait-ce que d'imaginer que le personnage, tout à ses conversations avec "Baby" (une idée qui prend mille fois trop de place, mais j'y reviendrai), pense un tant soit peu à cette jeune femme qui l'a fait libérer...

Pour le reste, c'est de l'aventure, avec un enjeu qui sied à ce genre de film: un capitaine un peu trop bourru se voit dans l'obligation morale d'aider un groupe de villageois victimes des abus des communistes à s'enfuir par le détroit de Formose (c'est "l'allée sanglante", 450 kilomètres, du titre), et se prend d'affection pour ces gens au fur et à mesure du déroulement complexe de sa mission... Une intrigue qui peut nous fédérer le temps de deu petites heures, mais dont les pauses justement (les tentatives de comédie, d'un style très habituel à ce à quoi Wayne nous a habitués) sont autant de moment navrants et parfois à la limite de la stupidité... Wayne, producteur, avant engagé Wellman pour lui affirmer son approbation après trois films (Island in the sky, The high and mighty, Track of the cat) qu'ils avaient faits ensemble, lui laissera signer le film, mais il est évident ici qu'il a pris les commandes, voire très probablement assumé une partie de la mise en scène. Il en reste quelques beautés: Wellman s'est intéressé à l'esthétique du Cinemascope, et son aventure maritime, qui reproduit les mers de Chine en Californie du Nord, ne manque pas de cachet; comme à son habitude, le metteur en scène choisit de surprendre (on commence le film par l'incendie d'un matelas dans la cellule de John Wayne, à demi-fou!) ou de frustrer (l'exécution sommaire d'un violeur, située à la fois dans le champ et hors champ, il fallait le faire, mais avec une baïonnette, on peut) son spectateur. Il en reste aussi un anticommunisme assumé, violent, sans doute justifiable d'un point de vue Chinois, chez des gens qui se sont vus dépossédés de tout. Un peu moins quand même pour des Américains... Et surtout, c'est quoi le communisme? Le film, en tout cas, nous dit que c'est mal... Très mal même. Mais on n'en saura pas plus...

Bref: le communisme est un prétexte bien pratique pour motiver les bourre-pifs.

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Published by François Massarelli - dans William Wellman John Wayne
17 février 2023 5 17 /02 /février /2023 08:33

A deux pas du désert, un homme seul et sans cheval (John Wayne) arrive dans un ranch, dont la propriétaire (Geraldine Page) l'héberge. Elle attend son mari parti on ne sait où, et elle a un petit garçon de 6 ans, qui très vite se lie avec Hondo Lane, l'étranger. Celui-ci leur dit de faire très attention, car les Apaches, qui vivent en bon voisinage avec eux, sont furieux à cause du comportement du gouvernement à leur égard. Quand Hondo part, il indique clairement à son hôtesse qu'il la désire...

Pendant qu'il est loin du ranch, les Apaches, menés par le chef Vittorio (Michael Pate), font une visite menaçante à Mrs Lowe, mais la présence du garçon inspire le chef, qui décide d'en faire un guerrier, garantissant la protection de l'enfant et de sa mère. Pendant ce temps Hondo rencontre le mari, qui est un bon à rien, et le tue pour se défendre...

C'est un prototype, celui des westerns "idéologiques" qui seront pondus par Wayne et sa compagnie Batjac, souvent avec Andrew McLaglen aux commandes; ici, l'idéologie est une sorte de version glorifiée d'un libertarisme absolu! Hondo, d'ailleurs, le professe sans cesse, donnant lieu à des scènes dont une en particulier est célèbre: votre enfant ne sait pas nager? flanquez-le à l'eau! Il veut caresser le chien? Laissez-le faire, il sera mordu et n'y reviendra pas. Le personnage de Hondo traverse tout le film avec cette assurance, et comme Wayne est aux commandes du film, qu'il a produit, il a toujours raison, et je dois dire que c'est assez exaspérant...

Sinon, le personnage, situé dans la carrière de Wayne alors que l'âge commence à se faire sentir, mais pas l'embonpoint, est aussi un brouillon de ce que fera John Ford avec Ethan Edwards, un indépendant absolu. Mais Hondo n'est pas, contrairement à Edwards, un raciste invétéré et motivé par une haine des Indiens: il a, le répète-t-il, du sang et de la culture Apache; il a vécu comme eux, et les comprend... Et il laisse la "civilisation" s'installer, mais non sans regret, car il reste admiratif de la culture Apache. Le film fait donc partie de ce courant ouvertement soucieux de rectifier le tir sur les nations Indiennes, et même s'il le fait avec une certaine gaucherie, c'est un aspect intéressant...

Pour le reste, Wayne producteur a piqué certaines méthodes de son mentor John Ford, et on verra ici quelques ratés (un cheval qui glisse dans un plan large, n'importe quel metteur en scène aurait refait le plan, mais la méthode Ford, non!), et des cascades où Yakima Canutt n'essaie même pas de ressembler à John Wayne... Enfin, le film était en 3D à sa sortie, attendez-vous donc à une dizaine de lances, couteau, tomahawks lancés vers l'écran...

 

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Published by François Massarelli - dans Western John Wayne
6 juin 2022 1 06 /06 /juin /2022 17:15

Juin 1944, d'un côté de la Manche, on se prépare à un débarquement imminent, pendant que de l'autre côté on redoute ce qu'on appelle une "invasion". Nous assistons aux préparatifs des forces Américaines et Britanniques, aidés par les français et soutenus par le travail sur place de la Résistance, pendant que les Allemands se divisent entre incrédules et réalistes...

Darryl F. Zanuck, ancien nabab de la Fox, est à la manoeuvre sur ce film qu'il a intégralement porté, allant jusqu'à en superviser personnellement la production sur place, et du même coup en assumer une part de la réalisation. On voit très vite qu'on est face à un objet cinématographique peu banal, un filmouth de guerre particulièrement spectaculaire, en même temps qu'un film visant à opérer deux travaux de première importance: d'une part, célébrer l'esprit de la libération, de la fin d'une guerre ressentie comme plus grave et plus douloureuse que les autres; d'autre part, filmer sur les lieux même de l'action tant que c'est encore possible, avec des lieux qui en 18 ans n'ont pas tant bougé que ça... Un double voeu louable, donc, qui nous incitera à passer sur les défauts évidents de la chose: d'une part, une structure entièrement centrée sur le débarquement comme étant le climax ultime du film, qui doit après les séquences d'Omaha Beach survivre pendant les 70 minutes qui restent!

Sinon, des petits soucis de continuité récurrents, et des incrustations défaillantes, viennent s'ajouter à la parade de stars: John Wayne, Henry Fonda, Robert Mitchum, Bourvil, Arletty, Richard Burton, et il y en a plein d'autres. Pourtant ça débouche sur une forte sympathie à l'égard des personnages, qui sont, compte tenu de la situation, vie en place et assez développés pour permettre un visionnage intéressant. 

Passons aussi sur l'impression très gaulienne que l'on soit face à des alliés valeureux, des français utiles, et bien sûr une population intégralement résistante. Peu de nazis parmi les allemands, il y a surtout des pragmatiques, dont Curd Jürgens qui montre tout son mépris à l'égard d'un chef oublieux qui demande depuis sa forteresse qu'on ne le dérange sous aucun prétexte: bref, pas d'idéologie, mais des faits. Ceux-là sont d'autant plus lisibles qu'on peut les voir situés dans les lieux même où ils se sont déroulés, d'Omaha Beach à Ste-Mère-Eglise, en passant par Ouistreham et son casino. Pour ajouter à cette impression de voir l'Histoire en marche (ce qui était clairement l'intention de Zanuck), quelques séquences utilisent des panoramiques impressionnants (Omaha Beach, avec la caméra qui suit la progression des soldats depuis la mer jusqu'à la ligne de défense Allemande), et des vues aériennes, dont une qui est une splendeur: motivée par le point de vue des aviateurs Allemands dégoûtés par leur hiérarchie qui font juste un passage histoire de dire qu'ils étaient là, elle offre une vue de la plage envahie de soldats alliés qui tentent de se protéger de l'attaque, et c'est impressionnant...

Reste deux commentaires qui sont souvent faits sur le film: d'un côté, c'est le produit d'une époque qui vit encore dans la suite des événements directs, une époque durant laquelle on ne questionnera pas la Résistance des français, mais une époque aussi durant laquelle on n'aurait jamais vu des salauds comme Eric Zemmour, Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan sur tous les médias pour glaner les suffrages des électeurs. De l'autre, il est de bon ton de rigoler devant la vision du débarquement en le comparant à la version ultra-réaliste de Steve Spielberg réalisée pour le film Saving Private Ryan quelques décennies plus tard. C'est une erreur: les choix de Zanuck sont non seulement liés à des limites techniques (Spielberg bénéficie à cet égard des fruits d'une recherche très poussée, et de conditions tellement plus confortables qu'en 1962), mais aussi à des choix narratifs très précis: celui, en particulier, de fournir tous les points de vue, celui des alliés (comme le film de Spielberg) et celui des Allemands, ce que Private Ryan ne faisait pas du tout. On n'est pas dans la narration d'une guerre à travers chaque impact de balle, mais devant une tentative de recoller tous les morceaux d'une Histoire glorieuse, avant que le temps ne fasse un peu trop son oeuvre, tout en laissant libre cours à une évocation balisée des images d'Epinal: le soldat coincé sur un clocher à Ste-Mère-Eglise, les bottes à l'envers, Fernand Ledoux qui saute de joie à l'annonce du débarquement, malgré les bombes qui détruisent sa maison, ou encore le jeu autour des significations de messages radiophoniques ("Blesse mon coeur d'une langueur monotone"). Et puis, l'officier Allemand qui décide de regarder depuis son bunker dans ses jumelles, une dernière fois avant de passer à autre chose, et qui voit des milliers de bateaux.

 

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Published by François Massarelli - dans Filmouth John Wayne
18 avril 2022 1 18 /04 /avril /2022 19:07

Curieux comme ce film pourtant situé fermement dans les milieux du cirque finit par épouser les contours reconnaissables du film musical... Mais c'est pourtant vrai que tout ici tourne autour d'un spectacle collectif à créer, des galères inévitables, des traîtrises, des alliances, des coups durs et des coups de théâtre, comme avant lui, disons, Footlight Parade, 42nd street ou The Bandwagon...

Au début du XXe siècle, Matt Masters (John Wayne) est l'heureux propriétaire d'un cirque western au succès phénoménal: il a décidé de tenter l'aventure d'une tournée Européenne, mais le bateau sombre à son arrivée à Barcelone. D'abord engagés dans une autre tournée, Masters et son équipe vont essayer de retourner à la base du cirque, en en créant un nouveau, spectaculaire, à la mode Européenne...

En même temps que ces péripéties, le film nous conte la difficile filiation d'une jeune enfant de la balle, Toni (Claudia Cardinale) dont le père serait mort, et la mère (Rita Hayworth) s'est enfuie. Matt, qui l'a élevée, en sait bien plus et cache des secrets...

C'est un film de pur plaisir, du plaisir familial de 1964, donc c'est d'une grande sagesse. Hathaway, qui a déjà dirigé les bagarres de John Wayne dans North to Alaska, se fait plaisir en remplissant très simplement son cahier des charges: du cirque, quelques larmes, des incidents et des numéros spectaculaires. Parmi les premiers on notera un naufrage inventif et un incendie gâché par des transparences coupables... Dire que ce film a eu une genèse troublée, avec Nicholas Ray, puis Frank Capra avant que Hathaway ne prenne le manche... Au final, un spectacle inoffensif, parfait pour les enfants... et le Cinerama.

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Published by François Massarelli - dans Henry Hathaway Cinerama Filmouth John Wayne
7 octobre 2021 4 07 /10 /octobre /2021 15:31

Un homme vient de mourir dans la petite ville de Shinbone: Tom Doniphon, un vieil homme que peu semblent pleurer... Pourtant, Ransom Stoddard, l'un des sénateurs de l'état, un homme illustre, a fait le déplacement avec son épouse, et celle-ci, devant le cercueil qu'elle veille seule avec deux très vieux amis, va attendre patiemment que son mari ait fini de raconter à trois hommes de la presse l'histoire du défunt, une histoire intimement liée à la sienne... Des années auparavant, Stoddard (James Stewart) était un relativement jeune homme quand il est venu s'installer dans l'Ouest. Et il avait des idéaux: jeune avocat, il rêvait de participer à l'établissement de la civilisation dans les coins les plus reculés des vastes territoires américains. Mais son premier contact avec l'Ouest serait aussi sa première rencontre avec un hors-la-loi, Liberty Valance (Lee Marvin); celui-ci partageait avec Tom Doniphon (John Wayne) une maîtrise d'un outil dont Ransom Stoddard ignorait tout: l'arme à feu... 

Les trois hommes vont s'opposer mutuellement, d'une façon complémentaire: Doniphon et Stoddard ont la même vision d'un Ouest pacifique, dans lequel les gens peuvent mener leur petite vie en toute tranquillité: pas Valance, qui croit ouvertement à la loi du plus fort, à plus forte raison quand c'est lui. Mais Doniphon et Valance partagent aussi une valeur, celle de la violence, le moye de pression sur les honnêtes gens pour l'un, et le moyen de se débarrasser du crime pour l'autre.... pas Stoddard, persuadé qu'il est de pouvoir civiliser Shinbone, et par là même l'Ouest tout entier, par le droit, la politique et la démocratie... Ce qui fait finalement bien rire les deux autres.

L'ouest vu sous l'angle du conflit entre loi et violence: c'est un intéressant terrain de jeu pour Ford, mais ce n'est pas la première fois: dès The Iron Horse, en 1924, il se posait déjà en conteur de l'arrivée de la civilisation dans l'Ouest, incarnée par le train, bien sûr. Three bad men (1926) était aussi à sa façon une épopée, qui racontait les "land rushes", ces mises à disposition du public de territoires à conquérir, comme en Oklahoma ou au Wyoming, avec à la clé une promesse de réfléchir à la création d'un état. En 1946 enfin, My darling Clementine baignait sa légende de l'Ouest (le fameux marshal Wyatt Earp et le non moins célèbre règlement de comptes à OK Corral) dans un arrière-plan à la fois lyrique et discret, montrant dans la ville de Tombstone l'arrivée permanente de nouveaux citoyens potentiels... Mais pour les deux derniers films cités, nous pouvions voir qu'il y avait pour certains une peur de cette arrivée de la civilisation: les trois gangsters du titre du film de 1926, ou encore l'aventurier Doc Holliday qui semblait posséder la ville de Tombstone à l'écart de toute interférence de la loi, ces personnages empreints de légende même si Holliday était un personnage tout à fait historique, nous préparaient à un regard à la fois tendre et nostalgique sur toute une époque.

The man who shot Liberty Valance est la somme de ces éléments, car le sujet sans ambiguité est précisément l'arrivée de la civilisation dans l'Ouest, incarnée par Ransom Stoddard, le futur gouverneur, sénateur et même peut-être, il se murmure, vice-président: un homme arrivé sans armes mais avec des livres de droit. Un homme qui va tout faire pour contribuer à la fois à l'élévation de sa communauté (et le début, avant que le film ne plonge vers un flash-back, nous montre qu'il y a réussi puisque dans cette ville aux murs refaits à neuf, tout le passé semble avoir été oublié!) et à l'élaboration d'un état en bonne et due forme pour rejoindre la fédération des Etats-Unis. 

Il s'oppose donc légitimement aussi bien à son ami Doniphon qu'à Liberty Valance... Sauf que, nous montre Ford, seul et sans passer par les méthodes de Doniphon, Stoddard aura bien du mal à faire triompher le bon droit. John Ford nous montre donc de quelle façon l'histoire va avancer, et le fait intelligemment, d'une part en prenant un point d'appui au XXe siècle (le film doit commencer aux alentours de 1905, j'imagine) soit dans sa propre jeunesse; ensuite, il utilise des ressources cinématographiques dont bien sûr il possède le secret: l'une d'entre elles est de réaliser son film, une production ambitieuse pour la Paramount, en noir et blanc, ce qui est inattendu: d'une part tous les westerns de Ford depuis 1955 sont en couleurs, ensuite en 1962, le noir et blanc est un style totalement passé. Mais justement: ce retour au style de sa jeunesse permet au cinéaste de brouiller les pistes, en se livrant à quelques scènes nocturnes du plus bel effet... Et pour finir, il assène une magistrale leçon de perspective et de point de vue, tout droit sortie de Rashomon, pour nous expliquer qui a vraiment tué Liberty Valance.

Car comme le titre l'indique, ce film sur l'arrivée de la civilisation, de la loi et de l'ordre dans les coins reculés des Etats-Unis, pour le plus grand bonheur de ses citoyens, qu'ils soient anglo-saxons (Hallie, future Mrs Stoddard, jouée par Vera Miles), Scandinaves (John Qualen dans son sempiternel rôle de Suédois à fort accent), Afro-Américains (Woody Strode, le "boy" de John Wayne, un rôle d'ailleurs un peu ambigu) ou même Hispaniques (les enfants du marshal, Andy Devine), est titré d'après un acte de violence: si la civilisation est arrivée, c'est parce que quelqu'un a eu le courage de tuer un sale type. Bref, voilà qui contredit sérieusement les beaux discours de Ransom Stoddard, non? C'est toute la saveur de cette contradiction, cet aveu d'échec cinglant qui est au coeur de toute l'histoire d'un pays, qui fait l'importance de ce film tardif de John Ford, parfois étonnamment maladroit: comme d'habitude, le metteur en scène a systématiquement privilégié le tournage en une prise, a laissé la saoûlographie de certains acteurs - John Carradine, Edmond O'Brien - prendre le pouvoir (et y a certainement participé allègrement), et Ford a aussi confié les rôle principaux à des acteurs qui font sérieusement leur âge: difficile de croire que John Wayne ait 35 ans ici, et difficile aussi d'imaginer que Ransom Stoddard soit "un jeune avocat" plein d'avenir quand on voit à quel point James Stewart trahit ses 54 ans!

Mais voilà, non seulement on se fait à ces défauts, car ils sont partie intégrante du style de Ford, mais aussi il faut voir ce beau film classique, le dernier chef d'oeuvre du metteur en scène vétéran, un film-somme dans lequel il réussit magistralement des scènes-clé comme la mort de Valance, justement, ou la façon dont ce dernier inculque un leçon cuisante à coup de fouet à James Stewart (ce qui va avoir des répercussions bien entendu sur les prétentions civilisatrices): Lee Marvin, en bandit, y est magistral de bout en bout, c'est un méchant réussi, sans restrictions... Le metteur en scène se glisse sans problème dans ce qu'on a appelé le western révisionniste (qui revenait donc sur les habitudes prises dans le western, de truquer la vérité, d'accabler les indiens, d'opposer le bien et le mal, etc), d'autant qu'il n'a pas attendu les années 60 pour interroger le genre et ses sales manies... Quand au constat, célèbre, sur la légende qui dans l'ouest devient la vérité acceptée par tous, il place fermement John Ford, conteur extraordinaire de l'Amérique du XXe siècle, aux côtés de celui qu'il s'était amusé à citer dans My Darling Clementine: William Shakespeare.

 

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Published by François Massarelli - dans John Ford Western John Wayne
6 juin 2021 7 06 /06 /juin /2021 17:51

1836: vers la fin de la révolution Texane pour sortir le territoire de l'influence du Mexique et installer une République, un assaut des armées mexicaines sur la mission Alamo, tenue par une poignée de soldats Texans, va se solder par la mort de ces derniers... Et le renouveau d'un fort sentiment de revanche nationaliste du futur 48e état des Etats-Unis, après le traitement qu'auront subi les défenseurs. 

Justement, combien? On ne sait pas exactement tant la bataille de Fort Alamo est passée dans la légende. Entre 180 et 280 soldats, mercenaires, volontaires et d'autres seraient morts au fort, et bien que parmi les décès il y avait un certain nombre de figures majeures de l'histoire Américaine (dont bien sûr l'éternel héros Davy Crockett, symbole de la Frontière avant que le Far West ne vienne compliquer les choses), il est aujourd'hui bien difficile de démêler les faits de la légende en ce qui concerne cette bataille, érigée de nos jours en cause nationaliste et patriotique célèbre: au Texas, comme aux Etats-Unis.

Que John Wayne ait voulu en faire un film, et ce dès 1945, était évidemment compréhensible dans ce contexte: l'acteur-producteur ne faisait justement pas mystère de ses idées patriotiques et multipliait les productions guerrières dans lesquelles il expiait, en officier de plus en plus gradé, sa non-participation au deuxième conflit mondial... Mais Alamo s'est vite transformé en obsession personnelle, au point d'en faire une affaire de famille: au fil des années il s'est décidé à en être le metteur en scène, et il a travaillé sur le script avec James Edward Grant, un de ses scénaristes préférés; par dessus le marché, le jeune fils Patrick est arrivé sur le projet pour effectuer des recherches historiques...

Mais relisez plus haut: le mot "historique" sera difficile à maintenir, tant la légende a pris le pas sur la vérité. Ecoutons donc le vieux John Ford, dans ces conditions, et admettons que puisqu'on ne sait plus très bien, autant "imprimer la légende": s'il y a bien un point sur lequel les historiens aujourd'hui s'accordent, c'est sur le fait que le film de Wayne est tout sauf historique!

Incidemment, Alamo participe à la mode de ce que j'appelle le filmouth, des oeuvres démesurées qui entendent faire concurrence à la télévision par leur abondance de grands et gros moyens... Et ça ne va pas très bien se passer puisque comme Cleopatra trois ans plus tard, le film de Wayne va subir des coupes et des recoupes, sortant en version exclusive (202 minutes) d'abord puis en version rabotée pour l'exploitation principale (167 minutes): c'est cette dernière version qui est aujourd'hui considérée comme officielle, alors que les fans lui préfèrent l'autre... J'y reviendrai.

Nous suivons donc les deux semaines qui précèdent la fin de la bataille, avec l'état des lieux du général Sam Houston (Richard Boone) qui confie le sort du fort à deux troupes disparates: l'armée régulière du colonel Travis (Laurence Harvey), et les volontaires civils du colonel Bowie (Richard Widmark); la raison d'être du futur siège est plus ou moins noyée dans le flou qui entoure le conflit, savamment entretenu par les dialogues abstraits et fatalistes de Grant. Les deux colonels seront bien vite rejoints par un autre, le trappeur du Kentucky, ancien député, venu avec ses troupes et ses bonnets de raton laveur, Davy Crockett (John Wayne): le grand acteur voulait interpréter le rôle de Houston, mais a du accepter d'incarner un personnage de premier plan pour satisfaire les commanditaires de la United Artists, qui se voyaient mal promouvoir un film de John Wayne dans lequel celui-ci ne serait apparu que sur un dixième du spectacle! Le rôle lui convient parfaitement, d'autant que Crockett n'était plus tout jeune au moment des faits, et le metteur en scène a été très scrupuleux: son personnage ne sera pas le dernier à passer de vie à trépas.

Oui, c'est comme le Titanic: Alamo, tout le monde meurt, on le sait très bien, il n'y avait pas moyen d'y échapper! C'est même un de ces "échecs sublimes" qui poussent les Américains à s'exalter, ce qui est sans doute la raison pour laquelle ces grands enfants ont si longtemps été si attirés par la cause indéfendable du Sud dans un autre conflit qui s'est soldé par un ratage grandiose: la guerre Civile du Sud contre le Nord, dite Guerre de sécession par chez nous. D'ailleurs Bowie, dans le film est discrètement mais sûrement propriétaire d'un esclave, un vieux majordome qui lui est dévoué corps et âme. Ce n'est bien sûr jamais dit, pas plus que n'est expliquée la présence sur le fort d'un petit garçon noir, qui colle aux basques de la fille du sous officier interprété par Ken Curtis. Je ne pense pas qu'il s'agisse ici de message subliminaux envoyés à la droite de la droite, mais plutôt d'une certaine forme d'image d'Epinal Hollywoodienne, qui avait la peau dure: les esclaves heureux et bien traités, qui déclenchent immédiatement des larmes dans les yeux de ceux qui observent leur dévouement.

Cet échec sublime est l'occasion pour Wayne, très bien secondé par Grant, de décocher quelques flèches à l'égard des dangereux ennemis de l'Amérique éternelle: comme il le fera de plus en plus, l'acteur se lance dans une diatribe enflammée sur la République, pour justifier l'intervention de Crockett (qui, à propos, était Démocrate!) à Alamo. Le patriotisme "larmes aux yeux" est un des fils rouges du film, et c'est à ce niveau qu'on voit bien que la version intégrale, celle de l'édition "roadshow", est nettement plus équilibrée que la version plus communément disponible. Dans cette version courte du filmouth (oui, à 167 minutes, c'est une version courte), les passages qui ont été supprimés y ajoutent une grande part (parfois redondante, mais passons) d'humanité simple, de chaleur humaine, et ça a tendance à tempérer les délires patriotiques, tous plus ou moins maintenus dans la version courte: notamment le dialogue entre Ken Curtis, Joan O'Brien (qui joue son épouse) et Laurence Harvey: les Mexicains autorisent le départ des épouses et des enfants, mais l'épouse du capitaine Dickinson décide de rester, parce que c'est son 'devoir d'épouse de soldat'. C'est tourné assez frontalement, et on hésite entre la gêne et l'admiration... Mais cette dernière n'est rendue possible que dans la version longue, tant la version courte réduit les scènes de vie au fort à la portion congrue, les personnages finissant par devenir un peu plus des vignettes.

Dire que le film est une réussite serait une exagération, mais ce n'est pas le désastre qu'on a parfois un peu facilement voulu décrire... Il y a ici un tour de force, celui de maintenir l'intérêt sur trois heures alors qu'on connaît tous la fin! Et la chaleur décrite plus haut, la façon dont les discussions parfois enflammées débouchent sur une sorte d'oecuménisme politique, la clarté des scènes, toutes sont bien évidemment traitées de façon frontale et linéaire par Wayne: son inspiration thématique vient de Ford, mais son admiration de la ligne claire d'un Howard Hawks est évidente dans le film. Et il ne perd pas de vue le grand spectacle non plus, la façon dont la bataille finale est amenée est très impressionnante. Dans les scènes domestiques, ou de comédie, qui précèdent les batailles finales, Wayne n'est pas aussi brouillon que Ford à la même époque, il se retient, et garde une vraie rigueur... Il y a des longueurs, mais il n'y a pas de gaucherie ici, juste une certaine efficacité, accompagnée d'une vision qui se situe, aussi souvent que possible, en hauteur: car dans le fort qu'il a fait construire, le metteur en scène / producteur / acteur s'est plu à placer sa caméra au plus haut pour tirer des vues d'ensemble d'un fort attaqué par mille mexicains en vert, rouge, et bleu, et défendu par de patriotes en loques. De voir au milieu de cette armée de figurants lointains la toque en raton laveur du grand Davy Wayne reste impressionnant, à notre époque de facilitation de tout et de n'importe quoi par le numérique. Bref: c'est du spectacle, et du grand. Un moyen de passer trois bonnes heures (ou moins si on le veut) en compagnie d'un échec grandiose, qui participe à sa façon de l'esprit Américain.

Pour finir, tordons le cou à une légende: non, John Ford n'est pas le réalisateur officieux du film: il a bien tenté de s'incruster, mais selon certains témoins Wayne lui aurait confié la réalisation de scènes factices pour garder le contrôle sur son film. D'autres, notamment des acteurs qui ont survécu au film et participé au tournage d'un documentaire rétrospectif en 1992 (notamment Ken Curtis, mais aussi Linda Cristal qui interprétait le rôle féminin principal), ont non seulement attesté que des séquences tournées par Ford ont intégré le montage final, mais en ont en particulier cité des exemples bien spécifiques, images à l'appui. Curieusement, le vétéran s'est investi sur des détails, des micro- expressions dans des scènes intimes, pendant que Wayne se concentrait sur l'énormité de la production... Mais au vu du film, justement, c'est ce dernier aspect qui finira par l'emporter. 

C'est donc ce film qui nous est restitué aujourd'hui, tant bien que mal: les fans continuant à réclamer des années durant la version longue, elle est mise à notre disposition dans deux sorties HD en région B: dans les deux la version longue est un bonus, mais dans la version Allemande (présence de sous-titres Anglais et Allemands, pas de français), au moins ça a été fourni respectueusement, en 720p, en 16/9, ce qui n'est semble-t-il pas le cas de l'édition française. 

 

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Published by François Massarelli - dans Western John Wayne Filmouth
4 mai 2019 6 04 /05 /mai /2019 12:16

Situé dans la filmographie de son réalisateur juste après la plénitude de The Roaring Twenties, ce film est une toute autre paire de manches... Un contrat probablement signé avec la Republic et avec John Wayne, la toute nouvelle étoile montante du western en renouveau, alors que Walsh était encore incertain sur l'avenir de sa carrière. Du coup, s'il est évident que le metteur en scène s'est plus à mettre en images une petite communauté bourgeonnante de l'Ouest en devenir, l'intrigue de ce film lui a échappé, probablement par ennui, et on y décèle surtout la confusion des idées politiques de son acteur principal... Ce qui on le reconnaîtra facilement, n'est pas une bonne nouvelle.

The Dark Command est situé dans le Kansas des prémices de la Guerre de Sécession, alors que le Nord et le Sud affûtaient leur couteaux, et que certains territoires, dont le Kansas était le plus représentatif, se construisaient, sans avoir pleinement choisi entre défendre l'esclavage ou défendre l'Union. Un cow-boy (Wayne) vient s'y installer, et va devenir marshall, entrant en concurrence avec un maître d'école (Walter Pidgeon) acquis à la cause Sudiste, pour les beaux yeux de Claire Trevor.

Le maître d'école est un démarquage du personnage sulfureux de William Quantrill, un homme acquis à la cause du Sud, mais surtout attiré par le profit qu'il pouvait tirer de pillages peu scrupuleux. Dans ce film il se mue en un intellectuel frustré qui mesure mal sa propre volonté de puissance... Et Walter Pidgeon ne parvient pas à lui donner toute la puissance voulue, pour commencer, ce qui rend le film très confus. Mais surtout le personnage de Wayne, représentant la force angélique du minus habens (et fier de l'être), se place dans une glorification du débile profond, opposé à cet être maléfique, l'intellectuel, qui devrait nous faire rire si elle n'était constamment affligeante. On peut passer son chemin, ou regarder les trente première minutes, Walsh s'y est (un peu) amusé.

 

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh Western John Wayne
27 avril 2019 6 27 /04 /avril /2019 16:06

Ce western spectaculaire est à la fois la marque de l'intention d'un producteur (William Fox) et d'un metteur en scène (Raoul Walsh) de donner une véritable noblesse au genre, d'une part, et le chant du cygne des histoires de l'ouest sauvage telles qu'elles ont été contées durant les années 20: de The covered wagon à The Big Trail, en effet, c'est tout un pan du western "pionnier" qui se dessine, à l'opposé des films plus crus, plus intimistes, tournés par wagons entiers de bobines à la Universal depuis les années 10, mais aussi par Cecil B. DeMille ou Thomas Ince. Mais si ce courant a disparu, c'est effectivement non seulement au désintérêt du public (Three bad men, de Ford, avait été un relatif insuccès commercial alors que deux ans plus tôt The iron horse avait lui été un énorme succès), à la méfiance des producteurs qui sentaient passer la note, mais aussi et surtout à l'échec public de ce film qu'il le doit...

Une caravane massive se prépare à amener des pionniers vers l'Oregon, à l'assaut des rivières, forêts, tribus Indiennes, et montagnes qui leurs barrent la route. Celle-ci ne sera pas de tout repos, car en plus de tous ces dangers, l'homme qui conduit tout ce troupeau hétéroclite de pionniers, d'immigrants, et d'animaux, est un bandit, le redoutable Red Flack (Tyrone Power, Sr), assisté de son âme damnée Lopez (Charlie Stevens) et du joueur professionnel Thorpe (Ian Keith), un Sudiste qui semble fuir le Sud plutôt que d'y retourner... Heureusement, Breck Coleman (John Wayne) veille: c'est un homme attaché à la caravane pour faciliter les échanges et le dialogue avec les populations Indiennes, et il est droit, franc, et a en plus un compte à régler avec Flack et Lopez... de plus, il s'intéresse de près à la jolie Ruth Cameron (Marguerite Churchill), l'une des pionnières du convoi...

C'est merveilleux: non seulement dans ce film à la durée spectaculaire, tourné en écran large (Le procédé 65mm Grandeur, un ancêtre du 70mm et du cinémascope), on assiste avec bonheur à tous les passages obligés de ce type de récit, racontés de main de maître par un génie du cinéma d'action, mais ce dernier a réussi à convaincre le studio de lui laisser carte blanche. Ainsi, dans une production hallucinante qui oblige déjà l'équipe à véhiculer des chariots, des troupeaux, et des gens sur des routes aussi proches des pistes originales que possible, à tourner en séquence c'est à dire de façon chronologique afin de profiter au mieux des paysages et de permettre aux acteurs un certain confort dans la continuité de leur rôle, Walsh improvise des séquences entières lorsque le paysage l'inspire, et il s'imprègne en permanence de l'esprit pionnier! C'est un film qui a beau conter une histoire du XIXe siècle, on y retrouve l'exploit qui a consisté à faire ce film dans la magnifique nature Américaine, armé en prime d'un système de prise de vue qui était particulièrement inconfortable... Sans parler du son! Walsh passe son temps à se jouer de la difficulté de l'écran large, dont il fait de remarquables compositions, tout en maintenant sur deux heures un rythme soutenu.

Et cela va sans dire (C'est souvent la seule chose qu'on a à dire sur le film, et ça me semble un peu court tant son souffle épique est communicatif), Wayne est impeccable, ne se doutant sans doute pas qu'après ce rôle de premier plan dans un film spectaculaire, il serait obligé de passer 9 années au purgatoire des productions médiocres... Et Walsh d'ailleurs allait être aussi mal loti, comme du reste le western dans son ensemble. Mais ce film est tellement enthousiasmant (Contrairement à l'insipide Cimarron,de Wesley Ruggles sorti l'année suivante et qui en dépit d'un Oscar non mérité n'allait pas pouvoir inverser la destinée du western) qu'on lui pardonnera volontiers les menus défauts que sont une diction parfois embarrassante, le parlant n'en était qu'à ses débuts, et une tendance à se réfugier derrière le concept si douteux de la Destinée manifeste: cette idée selon laquelle la destinée de l'homme blanc était de redessiner les contours du monde en conquérant l'Amérique. Billevesées et conventions: on a un western, un vrai, un beau, un grand.

The big trail (Raoul Walsh, 1930)
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Published by François Massarelli - dans Western Raoul Walsh Pre-code John Wayne
16 mars 2018 5 16 /03 /mars /2018 10:43

Un avion en perdition, 22 passagers qu'on nous a présentés les uns après les autres, tous en crise; un équipage en plein doute: le capitaine (Robert Stack) se rend compte qu'il va lui être de plus en plus difficile de cacher sa propre peur, et son second, un vieux de la vieille (John Wayne) traîne comme un boulet l'accident de son dernier vol en tant que pilote: il avait coûté la vie à tous ses passagers et son équipage, incluant son épouse et son fils unique... Le but du voyage est simple: relier Honolulu et San Francisco, mais... un moteur qui lâche, un réservoir qui fuit, un temps exécrable et un navigateur qui se plante dans l'évaluation des distances, et nous voilà partis pour une sérieuse aventure qui n'est pas sans dangers.

C'est sans doute la première fois qu'un film comme celui-ci confronte au danger, justement, des gens dont ce n'est absolument pas la vocation. The high and the mighty est sans doute la rencontre fortuite (Et absolument pas sur un table de dissection!) du film d'aventures, avec ses professionnels en pleine panade, qui font leur métier quels que soient les risques, d'un côté, et de l'autre d'une histoire impliquant des civils, qui auraient pu jouer le même petit jeu de révéler leurs problèmes, doutes, failles et défauts dans un film de maison hantée! Et Wellman étant Wellman, il affronte une histoire potentiellement grandiose en refusant systématiquement le spectaculaire. C'est donc essentiellement par les individus, et surtout par les passagers, qu'on aborde le film et les événements. On ne verra que peu de plans extérieurs de l'avion et de la tempête, au profit d'un huis-clos extrêmement bien mené, et d'une progression des problèmes techniques tels qu'ils sont rapportés et commentés par l'équipe. 

Il est temps d'aborder l'inévitable commentaire: Robert Stack, un avion en proie à un destin contraire, des passagers qui nous sont détaillés dans le cours chaotique de leur vie, une liaison avec les responsables au sol... Oui, bien sûr, comment ne pas penser à Airplane! d'un côté, ou à l'ensemble des films catastrophes de l'autre? Sauf que d'une part, si Wellman fait la part belle à ses protagonistes "profanes", les passagers qui peuplent la carlingue plutôt que l'équipage, c'est dans l'optique de son refus d'en rajouter sur la glorification de l'héroïsme. Ses membres d'équipage (dont la plus en vue est inévitablement l'hôtesse, interprétée par Doe Avedon) font leur travail, avec humanité, mais surtout sans en rajouter dans le drame: ce serait un travail particulièrement mal fait.

Le huis clos est donc un drame humain, dont les étapes "techniques" sont d'ailleurs surtout d'une linéarité narrative: l'avion décolle, il y a des turbulences, il y a un problème, il y a un suspense, et finalement on arrive à bon port. C'est donc dans la progression de la réaction des passagers qu'on suivra l'histoire... Certains sont d'ailleurs plus spectaculaires que d'autres: je passe sur les inévitables clichés du genre, quoi qu'il arrive la plupart des gens qui sont coincés dans cet avion à risque vont promettre monts et merveilles s'ils s'en sortent, et à l'arrivée, on voit quelques démentis commencer à poindre!

Certes, on voit à travers ce film tous ses clichés, toutes les parodies qui s'ensuivront, il nécessite donc un esprit tolérant, et une mise en condition. Mais Welmann a une fois de plus réalisé un film qui n'a rien d'anodin, ne serait-ce que par la prouesse narrative: raconter une histoire d'une vingtaine de personnes coincées dans un avion en plein ciel; ou encore les prouesses techniques: toutes les contraintes liées à l'environnement du huis clos, plus le fait que le film est en cinémascope... bien sûr, ce dernier point nous permet de rappeler qu'avec Wings en 1927, Wellman a déjà expérimenté avec le fait de filmer des avions en plein ciel, sur écran large. Il le rappelle ici... Mais surtout, Wellman a pris cette histoire humaine au sérieux, et en fait une histoire de dépassement humain à sa façon, c'est-à-dire sans jamais en rajouter sur l'héroïsme inutile. Sa "signature", qui consiste à ne pas nous montrer la scène qu'on attend, est d'ailleurs un jeu sur le bilan technique tel que les pilotes vont le dresser! Au lieu d'une scène où tout le monde se congratule, le metteur en scène nous montre cinq hommes, l'équipage et leur patron, qui regardent, songeur, le moteur défaillant. Pas un d'entre eux ne s'exprimera autrement que pour dire des petites choses telles que "bon, je rentre, j'ai sommeil"... De la dignité, de la sobriété...

Quant à John Wayne, d'ailleurs producteur du film, sa participation est un accident. Le rôle du co-pilote, d'ailleurs secondaire, a été écrit pour Spencer Tracy. Quand il s'est trouvé libre suite à un refus de Tracy, Wayne n'est proposé. Il y est splendide, si on accepte l'irritant gimmick des sifflements. Son personnage passe son temps, à la demande de ses collègues, à siffler la musique de Dmitri Tiomkin (qui a d'ailleurs obtenu le seul Oscar remporté par le film). Ca lasse...

 

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Published by François Massarelli - dans William Wellman John Wayne