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3 mai 2019 5 03 /05 /mai /2019 16:12

Eddie Bartlett, en revenant de sa participation à la première guerre mondiale, avait deux exemples à suivre: deux copains de tranchée, aux tempéraments opposés: l'un (Humphrey Bogart), un vicieux, gangster par nature, qui pourra d'ailleurs se vanter d'être le dernier tireur de l'armée Américaine: au moment de l'armistice, il était en train de dégommer un jeune Allemand de 15 ans, comme ça, pour le plaisir; l'autre (Jeffrey Lynn) est un faible, un doux. Il est avocat, et plait bien à Bartlett (James Cagney) parce que lui, au moins, il sait avouer ses faiblesses. Revenant aux Etats-Unis, Bartlett n'a plus qu'à se glisser dans la peau de son copain Lloyd, l'avocat, ou à devenir gangster... Mais le choix sera fait pour lui par les circonstances: personne n'a l'utilité d'un ancien soldat et le hasard va faire de lui un bootlegger dans la guerre qui s'annonce, prohibition oblige, entre les pourvoyeurs de boissons fortes, et la loi... Permettant au spectateur de revisiter une période fascinante de l'histoire Américaine.

C'est à la fin de dix années de quasi-purgatoire que Walsh réalise ce film, son premier pour la Warner, un studio ou il va se sentir bien, très bien même, y réalisant certains chefs d'oeuvres: Objective Burma, They died with their boots on, Gentleman Jim, The Strawberry Blonde, White Heat. Dès le départ, c'est aussi un film qui me semble faire parfaitement la jonction entre le style du studio dans les années 30, et une façon de faire des films qu'on n'appelle pas encore (Mais ça ne saurait tarder) le film noir. Eddie Bartlett, l'homme optimiste et intègre à sa façon, qui passe toute la période la prohibition à fournir en alcool trafiqué des cafetiers chez lesquels il boit exclusivement du lait, va constamment garder une certaine distance avec le crime, désapprouvant le meurtre et la violence gratuite. Mais s'il protège ses amis, l'avocat Lloyd et une jeune femme (Priscilla Lane) qu'il a aimé mais qui lui a préféré Lloyd, leur honnêteté sera aussi à la base de sa chute: il n'y a pas de place, nous dit le film en substance, pour des hommes comme Eddie Bartlett dans le futur de l'Amérique.

Il n'y a pas de place non plus pour George (Bogart), l'associé de Bartlett par lequel le scandale va arriver, mais lui a un atout: il n'a aucune morale... Le film porte un regard nostalgique, gentiment ironique, sur une période-clé, et dresse le portrait romantique d'un exclu, comme le seront d'autres hommes, d'autres gangsters, voire des cow-boys ou des militaires dans l'oeuvre future de Raoul Walsh, qui signe ici l'un de ses meilleurs films, et ça, ce n'est pas rien. Le metteur en scène est à son aise du début à la fin dans cette évocation d'une période qui est celle de la jeunesse, comme il l'a déjà prouvé dans The Bowery, et qui lui permet de raconter tout ce qu'il aime: le destin d'un homme d'action possédant une certaine morale, et son accomplissement triste sur les marches d'une église. Une image qui reviendra dans son oeuvre, tout comme cette figure de l'homme amoureux dont l'élue refuse les avances. Comme un écho, voyez le fantastique personnage de Panama Smith (Gladys George), celle qui va mettre le pied à l'étrier du futur gangster, et l'aimer durant tout le film, en vain. Walsh lui donne, malgré tout, le mot de la fin...

Le film inaugure, en quelque sorte, la période "crépusculaire" du metteur en scène. En fanfare...

 

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Published by François Massarelli - dans Raoul Walsh Noir Criterion