Avec Gary Cooper et Jean Arthur, dans les rôles de deux icônes du Western, Cecil B. DeMille et sa fidèle Jeanie McPherson ont sorti en 1937 ce fort distrayant film, qui préfigure d’un certain nombre d’aspects du western à une époque (Deux ans avant le triomphe de Stagecoach) ou le genre n’avait pas très bonne presse : Le Western, dans les années 30, ce sont les petits films de série B, parlants et chantants, ou des serials à la petite semaine. Les grosses productions prennent toujours des prétextes plus nobles; The Big Trail, Cimarron, Billy The Kid seront vendus comme des épopées, pas des westerns. Si DeMille a abdiqué à l’arrivée du parlant toute prétention à faire un cinéma noble, après l’échec de son chef d’œuvre The Godless Girl, la vision de ce western de 1937 est malgré tout l’occasion de s’intéresser à ce que fut la vision de l’histoire qu’avait l’auteur de Joan the Woman, de The Crusades, et d’autres films qui prennen
Suite à la volonté de Lincoln d’ouvrir les territoires des Etats-Unis à la colonisation, et le mouvement de la Frontière vers l’Ouest, les aventuriers confrontent leurs méthodes, s’aident, s’entraident, se trahissent occasionnellement, et font parfois front commun pour faire avancer la civilisation Américaine dans le sens voulu par Lincoln, tout en tissant la légende. La vision des pionniers par DeMille est, confrontée à la réalité des faits, édifiante : on voit les choix et simplifications auxquels se sont livré les auteurs, notamment en choisissant les acteurs. Si les efforts déployés par Jean Arthur qui jure, boit, crache et plastronne en Calamity Jane, sont finalement codés, mais vaguement réussis (le personnage original est suffisamment flou pour autoriser les à-peu-près un tant soit peu romantiques), on constate que Wild Bill Hickok, finalement, est surtout Gary Cooper. La scène de la première partie de cartes, au cours de laquelle les spectateurs mentionnent le tableau de chasse de l’impitoyable tueur n’y feront rien: il reste Gary Cooper jusque au bout du canon. On pourrait très bien imaginer quelqu’un lui dressant la réputation d’un William Munny (Unforgiven, de Eastwood : « Il a tué des femmes et des enfants aussi »), qu’on l’aimerait encore, totalement envoûtés par la présence minérale du bonhomme, parce que, après tout, c’est Gary Cooper. Tout ceci augure assez mal de toute prétention historique, et du reste, les autres personnages sont encore plus mal lotis: Buffalo Bill, marié, gauche, éternel second derrière la stature de Cooper est un faire-valoir assez tarte, et Custer ne vaut pas mieux, réduit à la simple représentation de son physique (une apparence qui était, historiquement, très travaillée par Custer lui-même) et l’énoncé occasionnel de son nom.
Toute date a disparu, rendant le tout fort rapide: on situerait pourtant le début du film en 1865 (La fin de la guerre civile, le 5 avril, et l’assassinat de Lincoln, le 12), puis on va vers l’ouest, rencontrant un Hickok fraîchement démobilisé: il porte encore son uniforme de l’union. Les retrouvailles avec Bill Cody ont lieu immédiatement, suivies dans la foulée de la confession de Mme Cody a Calamity Jane : elle attend un enfant. Celui-ci naîtra plus tard dans le film, ce qui ne sera que mentionné: Cody avouera en effet à Wild Bill que sa femme est retournée vers l’Est pour avoir son enfant chez ses parents, loin de toute violence. A ce moment du film, la bataille de Little Big Horn, commentée mais à peine vue, a lieu. Nous sommes donc en 1876. On le voit, le temps, la véracité des faits, n’ont pas été la préoccupation principale des concepteurs du film. Ce qui a compté, c’est sans nul doute l’impression globale, le choix capital de reposer sur des noms fantasmés, résonnant de multiples possibilités d’aventures pour le public. Mais l’absence de certains morceaux de bravoure (Après tout, pourquoi l’appelait-on Buffalo Bill? Et pourquoi ne pas nous montrer plus la bataille de Little Big Horn?) finit par être étonnante, surtout lorsque le film se dirige tout entier, de partie de cartes en rencontres avec le futur tueur, vers la fin «historique» de wild Bill Hickok, tué d’une balle dans le dos lors d’une partie de cartes par le nommé Jack McCall. Il ressort de cette volonté de slalomer un sentiment de rendez-vous manqué qui dessert le film, même si la fin rachète partiellement ce manque. Si My Darling Clementine de Ford ne nous montre pas toute la carrière, ô combien controversée, de Wyatt Earp, il évite aussi l’éparpillement en centrant en permanence le film à Tombstone, et fait de son film un portrait en creux d’une époque, en multipliant les plans de wagons de pionniers qui arrivent, il utilise la petite histoire pour raconter la grande. Il en ressort une cohérence qui fait défaut à ce film de DeMille. Si Ford avait choisi de confier à Fonda le rôle d’une grande figure, tout comme les noms portés par les personnages de The Plainsman sont des noms historiques, chez Griffith, que ce soit dans Intolerance, Birth of a nation, America ou Orphans of the storm, on constatera que les