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6 janvier 2018 6 06 /01 /janvier /2018 18:11

L'année 1934 a été comme on le dit souvent la dernière de ce qu'on appelle la période "pré-code", ainsi nommée parce qu'après cinq années de quasi liberté, les studios ont été priés avec une certaine insistance par un groupement d'associations surtout religieuses, d'observer à la lettre le code d'auto-censure qu'ils avaient tous accepté. Cette année 1934 a quand même vu la sortie de quelques brûlots, dont bien sûr The scarlet empress de Sternberg et ce film sont sans doute parmi les plus étonnants. Cleopatra n'était pas un film que Cecil B. DeMille avait forcément envie de faire, pas plus que The sign of the cross deux ans auparavant; mais là où son épopée biblico-salace avait été une occasion idéale pour le metteur en scène de faire la preuve qu'il était encore capable de faire venir les foules dans les salles, Cleopatra était supposé faire la preuve auprès de la Paramount qu'il ne fallait pas le foutre dehors, compte tenu du flop de son dernier film Four frightened people...

Claudette Colbert tourne donc pour la troisième et dernière fois avec le metteur en scène autocratique, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il l'a traitée avec des égards: car dans ce film qui mêle (de la même façon que la version de Mankiewicz sortie en 1963) les intrigues de palais avec la tragédie, Shakespeare en tête, la seule personne dotée d'un tant soit peu d'intelligence, est la reine d'Egypte. 

Féministe?

Si on veut. Après tout, Claudette Colbert fait preuve de son génie politique, et d'une certaine façon de son génie tout court, dans une intrigue qui repose largement sur le sexe. Mais soyons clair: si Cléopâtre apparaît effectivement comme la plus intelligente personne dans le film, elle le doit sans doute autant à la crétinerie masculine qu'à son propre génie. Pour commencer, si j'admets que Warren William, en César, possède une certaine prestance, voire un petit peu de son charisme, que penser de Marc Antoine? Il est de coutume de présenter ce dernier comme un militaire borné, ennuyé par la politique, les intrigues et tout ce qui n'était pas une bataille. Mais entre cette image légendaire d'Antoine et l'acteur Henry Wilcoxon qui l'incarne, on a l'impression d'un concours de celui qui sera le plus idiot. Wilcoxon gagne, comme toujours. Je n'ai jamais compris pourquoi DeMille le choisissait parfois pour ses films. Il est atroce.

Kitsch?

Ca oui. Des décors art-déco de Hans Dreier aux costumes de Travis Banton, des scènes de préparation pré-coïtale ("Ma reine, je suis sûr que César adorera vous déshabiller avec les dents") aux dîners-réceptions à la Romaine qui ne demandent sans doute pas grand chose pour dégénérer en orgies, la seule chose qui manque à cette fiesta de mauvais goût est le bain de lait, mais la scène a déjà été tournée pour The sign of the cross!

Bref, si on peut se réjouir du fait que le metteur en scène a pu une nouvelle fois bénéficier du traitement royal de la Paramount (ce qui allait payer, puisque le film a très bien marché), et ainsi mettre particulièrement en valeur Claudette Colbert, il fait quand même dire qu'on est loin, très loin ici du grand DeMille. Tant pis...

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Cecil B. DeMille