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19 octobre 2018 5 19 /10 /octobre /2018 10:56

Aux pires temps de l'histoire trouble de l'inquisition, une rencontre théologique prévue entre des représentants du Pape, et un groupe de moines Franciscains, un ordre que le chapeau pointu d'Avignon avait dans le nez, va tourner au désastre à cause de leurs différences irréconciliables d'idéologie, mais ce n'est pas le plus important: avant et pendant ce sommet (supposé débattre du fait que Jésus était pauvre ou non), l'abbaye Bénédictine dans laquelle se tient la rencontre est le théâtre d'une série de morts violentes, certaines étant évidemment criminelles. Le Franciscain William de Baskerville (Sean Connery), un intellectuel pas toujours très bien vu, mène l'enquête, et va devoir affronter non seulement des hommes mus par de noirs desseins, mais aussi son pire ennemi, l'Inquisiteur Bernardo Gui (F. Murray Abraham), dépositaire intransigeant et psychorigide d'une vérité indiscutable, et qui brûle les hérétiques pour un oui ou pour un non. Et le narrateur, le novice Franciscain Adso (Christian Slater), va tout en suivant, soutenant et assistant son maître William du mieux qu'il peut, faire lui aussi un certain nombre de découvertes...

Une abbaye, au milieu de nulle part, au sein de laquelle se situe une bibliothèque tellement fournie qu'elle est à la fois magique, et dangereuse: dotée bien sûr d'un enfer bien fourni, mais aussi d'un enchevêtrement labyrinthique, on s'y perd... Mais peu ont le droit de s'y rendre, et c'est l'un des premiers atouts du roman d'Umberto Eco que d'avoir créé ainsi un lieu-cerveau, un centre du sens et de l'intelligence, qui est la cible de nombreuses convoitises, et la base de nombreuses superstitions entre les tenants de l'esprit et ceux d'une religion terre-à-terre. Car derrière cette fantaisie moyen-âgeuse déguisée en aventures décalées de Sherlock Holmes (le choix du nom du héros ne laisse aucun doute), derrière cette reconstitution d'une époque de conflits religieux strictement internes à l'église Catholique Romaine, se cache un récit qui situe le débat entre le corps, le coeur et la raison.

Tenants d'un corps qui refuse ou craint la raison, ou qui la circonscrit à la capacité de dire amen sans rien remettre en question, la papauté (refusant du reste d'abandonner ses prérogatives), l'Inquisition (qui tient à garder le régime de peur qui la nourrit), les moines bénédictins, tous plus ou moins illettrés, ou enfouis à l'écart du monde et désireux de se faire oublier (Anciens hérétiques, spécialistes un peu trop monomaniaques, ou homosexuels mis à l'ombre, sans compter les fils mis à l'écart de certaines familles pour leur troubles mentaux: il y a de tout dans cette abbaye!)... Et enfin, parmi ces terre-à-terre qui prétendent être tout entier consacrés aux vues de l'esprit, il y a aussi les intransigeants, tel ce vénérable moine obsédé par la pureté théologique, c'est à dire à l'écart de toute distraction, et surtout de la plus terrestre, de la plus simple manifestation du plaisir: le rire.

Tenant de la raison, Wiliam de Baskerville est un Franciscain, qui a en effet une ligne de conduite stricte et ouverte sur le monde, mais surtout une croyance absolue en la raison, dont il se considère d'ailleurs un héraut avec une vanité appuyée mais réaliste (ce qui ne l'empêche pas d'être un péché, évidemment). Il lui manque une prudence qui lui permettrait de se préserver, et son coeur lui est un organe compliqué à utiliser, sans entrer en conflit avec sa raison, ce que lui reprochent ses camarades Franciscains, menacés d'excommunication... Dans ces circonstances, quel meilleur narrateur pourrait-il y avoir qu'Adso, dont le noviciat promet qu'il aura un jour à l'imitation de son maître une capacité de raison intéressante, mais il est aussi conscient des élans de son coeur, quitte à le regretter... Et sa prudence physique le protège aussi de sa propre raison.

Et pourtant quel fantastique distraction que ce film en forme d'enquête policière, formidablement interprété, et magnifiquement enluminé par Tonino Delli Colli, dans lequel Annaud a mis la même rigueur que celle dont il avait fait la fondation de la réussite de La Guerre du feu... Choisissant l'Anglais comme langue principale d'un film Européen, c'est à dire interprété par des gens de tous horizons, il souligne justement par les accents des uns et des autres le fait que la Chrétienté, dans l'esprit du Moyen-âge, c'était le monde entier; et cette lutte absurde dans laquelle un ordre, et plus particulièrement un moine, Wiliam de Baskerville, incarne le progrès, nous est présentée comme étant le fondement même d'une civilisation; contrairement à ce que beaucoup diront, obsédés d'une laïcité aveugle qui pourfend absolument toutes les religions (et donc rendus eux-mêmes aussi fanatiques que les religieux qu'ils condamnent), le film se garde d'ailleurs de condamner la religion, il souligne surtout la difficulté de l'être humain à avancer... Il est pourtant doté d'un cerveau: mais voilà, qui en aura la clé? Réponse dans le film, à voir et revoir, pour en laisser les secrets s'insinuer...

 

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Published by François Massarelli - dans Inclassable