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30 décembre 2018 7 30 /12 /décembre /2018 09:58

Je n'aime pas cette manie, chez Disney ou les autres, de gâcher un film a posteriori en livrant une suite contractuelle. D'ailleurs, on constatera que dans bien des cas, en particulier pour les films Disney-Canal Historique, la suite est purement et simplement un objet commercial et ultra-formaté qui sort directement en vidéo, sans passer par les salles: Mulan 2, Le bossu de Notre-Dame 2, etc... Oui, mais il y a eu Toy Story 2! Ou la possibilité, cinq années plus tard, de revenir aux personnages et d'aller plus loin, et honnêtement, de faire mieux, beaucoup mieux, que le film initial. On pourrait aussi argumenter à partir des exemples habituels, The Godfather Part II ou The Empire Strikes Back, et conclure, après tout, qu'il y a suite et suite... Pourtant on n'attendait pas (en fin, JE n'attendais pas!) de suite au carton fabuleux de Brad Bird, à ce qui restait pour moi le film le plus abouti de toute la galaxie Pixar. Tellement complet, achevé, fermé aussi, que 'on pouvait vraiment se demander ce qui motiverait une remise en route de la franchise. Mais entre le premier film et le deuxième il y a eu le passage de quatorze années, des changements internes au studio, la carrière de Brad Bird qui a eu des hauts (Ratatouille, avec Pixar, et Mission Impossible, le protocole fantôme, sans Pixar) et des bas, voire très bas (L'échec commercial de Tomorrowland, pour Disney)...

...et il y a eu Donald Trump et l'affaire Weinstein.

Bref: le monde quatorze années après The incredibles a suffisamment changé, et tous ces gens ont suffisamment ruminé pour qu'on puisse espérer, au moins un bon film, non? Mais si ce n'était que ça!

La décision prise pour relancer la machine a été de prendre exactement à la fin du premier: on se rappelle que dans une fin ouverte qui laisse présager un retour en grâce des super-héros, la famille Parr unie comme jamais, après avoir débarrassé leur ville de la menace de Buddy, le fan de super-héros passé du coté des Super-Méchants, s'apprêtait à affronter un autre Super-Méchant, qui faisait son apparition. C'est généralement casse-gueule, mais le film commence en effet par développer cette situation, de deux façons: bien sûr, on aura une bataille héroïque, délirante, dans laquelle toute la famille (et leur copain Frozone) vont s'impliquer, pour un résultat en demi-teintes: menace écartée, certes, mais des dizaines de bâtiments endommagés, des sommes considérables volées à la banque, et en prime, le criminel ne sera pas arrêté! Un reproche qui sera souligné par tous, avec pour effet de confirmer de façon plus importante encore la défiance à l'égard des super-héros. Comme le dit un policier aux Parr: laissez faire les assurances, bon sang!

La deuxième façon de réintroduire la scène de fin du premier film fait l'objet de la séquence d'ouverture: on y rappelle un gag qui a servi d'argument au court métrage Baby-Sitting Jack-Jack. Rick Dicker est un agent des services secrets dont le boulot consiste à "nettoyer" derrière les super-héros, et notamment effacer la mémoire des témoins qui ont vu quelque chose qui pourrait les amener à percer l'identité des super-héros: ici, Dicker efface la mémoire de Tony, le garçon qu'on voyait flirter avec Violet Parr à la fin du film; il a vu les "indestructibles" en action, et a reconnu Violet... Un effacement qui sera lourd de conséquences, puisque en effaçant la mémoire de ce jour-là, Dcker efface aussi tout souvenir de Violet. Mais rassurons-nous, le film ne va pas nous conter les mésaventures de Violet tentant de reconquérir le jeune homme, non: leur idylle balbutiante n'est que la victime collatérale d'une situation qui dans son ensemble est plus détaillée, plus réaliste presque, que dans le premier film: après l'affaire lamentable d'un sauvetage partiel qui tourne mal en effet, les super-héros sont donc conspués par la police, la justice et la presse, sans parler du public; les Parr sont privés de leur maison qui a brûlé à la fin du premier film; et il faut tout reconstruire... 

C'est ici qu'intervient un nouveau groupe de protagonistes: un milliardaire enthousiaste avec un lien fort au passé (son père était un mécène qui aidait les super-héros à l'époque de leur gloire, et est mort dans des circonstances tragiques); ce nouveau personnage, Winston Deavor, est un spécialiste de la télécommunication, et il travaille avec sa soeur Evelyn (incidemment, elle est délicieusement interprétée par la grande Catherine Keener) dans une firme multinationale aux moyens super-illimités...

Bien sûr qu'on sent que ça va amener des ennuis, mais reprenons.

...Aux moyens super-illimités, donc, avec lesquels ils ont décidé de contacter autant de super-héros mis au ban que possible, afin d'aider à leur réhabilitation: simple, dit Winston Deavor... Il suffit de manipuler l'opinion, et d'assurer soi-même la couverture médiatique. Il s'agit aussi de contrôler l'impulsivité des justiciers aux super-pouvoirs, et c'est la raison pour laquelle les premiers essais seront faits, non pas avec le "couple" Mr Incredible/Frozone, jugés trop "destructeurs", mais avec ElastiGirl, soit Mme Parr, dont le style plus subtil, plus féminin, conviendra à merveille à un retour en grâce sous monitoring médiatique. Si josais, je dirais que cette fois c'est elle qui fait bande à Parr...

Beaucoup des éléments de la thématique du premier film sont donc présents, à commencer par le sens aigu de la famille, la difficulté de cohabiter à côté des gens "normaux", la quête identitaire (même si le film nous la présente comme partiellement résolue)... Il y a aussi des reprises intelligentes de certains atouts: la présence d'Edna Mode, jalouse car les Deavor ont fait appel à un autre designer pour les costumes des Parr; la question des super-pouvoirs potentiels de Jack-Jack, dont nous savons nous qu'ils sont particulièrement délirants si nous avons vu le court métrage qui lui était consacré, ce que Bob Parr, puis ses enfants, et enfin Helen vers la fin, vont découvrir par eux-mêmes... Mais le plus important, c'est sans doute la reprise par le deuxième film de la situation de base, mais inversée: cette fois, c'est Helen qui part pour travailler pendant que Bob reste à la maison, permettant en effet à toute une thématique de se mettre en place, autour de la guéguerre des genres. Helen, d'ailleurs appuyée par Evelyn, se met en avant d'une façon inattendue quand on a vu le premier film, et Bob apparaît effectivement comme un gros super-nounours incapable de maîtriser sa force exceptionnelle... 

A ces éléments viennent s'ajouter de nouvelles épices fascinantes: Brad Bird étudie de quelle façon les nouveaux communicants pourraient en effet "vendre" du super-héros, en optimisant tout et n'importe quoi. Le portrait de Winston Deavor, tout en en faisant un personnage positif, est ambigu, et nous laisse un goût étrange, surtout quand il fait dire à Helen "It's time to make Super-Heroes great again": sans doute pas un hasard, non? Le film joue sur cette ambiguité, en nous montrant un monde qui tourne fort mal, finalement, où le public peut nous apparaître comme une masse de crétins ignorants des bienfaits qui les préservent, et capables de se jeter dans le moindre piège médiatique. Tiens donc!

...Mais le film n'est pas qu'un prêche, c'est d'abord et avant tout une montagne russe de gags, d'émotions, de séquences d'action impeccablement réalisés, et d'animation sublime. Le rendu des personnages est de plus en plus beau, le style de Brad Bird et Pixar est ici à son plus haut niveau, et en prime le rendu des décors est encore plus hallucinant que la dernière fois. La musique est splendide, etc etc. Pour finir, Jack-Jack est absolument Incredible.

 

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Published by François Massarelli - dans Pixar Animation Disney Brad Bird