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21 octobre 2019 1 21 /10 /octobre /2019 16:52

Comment voulez-vous qu'on l'aborde avec sérénité, celui-ci? Vendu et sur-vendu avant les Oscars, puis encore plus vendu et incontournable une fois obtenues les 11 hochets: c'est bien simple, au pays de Walt Disney, il est de bon ton de favoriser l'arithmétique, et donc un film qui a obtenu plus d'Oscars que les autres est forcément le meilleur film de tous les temps. Selon la même logique, un certain nombre d'historiens (avec un accent sur la dernière syllabe) prennent acte du fait que Wyler, dont les 70 films de sa longue et distinguée carrière ont accumulé à eux seuls plus de 100 nomination pour les dits Oscars, est donc logiquement, numériquement, mathématiquement le plus grand réalisateur de tous les temps... 

Et en plus, il ne voulait pas forcément le tourner! c'était au départ Sidney Franklin qui devait le faire, puis il a été question de King Vidor, avant qu'en dernière minute on ne se rend compte que Wyler, qui sortait de The big country, n'avait rien en chantier! Et en plus, le metteur en scène habitué des prises multiples faisait peur à la MGM: est-ce qu'il allait être efficace?

Ben-Hur, c'est d'abord un roman au succès insolent, puis plusieurs productions théâtrales, puis de courtes adaptations partielles du roman pour quelques bandes cinématographiques, avant que le cinéma ne s'empare pour de bon de la chose: c'est en 1925, au terme de trois années de dur labeur coûteux, que la MGM a pu enfin clore le tournage et le montage d'un film qui allait sans doute faire beaucoup plus pour son prestige que pour son compte en banque... Et il n'a pas été question de le refaire avant le milieu des années 50: c'est que dans cette période, on a besoin économiquement des grosses productions coûteuses (ce qui est un paradoxe) afin de faire la pige à la télévision, et DeMille a montré qu'on pouvait même faire beaucoup d'argent avec! Mais on a aussi, dans le monde d'après-guerre, besoin de fédérer les populations autour d'une oeuvre oecuménique et qui puisse tant qu'à faire représenter le monde qu'on vient juste de quitter. Ben-Hur, qui conte l'occupation de Judée et la persécution des Juifs, est un véhicule idéal...

Déjà la version de 1925 avait fait l'objet d'un soin particulier afin d'être aussi bien acceptée par les Chrétiens de toute obédience, comme par les Juifs, les Musulmans et les athées. Une histoire éminemment religieuse mais qui gardait sa prudence face aux miracles, et face aux autres religions... Le même soin a été apporté ici par le producteur Sam Zimbalist et par William Wyler. Et dès le départ, celui-ci a pris le parti de s'intéresser d'abord et avant tout au côté intime du drame: comment la famille des princes de Hur vit l'occupation, comment la situation vire au drame quand leur ami le romain Messala les trahit, comment ensuite Judah Ben-Hur survit, et tente d'accomplir une vengeance qu'il juge légitime tout en reconstituant le puzzle de sa famille. Une histoire qui n'est pas si éloignée que ça de... Gone with the wind.

Mais il y a plus: dans son périple de plusieurs années, Judah va passer par tous les stades, toutes les situations: prince Juif, puis galérien; prisonnier de Rome puis haut dignitaire quand il est adopté par un tribun dont il a sauvé la vie; enfin, vedette incontestée des courses de char avant de virer en soldat du Christ, mais bien incapable de mener des troupes contre un ennemi, le Romain, qui lui ressemble... Judah Ben-Hur, l'homme qui vit dans l'ombre du Christ mais qui reste le centre d'une histoire dont Jésus n'est finalement qu'un motif, est un homme, tout simplement... En mettant en veilleuse l'intrigue religieuse (qui est pourtant là et bien là, dans des séquences d'ailleurs d'une grande beauté), Wyler a permis au film d'acquérir cette nouvelle dimension, presque absente de la première version: là, Novarro était un homme d'action qui se jette à corps perdu dans la bataille et la vengeance. Mais Wyler en prenant son temps permet à Ben-Hur de prendre le sien aussi...

Du coup, c'est un peu long à la détente, voire long tout court: 3 heures et demies, entractes non compris... Mais les scènes les plus intimistes ont inspiré Wyler et ses acteurs, comme d'habitude: Heston, malgré tous ses défauts (y compris le fait que le pauvre garçon n'ait pas été mis dans la confidence de la sous-intrigue homo-érotique entre lui et Stephen Boyd, un comble), est extraordinaire, bien meilleur qu'en Moïse; Stephen Boyd est un meilleur Messala que Francis X. Bushman en 1925, et Haya Harareet (qui sortait à peine de son service militaire obligatoire en Israel), Sam Jaffe, Finlay Currie, Jack Hawkins ou Hugh Griffiths sont superbes eux aussi... 

Maintenant, même pour toutes ses réussites, pour ses compositions superbes en 65 mm, pour son Technicolor d'une grande beauté, la musique de Miklos Rosza, l'excellence de son montage, les truquages splendides ou sa course de chars, je continue à le dire: Ben-Hur, c'est Niblo, dont la bataille navale et la course de chars st infiniment supérieures, pour ne citer que ces deux exemples.

Et Wyler? Pas son meilleur film, si vous voulez mon avis...

 

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Published by François Massarelli - dans William Wyler