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26 février 2020 3 26 /02 /février /2020 16:02

Une coproduction Germano-Danoise, un casting Européen, et au final, un film qui semble être complètement passé inaperçu en cette fin d'année 1928, alors que tous les regards étaient sans doute tournés vers les microphones Hollywoodiens, ces étranges objets auparavant inutiles et dont on attendait beaucoup... On ne refait pas l'histoire mais quel dommage. 

On ne refait pas l'histoire, mais on peut tout au moins l'illustrer ou s'en servir à bon escient pour un conte. Celui-ci est tragique, cruel même, mais l'auteur a eu l'excellente idée d'y imposer le rythme d'une comédie, en se reposant beaucoup, au début du moins, sur l'abattage mutin de la dynamique actrice Karina Bell: en pleine révolution, la citoyenne Léontine est donc la bonne, femme de chambre et confidente d'une noble, jusque là épargnée par les affres de la Terreur, et qui s'apprête à convoler en justes noces avec un émigré. Sandberg donne dans ses premières bobines un rôle assez important à cette domestique, qui restera un personnage de premier plan jusqu'à l'avant-dernier quart du film; c'est elle qui va chercher à manger qui négocie avec les commerçants, qui reste le rempart de sa maîtresse contre le destin.

Celle-ci, nommée Alaine de l'Estelle (Diomira Jacobini), semble ne pas trop se soucier de cette Révolution dont elle ne comprend sans doute pas la portée, toute à sa promesse de bonheur, fût-il fugace... Et il le sera, car en même temps que son fiancé, l'officier émigré Prosper (Paul Henckels), Alaine voit arriver une troupe Révolutionnaire, conduite par deux officiers: Montaloup (Fritz Kortner) et son ami et second Marc Aron (Gösta Ekman)... Ils sont assez prompts à prononcer l'arrêt de mort de Prosper et Alaine, qui a fauté en hébergeant dans sa chambre d'auberge l'officier. Montaloup, sur la suggestion du mystérieux Marc Aron, accorde aux deux jeunes mariés le droit de passer une dernière nuit, mais Prosper, obsédé par sa survie, refuse d'entendre raison. Il négocie avec Marc Aron, qui accepte d'échanger sa place avec lui: quand l'officier émigré fuit, seul, Alaine comprend que le Lieutenant Révolutionnaire vient d'échanger sa vie contre une nuit d'amour...

L'histoire est hautement romantique, et a déjà été filmée dans les années 15, sous la direction de August Blom, qui n'est quand même pas n'importe qui! C'est donc à du matériau éprouvé que s'attaque Sandberg, qui ne change pas grand chose de l'intrigue (en gardant en particulier une durée de 75 minutes sur les 95 du film, pour l'épisode à l'auberge), mais se réfugie dans le souffle de l'aventure, en reconstituant de façon brillante et économique le Paris de la Révolution, et en poussant son sens du détail très loin.

Il se repose aussi beaucoup sur les acteurs: vous ne pouvez avoir échappé aux deux grands noms du cinéma Allemand (même si Ekman est Suédois, il a tourné dans Faust après tout) qui ont participé à la distribution du film, et Sandberg a confié un rôle fantastique à Kortner, qui n'est jamais un personnage diabolique: au contraire, c'est un idéaliste révolutionnaire qui souffre de devoir faire exécuter son meilleur ami... Le metteur en scène confie par contre à Gösta Ekman une impressionnante figure romantique. Un amant inattendu, qui préserve une grande part de mystère jusqu'au bout... Dans ce film qui comme je le disais est rythmé comme une comédie, Sandberg utilise aussi le suspense lié au temps en rythmant ses bobines de vues d'une pendule: nous savons que l'exécution des amants est planifiée pour 6 heures... L'essentiel de l'action se passe la nuit, et les scènes nocturnes bénéficient du savoir faire du réalisateur et de son chef-opérateur Chresten Jorgensen, qui a déjà travaillé avec lui. Les scènes nous montrant Léontine, cherchant à se faire "des amis", c'est-à-dire à corrompre quelque soldat, et errant au milieu des bivouacs improvisés dans l'auberge, sont absolument splendides. 

Donc, une fois de plus c'est dommage, mais que voulez-vous? Les films de qualité, qui sont sortis cette année-là pour se planter en beauté, son tellement nombreux, qu'on ne peut plus s'en étonner. Reste que c'était le dernier film muet d'un auteur précieux, et totalement oublié depuis, qui n'allait jamais, dans les dix années qui lui restaient à vivre, retrouver le succès: c'est fâcheux!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet A.W. Sandberg 1928