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4 octobre 2020 7 04 /10 /octobre /2020 11:12

En 1986, un cinglé d'extrême droite a placé une bombe sur un site de rassemblement des JO, situés cette année là à Atlanta. L'attentat a fait une centaine de morts, mais Eastwood s'intéresse à un autre type de victime, selon son habitude (American Sniper, Sully, The 15:17 to Paris): un héros qui a longtemps été soupçonné d'être le terroriste, en raison d'une théorie de profiling: on a découvert de nombreux cas de personnes (policiers, militaires ou agents de sécurité) ayant mis en évidence un attentat, qu'ils avaient en réalité planifié ou aidé, le but de l'opération devenant essentiellement de se mettre en avant et de profiter d'une heure de gloire, bien plus que d'attenter à la vie d'autrui ou la sécurité d'un état... Ce qui est, on l'imagine, tout à fait possible, et plus important: au vu du déroulement de l'intrigue, qui part d'une période durant laquelle l'agent de sécurité Jewell est un jeune adulte pétri d'ambitions (devenir un agent du FBI ou des services secrets, pour servir son pays) qui ne se réaliseront jamais, il est très facile pour le spectateur de se dire qu'après tout, ça pourrait bien être lui le coupable. De quoi maintenir l'intérêt, dans un film qui une fois de plus est du Eastwood: méthodique et lent, il nécessite l'adhésion à son déroulement.

Mais ce n'est pas tout. Si il y a bien un enjeu dramatique lié à la sympathie naturelle qu'inspire Jewell, un homme simple et abusé par des bureaucrates qui se raccrochent à la seule piste qu'ils ont, aussi ténue soit-elle, le film se penche sur tous les aspects de ce drame de l'héroïsme et du soupçon (exactement comme Sully le faisait d'ailleurs, en se reposant également sur le caractère sympathique et direct de Tom Hanks): l'effet de l'héroïsme ET du soupçon, de la médiatisation à outrance de l'éventuelle culpabilité du héros, montée en épingle par le FBI justement parce que la presse en faisait ses choux gras, sans peu de scrupules d'ailleurs. A ce titre, la composition par Olivia Wilde d'une journaliste arriviste, adepte de toutes les méthodes y compris les avantages en nature, pour arriver à ses fins, est l'un des gros problèmes du film. D'une part parce que, confrontée à la méthode Eastwood (un plan, une prise), elle en fait dix fois trop... et ensuite parce qu'à l'heure où un psychopathe dangereux a pris en otage la nation Américaine et le monde entier en maltraitant la presse à chaque intervention, le timing est quand même embarrassant.

Cela étant, on aime ce film attachant pour son héros (Paul Walter Hauser), un homme en surpoids, lent et instinctif, qui semble incapable de mentir; un homme intègre à sa façon, qui est sans doute un habitant de Géorgie comme beaucoup d'autres: un peu droitier, mais pas terroriste. Un peu "white trash" sans doute, mais désireux de s'élever; appartenant à la NRA, mais c'est parce qu'il chasse... Le portrait rendu par Eastwood en a certainement gommé es aspérités et les zones d'ombre, mais on retiendra de ce brave type qu'ile st essentiellement un nounours, dont on comprend que l'avocat Watson Bryant, son ami, l'ait pris en affection. Sam Rockwell, excellent et tout en retenue, compose un autre portrait attachant avec cet avocat de gauche, qui soutient le naïf Jewell durant son supplice. Enfin, on appréciera comme de juste, dans le rôle de Maman Jewell, la grande Kathy Bates, magistrale comme à son habitude.

Et ce que Eastwood fait, au-delà de son thème si pratique de l'héroïsme, qui est par nature volatil et subjectif, c'est de sonder notre époque à travers son passé récent. Depuis Sands of Iwo Jima, combien de films a-t-il fait, bons ou mauvais peu importe, qui donnent une lecture de notre passé lointain ou immédiat, avec un regard sur les médias, sur la hiérarchie, et une exploration le plus souvent de la conscience des hommes à travers leur présence au milieu des autres? Certes, il le fait avec ses moyens, et le recours ici aux événements d'Atlanta passe par une recréation qui est brouillonne; mais il garde constamment l'humanisme paradoxal d'un conservateur invétéré.

 

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Published by François Massarelli - dans Clint Eastwood