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7 mars 2021 7 07 /03 /mars /2021 10:03

Un avocat lessivé, Frank Galvin (Paul Newman) reçoit d'un ami et collègue qui lui veut du bien un tuyau pour se remettre en selle: lui qui est ce qu'il appelle un "ambulance chaser", un avocat réduit à faire la tournée des hôpitaux et des cimetières pour trouver d'éventuels clients, ne devrait avoir aucun scrupule à s'occuper d'une navrante affaire qui traîne en longueur: une jeune femme a subi une anesthésie dans un hôpital prestigieux et n'est jamais sortie du coma. La famille est prête à signer un accord avec les avocats de l'établissement, et Frank recevrait un tiers... Sauf qu'en s'intéressant à l'affaire, ce dernier se rend vite compte qu'il y a eu injustice, et son sens moral se réveille... Durant cette période (il faut faire vite, le procès est dans les dix jours), il fait la rencontre d'une jeune femme qui s'intéresse à lui, Laura (Charlotte Rampling). Une rencontre très opportune...

Un procès, quel merveilleux prétexte pour le cinéma. Ca fédère forcément les spectateurs, le suspense, bien géré, est inévitable, et l'histoire est automatiquement structurée... Pourtant la Fox et Richard Zanuck, le producteur, ont eu les plus grandes difficultés à accepter le script de David Mamet, et pour cause: celui-ci faisait tout peser sur la morale et sur le retour à la vie de l'avocat (qui nous en rappelle un autre, d'ailleurs, celui de Raimu dans Les inconnus dans la maison), au point où il avait décidé de finir le film avant l'énoncé du verdict! Une fois Lumet dans le projet, un verdict, donc une fin satisfaisante pour ces messieurs, s'est vue ajoutée à l'échafaudage... Mais ce n'est pas ce qui a intéressé le plus Lumet, ici.

Non, il a vraiment tout fait peser sur la transformation d'un homme, d'un déchet alcoolique et qui passait le plus clair de ses journées à jouer au flipper, à un homme qui reprend goût à son métier, qui retrouve ce qu'il avait cherché toujours dans la pratique de la justice. Et à travers ce portrait, qui n'est pas spécialement éloigné des conventions, d'ailleurs, Lumet nous montre autre chose: comment derrière les ors et les boiseries de palais de justice plusieurs fois séculaires, se cache un système assez franchement corrompu dans lequel la loi est plus souvent limitée à l'apparence de la justice: à ce titre, James Mason, de toute sa splendeur, joue un avocat de la défense sûr de sa finalité et qui trône sur un panel d'assistants tous plus dévoués les uns que les autres. Une prestation qui est un régal... autour de lui, pourtant, la morale souffre et Lumet n'oublie pas d'opposer les systèmes corrompus, là encore (dont cet hôpital géré par une secte bien connue (située à Rome) et dont les dignitaires semblent avoir oublié les messages fondamentaux de leurs écritures... ) et les braves gens, pions d'un système qu'ils ne peuvent maîtriser (La famille de la victime, à la recherche d'un deuil d'autant plus impossible que la jeune femme n'est pas décédée, un témoin qui a fui pour échapper à la machinerie du mensonge, etc). C'est un film généreux, qui bénéficie d'un savoir-faire qu'on ne présente plus.

La fin est on ne peut plus explicite: dignité retrouvée, Frank voit au loin la femme qui a failli le perdre. Une jeune femme payée par l'adversaire pour lui mettre des bâtons dans les roues, ou une certaine idée de la justice, qui menace tout avocat? Lumet ne répond pas, et fidèle au script, il stoppe le film en pleine course... La poursuite de la vérité, elle, continuera.

 

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Published by François Massarelli - dans Sidney Lumet