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  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 23:45

Un prisonnier de l'Inquisition Espagnole (Gaston Modot) refuse de parler, et de céder à la torture, en dépit des efforts. Les moines ont une idée tordue: lui permettre de s'évader... L'homme découvre en effet une ouverture dans sa cellule, et s'aperçoit que la voie est libre...Ivre de liberté, il s'élance...

Gaston Modot, bien sûr, c'est cet acteur impressionnant, grand mais pas trop, maigre mais raisonnablement, moustachu mais avec finesse, et préposé aux rôles de traîtres et d'hommes de main dans les années 20 et 30 (Carmen de Feyder; Lucrèce Borgia, de Gance; Le comte de Monte-Cristo, de Fescourt, et j'en passe) et qui composera souvent aussi, plus tard, des silhouettes sympathiques de second rôles passionnants: Les Enfants du Paradis, de Carné; Le silence est d'or, de René Clair; La règle du jeu de Renoir... C'est aussi l'acteur principal de L'âge d'or, un sacré film et un sacré défi pour l'ami des surréalistes, l'ami de Modigliani également... Enfin, c'est un acteur qui s'est formé à la meilleure école qui soit, celle du music-hall, du cirque, et... du cinéma burlesque dont il fut un héros aux côtés de Jean Durand, Ernest Bourbon et toute la troupe de la Gaumont...

C'est aussi un cinéaste, la preuve, avec ce film atypique, unique réalisation d'un homme qui aimait passionnément le cinéma, mais qui en vivait. Et engagé en tant qu'acteur sur une très grosse production (La vie Merveilleuse de Jeanne d'Arc, de Marco de Gastyne, un film qui gagne par ailleurs à être connu), l'ennui et la ptrésence constante de décors lui ont donné une idée, celle d'adapter cette nouvelle de Villiers de l'Isle Adam, Le conte cruel ou la Torture par l'espérance, dans lequel on s'instéresse à ce pauvre homme victime du sadisme de ses gardiens... Tout dans l'atmosphère de ce moyen métrage (dans la copie visionnée, et disponible sur le site Henri de la Cinémathèque Française, il dure 34 minutes, et c'est une magnifique copie tirée du négatif qui a été conservé) renvoie à cette subjectivité, même si au préalable on s'engage dans ce cloître où les braves moines de l'inquisition torturent à tour de bras, avec ce qui serait presque un point de vue omniscient et objectif... mais Modot a à coeur, ici, de dénoncer avec force une cruauté sans nom, d'autant plus méchante qu'elle est effectuée au nom d'une religion dont les préceptes initiaux ne sont pas cette cruauté. 

L'apprenti cinéaste a été à bonne école, et utilise à merveille une caméra mouvante et émouvante, et le montage est pour lui un terrain de jeu intéressant, sans parler de surimpressions qui jouent avec le spectateur, autant qu'avec le personnage. Car si ce dernier nous communique le lyrisme d'un champ de blé dont la vision l'enivre de bonheur, nous savons nous ce que lui ne sait pas, que tôt ou tard l'étau de ses geôliers, qui auront fait la preuve qu'il ne s'évadera jamais, se refermera sur lui...

Un film, donc, un seul, réalis dans l'ombre d'un autre. Et si à travers ce désir de film, il y avait eu le cri du coeur d'un acteur qui n'en pouvait plus d'attendre d'être utile, et qui s'était dit que plutôt que de rester à rien faire, autant faire un film? 

Il a raison. Le résultat est aussi précieux que rare... Il sortira finalement en 1930, en catimini et disparaîtra sans que Modot ne recommence l'expérience; dommage!

 

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Published by François Massarelli - dans Gaston Modot Muet 1929