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15 octobre 2012 1 15 /10 /octobre /2012 10:38

C'était cuit d'avance... Scott avait beau envoyer démenti sur démenti, estimer en interview que Prometheus est un nouveau film, lié de façon très peu probante à la saga Alien, que si le projet était bien né d'une idée de produire un prequel, donc le film avant le film, du classique de 1979, la comparaison et les rapprochements étaient d'une part inévitables, d'autre part... meurtriers. Alien est un chef d'oeuvre, un film indépassable, séminal et qui a déjà généré trois suites, certaines franchement glorieuses, mais aucune n'est arrivée à sa hauteur. Les trois films ont ensuite contribué à la légende et établi l'idée que tout ceci était un univers à part entière, en ajoutant film après film des éléments à ce monde très particulier, en précisant toujours un peu plus avant le mode de fonctionnement de ces créatures qui semblaient finalement n'exister que pour détruire. En retournant, même brièvement, à la source, Scott prenait un gros risque; je ne parle pas ici du risque de faire un mauvais film, non: le risque de Scott, c'était de fâcher les fans, et ça, c'est inévitable. Soyons beaux joueurs: on a tous un jour essayé de réfléchir à ce fameux Space Jockey, coincé et momifié dans son étrange vaisseau... Si on devait satisfaire tous les fans d'Alien en essayant de lui donner une raison d'être là, ce qui était donc l'idée de départ, on n'y parviendrait jamais. Ajoutons à cela le fait que, si Scott est bien de retour dans l'aventure, ni Shussett ni Dan O'Bannon, ni bien sûr Giger, ni Sigourney Weaver ne sont présents, et admettons que la barre était décidément bien haute. Sans parler de la crainte éventuelle d'un nouveau public crétinoïde pour qui un film tourné six mois auparavant est vieux, qui aurait sans doute amené la Fox à faire un remake du Alien initial... Brr. Donc, l'idée de faire (ou de prétendre faire) de Prometheus un film en marge de la saga était sage. Reste que désormais, il lui faudrait donc être jugé sur ses seuls mérites, et c'est difficile lorsqu'on y voit des images comme celles-ci:

Donc, devant ce qui est à la fois une part de l'héritage d'Alien et autre chose, un prologue et une variation, essayons d'y voir plus clair: Prometheus conte les mésaventures d'un groupe d'humains en proie à des ennuis peu recommandables lorsqu'ils se sont rendus sur une autre planète, amenés par des indices trouvés sur terre: ils sont à la recherche de l'origine de la vie humaine, et ont cette fois enfin des clés pour aller chercher dans l'espace les "créateurs", nommés "ingénieurs" dans le film. Le groupe en question y est particulièrement hétéroclite, formé de plusieurs factions, comme pouvait l'être l'équipage du Nostromo, ...pardon: on avant dit qu'on n'en parlerait pas. Les membres d'équipage, ex-militaires d'un côté, les deux scientifiques (Dr Shaw et Holloway) d'un autre, et enfin la mystérieuse Vickers, une représentante de la compagnie Weyland, pas encore fusionnée avec Yutani... Pour compléter le tableau, un androïde, David, fait le lien entre tous et doit maîtriser une langue ancienne qui pourrait être liée aux "ingénieurs", afin de tenter d'établir une communication. Mais à leur arrivée sur la planète, les membres de l'expédition vont constater que les extra-terrestres y ont bien laissé des traces, mais il ne s'agissait pas de leur habitat, juste d'une étape; leur vaisseau est à l'abandon, envahi d'étranges urnes, et tous les corps des "ingénieurs" sont momifiés... Sauf un.

Les ingrédients de ce film rappellent pour une large part Alien, en effet, par la structure même du film; un réveil dans le vaisseau renvoie directement au début du film initial, la façon dont les membres de l'expédition disparaissent les uns après les autres, et le mystère qui entoure non seulement la mort de leurs camarades, mais aussi ce qui a décimé les "ingénieurs". Le problème du film, c'est que Scott a beau dire qu'il ne s'agit pas d'un prequel, on en sait suffisamment grâce à Alien, pour anticiper sur une large part des révélations qui seront données. Reste le frisson particulier du suspense, les actes gratuits et nombreux (le film regorge de non-dits qui peuvent aussi bien être des actes manqués que des trucs de scénariste, mais font tout son sel...), et un certain savoir-faire, plus le plaisir de repérer dans ce film ce qui renvoie à Alien. Et puis une bonne part de la distribution joue plus que convenablement son rôle, Noomi Rapace en Ripley-bis la première.

Au-delà des critiques des fans d'Alien, qui se plaignent de ne pas avoir de quoi étancher leur soif, on peut se pencher sur la curieuse tendance de ce film à se reposer derrière une bannière créationniste qui renvoie Darwin (Considéré actuellement comme un affabulateur par les intégristes Américains) aux oubliettes, même si elle débouche sur une notion d'un Dieu cruel, méchant, dédaigneux et destructeur. C'est, en 2012, et compte-tenu des tendances de certains groupes religieux aux Etats-Unis, une faute de goût un peu embarrassante, même si une fois encore on n'est peut-être pas au bout de nos surprises avec un film clairement conçu pour n'être que la première partie d'un ensemble plus long: le titre de travail était Paradise. De toutes façons, quant à ce problème idéologique, il y a fort à parier que ce vieux renard de Ridley Scott n'a eu pour seule motivation que de renouer à la science-fiction avec un nouveau jouet qui lui permettrait de faire ce qu'il fait mieux, créer un univers cohérent le temps d'un film... Ou deux: A suivre?

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott Science-fiction