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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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14 mars 2021 7 14 /03 /mars /2021 09:00

Des fois, il vaut mieux abandonner: en voici une illustration... Le film The Keep a été longtemps invisible depuis sa sortie en 1983, et allant plus loin, certains fans vont jusqu'à lui décerner un statut de film maudit. Et les faits parlent pour eux... Coincé entre Thief, son néo-film noir de 1981, et Manhunter (1986) qui va lancer presque à lui tout seul un renouveau du film policier psychologique, cette adaptation d'un roman d'horreur a été tellement handicapé par les problèmes de tous genres que ça se voit...

Et pour moi le premier problème c'est l'intrigue, qui le fait flirter dangereusement avec le navet. Des soldats Allemands en 1941 reçoivent la mission de garder une forteresse en montagne, en Roumanie. La finalité de l'endroit reste mystérieuse, mais on comprend qu'elle sert à garder quelque chose ou quelqu'un enfermé, et non à empêcher quiconque de s'introduire. Des soldats qui ont essayé de desceller des croix en argent incrustées dans les murs meurent dans d'atroces souffrances, et la peur s'installe. Un salaud de SS vient pour régler les problèmes en massacrant la population s'il le faut, et pendant ce temps, un mystérieux voyageur à la coupe très 1983 arrive pour... Pour faire quoi, exactement, d'ailleurs?

Quelle salade, non mais quelle salade. Je sais que le film possède un solide réseau e culte de la part de fans transis, certains ayant même probablement l'album de la BO par Tangerine Dream (...Mais pourquoi????????????), mais là c'est incompréhensible. Le film, en l'état, ne fonctionne pas, est complètement ruiné par un montage pourri, des effets spéciaux inachevés, et n'est que le reflet imparfait d'une oeuvre ambitieuse, je veux bien l'admettre. Mais cette intrigue hallucinante, et cette créature qui se nourrit de nazis, j'avoue être totalement réfractaire, si ce n'est justement qu'elle zigouille tous les nazis, justement! Les choix souvent discutables de Mann (ralenti lors d'actions d'éclat, lumière bleue à gogo) tournent ici au vomitif, et il faut bien reconnaître que non seulement l'intrigue est idiote, mais elle est surtout incompréhensible. et comme il ne reste que l'esthétique pour pleurer, eh bien... on pleure.

Alors sinon, le film a été monté dans une version de 210 minutes refusée par la Paramount qui voulait un montage réduit à deux heures; le cinéaste leur a donné satisfaction sur ce point, mais ils ont retaillé dedans suite à des réactions négatives lors d'une preview, pour aboutir au désastre que nous avons sous les yeux, et qui sans surprise a été sorti à la va-vite, avant d'entrer au purgatoire du home video. Lorsqu'on lui demande si un jour il va remonter une version plus décente, Michael Mann évacue la question, et indique clairement qu'il faudra se contenter de la version de 1983. On peut aussi, tout simplement, s'en passer...

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann Salade
10 janvier 2018 3 10 /01 /janvier /2018 18:39

Voici un premier long métrage de cinéma qui non seulement promet, mais en plus accomplit ses promesses avec une maîtrise et une rigueur impressionnantes. Bon, si j'ai rajouté "De cinéma" à ma première phrase, c'est tout simplement parce que j'ai triché: Michael Mann avait déjà réalisé un film long pour la télévision (Qui est non seulement rare, il est aussi doté d'une excellente réputation), avant d'être engagé sur pièce par Jerry Bruckheimer et James Caan pour réaliser ce film, qui porte de façon évidente la marque de l'acteur, tout en posant les bases des futurs films noirs du réalisateur.

Frank est un voleur, comme l'indique le titre. Il aime son métier, qu'il fait bien, mais les temps changent, et il lui fait penser à la prochaine phase de sa vie. Seulement quand on est un voleur consciencieux et avec des scrupules, c'est difficile de tout arrêter pour trouver une compagne et fonder une famille, quand tout fout le camp: son mentor lui annonce qu'il va mourir, les policiers corrompus s'intéressent un peu trop à ses petites affaires et aimeraient bien palper un pourcentage, et les autres malfrats ne sont que des exploiteurs malhonnêtes... Alors oui, il trouve bien l'âme soeur (Tuesday Weld), à laquelle il ne cachera rien, mais le reste part complètement en vrille...

James Caan peut cette fois rouler des mécaniques, exhiber sa musculature poilue et ses grosses voitures, ça fait totalement partie du personnage, un malfrat à l'ancienne qui parle avec l'accent appris en prison, et qui renvoie à l'éthique Hawksienne du travail bien fait; sans que le cabotinage ne desserve le film en rien, l'acteur fait donc son numéro et donne à son alter ego une touchante humanité. Mais le film est comme le sont de nombreux westerns des années 60 et 70: crépusculaire... La fin d'une époque est ici montrée parallèlement à la préparation d'un casse spectaculaire, méthodique, dont rien ne nous est caché même si le langage est à décoder: c'est en malfrat dans le texte, non sous-titré... Il y a du Melville dans cette rigueur narrative, du reste.

...Bon, Michael Mann oblige, on est obligé de caramboler Jean-Pierre Melville et la musique électronique de Tangerine Dream, mais les petites manies du metteur en scène, ces ralentis occasionnels et cette fascination pour les néons bleus, ne prennent pas encore toute la place. Le metteur en scène nous fait partager sa fascination pour l'Amérique nocturne, ses lumières, ses couleurs qui forment tout un monde étrange... Et le film anticipe sur l'extraordinaire tension narrative de Heat, et sa confrontation entre un policier qui faute, et un gangster rigoureux pour ne pas dire généreux... Et la finalité de l'existence, pour l'ancien taulard qui s'est confectionné une carapace nihiliste, c'est qu'il n'aura bien sûr pas droit au bonheur.

Tout ça n'empêche pas l'inévitable: à la fin, l'ancien va régler ses comptes. Et ça va être très sportif...

 

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Published by François Massarelli - dans Noir Michael Mann Criterion
13 février 2016 6 13 /02 /février /2016 17:32

Ce film était dans l'air depuis 1993, et Michael Mann n'a été que le dernier des réalisateurs intéressés par le projet, longtemps après que Will Smith n'ait pris une option pour le personnage du légendaire boxeur Cassius Clay, qui a changé son nom en Mohammed Ali. Mais le réalisateur n'a pas pour autant traité le sujet à la va-vite, il l'a fait comme toujours avec rigueur et un sens impressionnant du rythme...

Au moment où le film commence, la ségrégation bat son plein dans le Sud, et celui qu'on appelle encore Cassius Clay se prépare à combattre pour son premier titre de champion du monde, contre le tenant du titre Sonny Liston. Le combat a lieu à Miami, et parmi ceux qui gravitent autour du boxeur, figure en bonne place son ami Malcolm X. Le film montre de quelle façon le leader de la Nation de l'Islam, Elijah Mohammed, va jouer Ali contre X, en favorisant le jeune boxeur (Auquel on donne un nom alors qu'il n'est pas sensé encore en être digne) contre le prédicateur. De combat en combat, le film reste dans les coulisses de l'histoire: on voit de quelle façon Ali refuse de partir au Vietnam, lançant une bataille juridique contre l'état. On voit surtout de quelle façon le boxeur procède, par éclats médiatiques, et souvent humoristiques, pour avancer sa carrière et se maintenir, avec culot, au sommet...

Les combats ne sont pas tout dans le film, mais Mann les approche avec une certaine gourmandise. Il joue à chaque fois sur l'urgence, en poussant le spectateur à les regarder comme si rien n'était joué d'avance. Le reste est passionnant, avec une impression d'assister à tout un pan des années 60 et 70 (Le film ne couvre que la période 64-74) qui est occulté habituellement... Car Mohammed Ali, c'est une histoire repeinte en noir, celle qu'on n'a pas encore intégrée parce que jusqu'aux années 60, l'histoire des Etats-Unis est essentiellement une affaire de blancs. Outre Mario Van Peebles en Malcolm X, l'entourage de Mohammed Ali permet à de nombreux acteurs Afro-Américains de s'illustrer avec brio, de Jeffrey Wright à Jamie Foxx en passant par Jada Pinkett Smith ou Gianni Esposito. Surtout, le film prend fait et cause pour Ali, un nouveau héros paradoxal pour l'auteur de Heat, qui comme tant d'autres sollicite la confrontation, dont il se nourrit et nourrit sa légende. Un regret toutefois, le fait que Ali vive en permanence dans la publicité, dans les médias, mais donne l'impression de n'avoir aucune vie privée. Je n'ai pas dit de "vie intérieure", mais c'est vrai qu'avec Will Smith, on pouvait sans doute difficilement éviter ce côté si uniformément culotté du personnage...

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann
21 juin 2015 7 21 /06 /juin /2015 10:15

The insider est inspiré de faits réels: licencié d'un poste doré dans l'industrie du tabac, un scientifique scrupuleux, Jeffrey Wigand (Russell Crowe), est prêt à faire des révélations sur les mensonges de ses ex-patrons, et donner une interview dans la prestigieuse émission de CBS news, 60 minutes. Pour l'occasion, il est caché par Lowell Bergman, le producteur de l'émission (Al Pacino). Evidemment, le parcours va être semé d'embûches, avec des menaces de mort anonymes à l'égard de Wigand et sa famille, les menaces légales diverses, grâce aux armées d'avocats dont dispose la puissante industrie du tabac, mais aussi des menaces internes à CBS qui craint les éventuelles retombées judiciaires, et une menace importante sur Wigand dont l'épouse Liane (Diane Venora) n'est pas prête à assumer la pression qui pèse sur elle, son mari, et leurs deux filles...

Du début à la fin, Mann a choisi de tourner son film comme un thriller d'action, en prenant au départ deux intrigues qui vont se rejoindre au bout d'une vingtaine de minutes: d'un côté le quotidien parfois extraordinaire des producteurs d'une émission d'investigation pointue, qui amènent parfois un vieux renard de journaliste comme Bergman à rencontrer un terroriste pour préparer une interview dans des conditions plus que dangereuses, de l'autre le couperet du licenciement sur l'instable et souvent mal-à-l'aise Wigand. C'est lorsque Bergman va fouiner dans l'industrie du tabac, qu'il aimerait tant afficher à son tableau de chasse, que les deux fils vont pouvoir se nouer ensemble. Et comme Mann l'a déjà fait avec Heat, l'histoire est beaucoup une confrontation, entre deux hommes que la vie a rassemblé, mais qui n'ont pas grand chose pour être copains, mais aussi entre deux univers qui n'ont rien en commun: le quotidien de Wigand est fait de renoncements, de retranchements, et de lutte contre tout ce qu'il a en lui: une certaine violence devant toute contrariété, l'instabilité émotionnelle, alors que Wigand est un fonceur, qui aime à provoquer le conflit dans sa recherche de la vérité... Ou du spectaculaire. Mann reprend d'ailleurs l'idée de Heat, de souligner chez les deux hommes, par leur quotidien, la différence entre eux: l'un (Bergman) est ancré dans son mariage solide, bien que ce ne soit pas le premier, l'autre (Wigand) est encore en lutte pour se faire accepter par son épouse après des années erratiques. La confrontation fera, bien sur, des étincelles.

Très vite, on s'en rendra compte, l'industrie du tabac n'est plus qu'un prétexte pour démonter point par point les stratégies, de la presse comme des compagnies, légales ou illégales, transparentes comme manipulatrices. La menace sur Wigand est filmée comme dans un film policier, par un metteur en scène sur de ses effets et de sa technique, et c'est du grand art. Les acteurs sont bien plus sobres que dans les autres films de Mann, ce qui est un atout (Pas de fusillade géante ici, ça change un peu, pourrait-on dire!), et même Pacino réussit à se retenir, ce qui est plus que notable! Plongée intégrale dans un monde de corruption, de manoeuvres et de manipulation en tous genres, The insider est un film fascinant sur les mécanismes de l'information, un grand drame humain, qui ne peut pas laisser indifférent.

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann
31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 17:42

Le cinquième film de Mann, L.A. Takedown, a été tourné pour la télévision, et reposait sur un scénario écrit depuis au moins dix ans. Frustré d'avoir en partie gâché une bonne idée, le metteur en scène a pris la décision de le recycler pour le cinéma, en apportant dans la balance un atout de poids: une confrontation entre rien moins que De Niro et Pacino! Mais si L.A. Takedown fournit la matière première principale, le nouveau film s'étend quasiment sur le double de sa durée. Les scènes-clés du premier effort sont ici répliquées, en plus spectaculaire, mais ce qu'on peut retenir de cette revisite, c'est la façon dont Mann va explorer tous les facteurs humains de son intrigue, pour déboucher sur un opéra triste, moral, et absolument magnifique...

Un groupe de malfaiteurs braque le camion d'un convoyeur de fonds. Tout va bien, sauf qu'un des braqueurs, à la gâchette facile, se laisse aller à s'en prendre à un des gardiens. Le ton monte, il l'exécute, du coup les bandits sont obligés de faire le vide et de tuer tous les autres... C'est le début d'un engrenage dans lequel tous vont se faire avoir... L'affaire est confiée à Vincent Hanna (Al Pacino), un dur efficace et clairvoyant, et son équipe. Très vite, ils vont repérer les agissements de la bande, mais plutôt que de les coincer, ils ne vont pas relâcher leur surveillance afin de les coincer sur un gros coup. De leur côté, les cambrioleurs, bien sur, ont vite repéré le ménage de la police, mais ils décident de tenter le tout pour le tout. Bien vite, Hanna voit bien que son principal antagoniste, un certain Neil Macauley (Robert De Niro), n'est pas n'importe qui...

Plutôt que de se contenter de comparer ce film à L.A. Takedown, je pense qu'on peut sans risque aller voir du côté du Cercle rouge les correspondances: et de fait, Heat est peut-être le plus Melvillien des films de Mann. De Niro, gangster quadragénaire, sait très bien qu'il ne pourra plus sans sortir et survivre longtemps sans aller en prison, et il est clair dans son esprit qu'il n'y retournera pas. Il caresse bien l'espoir d'aller un jour dans les îles Fidji, mais c'est sans doute pour la forme. Pourtant, autour de lui, ses collaborateurs sont tous en couple, certains sont mariés (Y compris son petit protégé, Chris, interprété par Val Kilmer, et qui a besoin qu'on s'occupe de lui: il est héroïnomane), ont des enfants... Neil, lui, a bien l'espoir de faire un bout de chemin avec une jeune femme, Eady, rencontrée lors de ses repérages. Elle ne sait pas qui il est, et il parvient à lui mentir un temps...mais c'est très temporaire tout ça. Ironiquement, les gangsters sont tous plus stables que les policiers, devenus accros à leur travail, et qui passent plus de temps ensemble qu'avec leurs femmes. C'est la leçon amère que retiendra Vincent qui voit son mariage (Le troisième!) se désagréger. Et l'impensable artive: au beau milieu du film, les deux protagonistes vont se retrouver, parler, à coeur ouvert, de leurs vies, leurs frustrations, leurs projets au sens large... et de la marche à suivre quand ils se retrouveront face à face dans le cadre de leurs professions respectives!

Mais Heat n'est pas que cette évocation mélancolique majeure, ou un film qui laisse parler le temps qui passe (170 minutes, on peut dire que Mann s'est donné la distance pour raconter tout ce qu'il a sur le coeur), c'est aussi un film qui laisse parler la poudre. Définition impressionnante du mot "efficacité", possède en son coeur une fusillade exemplaire de 6 minutes dans laquelle le feu s'abat sur tous, qui va laisser du monde sur le carreau. On a eu environ deux heures pour s'y préparer, on connaît tout et tous, et qui pourrait dire qu'on a vraiment un camp à choisir entre ces pères de famille aimants qui viennent de braquer une banque, et ces fonctionnaires sous-payés mais qui aiment leur métier, tous confrontés les uns aux autres dans une scène qui épuise tant de balles qu'on se demande comment il en reste encore à la fin... La violence sous-jacente, le côté sale du crime, l'aliénation d'une grande cité, le fait que voler est aussi un acte de révolte, toutes les interprétations sont possibles... A vous de choisir

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann
31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 08:57

La morale, dans un film, est une chose à définir selon des critères, bien sur, variables. Michael Mann l'a bien compris, lui qui a souvent raconté les aventures de malfrats dotés d'une éthique (Thief, Heat, Collateral, Public Enemies), ou de membres influents de la société, voire de policiers et autres donneurs de leçons aux méthodes floues, et aux parcours douteux (Le profiler qui se rapproche au plus près de la folie des tueurs sur lesquels il enquête dans Manhunter, le policier de Heat, le journaliste de The Insider, l'un des policiers de Miami Vice, et enfin le membre du FBI dans Public Enemies!). Chez ce metteur en scène, donc, la frontière entre le bien et le mal est mal définie, et l'éthique devient facilement une règle de vie pour des gens amenés à sortir de la légalité. On retrouve bien évidemment cet univers avec ce film, mal accueilli à sa sortie, qui concerne cette fois un monde bien particulier, celui des pirates informatiques et autres hackers. Effet de mode? Je pense qu'on aurait tort de considérer ce film comme une sorte de tentative démagogique de surfer sur l'image actuelle de ces pirates d'un nouveau genre, tant Michael Mann a tout fait pour sortir de la peinture d'un monde virtuel. Le film entier démontre justement qu'il n'y a pus rien de virtuel, et on débouche sur du concret, du physique, et pour tout dire du sale.

Un pirate informatique s'est infiltré dans le programme de sécurité d'une centrale nucléaire Chinoise, et a provoqué une explosion des pompes des réacteurs. puis le même s'est introduit dans le système d'une bourse locale à Chicago, déclenchant un dérèglement de la bonne marche des cours. Les Etats-Unis et la Chine sont donc prêts à collaborer, afin de coincer ce terrorisme d'un genre nouveau. Les "enquêteurs" dépêchés par les deux côtés vont par contre être une étrange triade: le Capitaine Dawai Chen (Leehom Wang) est un militaire qui a fait ses études aux Etats-Unis; Nicolas Hathaway (Chris Hemsworth) est un hacker surdoué qui purge une peine de prison de 13 ans pour une escroquerie. Les deux ont créé, lors de leur séjour ensemble à l'université, le programme qui a été utilisé par les "terroristes", et Hathaway a tout à gagner dans l'affaire, puisque il accomplira sa mission en échange de la liberté et de la réhabilitation. Enfin, pour aider les deux génies de l'informatique, Lien (Tang Wei), la jeune soeur de Chen, va elle aussi faire la preuve de son adresse en matière de jonglage sur ordinateur. Mais d'une part, Lien et Nicolas vont rapidement tomber amoureux l'un de l'autre. Ensuite le hacker sous haute surveillance va utiliser des méthodes illégales qui vont bien sur porter leurs fruits, mais aussi remettre en question ses possibilités de réhabilitation. Enfin, la chasse à l'homme virtuelle va vite se transformer en une guerre sanglante dans laquelle tous les coups seront permis.

Le metteur en scène, célébré pour la rigueur de sa mise en scène de film en film, a choisi cette fois un dispositif étonnant, consistant en un recours à la vidéo légère, et à des caméras portées au plus près de l'action. Le résultat débouche sur une impression d'urgence, et le film a parfois l'allure d'un documentaire. Une bande-son très travaillée, qui va également dans le sens d'une recréation de la vérité, enfonce le clou d'ailleurs. Mais la façon dont Mann joue sur le point de vue de tous ces gens qui ont, à des degrés divers, une forme de génie pour voir et sentir les choses à cent à l'heure dans le monde virtuel, mais des perceptions bien différentes dans le concret d'un monde réel, débouche une fois de plus sur un opéra de la morale et du doute, violent et âpre. On peut trouver à redire du choix de Chris Hemsworth qui est parfois un peu trop testostéroné à mon gout pour le rôle qu'il interprète, mais le film est engageant, et trois scènes d'action spectaculaires nous rappellent s'il en était besoin que Mann est le metteur en scène de l'une des fusillades les plus virtuoses de l'histoire du cinéma (Heat). ET les deux acteurs Chinois, d'ailleurs vus ensemble dans le superbe Lust, Caution de Ang Lee, sont excellents. On reverra ce film, et à coup sur il aura encore plus à nous donner dans les années qui viendront, comme les autres oeuvres du metteur en scène.

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann
23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 09:54

J'aime bien Michael Mann, mais il y des défauts irrémédiables dans son style: un metteur en scène qui a "grandi" dans les années 80 a forcément retenu de l'esbroufe alors en vigueur des scories, des sales manies qui viennent empoisonner ses films. c'était particulièrement le cas dans le par ailleurs excellent Manhunter, en 1986, mais il avait eu tendance à se débarrasser de ses sales habitudes (Musique FM des années 80, ralenti pourri, ambiance bleu électrique, plans d'immeubles illuminés la nuit avec saxophone alto + écho en fond sonore...) dans des films aussi importants que Heat, The insider ou le délectable The last of the mohicans. Et bien sur, son Collateral tourné depuis était un film parfait.

Mais chassez le naturel, il revient avec un turbo: inspiré par une série télé dont il a réalisé quelques épisodes en 1983, Mann revisite avec ce film ce qui faisait alors l'essence du polar, et ce pendant les 35 premières minutes: deux flics, aimant les grosses bagnoles, font en permanence le concours de celui qui a la plus grosse paire de testicules: c'est Colin Farrell qui gagne, forcément: 42 kilos l'unité (Ca le gène même pour marcher). Ils font du bateau (vitesse!), ils vont en boite (frisson), ils arrêtent des truands (Motherfucker!) et puis ils entrent dans une drôle de zone de turbulence et doivent incarner des trafiquants de drogue, et là le film bascule vers quelque chose d'autre; l'alliance de deux contraires, comme Collateral avec son tueur et son chauffeur de taxi, ou Heat avec son truand et son flic: les contraires, ce sont Jamie Foxx l'inquiet et Colin Farrell le couillu, mais aussi Colin Farrell le flic et Gong Li la trafiquante. Le film mélange à loisir le bien et le mal, met à mal ses surhommes (Jamie Foxx en particulier, qui sait à merveille jouer la fragilité) et du coup on est dans une oeuvre beaucoup plus attachante, mais avec des fusillades (Dans lesquelles tout le monde se confond, les limites sont constamment brouillées). Hélas! Une chanson de Phil Collins (Pouah), et les filtres bleus utilisés lors de la plupart des scènes ainsi que la brouette que Colin Farrell doit trainer avec lui pour trimballer son encombrant paquet nous rappellent parfois qu'on est en 1983, et que je conserve des réserves sur ce film.

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann
11 août 2014 1 11 /08 /août /2014 16:32

Will Graham (William Petersen), un ancien agent du F.B.I. est appelé à reprendre du service: il a en effet rendu de fiers services dans le passé, en explorant les possibilités d'une nouvelle approche, qu'on n'appelle pas encore le profiling. La raison pour laquelle il est retiré des affaires est pourtant liée à ce passé professionnel: il a fini par faire un séjour psychiatrique à force de se mettre à la place des tueurs qu'il a contribué à arrêter ou éliminer. Au grand dam de son épouse (Kim Greist), il accepte néanmoins, en particulier pour rendre service à son ami Jack Crawford (Dennis Farina). L'enquête à laquelle il participe consiste à faire toute la lumière sur deux crimes sans précédent, mais tous deux perpétrés par le même tueur: il a massacré deux familles... Parallèlement à la progressive et douloureuse reprise de ses activités par Will Graham, nous faisons également la rencontre du tueur, Francis Dollarhyde (Tom Noonan), dans ses maladroites mais touchantes tentatives de séduction d'une collègue aveugle, Reba (Joan Allen)...

Bien des héros de Michael Mann sont tout entiers accaparés, jusqu'à l'aliénation, par leur travail: c'est notamment le cas des deux protagonistes (L'un est tueur, l'autre chauffeur de taxi!) de Collateral. Mais Will Graham est un cas d'espèce: il est amené à reprendre son travail après une quasi-retraite, et contrairement aux héros visillissants de Clint Easwood, cet arrêt des activités était totalement volontaire, et avec le soutien de son épouse. Graham sait qu'il a tout à perdre à reprendre ce métier qu'il a quasiment inventé... Ce qui apporte un intérêt fascinant à ce film qui est à ma connaissance le premier à aborder un tel domaine. Et comme Michael Mann partage avec Hawks une curiosité gourmande pour les hommes au travail, les séquences qui le voient repartir au charbon, lentement, méthodiquement, en entrant presqu'en transe, sont hallucinantes. Le film devient une descente aux enfers, pour un homme qui doit non seulement comprendre les désirs les plus inavouables du tueur, il doit aussi les ressentir, et se faire aider par un psychopathe qui ne boude absolument pas son plaisir...

Le film est la première adaptation d'un roman de Thomas Harris, Red dragon, 5 années avant The silence of the lambs. On y aperçoit aussi, bien sur, Hannibal le cannibale (Ici appelé Lecktor, interprété par Brian Cox), qui apporte son soutien si particulier à Graham, mais le film ne lui accorde pas autant d'importance qu'au héros, contrairement au film de Jonathan Demme. Et Mann a souhaité s'intéresser essentiellement à l'effet de l'enquête sur Graham, là ou Silence of the lambs déroule une enquête perçue presque selon une optique documentaire. La tension de Manhunter découle de la douleur de l'entrée progressive en contact de Graham avec le tueur, dont il va, à un moment ou à un autre, devoir avoir la peau afin de faire son deuil de leur rapprochement... Et dans sa version intégrale (3 mn cruciales qui nous montrent à quel point Graham est allé loin dans son approche, probablement trop loin d'ailleurs), on mesure les façons dont deux hommes que tout devraient opposer sont en fait si proches. Un thème qui reviendra de façon dramatique dans Heat, Insider, Collateral, Public enemies, et même, par certains côtés dans The last of the Mohicans...

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann
28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 08:57

Une fois de plus, Michael Mann nous parle, à travers ce beau film noir empreint d'un suspense impressionnant, de nous, de nos quotidiens, nos frustrations, et de notre morale, sous un jour jamais moralisateur. Pour commencer, il sait installer un univers, et ici ce monde qui est montré commence par la tournée routinière d'un chauffeur de taxi de nuit à L.A., Max (Jamie Foxx), qui a choisi le travail nocturne pour des raisons humaines: il est plus tranquille, et apprécie le fait que ses clients soient beaucoup moins stressés. On le voit dans une exposition qui semble presque gratuite, durant laquelle il conduit une jeune avocate (Jada Pinkett Smith) jusqu'à son bureau, ou elle va passer la nuit en attendant une journée importante, le début du procès dont elle est le procureur. Ils parlent, sans flirter vraiment, et lui se révèle tellement à la jeune femme qu'elle ne résiste pas à l'impulsion de lui laisser sa carte à la fin de la transaction. Cette exposition est presque gratuite, disais-je, puisque d'une part on a à l'issue de ces 11 minutes parfaitement saisi le caractère foncièrement empathique de Max, et on a très envie de rester avec lui pour le reste du film, et surtout, bien sûr, cette anecdote de rencontre aura de l'importance pour la suite...

Avant cette rencontre entre un chauffeur de taxi et une cliente, on a vu une autre simple anecdote, un échange de mallettes à l'aéroport entre l'autre protagoniste principal du film, Vincent (Tom Cruise), et un anonyme. Il procèdent à cet échange de façon discrète, mais le spectateur a compris: Vincent est, on l'apprendra très vite, un tueur professionnel, et il a une mission, celle de refroidir cinq personnes afin d'éviter un procès. Il a besoin pour cela d'un taxi, et si possible d'un chauffeur qu'il sauré obliger à l'attendre, voire l'assister... C'est comme ça que Vincent et Max se retrouvent l'un avec l'autre, le type bien et le tueur froid, et qu'ils vont en dépit de tout déteindre l'un sur l'autre... surtout Vincent qui ne va jamais hésiter à donner à Max son avis sur tout, lui conseillant d'aller voir sa maman à l'hôpital, lui signalant qu'il n'est pas assez ambitieux, voire lui montrant que ses rêves d'avenir (Devenir son propre patron dans une entreprise de taxis de luxe) ne se réaliseront jamais... Et Max, obligé de rester bien qu'il ne soit pas exactement pris en otage, va essayer à de multiples reprises de contrecarrer les plans de son client (Celui-ci n'a pas de contrat pour tuer Max, et surtout, il l'aime bien, donc il ne le supprimera pas...). Il va aussi apprendre à prendre des décisions, à improviser aussi, à la suite de son étrange client, et agir pour son propre avenir, ainsi que pour celle qu'il a rencontrée au début du film.

Une rencontre entre deux mondes, c'est l'un des sujets les plus courants des films de Mann: la rencontre entre un tueur enfermé, un profiler et un fou homicide en activité dans Manhunter, le choc culturel de Last of the Mohicans, le flic à la vie familiale pourrie et le tueur qui refuse de s'attacher pour ne pas mettre quelqu'un en danger dans Heat, ou enfin la rencontre de deux caractères antagonistes dans The Insider: Il aime à mettre ses personnages en relation avec ceux qu'ils ne cotoieraient pas naturellement. On a vu récemment avec Public enemies, que cette rencontre n'a pas besoin d'avoir lieu en vrai, qu'il suffit que le terrain de jeux soit parcouru par les uns et les autres. C'est dire si cette notion de rencontre Max-Vincent a des allures cosmiques... et ici, il faut le dire, Vincent apporte à Max énormément: il lui donne une occasion de se lever, d'exister même, sinon ce chauffeur de taxi aurait-il vraiment été jusqu'à contacter la belle avocate? Le film est une rencontre, aussi un réveil, brutal, et effectué en temps réel, d'un homme. En héros proche une fois de plus des personnages de Jean-Pierre Melville, Vincent (Tom Cruise, tellement bon qu'on ne le reconnait pas!) a en effet une morale, et un avis pas toujours déplacé sur tout... Mais on évite le piège du film de gangster à vocation parodique à la Tarantino. Le film reste une affaire sérieuse, dopée par un suspense extrême: Mann se permet de surpasser l'intensité de la fameuse fusillade de Heat, en amenant ici une confrontation entre le tueur, le chauffeur embarqué malgré lui, la police et une victime ... dans une discothèque bondée! Dans ce film ou une fois de plus Mann se prend à filmer Los Angeles d'une main de maître, on ne peut pas se lever et faire autre chose, on DOIT regarder, et aller jusqu'au bout: c'est magnifique.

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Published by François Massarelli - dans Michael Mann Noir
16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 09:03

Parfaite synthèse de l'oeuvre de Michael Mann, ce Public enemies est un film prenant et à la rigueur diabolique; on ne s'en étonnera pas... Johnny Depp y est John Dillinger, ce bandit né en 1903 et mort en 1934, exécuté par le FBI au sortir d'un cinéma qui projetait Manhatttan Melodrama de Woody Van Dyke (Dont le titre Français, ça ne s'invente pas, était L'ennemi public n°1...); On suit la cavale du braqueur de banques depuis une évasion spectaculaire orchestrée de l'extérieur par Dillinger jusqu'à la fatidique nuit de 1934, ou comment le cinéma renvoie la balle à la légende en mettant en scène la légendaire séance de cinéma, citant abondamment le film et montrant même les réactions faciales de Dillinger à toutes les répliques de Clark Gable, son quasi double dans le film qui est projeté... On y voit aussi, sans doute un brin gonflée à des fins de romantisme (Ce dont on ne se plaindra pas) la dernière romance de Dillinger, avec une chanteuse interprétée par Marion Cotillard, Mary Evelyn Frechette, dite Billie. Le film ne serait pas complet, on connait Michael Mann, sans une incursion chez l'ennemi, et on assiste à la mise en place de nouvelles méthodes du jeune "Bureau d'investigation" mené par Hoover (Billy Crudup), et incarné par Melvin Purvis (Christian Bale), l'homme qui a consacré toute cette période à Dillinger, et qui a dirigé l'assaut final.

Chez Michael Mann, la morale est omniprésente, pas celle qui nous gouverne tous, et qui d'ailleurs n'existe pas, non: celle qui est intrinsèque, propre à chaque histoire: la morale derrière les pérégrinations d'un chauffeur de taxi récalcitrant véhiculant un tueur (Collateral), la morale en crise de deux flics entre deux chaises (Miami Vice), ou les questions morales liées à des méthodes condamnables, dans les cas de deux films: Heat et The insider: on y voyait Al Pacino en flic douteux, puis en journaliste qui sacrifie un homme à une cause, aussi défendable soit-elle. Et Mann n'a pas son pareil pour filmer avec un scalpel, au plus près du coeur. Pas de surprise ici, on suit autant Dillinger, interprété avec génie par Depp, et Purvis dans sa croisade, commanditée par Hoover qui souhaite imposer sa vision de l'ordre et développer le FBI, alors en danger face au protectionnisme de tous les états en matière de sécurité. C'est parce que les états sont indépendants les uns des autres et parce que la corruption est à son comble que des gens comme Dillinger ont pu non seulement prospérer, mais aussi devenir des héros légendaires, comme le montre si bien le film. La solution apportée par Hoover était de n'engager que des gens acharnés à faire régner la justice, incorruptibles, de faire sauter cette limite des états en créant une agence fédérale (le F n'est jamais prononcé dans le film, c'est toujours 'Bureau of investigation'... Tout un symbole) et de laisser libre cours à toutes les méthodes en matière de justice, comme le prouve d'une part une scène qui voit Hoover citer Mussolini en exemple, et d'autre part un interrogatoire de Billie Frechette très musclé (Alors qu'elle n'était qu'un pion par rapport à l'investigation en cours). En prenant le parti de montrer un Dillinger certes porté sur la violence et l'illégalité mais également mu par une certaine morale, justement, Mann a également mis l'accent sur le fait qu'en 1933, 1934, aux Etats-Unis, la lutte contre la criminalité n'a pas hésité à recourir à des méthodes fascistes, telle cette hallucinante exécution en pleine rue. L'époque...

On est dans un film à thèse: l'idée défendue est que le FBI, quelle que soit sa légitimité aujourd'hui, s'est construit sur une culture fasciste du résultat, qui nous rappelle l'obsession maladive du chiffre des reconduites à la frontière érigé en réussite explicite dans notre beau pays actuel il n'y a pas si longtemps. Pour Hoover, il fallait imposer un état fort, qui ait tous les droits, afin de faire régner l'ordre et la justice. Ce portrait en creux du bonhomme est fascinant, et le film de fait n'a pas besoin de prendre parti pour Dillinger pour nous entraîner dans cette direction... On se retrouve une fois de plus, après Manhunter, Heat et The insider, devant le portrait d'une justice probablement nécessaire mais qui fait mal à l'âme. Le choix de dire, à la fin du film, que Melvin Purvis s'est suicidé (en 1960), va dans le sens d'une ambiguité qui sert finalement bien le propos du film. Tant pis si ce suicide était en réalité plutôt lié à son cancer inopérable: on voit dans le film un justicier de plus en plus marqué par le doute au fur et à mesure que la violence de la réplique à Dillinger s'intensifie... De son côté, Dillinger sait à quoi s'en tenir: une scène le voit rire lorsqu'un de ses amis blague sur le fait que la FBI veut le bandit "Dead, or dead"... Depp le montre en jusqu'au-boutiste, dans une fuite en avant dont il faut bien dire qu'elle ne manque pas de panache... Bref, le film est passionnant, et comme il allie cette rigueur du point de vue, cette excitation de défendre une cause aussi insidieuse qu'elle puisse être, à une mise en scène bouillonnante et riche en morceaux de bravoure (Des fusillades réglées avec expertise par l'auteur de Heat!!), on en redemande, de toute façon...

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