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12 mai 2016 4 12 /05 /mai /2016 07:42

Le premier film de Gondry est mal aimé, la faute sans doute à un mélange malaisé entre des critiques maussades ("On attendait mieux" de Gondry, dont c'est pourtant le premier long métrage) et de la singularité absolue de la chose: scénarisé par charlie Kaufman, comme du reste Being John Malkovich, le film ne ressemble décidément à pas grand chose... Sauf peut-être, et encore, les clips de Gondry, justement, l'un d'entre eux pour Björk étant cité à la fois par l'atmosphère (Le décor d'une forêt partiellement reconstruite en studio), l'intrigue (Patricia Arquette évolue dans les bois comme Björk dans la vidéo) et bien sur par le fait que contre toute attente, Arquette chante...

Pas une comédie musicale, pourtant. Il est difficile de catégoriser ce film, qui s'attache à un quatuor inattendu: une jeune femme, Lila (Patricia Arquette) écrivain naturaliste mais dotée d'une pilosité exceptionnelle, ce qui la complexe, et la fait constamment hésiter entre l'interaction avec la nature, ou celle avec l'humain, cette dernière l'obligeant soit à être considérée comme un monstre de foire, soit à se raser en secret le corps des pieds à la tête; un scientifique, Nathan (Tim Robbins), élevé par des parents adoptifs maniaques, et qui se trompe en permanence de combat: il s'intéresse aux comportements animaux, et a passé le plus clair de son temps à élever des souris afin qu'elles puissent adopter des manières décentes à table (L'une de ses obsessions). Lui non plus n'est pas doué pour les rapports humains; lorsque le film commence, il est aussi vierge que Lila mais pas pour les mêmes raisons...; un troisième personnage, fascinant lui aussi, est un homme (Rhys Ifans) que son père a quand il était enfant fait retourner à l'état sauvage. Il a désappris à parler et se comporte exactement comme un chimpanzé... enfin, "Gabrielle" (Miranda Otto) est une assistante du professeur Nathan, qui cherche à le séparer de sa compagne, et qui va d'ailleurs y parvenir. Mais Gabrielle et son insupportable accent Français cachent des secrets inavouables (Et qui resteront à l'écart du film) puisque elle n'est pas plus française que les autres...

L'intrigue est simple: Lila rencontre Nathan, et tout en se préservant de lui confier son secret, ils filent tous deux le parfait amour. Jusqu'au jour où lors d'une balade en forêt, Lila qui ne résiste pas à l'appel de la nature, se déshabille, et tombe nez à nez avec un homme nu qui se comporte comme un chimpanzé. Le but de leur vie, désormais, sera d'élever Puff (C'est le nom qui lui sera donné par Gabrielle, assistante de Nathan) à son statut d'être humain... C'est là que les ennuis vont commencer, car deux des quatre protagonistes vont manipuler les deux autres... Pendant ce temps, les souris intelligentes (Elles ne confondent pas les fourchettes auxquelles elles sont désormais capables d'attribuer le bon usage!) observent, et commentent silencieusement l'action. A moins qu'elles ne soient les vraies héroïnes...

La nature humaine n'est pas bien sur expliquée, juste observée avec une certaine férocité ici. Quiconque a déjà vu un film de Gondry sait qu'on y croise une dose impressionnante de déprime, et que le metteur en scène n'a pas son pareil pour appuyer là ou ça fait mal. Ce premier long métrage ne fait pas exception, mais il le fait avec une loufoquerie inédite: et Rhys Ifans, qui va perdre sa dignité en trouvant l'humanité (C'est le fait d'être humain justement qui donne à ses gestes de chimpanzé, masturbation compulsive ou tendance à sauter sur les femmes en permanence, leur caractère offensant) est un personnage exceptionnel, bien entendu. Patricia Arquette, avec ou sans poills, est excellente dans un rôle pas vraiment facile, et Tim Robbins incarne à merveille cet autre monstre de foire qu'est ce sale gosse dénaturé de Nathan... Ce qu'il ressort de la nature humaine, ici, c'est le sentiment qu'il n'y en a pas un pour rattraper les autres... Ce qui peut effectivement être dit en moins de 90 minutes. Mais quand c'est dit d'une façon aussi drolatique, après tout, pourquoi se priver?

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Published by François Massarelli - dans Michel Gondry