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5 octobre 2016 3 05 /10 /octobre /2016 18:27

Un professeur des écoles (Eiji Okada), passionné d'entomologie, et spécialiste du sable, aime à chercher des insectes spécifiques dans une zone sableuse côtière, où vivent des gens à l'abri de la civilisation: cachées dans les dunes, les maisons de leur village sont des vieilles cabanes qu'ils doivent en permanence protéger de l'engloutissement. Mais perdu dans sa rêverie, l'homme, qui vient de rompre avec sa petite amie, perd la notion du temps. Il doit donc être hébergé dans une des bicoques. Il passe la soirée en compagnie d'une femme (Kyoko Koshida), qui l'accueille avec gentillesse, mais dont le manège permanent (Un geste sur deux est destiné à se protéger de l'invasion du sable qui s'insère partout) l'étonne beaucoup. Mais le lendemain matin, quand il veut partir, c'est impossible: la maison est très enfoncée dans le sable, et il ne parvient pas à remonter. Il se rappelle être descendue sur une échelle de corde, qui était tenue par des hommes en haut de la dune, et comprend qu'il est tombé dans un piège... Retenu par la femme, prisonnier du sable, combien de temps mettra-t-il à sortir?

Teshigahara aime ces histoires d'aliénation, ayant après tout mis en scène dans les années 60 d'autres films qui voient un homme privé de son enveloppe corporelle, un autre qui change de visage puis de personnalité... Le héros de ce film, lui, se retrouve non seulement privé de liberté, il doit aussi sortir de son propre univers. Il réussit tant bien que mal à garder son libre arbitre, qui lui permet de planifier une évasion, voire d'en tenter une, mais il revient toujours, contraint et forcé, et doit parfois subir des humiliations: car la femme, qui a perdu sa famille, le réclame, mais les villageois aussi. La raison est un prétexte qui permet à l'histoire de tenir debout: si une maison est engloutie, les autres suivront. le village doit doc se défendre en tant que village.

On le voit, cette perte progressive de sa singularité, devient en fait le vrai thème de cette réflexion profondément ironique sur l'humanité. Et la vie à laquelle l'homme finit par s'abandonner, remplace peu à peu par ses enjeux, ses événements et son quotidien, la vie d'avant. Le conte fantastique grinçant finit par conter la conversion forcée d'un homme à travers des étapes troublantes: bien sur, la présence de l'autre protagoniste, une femme, dans le titre, n'est en rien le fruit du hasard. Kyoko Koshida joue ue femme qui semble s'être auto-condamnée à vivre dans ce trou dans le sable, réduite à systématiquement empêcher l'invasion du sable plutôt que d'aller chercher un accomplissement à Tokyo ou ailleurs. Mais elle est aussi naturelle, sensuelle et qui plus est, Teshigahara a pris le parti de filmer les deux acteurs au plus près du corps. On retrouve ici un écho des plans des insectes du début du film, qui étaient vus en gros plan, par un home satisfait et inconscient du fait que lui aussi allait bientôt être scruté, par une femme, des voisins voyeurs, un cinéaste avant-gardiste, et... des spectateurs fascinés, parce que oui, ce film, avec ses dialogues épars, sa musique étonnante, ses bruits du vent qui porte le sable partout, est absolument fascinant...

 

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Published by François Massarelli - dans Hiroshi Teshigahara Criterion