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18 août 2017 5 18 /08 /août /2017 09:19

Dans l'espace, personne ne s'attend à ce qu'un vaisseau destiné à se rendre sur une planète lointaine, avec 2000 colons à bord et tout l'équipement nécessaire pour créer les conditions d'une vie durable, y parvienne. Pourquoi? Parce qu'Alien. C'est donc à ce scénario qu'on est confronté pour la nouvelle (Et troisième) incursion de Scott sur ce terrain.

Et Alien: Covenant est à la fois un prequel, et une suite. Situé 18 années avant les événements contenus dans le film Alien (1979), il commence un nouveau cycle qui va je suppose se charger de donner aux obsédés de la mythologie Alien des éléments de réponse, dont je pense qu'ils ne serviront d'ailleurs absolument à rien, quant aux questions nombreuses qu'on est supposés se poser sur les créatures dangereuses et leur raison d'être... Et il est aussi la suite plus ou moins directe de Prometheus.

Le prologue renvoie d'ailleurs explicitement à ce dernier: on voit Peter Weyland (Guy Pearce), jeune, qui discute lors de ses préparatifs de la mission Prometheus avec l'androïde qu'il vient de créer, David (Michael Fassbender). La conversation porte sur ce qui sera le sujet essentiel du film, la création, vue sous l'angle obsessionnel. On le sait quand on a vu Prometheus: c'est en effet la marotte de Weyland... Ca va devenir celle de David. 

Fast forward vers 2104: le Covenant, un vaisseau de la compagnie Weyland-Yutani est en route pour une planète lointaine afin d'y terraformer l'environnement, et d'y créer une colonie. L'équipage est composé d'une quinzaine de baroudeurs, hommes et femmes, qui quittent tout, et donc sont venus en couple. Sinon, le vaisseau contient 2000 colons et un nombre imposant d'embryons... Tout le monde est en pleine cryogénisation mais Mother, l'ordinateur de bord, réveille la troupe: il va y avoir un problème créé par une éruption stellaire, durant lequel des membres d'équipage vont être tués. Parmi eux, le capitaine de l'expédition (James Franco), compagnon du premier officier Daniels (Katherine Waterston)... C'est donc au second, Oram (Billy Crudup) que le commandement échoit. Et l'équipage, avant de retourner pour un sommeil de plusieurs années, reçoivent un message humain qui provient d'une planète toute proche... Oram décide, contre l'avis de Daniels, d'aller y faire un tour et d'en évaluer le potentiel, pour voit si on ne pourrait pas gagner plusieurs années de voyage dans l'espace... C'est une très mauvaise idée, mais elle fait partie de ces idées stupides qui font l'histoire de la science-fiction: "si je construisais un robot presque humain pour me venger de mon meilleur ami tout en faisant renaître la femme de ma vie?", "Ce monolithe nous pousse à aller aux confins de l'espace, allons-y", ou encore "Cette planète me semble épouvantablement hostile, je suis sûr qu'elle recèle des dangers hallucinants, donc allons-y"... Si les personnages de ces films ne commettaient pas ces erreurs funestes, on s'amuserait moins.

Et de toute façon, Daniels (qui est l'héroïne, ce qui maintient la tradition, de Ripley à Daniels en passant par Shaw) n'est pas celle qui peut prendre la décision. C'est donc avec sa désapprobation totale que le très hésitant commandant du vaisseau lance une expédition de reconnaissance sur la planète inconnue: dans l'espace, personne ne vous entend vous mordre les doigts...

Bien sur qu'il va y avoir des problèmes, qui font d'ailleurs écho à ceux du films Alien: arrêt imprévu, transmission inconnue, problèmes de leadership, exploration assortie d'infection par un organisme étranger, puis retour sur le vaisseau... Ca rappelle des souvenirs, mais les proportions ne sont pas les mêmes: l'épisode sur la planète occupe une large proportion de l'intrigue, et c'est là que les membres d'équipage vont rencontrer... David. Ce qui va créer un choc, en particulier pour Walter, qui est l'androïde de la mission Covenant: c'est un "petit frère" de David, avec une différence notable: le premier modèle était trop indépendant, et les nouveaux modèles ont été mis à jour afin de la ramener un peu moins... Quoi qu'il en soit, David est le seul "rescapé" de la mission Prometheus, et il vient au secours des membres de l'équipage du Covenant, qui ont fait la découverte, fatale pour certaine d'entre eux, d'une espèce animale qui s'infiltre par un contact entre un être vivant et des "oeufs" posés au sol, avant de "pondre" dans le corps, une bestiole qui se libère en tuant son hôte, puis massacre tout ce qui passe à sa portée. 

Je sais, la description qui précède était probablement inutile, mais... ce n'est pas la créature de Giger. C'était l'un des points les plus troublants du film Prometheus, qui justifiait sans doute le fait que le titre ne contenait pas le nom de la saga! Et d'ailleurs, le premier titre de travail de ce nouveau film était Prometheus 2... Justement, le film va éclaircir sur un certain nombre de points le lien entre Prometheus et Alien, en montrant le cheminement de ces aliens différents de ceux qu'on a connus depuis 1979, et la créature "finie". En installant une barrière à mon humble avis infranchissable entre Alien (Ridley Scott, 1979), et Aliens (James Cameron, 1985). Ca ne colle plus... Pour faire court, une réplique de David m'a mis la puce à l'oreille: "Ils sont en attente de mère"... Les aliens de ce film, des xénomorphes parfaitement formés, n'ont pas besoin de la "mère", ou de la "reine", cette créature imaginée par les concepteurs du film de Cameron, et qui était déjà incompatible avec certaines scènes contenues dans une première version abandonnée (Mais tournée, et même montrée dans une édition spéciale sortie en 2005 sur un DVD) du film de 1979. Est-ce à dire que Ridley Scott, revenu sur la franchise qu'il a créé en 1979, a décidé d'effacer les trois films qui suivront, et leur mythologie? Ce faisant il met aussi à mal le sien aussi.

Pourquoi pas? Ce n'est que du cinéma...

Et le film, comme Prometheus, parle de création, et on revient justement à la création de la créature, littéralement. Voulue, planifiée, orchestrée comme on crée un film. Une mise en abyme, donc, qui s'amuse même à égrener ça et là des allusions au film fondateur, non seulement dans sa structure mais aussi de façon plus explicite: des citations de la musique de Jerry Goldsmith, le petit oiseau en plastique qui orne la cuisine, et des dessins de Giger retrouvés dans les affaires de David. Mais si vous voulez mon avis, l'ingénieur Scott s'amuse aussi beaucoup à dézinguer toute tentation de sérieux derrière tout ça, tout en se choisissant une cible imposante: le Créateur avec un grand C! En voyant Peter Weyland qui frissonne de plaisir en observant la créature parfaite (et si blonde) interpréter du Wagner au piano, avec ce David qui contemple la providentielle arrivée d'humains qui vont enfin l'aider (malgré eux) à accomplir un projet démesuré, l'acte de création est ici moqué, et je pense qu'il faut pour y prendre tout le plaisir prévu, une bonne dose d'humour pour apprécier ce film. Ce n'est pas une critique en soi, loin de là...

Sinon, Scott s'est amusé, et a fait ce qu'il sait si bien faire: construire des univers jusque dans leurs moindres recoins, puis il a mis des gens en danger en faisant monter graduellement la sauce du suspense, dégagé les personnages inutiles, isolé celle qu'on doit suivre... Le film est 2017-compatible, c'est à dire qu'il va vite (Très, trop vite même parfois), qu'il frappe fort, et qu'il doit apparaître à son consommateur moyen comme un produit de consommation courante... Mais il est un peu plus, donc. Si je pense que c'est une erreur de vouloir donner aux fans de la franchise des solutions qui n'auront pour seul effet que de rendre caduques les merveilleuses questions sans réponse qui font justement le sel du premier film, au moins Scott se réaffirme-t-il en créateur en chef de ces histoires de bestiole qui fait peur, en s'amusant comme il ne l'avait encore jamais fait, à explorer toutes les combinaisons de scènes terrifiantes: dans un champ de blé, sur une planète, et dans une douche. Bref, il s'amuse. Et nous aussi, alors... Peu importe finalement que ce nouveau film ne puisse nous fournir qu'une fraction du plaisir du premier film, qui reste et restera longtemps ce qu'il est.

 

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott Science-fiction