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25 avril 2018 3 25 /04 /avril /2018 14:39

L'unique film du metteur en scène de Broadway John Murray Anderson, spécialisé dans les "prologues" pour séances de cinéma (Voir à ce sujet l'excellent Footlight parade de Lloyd bacon, chaudement recommandé pour l'excellence de ses séquences musicales réalisées par Busby Berkeley), est cette production controversée de 1930. La principale controverse en réalité provient du titre: on attend évidemment en 2018 d'un film qui s'appelle The King of Jazz, qu'il nous présente du jazz, ou qu'il y ait un rapport avec la musique Afro-Américaine... Or il n'en est rien. Et pour cause.

Car en 1930 si rien ni personne ne peut vous empêcher quelle que soit votre origine ethnique d'écouter Duke Ellington, Louis Armstrong ou... Paul Whiteman, le mélange n'est pas possible sur pellicule. Sur scène non plus, d'ailleurs! Donc ce King of jazz est dédié à celui qui avait été ainsi surnommé par les médias de l'époque, le rondouillard chef d'orchestre Paul Whiteman. Les tenants d'un jazz pur et dur qui ont vu le film ont eu la dent dure avec ce personnage, qu'ils ont accusé de tous les maux. Ce qui apparaît dans ce film-revue, est que Whiteman était un vulgarisateur qui avait à coeur de fournir une musique populaire de qualité, et savait s'entourer: on entendra les légendaires instrumentistes ou chanteurs Bing Crosby, Frankie Trumbauer, Joe Venuti ou Eddie Lang (ces deux derniers, respectivement violoniste et guitariste, étant l'inspiration principale de la collaboration future entre Stéphane Grappelli et Django Reinhardt)... Les partitions portent aussi de grands noms, à commencer par George Gershwin. Excusez du peu...

Mais The King of Jazz avait plus d'un atout dans sa besace: une forme assez libre, un Technicolor rutilant, des séquences de comédie qui parfois duraient quelques secondes (et qui nous permettent de retrouver Glenn Tryon, Laura La Plante, Slim Summerville ou Walter Brennan, pour de rares fractions de secondes à l'écran), et un metteur en scène libéré des contraintes de la scène et qui pouvait s'approcher comme il le voulait de son show, plus une idée de génie, qu'on attribue à Whiteman lui-même: le film a été tourné en muet (du moins pour ses séquences musicales) et post-synchronisé ensuite. Ca paraîtra idiot, mais personne n'y avait pensé avant! On le voit, la Universal avait mis les petits plats dans les grands...

...Et pourtant le flop, malgré la popularité de Whiteman, a été retentissant. Du coup, le film a été découpé en tranches, afin que ses parties puissent nourrir les programmes de courts métrages durant quelques années. Aujourd'hui, la reconstruction diffusée sur blu-ray Criterion est donc un sauvetage miraculeux... D'un film qui serait sympathique, mais assez quelconque, s'il n'y avait l'intérêt historique d'y voir l'orchestre jouer une version de Rhapsody in blue tel que Ferde Grofé l'avait orchestré pour Whiteman en 1924, et en couleurs dans des décors délirants, entre art déco et kitschorama... Ou le plaisir bizarre du Technicolor Bichrome, décidément tellement plus séduisant que son descendant en trichromie... ou tout simplement le plaisir d'assister à la naissance d'un nouveau style de musical, dont les films de Berkeley seront les rejetons immédiats.

 

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Published by François Massarelli - dans Musical Pre-code Danse Criterion Technicolor