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2 juillet 2018 1 02 /07 /juillet /2018 17:07

Pour son deuxième film à la Paramount, Lubitsch a une mission délicate: faire oublier quelques échecs ou semi-échecs embarrassants (Eternal love, en particulier, son dernier film muet réalisé en indépendance totale), d'une part; d'autre part intégrer de façon intelligente le médium du cinéma parlant, à l'heure où bien des metteurs en scène du muet voient leur poste remis en question par les studios... Et enfin, relancer sa carrière. Ce sera une triple mission accomplie, assortie du lancement de pas moins de deux stars: Maurice Chevalier, paradoxalement, et Jeannette MacDonald...

Mais tant qu'à faire, le metteur en scène va aussi créer de toutes pièces un nouveau genre, à l'heure où le musical végète d'une façon misérable, de films-revues en fausses comédies musicales qui mélangent numéros de music-hall joués dans l'intrigue, et mélodrame plus ou moins bien fichu: Lubitsch, avec The love parade, va inventer un genre totalement nouveau de film-opérette dans lequel il va intégrer la musique, la chanson et dans une moindre mesure la chorégraphie à la continuité filmique: à l'exception des musicals de la Warner qui vont perdurer avec génie, tout le genre viendra désormais en droite ligne de ce film...

Cette "parade d'amour" raconte donc les aventures coquines de la reine Louise de Sylvania (MacDonald) , qui après tant d'années à hésiter, a enfin trouvé l'âme soeur en la personne du beau comte Alfred (Chevalier), de son patronyme seyant Renard. Mais si l'alchimie entre les deux est indéniable, le prix à payer pour Alfred est trop grand: abandonner sa masculinité afin de devenir le prince consort ne va pas aller sans être compliqué...

N'y cherchons pas un message, juste une série de variations géniales sur le thème de la friponnerie la plus pure; avec ses personnages (auxquels il convient d'ajouter Jacques, le valet joué par Lupino Lane) et sa situation, son monde à deux vitesses (les nobles et les domestiques) qui avancent de concert, et la science du sous-entendu, associée non seulement à la suggestion de l'image, mais aussi au pouvoir du langage, fait absolument merveille.

Sans parler du fait qu'avec Chevalier et MacDonald, n'en déplaise aux détracteurs de l'un et de l'autre, Lubitsch a trouvé deux interprètes fantastiques: Chevalier est doté d'un timing impeccable et d'un talent incroyable pour faire passer tout ce qui n'est pas dit dans les sous-entendus, ce que Wilder saura rappeler dans le brillant Love in the afternoon; et MacDonald n'a pas son pareil pour assumer totalement de jouer un personnage de friponne au désir bien chevillé au corps.

Bref, avec cette Love Parade, Lubitsch effectue sans doute la plus décisive de ses métamorphoses...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Ernst Lubitsch Musical Pre-code Criterion