Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 novembre 2019 5 22 /11 /novembre /2019 17:48

"C'est une histoire entièrement vraie car je l'ai imaginée d'un bout à l'autre" disait Vian dans l'avant-propos de L'écume des jours. Au-delà de la provocation et de l'oxymore, cette phrase me semble aussi résumer l'oeuvre de Michel Gondry, artiste de cinéma dédié tout entier à tout et son contraire: des histoires enfantines et flippantes, du cinéma souvent tangible et surréaliste, des films joués par des acteurs qui finissent par sembler être des personnages de dessin animé... et surtout des comédies sur la mort, la séparation, et l'oubli.

On ne va donc pas parler de Vian plus que ça, poète génial et romancier surdoué, qui a certes habité son roman de la première à la dernière ligne, mais ici on parle de Michel Gondry et de son film, un projet à part, dantesque et usant, qui a probablement autant fait vieillir Gondry que son personnage Nicolas (Omar Sy) dans le film qui d'un plan à l'autre se retrouve garni de cheveux blancs... Un film dans lequel Gondry, une bonne fois pour toutes, se retrouve à changer le monde qu'il filme, en un univers autre, délirant, bricolé et merveilleux... Jusqu'à un certain point, car

Colin (Roman Duris) rencontre sa moitié Chloé (Audrey Tautou), ils s'aiment et se complètent, se marient et vivent heureux. Mais pas longtemps, car Colin fait soudain face à la maladie de Chloé, et pour ne pas la perdre va tout faire: lui qui vivait sur sa fortune, la dilapide pour soigner sa femme, puis cherche un travail, puis son monde se détruit au fur et à mesure de la maladie... autour d'eux, avec les personnages d'Alise (Aïssa Maïga) et de Chick (Gad Elmaleh), disciples de Jean-Sol Partre, on voit comme un écho destructeur de ce chaos vécu par les deux principaux protagonistes, à travers l'histoire burlesque et lamentable de ce Partromaniaque qui s'abîme dans l'addiction à l'oeuvre du philosophe, et le monde lui-même, inéluctablement, va perdre ses couleurs...

C'est une somme, un film que Gondry avouait avoir envie de faire depuis toujours, et quand on voit le résultat on le comprend. Non seulement le réalisateur réinvente le monde pour le plier à sa fantaisie et à celle de Vian (avec une intervention permanente de Duke Ellington), mais il nous présente chaque invention, chaque bricolage, comme allant de soi, obtenant au passage un naturel confondant de chaque acteur qu'il a engagé. le quotidien qui nous est présenté est une invention de cinéma du début à la fin, mais le film ne nous en sort jamais, et la façon dont Gondry a toujours manipulé l'humour et le pathos ensemble, sous couvert d'une invention picturale constante, font la réussite du film. Un regret, un seul, pour moi: Audrey Tautou, lâchée sans dialogues dans un film qui se construit au jour le jour, ne m'a pas convaincue, mais elle est la seule.

Et au final, la métaphore du nénuphar pour le cancer achève hélas de nous attirer dans ses filets. Même si le film nous présente un monde refait, réinventé, remodelé, avec des souris (Sacha Bourdo) intelligentes, des voitures transparentes et des chef-cuistots (Alain Chabat) dans le frigo, c'est inéluctable: on a vécu cette histoire.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Michel Gondry