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14 avril 2024 7 14 /04 /avril /2024 16:40

Un homme se trouve en pleine soiée, dans la rue: il est mal à l'aise et fuit la lumière... il va rencontrer une jeune femme, qui va malgré elle le mener à deux bandits... Les bandits, Jim (Aldo Ray) les connait: depuis qu'il les a rencontrés, sa vie est un cauchemar, et pourtant c'est un vétéran de la guerre du Pacifique! 

D'aller en retour, Jim va retrouver Marie (Anne Bancroft), et s'attacher à elle, essayant toujours plus ou moins d'échapper aux deux bandits, dont la présence va être expliquée au fur et à mesure. Il y aura aussi l'intervention d'un mystérieux inconnu (James Gregory), qui l'a déjà abordé: tout en maintenant un contact permanent avec son épouse, Ben Fraser surveille Jim. Pourquoi?

Bien sûr qu'il y aura des explications! Mais ce n'est pas forcément le but de Tourneur: il cherche justement à déstabiliser le spectateur autant qu'il peut le faire et y parvient souvent très bien. La vérité devient un puzzle dont on n'est jamais très sûr d'avoir vraiment toutes les pièces qui font sens... Et Tourneur, qui nous a forcé à le suivre, s'amuse beaucoup de cette situation instable dans laquelle les codes (gangsters, femme fatale, policiers, etc) vont de toute façon nous aider à nous repérer au moins au début... 

Et le miracle du film noir, c'est cette capacité d'un film à nous entrainer alors qu'on ne sait pas grand chose, quece qu'on finira par savoir ne nous sera raconté que par un personnage qui dit, ou pas, la vérité, et ce sera en flash-back, avec toujours l'impression qu'on se fait quand même avoir... Bref, c'est comme la vie.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Tourneur Noir
30 septembre 2023 6 30 /09 /septembre /2023 23:18

Clay Douglas (Ray Millland), un américain, se rend en Grande-Bretagne pour enquêter sur la mort de son frère. Celui-ci a fait partie d'un commando en 1944 en compagnie de soldats Britanniques est est mort durant les événements du débarquement... Son but en se rendant au Royaume-Uni est d'éclaircir la situation car il semble bien que son petit frère ait été tué par un de ses frères d'armes... Durant l'enquête il va faire la connaissance d'Elspeth Graham (Patricia Roc), une Ecossaise qui va s'avérer très Américanophile...

Intéressant de demander à Ray Milland, l'un des plus britanniques des acteurs des années 30 à 60, d'interpréter un Américain, mais c'est une excellente idée en fait; il incarne à merveille le rôle du dur-à-cuire Américain qui vient se confronter à la vie si particulière de la Grande-Bretagne... Et l'enquête, qui aurait pu être menée efficacement, se perd très vite dans les digressions. Celles-ci sont de toute évidence le vrai sujet d'un film dans lequel un homme est confronté à un rythme de vie et des habitudes qui ne sont absolument pas les siens. Il y a un petit côté burlesque mais aussiun aspect baroque à cette investigation d'un Américain en Grande-Bretagne (du Pays de Galles en Ecosse, en passant par Londres, on couvre beaucoup de terrain...). 

Et on retrouve le vrai sujet de la plupart des films de Tourneur, la juxtaposition des univers, entraînant un dépaysement qui s'approche du danger, pour un protagoniste ballotté par les évéments. De fait, ce n'est sans doute pas le plus folichon des films du metteur en scène, mais il est souvent fascinant dans les à-côtés plus que dans ce qu'il raconte. Tourneur, français éduqué aux Etats-Unis à moins que ce ne soit le contraire, ne pouvait que se retrouver dans un tel personnage, et le ton gentiment badin du film est toujours plaisant... On apprécie aussi de retrouver des acteurs qu'on a vus chez Hitchcock (Naunton Wayne), ou Michael Powell (Marius Goring)...

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Published by François Massarelli - dans Jacques Tourneur Noir
21 mars 2020 6 21 /03 /mars /2020 15:57

1856, en Oregon, les chercheurs d'or commencent à se fédérer en agglomérations, et les liens sont assurés entre la "grosse ville" Portland et les petites installations comme Jacksonville. Les Indiens sont là eux aussi, dans les bois, mais la cohabitation s'effectue, sauf quand une tribu s'inquiète du fait que les colons commencent à construire un peu trop de cabanes... Nous suivons des protagonistes divers dans ce contexte fragile: les Dance, une famille de colons qui ont trouvé l'endroit où installer leur ferme, un peu à l'écart de la ville de Jacksonville; ils ont recueilli Caroline, une jeune femme venue avec ses parents et désireuse de s'installer pour de bon; George Camrose (Brian Donlevy) est un homme d'affaire avec une addiction au jeu, mais c'est aussi un brave homme: son ami et associé Logan Stuart (Dana Andrews) va d'ailleurs chercher sa fiancée Lucy (Susan Hayward) pour lui à Portland; enfin, dans la petite localité, le costaud Honey Bragg est un spectacle permanent pour la population, qui fait des paris sur les innombrables bagarres qu'il lance. Mais Stuart pense que Bragg est bien plus que ça, et le soupçonne de meurtre, dans ce camp fragile où tout le monde se promène avec de l'or sur soi...

Difficile de résumer un film qui se passe presque comme une chronique: ça ferait presque penser à Stars in my crown, la nostalgie en moins. Et deux autres aspects essentiels le différencient de cet autre film: Canyon passage est situé sur une très courte période là où Stars porte sur une dizaone d'années, et ce western-ci est d'une grande noirceur derrière le Technicolor et le volontarisme des héros... Car pour que "boy meets girl", à la fin, il y aura eu un grand nombre de morts violentes...

C'est l'esprit de la frontière, d'ailleurs, qui domine, en trois types de populations: les Dances et la tentation de s'arrêter et de s'installer; au contraire, Stuart, clairement identifié comme le héros, a la bougeotte, et en dépit du nombre de personnes qui lui signalent sa réussite (il est dépositaire de l'or de ses concitoyens, et il arrondit sérieusement ses fins de mois) il n'a qu'une seule envie: voyager, changer d'air, et surtout ne pas se fixer; enfin, George présenté comme un faible, montre les risques qu'on prend à s'engager sur la frontière à la légère... Dans le film, il sera une victime à la fois de ses démons (le jeu) et de la population qui le désigne assez vite comme un nuisible. De fait, il est accusé d'avoir tué un homme, et si nous ne l'avons jamais vu le faire nous avons suffisamment d'indices pour le confirmer! Tourneur enfin choisit d'incarner le mal absolu et insaisissable çà travers Honey Bragg, l'intenable fier-à-bras, brutal, méchant, et même assassin et violeur. Le metteur en scène fait un superbe usage de l'ellipse pour nous montrer à quel point le personnage est un élément disruptif de la nature même, à l'opposé des tribus indiennes...

C'est toujours empreint de lyrisme, souvent étonnant dans les choix de l'intrigue, tourné dans de magnifiques paysages (notons qu'on est loin ici des westerns habituels, et qu'en 1856, l'Oregon était un paysage de montagnes, de forêts et de lacs à perte de vue, donc on s'éloigne des clichés du western d'Arizona!). Tout ça fait un film irrésistible, riche, et surprenant dans lequel une fois de plus Tourneur oppose les individus à la foule, et une fois de plus cette dernière n'en sort pas grandie.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Tourneur Western
12 janvier 2020 7 12 /01 /janvier /2020 09:35

Nouvelle-Angleterre, vers 1900: une petite officine de pompes funèbres est en train de sérieusement péricliter, au point que les deux personnes qui y travaillent économisent les cercueils: ils en ont un, et à la fin de chaque service de funérailles ils retirent le cadavre, l'enterrent et amènent la boîte à la maison. Pour Waldo Trunmbull (Vincent Price), le patron de l'entreprise, il faut trouver une idée, d'autant que le propriétaire (Basil Rathbone) de la maison occupée par l'entreprise réclame des loyers impayés. L'idée viendra fatalement à Trumbull: puisque les temps son durs, il décide, avec son employé le fidèle Gillie (Peter Lorre) de provoquer la mort de ses futurs clients plutôt que de l'attendre...

D'emblée, forcément, on est intrigué par le casting hallucinant: ajoutons pour faire bonne mesure le fait que le beau-père de Trumbull est joué par Boris Karloff, et on comprendra pourquoi le film intrigue touts ceux qui en ont entendu parler sans le voir... Mais la vérité est plus prosaïque: en 1963, tout ce petit monde est au bout du rouleau, sauf peut-être Price qui assume avec un certain aplomb les rôles gothiques qu'on lui confie chez Roger Corman. Lorre est lessivé, Karloff est au bout de ses capacités physiques (et ça se voit) et Rathbone n'est plus que l'ombre de ce flamboyant moustachu qui affrontait Erroll Flynn en duel... Et Tourneur tourne son avant-dernier long métrage pour le cinéma...

Etait-il d'ailleurs le meilleur pour tourner ce film? Il est arrivé sur le projet à la demande de Richard Matheson, le scénariste, qui n'a pas tari d'éloges sur lui. Mais il n'est pas à l'aise, d'autant que s'il savait presque tout faire, la comédie n'est pas vraiment son rayon... Et ça se voit. Ces aventures comiques saupoudrées d'humour conjugal de mauvais goût (Waldo Trumbull est marié à la fille de son vieil associé et se comporte de façon odieuse avec elle, qui de son côté porte des décolletés dangereux qui affolent Gillie), de cascades en accéléré où Lorre est systématiquement remplacé par un cascadeur qui porte un masque de Peter Lorre(!) et qui n'a pas la même corpulence, et on finit par se dire que le meilleur du film est représenté par ce chat, Rhubarb, qui se déplace de scène en scène, comme un clin d'oeil à la carrière plus prestigieuse de Tourneur...

Au moins le film s'emballe-t-il lorsqu'une sous-intrigue se met en place: Rathbone, qu'on a décidé de supprimer bien entendu, souffre de catalepsie, et va semer le chaos sur son passage rien qu'en étant APPAREMMENT mort...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Jacques Tourneur
12 janvier 2020 7 12 /01 /janvier /2020 09:30

Un thème et une préoccupation du quotidien: des fois, le patron ne dit pas bonjour, et l'employé se voit disgracié, licencié, puis sans crier gare commence à s'en prendre à son fils, puis son épouse...

Ce court métrage n'échappe bien sûr pas au cours particulièrement didactique, d'autant qu'il est comme la plupart de ces courts métrages MGM affublé dans sa bande-son de la voix de stentor d'un commentateur qui ne fait pas dans la dentelle... Mais le rapport son-image, toujours soigné dans ces films, et la façon dont Tourneur a illustré le cas, maintiennent un semblant d'intérêt...

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Published by François Massarelli - dans Jacques Tourneur
11 janvier 2020 6 11 /01 /janvier /2020 12:01

Dans la série des courts métrages de la MGM, celui-ci narré par Carey Wilson revêt sans doute une identité plus promotionnelle que bien d’autres. Il s’agissait pour Tourneur et son équipe de contribuer à promouvoir le long métrage de Sidney Franklin The Good Earth, auquel il emprunte d’ailleurs des figurants, des plans, des rushes et des décors : rien ne se perd, rien ne se crée… Tourneur s’y intéresse principalement au théâtre Chinois, dans ses traditions et son fonctionnement, qui est pris sans grande surprise avec un rien d’ethnocentrisme…

On y assiste à la présentation d’une pièce selon les codes traditionnels Chinois, et la voix off claironnante insiste sur le fait que les spectateurs y font aussi leur part de travail, acceptant les codes de la représentation de la fiction, qui font que par exemple l’accessoiriste souvent présent et visible sur la scène, ou encore la figuration de montagnes par des chaises empilées sur des tables, fonctionnent à plein comme représentations d’un monde, alors que pour le spectateur occidental ils ne feraient que souligner la fausseté…

Pourtant, et c’est le grand mérite de Tourneur, qui n’étonnera que ceux qui ne sont pas familiers de son cinéma (voyez comment il donne à ses Créoles dans I walked with a zombie, ou ses Afro-Américains de la vie nocturne dans Out of the past, une vérité qui va au-delà du cliché), il n’y a pas tant de moquerie que ça, le film soulignant plutôt avec respect l’extraordinaire faculté du public Chinois à transcender la barrière de la fiction. Et le film, qui divise constamment son regard entre la scène (une pièce très traditionnelle en effet, avec ce que ça implique de kitsch) et le public (aux yeux émerveillés, quel que soit l’âge des spectateurs, souligne l’importance de l’imaginaire, élevé au rang de vertu cardinale de l’humanité. Ce qui n’est pas rien…

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Published by François Massarelli - dans Jacques Tourneur
6 janvier 2020 1 06 /01 /janvier /2020 16:07

Ce film, sorti au beau milieu des années 40, est non seulement un superbe film noir, mais il va plus loin: comme The big sleep, Mildred Pierce, Shadow of a doubt ou Double indemnity, il fait partie d'une poignée d'oeuvres qui vont déterminer pour longtemps les contours même du genre... Qu'il soit dû au solide métier de Jacques Tourneur ne devrait nous étonner qu'à moitié, car si le metteur en scène est connu paradoxalement pour ses rares films fantastiques, c'était aussi un talentueux orchestrateur de films, rompu à tous les exercices de style, dont le talent pouvait en particulier s'accommoder sans problème d'un genre qui oscillait à la croisée de tous les autres: films d'action, d'aventures, policier et film fantastique pour les ambiances nocturnes, tout cela faisait le film noir.

Nocturne: le mot est lâché, et ce film intense est indissociable du talent de son chef-opérateur, Nicholas Musuraca. Du reste, le plus célèbre crédit de ce technicien hors-pair, sans surprise, est Cat People de... Jacques Tourneur. De là à penser que ce dernier opère avec ce film un transfert de sa maîtrise en matière de fantastique vers le genre le plus prisé des metteurs en scène dans les années 40, il n'y a qu'un pas...

Jeff Bailey (Robert Mitchum) tient une station-service sur les rives du lac Tahoe, où il aime aller pêcher avec son employé, un jeune sourd-muet (Dickie Moore). Il a une petite amie, Ann Miller (Virginia Huston). Les parents de cette dernière désapprouvent cette union, parce qu'ils se méfient de Jeff, un nouveau venu en ville... Qui a en effet, sous un autre nom, un passé chargé qui ne va pas tarder à lui revenir en pleine figure: l'ancien détective privé Jeff, de son vrai nom Markham, a fui Whit ( Kirk Douglas), un patron de la pègre qui ne pouvait que lui en vouloir, lorsque Markham avait fichu le camp avec sa petite amie Kathie Moffat (Jane Greer), mais il avait aussi fui Kathie quand il s'était rendu compte que cette dernière s'était servie de lui contre Whit. Et Whit, qui vient de retrouver Jeff, lui fait savoir qu'il a un travail à lui confier... Un travail, ou un enterrement de première classe?

Comme The big sleep ou The Maltese Falcon, difficile de résumer ce film, dont l'essentiel tient ailleurs: dans l'impossibilité pour Jeff Markham-Bailey de se sortir d'un milieu qui ne souhaite pas qu'il en parte, alors qu'il n'avait pas du tout vocation à en faire partie! Et Jeff, qui n'est pas né de la dernière pluie, sait ce qui se trame autour de lui, et qu'il est le jouet aussi bien de Whit que de Kathie, deux êtres voués, eux, au mal. Cet aspect est sans doute le ytrait le plus distinctif du film, le fait que Jeff (il s'en ouvre assez franchement auprès de Kathie au début) sent qu'il est coincé et que tôt ou tard, le passé reviendra pour l'empêcher de jouir du présent...

Du coup c'est un homme en perpétuelle fuite, une fuite précaire, incertaine, et qui donne souvent l'impression que l'ex-détective, mal vu dans son ancien milieu comme dans son environnement actuel, avec ces braves gens qui se méfient de lui, est un condamné en sursis, un peu à la façon dont le Dr Holden sera le jouet de forces démoniaques dans Night of the demon. Les scènes nocturnes, une majorité dans le film, et les nombreuses scènes dans les bois, nous montrent d'ailleurs quelqu'un qui semble chercher à l'écart des endroits désignés du film noir, un salut qui ne viendra jamais! Jeff Bailey ou Markham ne sera jamais chez lui nulle part.

Avec sa narration basée sur un premier acte qui tient essentiellement du flash-back conté en voix off par son héros, puis un mélange d'atmosphère entre les divers univers où évolue Jeff, Tourneur se joue des formes habituelles du film noir qu'il transcende allègrement, en y opérant des variations minutieuses. En gros il le réinvente à sa façon, aidé par le travail exemplaire de Musuraca, et des acteurs formidables. On remarquera au passage que le film présente certes un méchant inhabituel, avec la distinction presque juvénile de Kirk Douglas, mais aussi non pas une, mais deux femmes fatales potentielles, avec Rhonda Fleming qui vient s'ajouter, dans le rôle de Meta Carson, à la fête... Bref, ce film, l'un des plus longs de son auteur (avec seulement 97 minutes au compteur) est une réussite essentielle.

 

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Published by François Massarelli - dans Noir Jacques Tourneur
6 janvier 2020 1 06 /01 /janvier /2020 13:45

"Tourneur", ça sonnerait presque comme une blague douteuse, finalement... Mais voilà, Maurice et son fils Jacques avaient quand même l'un et l'autre un nom prédestiné! Plus que son père, mais il faut dire que l'époque et les studios ne sont pas les mêmes en 1950 qu'en 1915, Jacques était un tourneur, pardon un réalisateur à tout faire plus qu'un auteur, ce qui n'a rien de péjoratif et ne l'a pas empêché de développer ça et là ses propres thèmes. Mais une fois admis ces deux faits contradictoires, The flame and the arrow, impeccable film d'aventures comme Hollywood savait si généreusement les faire, est un film de... Burt Lancaster.

Celui-ci interprète Dardo, le plus vaillant et sans doute le plus fripon aussi des hommes d'un village de Lombardie médiévale. Alors que la domination des Allemands sur la région risque de s'intensifier, un des nobles qui gouvernent la région fait enlever le fils de Dardo, après lui avoir ravi sa femme. Avec ses amis, Dardo s'installe dans les bois environnants, où il protège la population tout en volant et rançonnant les Allemands...

...Ce qui bien entendu nous rappelle quelques chose, car il ne fait aucun doute que cette histoire est juste une réappropriation déplacée quelques encablures plus loin, des aventures de Robin des Bois, taillées sur mesure pour le style de Burt Lancaster, son humour, ses acrobaties, et son copain Nick Cravat. Le film m'est toujours paru moins réussi, sans doute pas aussi débridé que peut l'être The Crimson Pirate de Robert Siodmak...

Le rôle de Tourneur, ici, a été de prendre en charge la vigoureuse narration du conte, et il s'en acquitte de façon très adroite, tout en faisant passer quelques idées fortes sur l'importance de l'entraide, un thème qui tend à disparaître du tout-venant des films Hollywoodiens une fois la crise enrayée, et la guerre finie. Mais Lancaster, marqué à gauche, y croyait dur comme fer, et oppose ici le côté tête brûlée de son personnage, avec ses amis qui entendent lui rappeler l'importance d'un jeu collectif. Et c'est toute la population qui va s'allier dans un final virevoltant, pour bouter les affreux germains, à l'exception notable de Virginia Mayo, bien sûr. Et Tourneur avait déjà fait sienne cette vision des choses, en particulier dans le magnifique Stars in my crown.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Tourneur
3 janvier 2020 5 03 /01 /janvier /2020 15:37

Avant la guerre d'indépendance, les Rangers Américains sont un corps spécifique intégrés à l'armée Britannique, en lutte contre les forces Françaises venues du Canada; des soldats de terrain dont le talent est hérité des Indiens et des trappeurs... Un colonel (Patrick Macnee) envoyé directement par le premier ministre confie donc à un groupe de ces soldats d'élite aux uniformes si peu réglementaires, mené par le vaillant major Rogers (Keith Larsen) une mission, celle de capturer un général de l'armée française... Ce que les rangers ne savaient pas, c'est que le brave colonel attaché au protocole et à son uniforme rouge pétant, va se joindre à eux...

Ca part bien, honnêtement: le contraste entre les pisteurs aguerris et le colonel qui a du avaler ou s'introduire quelque part un manche à balais promet du comique, et puis... on se lasse vite, bien vite de ces péripéties qui voient nos soldats ballottés d'un camp à l'autre, d'un champ de bataille à l'autre, d'un canoë à l'autre. ...Et pour cause: ce film n'est pas un long métrage comme les autres, mais le remontage de trois épisodes de la série Northwest passage, concoctée à la MGM pour la télévision, et dont les trois épisodes présentés sont l'oeuvre, pour le premier et le troisième, de George Waggner, et pour celui du milieu, de Jacques Tourneur qui était à l'époque en pleine déconfiture...

Les deux premières parties (la confrontation avec Macnee, acteur toujours aussi impeccable quoi qu'il arrive), et un épisode probablement intégral qui s'intéresse aux tentatives des rangers de s'échapper d'une prison tenue par un sadique, sont les meilleurs. Mais on est ici en territoire malaisé... C'est, comme on dit, plus affaire d'archéologie que de cinématographe.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Tourneur
2 janvier 2020 4 02 /01 /janvier /2020 10:59

La phrase qui sert de titre au film contient les mêmes ingrédients que les titres du film précédent de Tourneur et Lewton, Cat people, ainsi que du troisième, The leopard man, sorti un mois et demi après celui-ci (!): l'onirisme factice et indicatif du genre fantastique, dans son versant le moins noble d'un côté, et une description désarmante de fidélité d'un aspect réel du film d'autre part, car l'héroïne jouée par Frances Dee a effectivement "marché avec un zombie"!

L'infirmière Betsy Connell (Frances Dee) est engagée pour s'occuper d'une malade bien particulière, dans une petite localité des Caraïbes. Durant le voyage en bateau, elle rencontre son employeur, le séduisant Paul Holland (Tom Conway). Son épouse est depuis quelques années dans un état de catatonie permanent... Elle rencontre aussi, dans une propriété dont les domestiques, tous noirs, sont adeptes de nombreux aspects du vaudou, la mère de Paul, le Docteur Rand (Edith Barrett), qui tient un dispensaire local, et son fils d'un autre mariage, le demi-frère de Paul Wesley (James Ellison), qui va bien vite, malgré lui, lui révéler l'abominable secret de la famille: c'est en essayant de fuir Paul avec Wesley que Jessica Holland (Christine Gordon) a été frappée par la fièvre, suivie de sévères complications...

Résumer l'intrigue du film est d'une grande difficulté, car la narration, qui incombe à Betsy, et donc à la personne étrangère du logis où se déroule l'essentiel de l'action, est marquée par les émotions ressenties. C'est même assez poisseux, pour ne pas dire boueux: de ces boues qu'on trouve à des milliers de kilomètres, dans le Yorkshire, sur la lande... Car le script est fortement inspiré de Jane Eyre de Charlotte Brontë, en contrebande bien entendu. Et puis Tourneur, qui est ici très à son aise, a décidé de laisser les rites Vaudou, et cette atmosphère de sorcellerie au quotidien, dicter le rythme du film.

Bien plus qu'un film d'horreur ou d'épouvante, I walked with a zombie ressemble à un voyage initiatique inachevé, dans lequel le spectateur en saura toujours plus que les personnages, tout en ne disposant pas de toutes les clés. Inachevé, car pour reprendre les mots de la fin de Night of the demon, prononcés par le Dr Holden: "Sometimes it's better not to know", quelquefois il est préférable de ne pas savoir. Et c'est justement le credo de Tourneur, un homme qui prétendait être fasciné par l'occulte et les fantômes, mais qui n'avait pas son pareil pour le mettre en scène avec les artifices les plus simples. Un "croyant" selon ses propres termes qui ne dédaignait jamais de tricher avec le spectateur, d'où l'impression que son film ne voudra pas choisir entre le rationalisme occidental (représenté par la famille Rand-Holland) et l'attrait de l'onirisme et de la culture Vaudou.

Mais voilà: Tourneur s'est senti particulièrement proche de cet aspect du sujet, lui qui avait déjà évoqué le Vaudou dans son court métrage Tupapaoo... Il a donné à ses manifestations de sorcellerie des images sublimes, définitives (et parfois sacrément effrayantes), et a été plus loin encore: car I walked with a zombie, sans se livrer à la moindre exploitation gratuite (contrairement par exemple à Angel Heart d'Alan Parker), est une exploration honnête d'un des fondements du particularisme Vaudou, le fait que c'est un culte qui vient de l'inégalité de l'esclavage et de la nécessité de développer une culture parallèle pour survivre en tant que peuple, pour les esclaves arrivés là contre leur gré, et assujettis à leurs maîtres. Le film souligne fortement cet héritage de multiples façons, en laissant la part belle à une interprétation strictement surnaturelle, qui est opposée mais pas contredite par les interprétations des occidentaux: ce qu'on voit à l'oeuvre dans ce film, c'est donc la confrontation de deux mondes séparés par l'horreur de l'esclavage... 

Tout ceci permet à ce film étrange et formellement très beau, d'accéder à une position très particulière dans l'oeuvre de Jacques Tourneur, un cinéaste qui s'est toujours intéressé aux histoires d'exclusion et d'ostracisme, jusque dans les recoins les plus sombres de Stars in my crown, Out of the past ou Great day in the morning.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Tourneur