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9 juin 2023 5 09 /06 /juin /2023 22:15

A la fin du XIXe siècle, en Afrique de l'Est, Allan Quatermain (Stewart Granger) organise des safaris pour des parvenus qui rêvent de massacrer des éléphants. Il reçoit une proposition d'une jeune femme, Elizabeth Curtis (Deborah Kerr): son mari est parti pour trouver les mythiques mines de diamant du Roi Salomon, et n'est pas revenu. Elle souhaite lancer une expédition à sa recherche, et malgré ses réticences (et grâce à la promesse d'un gros chèque), Quatermain accepte de l'accompagner... La cohabitation etre Quatermain et la jeune Anglaise, sous l'oeil amusé du frère de cette dernière (Richard Carlson), ne sera pas de tout repos...

Le film commence par donner le ton dans une scène qui montre Quatermain accompagner un safari, et son dégoût devant le massacre des éléphants ne fait aucun doute. C'est que le film est sans doute une importante date dans l'évolution de tout un genre... Il se situe dans le droit fil des productions MGM des années 30, pourtant, en particulier Trader Horn et les Tarzan, auxquels il est difficile de ne pas penser. Mais si cette production de 1950 louche du côté de la grande aventure haletante, la donne a changé.

En effet, Quatermain contrairement à ses homologues des films cités avant, ne fait pas une consommation indifférente de ses porteurs, et dès la première scène, son attachement pour ses collaborateurs est souligné. Le film sera d'ailleurs un récit initiatique pour Elizabeth, qui va s'ouvrir aussi bien à l'Afrique, qu'à Quatermain et à l'aventure... Les deux acteurs sont parfaits dans leur rôle, Granger en homme de la brousse, et Deborah Kerr entre son statut dAnglaise victorienne, forcément coincée, et son éveil à l'amour, l'aventure et la sensualité: l'actrice, qui sort de ses collaborations avec Michael Powell, est parfaite dans ce registre.

Adapté d'un récit de H. Rider Haggard, l'auteur de She, c'est un classique, dont les paysages (captés au Kenya) et le superbe technicolor, plus une sensibilité qui était novatrice vis-à-vis des peuplades locales (en particulier les géants, présentés comme des Watussi dans le film, probablement des tutsis). Un beau film au parfum de madeleine, cela va sans dire...

 

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Published by François Massarelli - dans Ungawa
28 octobre 2021 4 28 /10 /octobre /2021 16:17

Trois réalisateurs, dont un seul est crédité: le signe qu'une fois de plus il y a de l'embrouille au -delà de la passe de Mutia... Le même problème que pour Tarzan and his mate, en fait, à savoir une incapacité de la production à faire des choix clairs et à confier le film au bon réalisateur... On y revient plus bas, dans la mesure où il n'y a pas grand chose à dire sur le film.

Celui-ci commence par un retour en arrière; à nouveau, l'intrigue partira de la promesse d'un safari, puisque la famille de Jane souhaite la faire revenir. Plus précisément, deux cousins, Rita (Benita Hume) et Eric (William Henry), ses deux cousins, qui ont l'air aussi à leur place dans la jungle que Johnny Weissmüller le serait en habit vert à l'académie française... Ils demandent de  l'aide auprès d'un chasseur-businessman, Fry (John Buckler), qui les conduit en espérant pouvoir ramener Tarzan dans une cage. En 17 minutes, cette fois, le tour est joué, et on entend le fameux cri! 

Le reste est assez routinier, et bien sûr, on ne pas y échapper: oui, les TarzanJane s'embourgeoisent, puisque de petite hutte ils sont passés à grosse maison avec ascenseur, et sinon Jane a appris à coudre en utilisant de plus larges bande de peau que pour son dernier film! Car le Code est là et Joseph Breen, censeur en chef, veille au grain (de peau).

Mais le film a subi des soucis assez simples: le scénario a changé plusieurs fois en cours de route et le film aussi. D'une part parmi les décisions abandonnées, il y avait une volonté initiale de tuer tout le monde, sauf Tarzan et Jane; ensuite, une séquence située vers la fin voyait le safari affronter des créatures fantastiques (des grosses chauve-souris) dans une grotte infestée de marécages: la grotte subsiste, mais la séquence ne contient plus que son début et sa fin. Si certains (98% des porteurs Africains, et le méchant bien entendu) y passent, les gentils Anglais sont accompagnés jusqu'au confins du territoire de Tarzan et gentiment renvoyés à Londres...

Si les Gabonis ne les attrapent pas! Car Jane, c'est acquis, ne veut pas du tout partir, c'est évident et donc quand le safari repart c'est sans la protection de Tarzan. Le film, entre autres égarements, nous montre une vision idyllique, et d'ailleurs un peu trop rose de leur vie de couple... Une vie sans enjeu: Tarzan sait tout, voit tout, protège contre tout... Difficile donc de faire un film qui soit autre que fade dans ces conditions.

Et comme il a été coupé, sévèrement dit-on, et qu'il est bien court, le film s'est vu complété par... des réemplois, des redites, et des séquences quasiment intégrales, notamment de Tarzan and his mate (les Gabonis). La séquence de baignade ayant été coupée un peu partout dans le film de 1934, elle est ici rejouée, mais habillée, avec la même Josephine McKim, et la même chorégraphie. Et les transparences, pour certaines, sont une reprise des mêmes fonds...

Voilà qui n'explique pas, mais qui illustre la panade durant laquelle James McKay, puis John Farrow (qui a toujours dit avoir fini le film) et enfin Richard Thorpe (qu'a-t-il tourné? Mystère... En tout cas son absence totale de style est omniprésente) ont été amené à prendre la barre d'un film qui a bien failli s'appeler The capture of Tarzan, et qui aurait tout aussi bien pu s'appeler Tarzan lays an egg

Mais le pire est à venir: trois fois.

 

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Published by François Massarelli - dans Ungawa
17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 08:45

Avec le succès phénoménal du premier film, il était inévitable qu'une suite fasse son apparition. Contrairement à la loi du genre, qui généralement voue les suites à répéter inutilement les mérites d'un premier film, ou à n'en être qu'un pâle reflet, ici, le deuxième film est un joyau, qui complète, précise le premier, et... triomphe d'un écueil particulièrement important: toute la lente construction du film de Woody Van Dyke pour amener le spectateur vers Tarzan (Johnny Weissmuller) et son univers, en environ trente minutes d'un suspense parfaitement maîtrisé, est ici remplacée par des digressions savantes...

Tout commence pourtant exactement de la même façon: la base de feu James Parker, ce trading post où le père de Jane (Maureen O'Sullivan) effectuait des échanges avec les tribus indigènes, est à nouveau le théâtre de la préparation d'une expédition vers le cimetière des éléphants, menée cette fois par Harry (Neil Hamilton), l'ami des Paker qui a survécu à la première aventure, et avait promis à Jane et Tarzan de revenir... Il souhaite bien sur récupérer de l'ivoire, mais aussi ramener la jeune femme dont il est amoureux. Et il va falloir faire vite, car une autre expédition qui elle aussi convoite l'ivoire est déjà en partance... Cette fois, Harry est accompagné de guerriers indigènes, et flanqué de Martin (Paul Cavanagh), un ami Londonien, un aventurier de la pire espèce qui ne reculera devant aucune bassesse pour mettre la main sur l'ivoire... ou Jane, d'ailleurs. Quand je dis que "tout commence exactement de la même façon" c'est à prendre littéralement: le premier plan des deux films est le même, celui de porteurs avançant, des défenses gigantesques sur l'épaule. Car si Tarzan and his mate repose énormément sur la présence de stock-shots ramenés par Van Dyke de son tournage en Afrique pour Trader Horn, les réserves commencent à s'épuiser, et ce film recyclera pas mal d'images déjà vues...

Après, ma foi, l'histoire ne passera pas par des stades très révolutionnaires: Harry et Martin vont donc se mettre en danger dans la jungle en cherchant à atteindre la célèbre passe Mutia, qui est tabou, être sauvés par Tarzan, revoir Jane, essayer de la persuader de revenir en lui donnant des échantillons de ce qu'elle n'a plus (Robes, parfums, bas de soie, phonographe); puis ils vont se mettre en quête de l'ivoire, pendant que Martin va attenter à la vie de Tarzan afin de pousser Jane à les suivre... Tout ça finira dans une lutte sanglante contre une tribu de sadiques, avec des lions et des éléphants partout... La routine. 

Pourtant je le disais plus haut, ce film prolonge et complète le premier film de manière très efficace: d'une part, il précise avec le personnage d'Harry, beaucoup plus humaniste que son copain Martin, que le colonialisme invétéré de ces Britanniques à sang plus ou moins froid, peut être tempéré: Harry ne considère pas ses porteurs et autres collaborateurs noirs comme des commodités, et c'est souvent souligné... D'autre part, le film éclaire d'un jour nouveau ce qui était en filigrane du premier film: la relation totalement sexuée, librement assumée, de Jane et de Tarzan, dont on ne fait pas mystère ici. Et du coup, ce film qui arrive à la toute fin de la période pré-code, porte en lui une franchise tel, qu'il ne passera jamais à l'époque, sous la forme qu'on connaît aujourd'hui, les portes de la salle de montage! Quiconque a vu le film saura de quoi il retourne: trois scènes enchaînées, qui font monter la température d'une façon inédite... D'abord, après les retrouvailles avec Jane, les deux explorateurs la tentent avec des robes, l'occasion pour Jane de se changer, et d'offrir un strip-tease en ombres chinoises, d'une rare efficacité. Puis, l'arrivée de Tarzan troublé qui n'a jamais vu Jane en robe du soir, se conclut lorsqu'il attrape Jane et l'emporte précipitamment dans leur habitation. Nous les retrouvons les lendemain, Jane n'a plus la robe, et tout porte à croire que la nuit a été torride. La conversation est claire aussi: Tarzan dit bonjour dans un anglais très hésitant à celle qu'il appelle sa femme. Puis, comme chacun le sait sans doute, les deux amoureux vont prendre un bain long et sensuel, pour lequel Maureen O'Sullivan est doublée par la championne de natation Josephine McKim; cette séquence a été l'objet d'une planification particulière, puisque trois versions ont été tournées: celle qu'on peut voir, une version en bikini de la jungle, et une version "topless"... 

Autre point sur lequel Tarzan and his mate symbolise à lui tout seul cette période d'audaces et d'attaques frontales de la pudibonderie et de la censure, le sadisme profond dont les scénaristes ont fait preuve dans la peinture des rapports compliqués entre l'expédition de Harry et Martin, et les indigènes locaux: on fait la connaissance des Gabonis, cette peuplade fictive qui massacre, puis mange ses victimes, amenés dans une scène à la montée de tension particulièrement forte. A la fin, une autre tribu de fêlés s'amuse à supplicier ses victimes en les donnant à bouffer aux lions... Bon, on ne va pas se mentir, c'est toute une galerie de fantasmes délirants sur l'Afrique qui passe dans ces scènes ridicules... Mais aussi indissociables de ces films! D'ailleurs, les Gabonis reviendront, devenus la tribu sauvage "générique" des Tarzan MGM... Ces images naïves, témoins d'une époque révolue à laquelle on parlait encore de "races", ont fini paradoxalement par symboliser, dans l'esprit du spectateur en mal de frisson, l'esprit même de l'aventure, avec ses dangers et ses peurs primales... Tant d'écueils dont Tarzan, entre tous, ne peut que triompher.

La structure du film, qui est le plus long des six, est dominée par la première heure, celle qui comporte toutes les audaces sensuelles. Le reste est surtout l'occasion de mener à son terme le mythe du cimetière des éléphants, et de montrer comment une fois de plus, Tarzan et sa compagne deviendront une bonne fois pour toutes, seuls au monde, et à mon avis très fiers de l'être. Tout cela repose sur une intrigue assez bien menée, mais aussi sur une tendance à répéter les scènes de mise en danger de Jane. Et à ce titre, il faudra quand même qu'on s'y intéresse: franchement, moi qui n'ai jamais été un grand fan du cri de Tarzan-Weissmuller, je suis effondré à chaque fois que j'entends la version féminine, qui est l'une des pires fautes de goût des années 30! 

Pour le reste, terminons sur une énigme: qui a mis en scène ce film, par ailleurs fort bien mené? Le crédit original et officiel est celui de Cedric Gibbons, dont c'est d'ailleurs l'unique film . Le décorateur en chef de la MGM (Qui était en réalité en charge du département décoration, pas forcément décorateur. Son titre lui garantissait un crédit, quoi qu'il fasse: du golf, du macramé, ou... de la déco) a été placé là afin de gérer ce qui était un travail de patchwork et d'effets spéciaux. Des historiens ont affirmé que l'idée du bain avait été inspirée du visionnage nerveux du film Bird of Paradise de King Vidor, par Gibbons dont l'épouse d'alors Dolores Del Rio batifolait dans les mers du sud en compagnie de Joel McCrea, seulement armée d'un tout petit, petit string... D'autres équipes complétaient son travail, en particulier celle, nous dit-on, de Jack Conway, ce qui fait qu'aujourd'hui le film est crédité officiellement (Mais pas sur les copies) à Gibbons et Conway. Et pour couronner le tout, Maureen O'Sullivan a toujours affirmé qu'elle a plus vu le réalisateur des séquences d'animaux, James MCKay, sur ce tournage et le suivant (Soit Tarzan Escapes, un film au tournage encore plus compliqué, officiellement crédité à Richard Thorpe!), que Gibbons et Conway! Bref, un tournage complexe, qui débouche sur un morcellement des équipes. On a souvent vu ça à la MGM, mais le résultat a rarement été aussi bon. Au vu de la complexité du tournage, Tarzan and his mate est un miracle.

Et en plus, il est distrayant: une fois accepté l'idée qu'après a première heure, on perd un peu en efficacité avec les tribulations exaspérantes et répétitives de Cheetah, on passe quand même du bon temps, dans le délire sadique des séquences finales, et dans l'apothéose de destruction menée par les éléphants: personne n'en réchappera! Sauf Tarzan et Jane, bien sur.

Bref: plaisir coupable, rêverie kitsch, nostalgie de l'enfance ou réflexion naïve mais bien menée sur l'état de nature, on trouvera son compte dans ce film, qui mérite bien sa place au sommet du cycle de six films de Tarzan tournés à la MGM!

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Ungawa Mettons-nous tous tout nus