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22 janvier 2023 7 22 /01 /janvier /2023 17:25

Ce n'est pas à proprement parler un film de long métrage, mais une série, située durant la guerre de Sécession, qui met en scène les agissements d'une espionne confédérée, Nan. Fille d'une respectable famille, elle a décidé de se battre à sa façon pour la cause des Sudistes et accomplit des exploits...

Il ne reste que trois épisodes (sur 6) de cette série, qui n'est pas un feuilleton au sens strict du terme; le cinéma avait encore à se servir de ce moyen pour fidéliser les spectateurs en utilisant chaque semaine ou chaque mois le pouvoir magique des mots "A suivre"... C'est à la compagnie Kalem que Gene Gauntier (Nan) et Sidney Olcott tournaient à l'époque, avant de se lancer dans des tournages exotiques (Palestine, et... Irlande pour une série de films significatifs). Kalem était basée à New York, mais les tournages étaient relocalisés en Floride durant l'hiver, ce qui fut le cas pour tous ces "épisodes", et c'est peut-être l'une des raisons qui ont poussé la compagnie à adopter un point de vue sudiste sur la Guerre Civile. Rappelons qu'embrasser la cause sudiste revient à défendre le point de vue de l'esclavage... La Floride en 1915 (mais plus de cent années plus tard, un peu aussi) était quand même encore nostalgique des années d'avant la guerre, et on y gardait un point de vue très tranché aussi bien sur le conflit que sur ses causes... 

D'autres raisons ont peut-être joué: on constatera d'ailleurs que la majorité des films muets consacrés au conflit ont pris fait et cause pour le Sud, depuis les nombreux courts métrages de Griffith qui y ont été consacrés, à The General de Keaton (et je ne parle évidemment pas ici de The Birth of a Nation, mais il ne faudrait pas l'oublier quand même), ainsi que de nombreuses productions de Thomas Ince, certaines réalisées par Francis Ford: le cinéma penchait sans doute sur le versant romantique de la cause perdue du Sud, et c'est probablement le cas ici aussi...

Et d'ailleurs, pas de plaidoyer ouvertement raciste en vue, juste de l'aventure, et des péripéties dans lesquelles Nan se met en danger... La réalisation est encore assez plate (Olcott n'est pas Griffith) mais avec Gene Gauntier, qui avait son mot à dire sur la conception de ses films, il a manifestement souhaité mettre l'accent sur l'aventure, les risques pris, et l'audace de cette jeune femme, dont les parents savent les dangers qu'elle encourt...

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Published by François Massarelli - dans Gene Gauntier Sidney Olcott Muet 1911 **
14 avril 2021 3 14 /04 /avril /2021 18:07

Un jeune homme de très bonne famille (Carlo Wieth) rencontre une vendeuse dans une boutique (Clara Wieth), et c'est le coup de foudre réciproque. Ils se voient souvent et trois mois plus tard, elle est enceinte. Quand elle le lui dit, il décide de faire ce qu'il faut: il vient annoncer son mariage à ses parents... Qui refusent, car la jeune femme est de basse extraction. les parents envoient le fils chez des amis, et le père va tout faire pour qu'aucun message de la jeune femme ne parvienne à son fils...

Selon la tradition du mélodrame, ça va aller plus loin encore: le jeune homme va rencontrer la fille (Zenny Petersen) des amis chez qui il séjourne, bien évidemment, des velléités de mariage, plus noble celui-ci, vont s'éveiller, avec la bénédiction des parents cette fois, et sinon la jeune mère célibataire va trouver son chemin de croix... Et comme le film est Danois, au bout: la mort.

Mais ce qui est frappant, en plus d'une certaine acuité sociale (le film fait le portrait sans fards d'une société bourgeoise et intolérante) et d'un ton résolument moderne (pas de chichis, et pas de temps morts, ici c'est un script signé du futur grand nom de la comédie burlesque, Lau Lauritzen, que Blom dirige), c'est à quel point le film prend totalement le point de vue de Clara Wieth, nous détaille son horreur, ses angoisses, ses fins de mois difficiles. L'accompagne sur son lit de mort, même... Et en la jeune femme qui la remplacera, elle a paradoxalement trouvé une alliée: c'est elle qui pousse l'homme qu'elle aime pourtant à recontacter la femme qu'il a trahie par faiblesse, et c'est elle enfin qui décide de poursuivre avec le mariage, assorti d'une adoption... 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Lau Lauritzen August Blom 1911
12 avril 2021 1 12 /04 /avril /2021 12:24

Une jeune femme (Clara Wieth) est présentée à un homme (Valdemar Psilander), dont elle tombe amoureuse: il est mormon, et décide l'emmener avec lui en Utah. Mais durant le voyage elle réalise qu'elle n'a plus le moindre droit, face à un homme qui s'avère brutal. Et les choses s'enveniment à l'arrivée aux Etats-Unis... Pendant ce temps, le frère et les amis de la jeune femme font tout pour la retrouver, et leur enquête les amène à Salt Lake City...

Salt Lake City, qui ressemble sans doute beaucoup à Copenhague! On peut éventuellement être patient et tolérant, et admettre qu'en ces temps reculés, le public populaire visé par la compagnie Nordisk ne voyait sans doute pas la pauvreté des tours de passe-passe mobilisés par Blom et son équipe, pour figurer une action située en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis... Des images authentiques de la rue de Londres où se trouvait le principal lieu de culte Mormon en Europe a été filmé, mais intégré sans être le moins du monde convaincant au montage!

On peut aussi voir que le film a été tourné à la va-vite, pour capitaliser sur la sensation de titres de journaux du moment, qui ont peut-être décrit les Mormons comme encore plus exotiques que la normale... Mais Psilander porte ici des costumes de grande classe, boit, fume, habite un intérieur bourgeois et fréquente les restaurants avec un haut de forme... Il officie à des cérémonies qui tiennent plus du délire, qu'on ne peut pas imaginer plus éloigné de la rigueur et de l'obsession de la frugalité et de la pureté qui sont les bases d'un fanatisme autrement plus dangereux que les éléments risibles du film, qui prouvent que le film a été fait sans l'ombre d'une tentation de documentation... 

Il faut aussi dire que Blom, sans doute, avait lu et appliqué à la lettre dans un film vite fait mal fait, les compliments nombreux (et justifiés) des critiques sur ses deux productions consacrées à la traite des blanches. On retrouve donc ici toute la gamme des frissons prodigués par les gros succès précédents: enlèvement, famille qui s'inquiète, poursuite, sauvetage de dernière minute, en plus de la cérémonie de baptême grandiloquente... Faut se méfier des mélanges: Mormons + traite des blanches, ça fait mal à la tête...

 

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Published by François Massarelli - dans August Blom 1911 Muet
12 avril 2021 1 12 /04 /avril /2021 09:57

Willy (Valdemar Psilander) est un jeune homme qui cause beaucoup de souci à sa mère: il a pris l'habitude de la laisser régler ses dettes, nombreuses, après ses frasques. Il est justement régulièrement en contact avec un homme qui lui a prêté de l'argent, et le soumet à une forte pression pour qu'il paie avec des intérêts exorbitants. Mais Willy voit surtout qu'Anna (Clara Wieth), la fille de l'usurier, est tout à fait à son goût. Quand il se met en ménage avec elle, pour la mère c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase...

Sous le vernis moraliste en diable (si j'ose dire!) Blom s'intéresse aux différents moyens de rendre le drame intéressant, dans des scènes systématiquement tournées en intérieurs: bien sûr, les miroirs ont leur mot à dire, placés stratégiquement, notamment dans la scène où ma mère découvre à la nuit tombée son fils cambriolant son appartement! La façon dont il utilise le clair obscur nous rappelle l'influence énorme que les longs métrages Danois vont avoir jusqu'à la première guerre mondiale sur l'ensemble de la galaxie cinématographique!

Il veille aussi au rapprochement des corps, et on voit comment la suggestion fonctionne dans son cinéma à l'époque... Clara Wieth-Pontopiddan, méconnaissable, s'enlaidit sous une perruque blonde et joue à fond la vulgarité quelconque, pendant que Psilander incarne un piètre jeune homme tellement habitué à se reposer sur sa mère qu'il va désormais devenir tributaire de la femme qu'il aime...

 

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Published by François Massarelli - dans 1911 Muet August Blom
8 avril 2021 4 08 /04 /avril /2021 17:26

Une jeune femme de bonne famille (Henny Lauritzen) se prépare à convoler en justes noces avec un fiancé qu'elle n'aime pas, mais que ses parents ont choisi pour elle. Elle se console comme elle peut dans les bras d'un garde forestier, Poul (Frederik Jacobsen). Mais les choses vont prendre un tournant dramatique quand pour ne pas être surpris dans la chambre de la damoiselle, Poul se voit contraint de se cacher sur le balcon, dont il tombe... Accusé d'avoir voulu cambrioler la maison, le seul moyen est de trahir l'honneur de la jeune femme...

Le film est contemporain de Afgrunden, et des autres premiers films d'Urban Gad avec Asta Nielsen, ou encore du premier film de "traite des blanches" du même Blom, autant dire que c'est un moment de l'histoire du cinéma danois, lorsque la température a sérieusement monté! Ca reste assez prude toutefois, Blom réservant ses audaces pour les rapprochements clandestins des deux héros, dont les ébats sont bien sûr laissé à la discrétion des imaginatifs! Reste que le film s'introduit comme on le faisait assez peu dans le cinéma de l'époque, dans les alcôves de la bourgeoisie, et le fait avec une certaine franchise: par exemple, lors d'une escapade en pleine nature, Henny Lauritzen ouvre son manteau pour dévoiler... sa robe, certes, mais le geste est sans équivoque. Et Jacobsen répond en dénudant avec empressement... le bras de sa partenaire, on n'a rien vu, rien n'a été montré, mais on sait tout. La tension érotique obtenue est assez typique, finalement, de ce qui allait devenir la règle dans le cinéma Danois durant les années qui précèdent la guerre.

A noter que, bien qu'il soit privé d'intertitres, le film reste étonnamment lisible aujourd'hui...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1911 August Blom
8 avril 2021 4 08 /04 /avril /2021 11:29

Un énorme succès, au cinéma, ça conduit généralement à la tentation d'une suite ou deux... August Blom avait déjà dirigé le très réussi remake d'une histoire de "traite des blanches" avec un film de 1910, il y revient, en changeant à peine l'intrigue, pour un film plus long et qui montre bien les progrès rapides du septième art dans ces années de formation. Le montage, les éclairages, la narration, tout dans ce film montre la maîtrise de Blom et des studios Danois...

L'intrigue est la suivante: Edith (Clara Wieth) est enlevée par une bande de proxénètes alors qu'elle se rend en Angleterre pour y vivre chez sa tante. On assiste à ses efforts pour résister à son destin abominable pendant qu'un détective remue ciel et terre pour débusquer la bande...

Dans ces conditions, le destin d'Edith (Clara Wieth sera aussi connue sous le nom de Clara Pontopiddan) est scellé, il va devenir tout bonnement celui d'une héroïne de feuilleton, trimbalée, enlevée, ligotée, sans jamais évidemment qu'une occasion ne se présente de la mettre vraiment au travail. Le film effleure donc le sujet, et s'il fournit un effort notable, c'est surtout pour rendre l'impression que l'on puisse, dans un film respectable, l'évoquer. A ce titre, l'actrice fait un travail impressionnant, compte tenu de tout ce qui lui arrive. La longue carrière de cette actrice éminente parle du reste pour elle...

Blom de son côté, un solide gaillard dont les films des années 10 seront parmi les fleurons du long métrage mondial, fait aussi un excellent travail, maintenant la pression dans ses péripéties, tout en soignant ici ou là d'une manière inattendue sa mise en scène. Il avait dans son premier film sur le sujet en 1910, divisé l'écran en trois pour une scène et ainsi lancé une mode qui allait être reprise de film en film, et il la reprend ici lui-même. Des exemples de split-screen, sous directe influence de ce film, allaient en effet inonder les écrans. Des films sur la traite des blanches aussi, cela va sans dire...

 

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Published by François Massarelli - dans August Blom 1911 Muet
22 mars 2020 7 22 /03 /mars /2020 10:03

Deux garçons, Fritz et Adolphe, sont vendus à un Cecchi, artiste de cirque qui va les entraîner à la dure pour qu'ils le suivent dans son métier. Avec deux jeunes filles, Louis et Aimée, ils deviennent partenaire sur la piste et inséparables dans la vie, unis face à la sévérité de leur mentor. Aimée en particulier est très attentive au bien-être de Fritz... A la mort de Cecchi, Fritz (Robert Dinesen) a une idée: créer un numéro unique et spectaculaire, Les Quatre Diables, mêlant acrobaties et sensations fortes. Ils deviennent une sensation, et du coup leur fortune change: Lucy, une belle jeune aristocrate commence à tourner dangereusement autour de Fritz...

C'est la première version d'une histoire qui sera souvent filmée, notamment par Murnau dont la version de 1928, un film perdu, est sans doute l'une des oeuvres les plus recherchées des années 20. Ce qui ne doit pas enlever d'intérêt à cette version qui a au moins deux mérites, à vue de nez: c'est la première, d'une part. Et en prime elle est toujours disponible! Mais son intérêt va plus loin... 

Car en 1911, le cinéma Danois domine, et impose en Europe la vision d'un cinéma qui s'installe dans la longueur, et qui explore les genres les plus divers. Un mélodrame, après tout, correspond en ces années d'avant-guerre à un divertissement qui pourra résonner dans tous les pays, un calcul simple mais qui s'avérera payant... Et les auteurs vont pousser le bouchon un peu plus loi, en choisissant notamment de tout faire reposer sur un final grandiose, dans lequel on verra enfin le numéro de cirque tant attendu, mais aussi un suspense fort: car nous savons qu'Aimée veut se venger de Fritz, et ces deux artistes sont d'ailleurs, parmi les quatre diables, ceux qui vont tenter le "saut de la mort", sans filet...

Nous le savons, parce qu'une scène nous montre Aimée souligner de son doigt cette mention (unde net, en Danois) sur une affiche. Le suspense repose donc sur l'attente par le public d'un dénouement fatal... Mais aussi sur le montage, qui délaie à loisir en étendant le champ des prises de vue. Le film est très moderne dans son découpage, et franchement en avance sur la plupart des concurrents de 1911; et la censure Danoise était sans doute moins pointilleuse qu'ailleurs, du coup si la suggestion reste de mise, on n'a pas beaucoup de doutes sur la teneur des rendez-vous entre Fritz et Lucy...

Le mélodrame Danois, avec ce film et avec Afgrunden de Urban Gad, devient donc particulièrement baroque...

Le film est disponible en streaming sur le site du DFI: les intertitres sont en Danois, mais c'est très facile à comprendre...

https://www.stumfilm.dk/stumfilm/streaming/film/de-fire-djaevle

 

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Published by François Massarelli - dans Muet DFI 1911
12 janvier 2020 7 12 /01 /janvier /2020 14:58

Sous ce titre aussi court que lourd de menaces, se cache l'un des films de la série de Louis Feuillade et Gaumont, La vie telle qu'elle est. Si le "cinéma premier" de la firme se nourrissait déjà du goût du public pour les séries, celle-ci était novatrice: il ne s'agissait ni de scènes comiques, ni d'histoires autour de personnages récurrents (Onésime, Léonce, Bébé, Bout-De-Zan faisaient alors le bonheur des spectateurs); La vie telle qu'elle est entendait rester fidèle à son titre, et proposer un reflet de la réalité, sous un jour dramatique, et tant qu'à faire coller à l'actualité.

De façon surprenante pour la très bourgeoise Gaumont, les films étaient parfois assez novateurs aussi en matière de revendication sociale, tel ce drame de trois bobines dans lequel Feuillade se paie la fiole des réformateurs de tous poils et de leur esprit étriqué... Lui qui était royaliste, et qui travaillait pour le très Catholique, très (très très) droitier, et très comme il faut M. Léon Gaumont, devait sans doute en connaître un rayon sur le sujet...

Anna Moulin (Renée Carl), dite Nana, travaille pour un "cabaret pour jeunes femmes", un établissement dans lequel il ne fait sans doute pas aller très loin pour pouvoir l'appeler une maison close. Elle souffre de sa situation, mais ne voit pas comment en sortir... Jusqu'au jour où elle s'occupe d'un consommateur, le Docteur Perrin (Henri Collen), qui lui propose de quitter son "métier" et de travailler avec elle dans une clinique dédiée aux pauvres. Nana le suit, devient la clé de voûte de l'institution, et a la surprise d'entendre, le jour où on fait lecture du testament de Perrin qui vient de décéder, qu'il la nomme à la tête de sa clinique. Tout le conseil d'administration s'en réjouit, mais Anna va devoir vivre un calvaire quand un étudiant qu'elle a éconduit, Alphonse (Jean Ayme), décide de la dénoncer comme ancienne prostituée...

On appréciera les efforts de l'équipe du film pour contrer le risque de censure: le "cabaret" où travaille Nana n'a rien qui puisse nous faire penser qu'il s'agit d'autre chose qu'un débit de boisson (d'ailleurs le Docteur Perrin s'y rend sans penser à mal), mais le contexte et l'intrigue nous permettent de recoller les morceaux de ce qui n'est jamais clairement dit. Le film est notable par son refus de juger, tout en pointant un doigt accusateur envers ceux qui rejettent l'héroïne. Le film tout entier est évocateur de deux courants qui' n'ont pu qu'influencer Feuillade: les films Scandinaves et particulièrement Danois, dont la franchise et la noirceur étaient un exemple pour tous les cinéastes de l'époque, sans parler de la qualité du jeu des interprètes; les films "populaires" de Capellani chez Pathé, le grand concurrent, ont certainement aussi eu une influence sur La Tare. A travers le refus du spectaculaire, la clarté de l'intrigue, c'est une preuve de l'importance indéniable de ce courant réaliste chez Feuillade.

 

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Published by François Massarelli - dans Louis Feuillade Muet 1911 *
4 septembre 2019 3 04 /09 /septembre /2019 18:27

Compte tenu du pedigree de Jasset, de ses Nick Carter, Zigomar et Protéa, sans parler de ses spectaculaires Bandits en automobile, le titre nous fait nous méprendre dans un premier temps: le pays des ténèbres, évoqué dans le titre, n'est en rien un mystérieux et fantastique royaume gothique, mais plus simplement et plus directement le monde de la mine, tel que l'a peint Zola: un monde partagé entre la survie au quotidien des hommes avec son lot d'espoirs et de déconvenues, et la descente dangereuse au fond de la mine de charbon... Et à en croire la copie visionnée, il s'agirait d'une adaptation de Germinal, mais j'en doute fort, d'autant qu'une quinzaine de mois plus tard, le film imposant de Capellani allait lui adapter Germinal, mais sous la forme d'un long métrage imposant...

Mais ce qui a probablement attiré Jasset, malgré tout, est présent dans le film et justifie cette référence à Emile Zola: car sous couvert de réaliser un drame de la mine, qui est aussi et avant tout un mélodrame assez compassé, il a mis en chantier une importante production, dont les extérieurs ont été tournés à Charleroi, donc en pays minier, et dont les intérieurs de studio ont nécessité la collecte d'une quantité impressionnante de charbon. Et le réalisateur a truffé son film (par ailleurs l'histoire d'une douce orpheline venue vivre en pays minier, et qui se retrouve coincée entre l'amour de son cousin, et celui d'une autre mineur, les deux manifestant leur jalousie dans une rivalité de plus en plus agressive) de visions quasi documentaires, qui ont d'ailleurs poussé la compagnie Eclair à en rajouter sur les arguments publicitaires!

Avec ses acteurs fréquents, Charles Krauss et Cécile Guyon, son chef-opérateur Lucien Andriot, Jasset n'a peut-être pas rendu justice à Germinal (mais savait-il au moins qu'il l'adaptait? Car je le répète, on en est loin), mais il est un drame de la mine, qui se résout dans un héroïsme fraternel certes un brin mélodramatique, mais qui montre de quelle façon les mineurs, chemise enlevée, couverts de poussière noire des pieds à la tête, donneraient leur vie pour trouver leurs copains en difficulté, avant qu'il ne soit trop tard. Un sujet qui reviendra, encore et encore, au cinéma, sous la responsabilité non seulement de Capellani, mais aussi de Pabst, ou encore Ford...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1911 Victorin-Hyppolite Jasset Eclair
2 mai 2019 4 02 /05 /mai /2019 18:46

L'un des rares films (ils sont au nombre de quatre seulement) mettant en scène Asta Nielsen et réalisés au Danemark: un paradoxe pour la superstar Danoise, mais en dépit de l'excellence et de la vitalité de sa production, le Danemark restait un petit pays même quand ses films régnaient sans partage sur les cinémas de toute l'Europe! 

Asta Nielsen interprète ici le rôle d'une artiste dont la vie, en quelques semaines, va se transformer en une métaphore de son art... Un comble. Camille, actrice, danseuse et modèle, vient de remporter un énorme succès au théâtre, et le dramaturge dont elle vient de faire triompher la pièce la courtise avec ardeur. Ils filent, un temps, le parfait amour, mais Jean va vite s'intéresser à une autre, qui plus est une femme mariée: il faut dire que le mari de Madame Simon est un abominable tyran qui n'hésite pas à la fouetter. Quoi qu'il en soit, une fois que jean dépose Camille chez son ami Paul, un peintre qui va justement l'immortaliser en ballerine, il file ensuite retrouver sa maitresse. excédée, Camille dénonce les amants auprès de M. Simon, mais elle voit celui-ci préparer une arme. Elle prend peur, et "mue par l'amour avant la jalousie" comme nous l'indique un intertitre, elle va trouver une idée pour éviter que Jean et sa rivale soit pris en flagrant délit: elle va remplacer la dame in extremis...

L'intrigue est compliquée, ce que l'absence de certains passages n'arrange pas. Mais ce qui compte bien sûr dans cette histoire de coucheries et de tromperies de la pire espèce (bien sûr précautionneusement situées dans la lointaine France), c'est la façon dont Blom, qui n'était pas un manchot, a choisi la distance convenable, les positionnements de caméra (qui renvoient à Afgrunden, avec ses nombreuses séquences vues depuis les coulisses d'un théâtre) et a laissé la grande tragédienne faire le gros du travail. Elle est impressionnante, et accompagnée du grand acteur Valdemar Psilander, elle est parfaitement à son aise. Le film est un pur mélodrame avec tous les ingrédients, y compris une solide dose de ridicule, mais peu importe: une fois de plus, Asta Nielsen est tout entière dédiée à un rôle qui lui permet de montrer son impressionnante versatilité.

Blom, pour sa part, s'amuse constamment à rendre floues les théâtres de l'art et de la vie: il nous montre le triomphe de Camille vu des coulisses du théâtre, et incorpore à la scène le passage pour Nielsen de l'interprétation du rôle sur les planches, à l'interprétation de l'actrice qui revient à sa vie. Il nous la montre acceptant de réciter un extrait de son rôle pour des amis réunis dans une soirée, mais se laissant emporter par la vraie jalousie; mais surtout, elle va tenter de sauver son amant en jouant un rôle pour de vrai. Le film a un aspect rare dans les films Danois de ce genre et de cette époque: il finit par un happy end... Du moins dans la copie sauvegardée, on n'est jamais trop prudent.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1911 August Blom Asta Nielsen *