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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 15:22

Le traitement de l'Histoire chez Griffith est une affaire entendue: il suffit de voir ou revoir le début de ce film pour comprendre: en quelques plans, quelques intertitres, Griffith nous refait l'histoire de France afin de proposer aux spectateurs un contexte approprié aux aventures de ses héroïnes prises dans la tourmente. Il assène donc que les Français sont mal gouvernés (Par des "Kingly bosses", pas par un roi, la nuance est intéressante) et qu'ils vont légitimement se révolter contre les nobles et leur gouvernement. mais il nous propose aussi en complément la suite de l'histoire dans laquelle il assimile joyeusement Robespierre aux bolcheviks. Il termine son introduction en conseillant aux Américains de ne pas se laisser faire par la tentation du communisme. Comment pourrait-on le prendre au sérieux après ça? D'ailleurs le film ne nous encourage pas à la faire; ces Deux orphelines ne sont pas une leçon d'histoire, juste un mélo excessivement distrayant, qui déroule tranquillement ses 150 minutes de péripéties irrésistibles autour du vieil argument: deux jeunes filles, orphelines depuis peu, se préparent à aller à Paris pour consulter un spécialiste: l'une d'elles, Louise (Dorothy Gish) est aveugle, et pourrait éventuellement guérir. Elles arrivent dans un Paris agité que Griffith a fait exprès de situer en pleine révolution, et Henriette (Lillian Gish) se fait kidnapper dans le but de servir d'apéritif à une orgie. Laissée seule, Louise se fait enlever par une famille de margoulins, dont la mère, interprétée par la grande Lucille La Verne (Pour laquelle l'expression "laideur fascinante a sans doute été inventée) terrorise la jeune fille, l'obligeant à mendier. Pendant ce temps, Henriette échappe à un destin pire que la mort, se fait des ennemis, rencontre un Danton interprété par Monte Blue et un jeune premier du nom de Joseph Schildkraut. Ca n'arrête pas, ça court dans tous les sens, les décors sont comme d'habitude très soignés...

S'attendre à la moindre innovation de la part de Griffith, ce serait trop en demander, mais s'il applique une formule, il le fait ici avec le plus grand succès, et joue soigneusement avec nos nerfs dans un grand nombre de scènes. Citons pour la bonne bouche deux scènes souvent commentées: Henriette discute avec une femme de la noblesse (Qui n'est autre que la vraie maman de Louise qui a été adoptée par la famille d'Henriette), lorsqu'elle entend, venant de la rue, la voix de sa soeur; Elle est en train de mendier dans la rue: Henriette la reconnait, l'appelle, et s'ensuit une scène d'hystérie collective menée sans faux semblants par les soeurs Gish... Sinon, l'inévitable scène de condamnation à mort, suivie de charrette, suivie de menace de guillotine, donne lieu à un climax en pleine forme de Griffith, qui se plait à ajouter une dosette de sadisme en plus pour enrichir le tout: lorsque Henriette est condamnée à mort, Louise est dans la salle. Les plans de Jacques-Sans-oubli, le juge qui en veut personnellement à Henriette en qui il voit un symbole de l'oppression et de la collaboration, sont alternés avec ceux de Louise qui essaie de comprendre la situation, et avec ceux d'Henriette qui demande a être condamnée en silence pour épargner sa soeur, qu'elle a cherchée durant tout le film. Danton s'improvise en sauveur de jeune fille en détresse, avec ses cavaliers qui nous rappellent une autre chevauchée, décidément dans toutes les mémoires.

Donc, c'est très distrayant, mais le fait est que Griffith n'a plus de bouleversement à apporter. Ce film a été exploité avec un système de sonorisation (Déjà essayé sur Dream Street, en 1920) et un procédé d'illumination pour compléter les teintes, déjà utilisé dès Broken Blossoms. On remarquera que les innovations techniques ainsi mises en avant par la publicité sont extérieures au film: après Intolerance et son histoire compliquée, Griffith n'a peut-être plus envie de prendre des risques. Après tout, en 1921, il appartient à la vieille garde; ce film, un véhicule pour les soeurs Gish qui s'apprêtent à quitter Griffith, est bouclé avec panache, mais sera suivi d'autres oeuvres qui peineront, si on en croit les réactions des critiques, contemporains et autres, à rivaliser avec les Lubitsch, Stroheim, Chaplin, Ingram... Mais il faut défendre ces films, qui nous réservent sans doute d'autres frissons, des petits plaisirs, et peut-être plus... Ici, réjouissons-nous de quitter les soeurs Gish ensemble, dans un film haut en couleurs.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 David Wark Griffith Lillian Gish *
8 mars 2017 3 08 /03 /mars /2017 16:59

Richard De La Croix (Johannes Riemann) reçoit une nouvelle alarmante: son frère Andreas (Alfred Abel) est devenu fou suite à une histoire compliquée avec une femme. Il lui rend visite, et est très ému devant l'état déplorable du jeune homme. Quelques jours après le très propre sur lui jeune homme, qui fait le bonheur de sa mère et courtise une jeune femme bien comme il faut, va faire la rencontre de Sappho (Pola Negri), une femme fatale qui s'amuse de son côté propret avant de le vampiriser complètement. Bien sur, Richard est amoureux, Sappho aussi du reste... Mais comme on est décidément dans un mélo classique, la femme qui a causé la perte du frère n'est autre que Sappho.

Pas grand chose à retenir de ce mélo empesé et qui conte une histoire si bourgeoise... Le film a été censuré lors de sa sortie internationale (Le film remonté a été re-titré Mad Love aux Etats-Unis), on se demande pourquoi, la version intégrale ne révèle rien qui soit embarrassant... Si ce n'est que Pola Negri ne semble pas avoir à faire d'efforts phénoménaux pour jouer une femme fatale! Ses cènes avec Alfred Abel sont cependant au-dessus du lot.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921
13 février 2017 1 13 /02 /février /2017 14:42

Dr Mabuse der Spieler a beau être trois fois plus long que ce film, il n'en reste pas moins d'un abord plus facile, tant Thea Von Harbou et son mari avaient du mal à être clairs, à cette époque reculée. Pourtant, ce petit film est intéressant à plus d'un titre. Sous une histoire compliquée et pas très folichonne (Un homme jaloux qui pense que son épouse s'est mariée à contrecoeur la soupçonne de le tromper depuis qu'un homme ressemblant à son ancien fiancé a réapparu. Par ailleurs, le mari jaloux croit devoir acheter un bijou au marché noir, et se met dans les ennuis jusqu'au cou), se cache une intrigue de dissimulation, de cachotteries de toute beauté, qui nous rappellent que Lang vient juste de trouver sa muse: il avait déjà tourné Das wandernde Bild avec Thea Von Harbou, et il y en aurait d'autres... Du coup, le film devient immanquablement contemporain du fameux "suicide" de Frau Lang, qui se serait tuée après avoir vu son mari dans les bras de sa scénariste toute nouvelle: une autre affaire brumeuse, de cachotteries et de traumatismes... Sinon, Lang donne ici enfin à Rudolf Klein-Rogge, son futur interprète de Mabuse, un rôle à sa mesure, celui d'un sous-fifre des bas-fonds, inquiétant et louche à souhait. Là aussi la suite sera des plus intéressantes.

ais ce film, s'il est déjà un pur film de Lang, fait de chassé-croisé entre passé et présent, de gens qui regardent et soupçonnent, le tout tourné en studio, est encore un peu léger. ON pourra au moins penser que derrière son inachèvement, il y a une répétition générale des feux d'artifices à venir: à ce titre, le début du film est sans appel... On y voit pour commencer un bar circulaire, autour duquel des clients louches consomment dans la fumée. Puis une rue (de studio, ça se voit tout de suite, d'autant que c'est un extérieur qui ressert encore et encore, la Decla-Bioscop n'ayant pas alloué un budget très conséquent) qui nous révèle son petit monde, parmi lesquels ses clochards aveugles, et un crieur de journaux qui s'avère être une petite main du banditisme; un homme qui est venu de nulle part s'égare dans une rue louche, et doit descendre dans une cave encore plus sordide afin d'y rencontrer un receleur... Dans l'univers de Lang, Mabuse et Spione sont en gestation.

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Published by François Massarelli - dans Muet Allemagne Fritz Lang 1921 *
18 décembre 2016 7 18 /12 /décembre /2016 08:13

Peu après l'arrivée d'un certain nombre d'immigrés Russes fuyant la ou les révolutions, les films ont commencé à envahir assez joyeusement les écrans Français, le plus souvent pour le meilleur. Après L'angoissante aventure de Jacob Protozanov, et avant La maison du mystère d'Alexandre Volkoff, ce film est le deuxième mis en scène par Tourjanski, qui a d'ailleurs débuté sa carrière de réalisateur en ces circonstances troublées! Le film fait la part belle à un romantisme échevelé, et on pourra apprécier le soin avec lequel l'équipe a utilisé les décors! Mais l'essentiel de ce film de pur divertissement repose bien sur dans le faux suspense; les contes des mille et une nuits tiennent surtout à un fil narratif tout simple: c'est parce qu'il pèse sur elle la menace de mourir après sa nuit de noces, que Schéhérazade invente pour son époux une histoire passionnante, qui dure si longtemps qu'une nuit n'y suffira pas!

On assiste donc à l'histoire de cette princesse (Nathalie Kovanko) qui passe d'esclavage en captivité, au gré des pérégrinations, et de son beau prince (Nicolas Rimsky) qui la sauve parce qu'elle est musulmane comme lui, et il se tient prêt à affronter les barbares de la terre entière pour ses beaux yeux. L'aspect religieux est traité avec respect, n'en déplaise aux salauds Islamophobes qui se multiplient comme des lapins aujourd'hui (Et c'est d'ailleurs un trait commun à pas mal de ces films Russes), mais les deux acteurs principaux n(ont pas grand chose à faire d'autre que de courir dans tous les sens au milieu des décors impeccables. Bref, l'intérêt de cette production luxueuse est aujourd'hui principalement... décoratif.

A noter que si le film a survécu, c'est dans deux copies sévèrement tronquées: l'une, en 35 mm, fait environ une heure, et l'autre, celle que j'ai vue (Un transfert est disponible sur Youtube), est une réduction du film sur 9,5 mm, et elle est certes rapide, mais totalement cohérente.

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Published by François Massarelli - dans Muet Albatros 1921
20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 10:23

Be my wife, longtemps invisible dans une copie intégrale, est le deuxième film de long métrage de Linder aux Etats-Unis. Il semble conçu largement pour en finir une bonne fois pour toutes avec le style très boulevardier de l'auteur, qui s'apprète à changer, en tournant deux longs métrages bien différents: The three must-get-theres d'une part, une parodie échevelée, et la comédie Le Roi du cirque.

Le film est à nouveau doté d'une intrigue qui part d'une situation sentimentale: Max aime Mary et Mary aime Max, mais la tutrice de cette dernière (Caroline Rankin, qu'on reverra dans le film suivant) préfère Simon, un gros benêt. Les deux amoureux usent de stratagèmes pour se voir, jusqu'au grand jeu utilisé par Max pour conquérir la tante de sa future épouse: il y est question de faire croire qu'un voyou s'est introduit, et que Max est le seul apte à le faire déguerpir. Un sujet qui fera le bonheur de Harold Lloyd dans Dr Jack, et Charley Chase quelques années plus tard dans une séquence de Mighty like a moose... La comparaison avec Chase est d'ailleurs intéressante: une grande part des ennuis de Linder est basée sur l'embarras. Il n'est pourtant pas entièrement assimilable au comédien Américain, victime toujours plus ou moins innocente: Max, lui, s'attire les ennuis tout seul... 

A propos de similitudes, de variations et d'emprunts, si courants dans le domaine de la comédie muette Américaine, dans cette première partie, se situe une scène avec Max déguisé en épouvantail, qui pourrait bien avoir influencé Keaton pour son court métrage The scarecrow, aussi. Décidément!

La deuxième partie est quant à elle située après le mariage, avec des quiproquos liés à un endroit qui est à la fois la maison d'une couturière, un speakeasy et un lieu de rendez-vous fripons. De fait le film s'essouffle tout en conservant un rythme assez rapide, mais à trop vouloir charger la barque, Linder a été trop loin. Et le film est son dernier situé dans la grande bourgeoisie, un domaine déjà largement squatté par DeMille: les comiques, eux, savaient situer leurs films chez les gens modestes, voire dans le monde de la misère. Le défaut principal de ce film en roue libre étant peut-être qu'il est quand même assez difficile d'aimer qui que ce soit dans cette galerie de personnages menteurs, manipulateurs, tricheurs et coucheurs, non?

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1921 Max Linder **
20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 10:19

Les films interprétés et parfois dirigés par Linder en France jusqu'à 1916 ne sont pas selon moi des sommets d'inventivité comique, contrairement à ce qu'on en dit. Vus par le biais d'extraits, au sein de la compilation réalisée par Maud Linder (L'homme au chapeau de soie) ils donnent l'impression d'un ensemble impressionnant, mais les films vus en entier souffrent de leur côté démonstratif, appuyé, de leur aspect boulevardier sans le culot d'un Lubitsch. Le premier grand problème (Le deuxième étant son état de santé) de Linder au moment de sa tentative Américaine de 1917, pour la Essanay, c'était de traduire son style en l'adaptant au burlesque Américain, reposant plus sur un comique d'observation que sur les variations sur les comportements sociaux.

C'est justement ce qui fait le prix de Seven years bad luck tourné 3 années plus tard: certes, Max Linder y est un bourgeois sur le point de se marier, élégant et séducteur, mais il est surtout amené à prendre la fuite à cause des malheurs qui s'accumulent sur lui. Il a cassé un miroir, et sa fiancée l'a immédiatement quitté, ce qui l'amène à voyager pour oublier, et à être confronté à des situations comiques, toujours exposées in extenso, et à la logique implacable.

Il rejoint de fait Harold Lloyd, dans ce film comme le suivant, puisque chaque situation le pousse à rivaliser d'ingéniosité (Parfois franchement malhonnête) pour se tirer d'un mauvais pas. La scène la plus connue est bien sur le gag du miroir, qui a été inventé bien avant, mais comme l'a démontré David Kalat, il est bien difficile de savoir par qui. Mais il y a d'autres scènes, autant de constructions ouvragées et maniaques: une séquence peut retenir l'attention par le fait que Max Linder s'y comporte comme aucun autre acteur ne l'aurait fait, ni Chaplin, ni Laurel, Ni Lloyd, ni Keaton ou Langdon. a moins que... Arbuckle, peut-être. Réfugié dans une cage avec un lion, pour échapper à la police, il met constamment les agents au défi de le rejoindre pour l'arrêter... La scène joue sur le déguisement comme une grande partie du film, mais pas le costume de Max: un singe a chapardé le képi d'un policier, et un autre porteur d'uniforme se voit contraint de porter une armure pour affronter les fauves.

Contrairement à Keaton et Chaplin, si le comédien Français se met dans les ennuis dès qu'il se confronte au monde, il entraîne consciemment les autres à sa suite, pour notre plus grand bonheur... le film est élégamment mis en scène, fort bellement photographié, et le montage en est d'une grande rigueur... Ce qui est une prouesse, tant le script donne l'impression d'avoir été assemblé avec des séquences disjointes, dont je ne serais d'ailleurs pas étonné d'apprendre que certaines ont été improvisées! 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Muet 1921 Max Linder **
18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 15:46

On prend les mêmes et on recommence? pas tout à fait hélas! En 1921, la sortie de ce nouveau film Goldwyn, mis en scène par Worsley sur un scénario adapté d'un roman de Gouverneur Morris, avec Lon Chaney en vedette, pouvait faire espérer en effet que le miracle de The penalty ne se reproduise. Il n'en est rien, car le film rate son coup. Le propos en est différent, même s'il reprend les arguments volontiers conservateurs du film précédent (Qui a un moment alliait dans un intertitre la pègre et le danger communiste): dans Ace of hearts, un groupe d'idéalistes portant tous ou presque un bouc à la Russe projettent de tuer un grand patron (Raymond Hatton), mais cela ne se fera pas parce que le terroriste désigné (John Bowers) pour accomplir le meurtre va changer d'avis au moment opportun. il est amoureux et heureux, et le meurtre qu'il s'apprêtait à accomplir aurait fait deux victimes collatérales, un couple de tourtereaux, qu'il ne peut se résoudre à éliminer... Le film se situe donc clairement dans cette période du début des années 20, qu'on a appelée la "Red scare", la peut des rouges", qui suivait le début d'installation du régime Soviétique.

Et Lon Chaney dans tout ça? Avec une coupe de cheveux mi-longs, il est l'un des membres du groupe pseudo-bolshevik (Le mot n'est nulle part, mais il faut savoir lire entre les lignes). Comme Bowers, il est amoureux de LIlith (Leatrice Joy), et comme d'habitude il tend à se morfondre sur son amour gâché. mais il va, comme d'habitude, se sacrifier bien à sa manière...

Le problème n'est pas Chaney, qui trouve un rôle bien dans son univers. Le souci c'est que le film se traîne, jouant en permanence sur un suspense un peu frelaté, et utilisé un peu partout sans vergogne: Bowers va-t-il faire exploser sa cible? Chaney va-t-il se déclarer? Chaney va-t-il tuer Bowers? La lenteur calculée (Même à 24 images/seconde) n'arrange rien... Et l'argument manque de ces fulgurances de violence qui faisaient le sel de The penalty.

Quant au titre, il fait allusion au tirage au sort du "volontaire" pour accomplir les méfaits du groupe de terroristes barbus: ils tirent les cartes, celui qui tire l'as de coeur a gagné. Ou pas.

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Published by François Massarelli - dans Lon Chaney Wallace Worsley Muet 1921 *
13 janvier 2016 3 13 /01 /janvier /2016 16:10

Louis Delluc citait souvent ce film en exemple. L'exigeant critique (Et parfois cinéaste lui-même) y retrouvait un niveau artistique rarement atteint par le cinéma en cette époque... Pourtant une vision du film aujourd'hui produit souvent un sentiment de confusion, parfois d'ennui. Il faut vraiment y revenir pourtant, tant ce film, mélodrame revendiqué (L'Herbier donnait à tous ses films une catégorie changeante: Marine, Eau-forte, etc... C'était bien sur essentiellement de la prétention et un fort snobisme, mais dans le cas d'El Dorado, il a fait simple: la Gaumont a promu le film comme étant un "Mélodrame de Marcel L'Herbier".) tranche en effet sur toute la production Française, et même sur l'avant-garde, fort turbulente à cette période... Et il me fait penser aux efforts contemporains d'un autre cinéaste, et en dépit de la présence de sa muse Eve Francis, ce n'est pas Louis Delluc.

C'est afin de rendre hommage à l'Espagne que L'Herbier en a écrit le scénario, en compagnie de Dimitri Dragomir, son assistant sur plusieurs films. Il a imaginé une histoire de tous les temps, située à Grenade: Sibilla (Eve Francis) est danseuse, dans un bouge, l'El Dorado. Les filles dansent, et même si ce n'est jamais dit, elle vont peut être aussi un peu plus loin. Sibilla est la préférée des habitués, et elle danse toujours avec le sourire, même si la vie n'est pas rose: elle a eu un enfant d'une idylle ancienne, avec une crapule, Estiria, et le petit est malade. Sibilla sait que si personne ne lui vient en aide, le gamin mourra. Elle fait appel à son ancien amant (George Paulet), mais celui-ci marie sa fille (Marcelle Pradot) avec un homme de la haute noblesse, et ne veut pas laisser son passé le rattraper. Lorsque Sibilla découvre que la fille d'Estiria a un amoureux, un peintre (Jacque-Catelain), elle décide rpofiter de l'occasion pour assumer sa vengeance, tout en confiant son fils aux bons soins de la maman du jeune peintre...

L'Espagne de ce film a beau être essentiellement une image, une pose esthétique, L'Herbier lui donne une surprenante sensualité, en tournant quelques scènes-clés dans les palais hérités de la domination Arabe. Il favorise ici des caches très élaborés, rappelant les décorations de ces palais, et nous montre une vie intense et trouble dans les locaux enfumés de l'El Dorado. La faune qui peuple le café est évidemment en contraste avec la bonne société qui tourne autour d'Estiria, mais L'Herbier donne pour une fois à ces bourgeois suffisants une dimension satirique fort méchante, ce qui est une belle avancée pour ce moraliste impénitent... Et l'utilisation de tous les trucs habituels du cinéaste (Flous, caches, déformations) sont en harmonie avec le jeu intériorisé de l'actrice principale: El Dorado est le meilleur film d'Eve Francis, haut la main. Et si L'Herbier ira dans d'autres directions bientôt (L'inhumaine, Feu Mathias Pascal), ici, il se rapproche de Stroheim: même sens de la composition riche en détails, même mélange de sacré et de profane, de beauté et de laideur (Avec une composition étonnante de Philippe Hériat en fou du village qui ne pense qu'à violer Sibilla)... Il manque sans doute à L'Herbier un sens de l'éclairage que Stroheim possédait de manière spectaculaire, un sens plus sobre du montage (Celui de ce film est formidable, mais un peu trop pyrotechnique, contrairement à Stroheim qui savait doser son rythme)... et un scénario un peu plus solide! Mais en l'état, El Dorado, une fois passés les défauts si typiques de L'Herbier (Marcelle Catelain et Jacque-Pradot sont comme d'habitude la définition même de l'adjectif "tarte") est bien un film surprenant qui a après tout mérité son immense succès, et donné des ailes à L'Herbier qui s'apprêtait à lancer sa propre compagnie, Cinegraphic.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 Marcel L'Herbier *
6 décembre 2015 7 06 /12 /décembre /2015 17:22

Fièvre est le deuxième film de Delluc, ce critique Français passionné, et passé à la mise en scène dans un élan jusqu'alors inédit, créant du même coup le terme de "Cinéaste". Terme qui, au passage, change de sens d'une langue à l'autre: si en Français il désigne principalement ceux qui font du cinéma, et en premier lieu les metteurs en scène, en Anglais il prend plutôt la signification de notre 'cinéphile'... Donc on revient toujours à l'idée que Delluc était aussi passionné que créateur d'images.

Fièvre est une date importante du cinéma Français, ayant contribué à créer un mouvement au nom étonnant, l'impressionnisme cinématographique, à mon sens beaucoup plus une réponse apportée au style "Expressionniste" du cinéma Allemand, alors en vogue dans la critique Européenne malgré le fort ressenti anti-germanique de la population, qu'une traduction à l'écran du style impressionniste des oeuvres de Monet, Renoir et autres "impressionnistes"... S'il fallait trouver une style artistique auquel raccrocher Fièvre, il me semble que le terme de naturalisme s'imposerait de fait, car cette histoire d'un drame sordide, contée sur un temps comprimé mais sur une seule soirée, dans un décor unique, renvoie beaucoup aux oeuvres de Zola et Maupassant, et pour le cinéma, aux films de Stroheim. Cela était-il conscient? J'en doute, car en 1921, on commençai tout juste à distribuer les films de ce dernier en France, et le grand choc de Foolish Wives n'allait pas se produire avant 1923. Il y a pourtant, dans l'idée de départ, dans le ton et dans la façon de conter cette histoire, beaucoup de similitudes entre Delluc et le réalisateur de Blind Husbands...

Dans un bar à matelots sur le port de Marseille, on fait la connaissance de Sarah (Eve Francis), l'épouse de Topinelli (Gaston Modot), le patron. Elle l'a épousé suite à un chagrin d'amour: son amant Militis (Edmond Van Daele) avait disparu sans laisser de trace, elle ne l'a jamais ni revu, ni oublié... Des matelots en escale arrivent, et envahissent les lieux, accompagnés de filles. Parmi eux, Militis... la confrontation entre l'homme et sa maîtresse sera électrique, mais ce n'est rien à coté de ce qui va arriver lorsque Topinelli va comprendre la situation...

Tout part du café, que Delluc nous détaille: le bar, la façon tranquille dont Sarah mène son petit monde, les habitués, dont certains vont participer au drame, d'autres non. Et l'arrivée des marins en bordée va apporter le tumulte, on sent bien à partir de là la façon dont Delluc a choisi de traiter la mise en scène: il a assigné à chacun un rôle, tout en laissant faire les caractères et les affinités. On soupçonnerait volontiers le metteur en scène d'avoir choisi d'engager des professionnelles, comme Stroheim ou Pabst le feraient quelques années plus tard... Il ressort de ces scènes des impressions de vérité qui sont assez frappantes, et le film, tout en se déroulant souvent sur des plans larges, possède un sens du détail qui reste frappant... L'interprétation reste finalement très réaliste, à l'exception sans doute de Eve Francis, la star, qui en fait parfois des tonnes... Le film se conclura avec l'intervention d'un personnage finalement assez énigmatique, déclencheur du drame malgré elle: Militis est revenu d'orient avec une épouse, une jeune femme (Elena Sagrary) qui semble ne rien comprendre à rien, et qui ne s'anime, indifférente à ce qui l'entoure, que pour s'approcher d'une fleur qui l'intrigue par sa beauté... Mais elle sera déçue, elle est artificielle. Un soupçon de réminiscence de la beauté intrigante de Broken Blossoms, de Griffith, nous passe alors par la tête...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 *
2 août 2015 7 02 /08 /août /2015 17:38

Fairbanks et D'Artagnan, c'est une longue histoire, qui n'allait bien sur pas être résolue avec un seul film adapté de Dumas, pas plus évidemment qu'elle n'avait trouvé son accomplissement avec A modern musketeer (1917), le film d'Allan Dwan si bien nommé, qui au moins avait prouvé avec panache que Douglas Fairbanks avait sans doute besoin de réinventer le film d'aventures... Donc, s'il était attendu que l'acteur-scénariste-producteur concrétise enfin sa soif d'incarner pour de bon le héros de Dumas, on pouvait légitimement se demander si en faisant cela il ne risquait pas de brûler sa dernière cartouche. Pourtant, il n'en est rien, au contraire. Plus encore que de prolonger le flamboyant mais un peu simpliste Mark of Zorro, son nouveau film passe à la vitesse supérieure, en offrant ce que personne n'osait faire aux Etats-Unis: un grand film à la fois ambitieux, riche et populaire, une oeuvre de deux heures (Douze bobines) mais riche en rebondissements pour tenir le public en haleine, un film en costumes, mais mené d'une façon tellement dynamique, que personne n'y trouverait à redire...

Le film suit la trame générale de la première moitié des Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas, en s'intéressant à l'exposition des personnages, l'idylle de D'Artagnan pour Constance Bonacieux (Marguerite de la Motte), sa confrontation avec le dangereux mais fascinant Cardinal Richelieu (Nigel de Brulier), sa camaraderie avec ses futurs frères d'armes que sont les "trois mousquetaires" du titre, interprétés par Leon Barry, George Siegmann et Eugene Palette... La concurrence effrénée pour le pouvoir entre Richelieu et le roi Louis XIII (Adolphe Menjou) passe bien sur par la manipulation des amours de la reine (Mary McLaren) et du duc de Buckingham (Thomas Holding), et Rochefort (Boyd Irwin) et Milady de Winter (Barbara La Marr) intriguent à tout va pendant que le fidèle Charles Stevens incarne le non moins fidèle Planchet.

Les passages obligés abondent (Bagarre à Meung, triple promesse de duel à l'arrivée à Paris, l'affaire des ferrets, la course à Londres), les duels et autres bagarres homériques sont réglés de main de maître. La seule entorse vraiment spectaculaire, mais après tout le film n'exploite que la moitié du roman, c'est bien sûr le fait que Constance est encore vivante au moment où se termine le film... Fairbanks et son équipe ont vraiment fait passer le film d'aventures à l'âge adulte avec cette oeuvre - et les suivantes, bien sur, Robin Hood en tête. La structure du film, le fait (Comme dans The mark Of Zorro) de faire arriver la vedette au terme d'une longue exposition, la mise en évidence du conflit politique fondamental qui règne au royaume de France par une partie d'échecs, la mise en valeur de Richelieu comme un homme certes manipulateur et maléfique, mais aussi comme un grand homme quoi qu'on fasse (Une adaptation de 1995, qui le transformera en vieux libidineux, n'aura pas tant de scrupules): tout est mis en oeuvre pour réaliser un film distrayant, mais sans en exagérer les contours, ni prendre le public pour des nigauds; et d'Artagnan, impulsif mais tendre, bagarreur mais juste, au service du roi mais aussi au service de l'histoire, est un héros riche, qui ne se contente pas de sauter dans les coins. Bon, admettons, pour faire bonne mesure, qu'il fait aussi des acrobaties dans tous les sens, avec la gourmandise enfantine d'une personne qui s'est en plus fait bâtir un terrain de jeux à la hauteur (Décors parfaits), et dont les amis ont revêtu des costumes effectués avec grand soin. La mise en scène de Niblo se met bien sur au service du dynamisme de l'ensemble, et on ne sera en aucun cas étonnés de constater qu'elle est excellente, ce qui ne sera vraiment pas le cas de son Blood and sand sorti l'année suivante! Plus que la longue version à épisodes de Henri Diamant-Berger sortie en France en même temps, cette édition des Trois Mousquetaires est un bon gros classique du cinéma muet.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1921 Fred Niblo Douglas Fairbanks ** Dumas