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20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 16:02

Kihachi (Takeshi Sakamoto) et Jiro (Den Obinata) sont deux amis, des ouvriers d'une distillerie. Kihachi vit avec son fils, Tomio, qui est probablement plus mûr que lui! Les deux amis rencontrent une jeune femme, Harue (Nobuko Fushimi), et commencent donc à développer une rivalité amoureuse. Si Kihach a tendance à jouer à fond la carte du père célibataire, il se le voit aussi beaucoup reprocher...

Le personnage de Kihachi reviendra dans un certain nombre des dernières comédies muettes d'Ozu, interprétées par le même acteur. Le metteur en scène, qui a pourtant toujours été assez versatile dans cette période, commence à stabiliser son art autour de la comédie familiale, douce-amère, et le personnage bourru, mal dégrossi, même vulgaire (il préfigure presque le paysan devenu soit-disant amouraï par dépit, incarné par Toshiro Mifune dans Les sept Samouraïs de Kurosawa...) incarne parfaitement son idéal comique: un personnage de rustre, interdit de sophistication, mais pour lequel la famille est la plus importante chose du monde, et son fils en est le centre...

Mais la comédie, justement, est saupoudrée dans le film, grâce évidemment au comportement grossier mais lunaire de Kahichi, qui est assez clairement inspiré de Chaplin; et Ozu multiplie les gags, comme ces merveilleuses séquences au début du film, qui nous montre des contagions de comportements (un type d'humour qu'adoraient Chaplin, Stan Laurel et Jacques Tati): trois amis pendant une soirée théâtrale se refilent un porte-monnaire vide comme un sparadrap dont on n'arrive pas à se débarrasser, puis l'un d'entre eux, qui se gratte en permanence, semble semer ses bestioles à toute l'assemblée!

 

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Published by François Massarelli - dans Yasujiro Ozu Criterion * Muet 1933
12 mai 2024 7 12 /05 /mai /2024 12:30

Le film majeur d'Ozu, en cette année 1933, est sans doute le plus représentatif des qualités, du style et peut-être aussi des limitations, largement liées à la censure Japonaise, des films muets du metteur en scène...

Sa fascination du film de gangsters, clairement, est le plus important aspect de son amour du cinéma américain, et ce n'a jamais été aussi évident que dans ce film, situé dans un Tokyo  contemporain (pour l'époque du tournage évidemment), entre le monde de la journée (le travail des employés de bureau, dont la secrétaire Tokiko interprétée par Kinuyo Tanaka), et le monde de la nuit, qui est dominé par la pègre, et notamment Joji (Joji Oka), un chef de gang: c'est le petit ami de Tokiko, et s'il est évident qu'il est le leader d'un groupe de malfaiteurs, il dirige aussi un club de boxe. On le verra peu dans l'action d'un gangster: il fait attendre la dernière bobine pour le voir en action...

L'intrigue tourne autour de la jalousie de Tokiko, qui surveille de près son Joji, peu enclin à se modérer quand il croise une jolie fille. Lorsque Joji engage un étudiant, Hiroshi (Koji Mitsui), la soeur de celui-ci, une jeune femme très comme il faut Kazuko (Sumiko Mizukubo) l'attire de façon évidente... Tokiko, elle même à cheval entre les deux mondes, est tiraillée entre sa sympathie pour le sacrifice de Kazuko qui voit son frère glisser vers la criminalité, et sa jalousie à l'égard de la jeune femme...

Une bonne part du film se situe dans les bars, les clubs de billard et les clubs de boxe et bien sûr la nuit. On y verra un monde dont les traditions du Japon semblent absentes, et les vêtements, les attitudes, le décor (les affiches de films occidentaux sont partout, comme d'habitude), tout renvoie à une image sublimée d'une certaine idée du cinéma occidental... A côté, Kazuko, avec ses kimonos, incarne un type de personnage courant chez Ozu à cette époque, la jeune femme virginale et effacée derrière un homme, ici en l'occurrence ce sera son frère...

C'est par ce dernier, décidément une erreur de casting pour le gangster Joji, que le film se précipitera dans une action criminelle, d'une part, et c'ets aussi lui qui révélera qui et le centre de ce film, en l'occurrence Tokiko, une figure tragique pour son amour sans fin. 

Totalemet irréaliste, probablement, inspiré d'une vision du monde située clairement uniquement dans l'esprit de son metteur en scène (un peu à la façon décalée dont Sergio Leone voyait la conquête de l'ouest dans ses westerns), le film est aussi très différent de son cinéma austère des années 50, avec des idées stylistiques constantes, des angles de caméra notables, des mouvements de caméra aussi, qui renvoient une fois de plus à ce cinéma de 1927/ 1928 dont le cinéaste s'abreuvait...

Et une fois de plus, Ozu questionne ici les valeurs Japonaises traditionnelles, à travers ces personnages de femmes qui doivent choisir entre deux voies contradictoires, ces gangsters à l'Américaine qui passent finalement plus de temps à paraître être des gangsters, qu'à commettre de mauvaises actions... Fasciné, il oppose le cheminement à petits pas de Kazuko, et les robes élégantes de Tokiko, mais ce sont deux femmes Japonaises, prises au piège des hommes et de leur morale conquérante, qu'ils soient gangsters, étudiants... ou chef d'entreprise.

 

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Published by François Massarelli - dans * Yasujiro Ozu Muet Noir 1933
23 décembre 2021 4 23 /12 /décembre /2021 09:21

C'est une épure, un film de complément de programme qui ne totalise pas une heure, et que Ozu et sa troupe habituelle ont fini en six jours...

Chikako (Yoshiko Okada) est la grande soeur de Ryoichi (Ureo Agawa), un étudiant brillant. Is habitent ensemble, elle le nourrit, paie pour tout et surveille de loin sa vie amoureuse, qui n'a pas besoin d'elle: il voit régulièrement Harué (Kinuyo Tanaka), une jeune femme très bien comme il faut. Ils vont voir des films ensemble (nous assistons à une projection du film collectif If I had a million, et c'est la contribution hilarante de Lubitsch: Ozu, Ryoichi et Harué ont manifestement les mêmes goûts!). Bref, tout va bien, sauf que... La police semble s'intéresser aux activités nocturnes de Chakiko et vient se renseigner à l'entreprise où elle travaille. Il semblerait que les cours du soir que la jeune femme donne pour arrondir ses fins de mois soient moins catholiques que ne le croit Ryoichi... Le frère (Shin'yo Nara) d'Harué révèle à cette dernière ce qui se dit sur sa future belle soeur, et elle en parle à Ryoichi, qui le prend très mal...

Le poison du patriarcat, comme dans les films de Mizoguchi, voilà le vrai sujet du film, qui prend la forme d'un mélodrame sans une once de graisse... Mais contrairement à Mizoguchi qui dépeint avec une grande ambiguité la prostitution depuis les bordels eux-mêmes, le cinéaste ici prend un point de vue qui part du grand public et de sa morale en révélant peu à peu les dessous sordides de la vie de Chikako, qui assume pleinement un sacrifice qui permettra à son frère de réussir: une mission donnée par ses parents, et on pourrait même dire par l'empereur lui-même... Alors le mélodrame fonctionne à plusieurs niveaux, bien sûr, et le drame ira loin, jusqu'à la mort d'un des protagonistes.

C'est un très grand film en dépit de sa taille, dans lequel Ozu montre qu'il n'a pas besoin nécessairement, contrairement à ce qu'il a fait ailleurs (Va d'un pas léger, L'épouse d'une nuit, Femmes et voyous) du cadre du film de gangsters pour toucher à des sujets plus graves voire criminels... Ici, le crime est l'un des fondements paradoxaux d'uns société qui fait avancer les hommes en marchant sur les femmes: faites tout pour que votre frère, fils, mari réussisse, vraiment tout... mais ne vous faites pas prendre sinon on ne peut rien pour vous. Les derniers plans, qui semblent reposer le cadre du drame en nous montrant les rues vides de façon apparemment anodine, sont une façon comme une autre de nous dire que la vie continue, mais que le drame aussi.

 

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Published by François Massarelli - dans Yasujiro Ozu Muet 1933 *
23 octobre 2017 1 23 /10 /octobre /2017 16:56

Deux jeunes filles, entre plusieurs routes ou plusieurs voyages... Dora (Yukiko Inoue) et Sunako (Michako Oikawa) sont deux amies, des inséparables devine-t-on, qui tous les matins vont au collège et tous les près-midi en reviennent. la route est immuable, jusqu'à ce qu'Henry (Uereo Agawa) entre dans leur vie... Dora et lui se plaisent, mais c'est Sunako qui prend l'initiative, et avant peu de temps elle délaisse son amie au profit du jeune homme... Dora finit même par donner sa bénédiction, et Sunako peut aimer Henry.

...qui à son tour, la délaisse pour passer du temps avec Yoko Sheridan, une jeune femme de la bourgeoisie. Sunako, furieuse, tire un coup de feu et blesse Yoko. Elle s'enfuit, et... la jeune femme se perd dans les rues nocturnes: prostitution, errances, etc. pendant ce temps, Henry s'est repris, et s'est marié... Avec Dora. Mais il lui reste des remords: si Sunako est devenue une fille perdue, c'est à cause de lui. Il va donc se mettre en quête de la retrouver...

Au départ, le film épouse un ton documentaire. Ses vues du port de Yokohama, les bateaux, les voyageurs et ceux qui leur disent au revoir: on se croirait presque chez Hergé! Puis il nous intéresse aux deux héroïnes, et dans un premier temps, on jurerait des prises de vues volées de jeunes collégiennes, jusqu'à ce qu'elles se retournent, ensemble, dans un plan: la fiction commence... Mais elle sera ancrée jusqu'à la fin dans des décors authentiques.

On ne serait pas si loin de Mizoguchi, s'il n'y avait un constant recours au point de vue de Dora. Plutôt que d'explorer la vie sordide d'une jeune femme poussée par les circonstances à la prostitution, Shimizu s'intéresse à la mise en parallèle des cheminements possibles, pour eux femmes qui viennent du même milieu, et qui ont eu les mêmes opportunités, partageant même le même amant!

Henry, bien sûr, n'est pas le seul responsable du destin de Sunako. Celle-ci, comme Dora, est identifiée par son milieu et par les décors fabuleux de ce beau film: le metteur en scène se plait à trois reprises à filmer le port de Yokohama, vu depuis les routes montagneuses qui le bordent. Les deux premières fois, il nous y montre les deux jeunes femmes, qui reviennent de l'école. La première fois, elles avancent ensemble, s'arrêtent ensemble... la deuxième fois, c'est après la trahison. L'une s'arrête, l'autre rêvasse! Enfin, après le départ de Sunako, Shimizu nous remontre la quiétude de Henry et Dora qui montent la même route, où Dora se rend tout à coup compte du grand vide que son amie a laissé dans sa vie.

Complexe, avec ses idées de mise en scène et de montage (Le meurtre, situé dans une église catholique, joue avec les ressources cinématographiques, en communiquant au spectateur la catharsis vécue par Sunako. Le lieu n'est pas anodin non plus... Mais la notion de faute ou de péché restera floue, dans ce film qui n'épouse décidément pas qu'un seul point de vue. Plus tard, le retour d'Henry dans la vie de Sunako se joue par le biais d'un procédé troublant: il se matérialise tel un fantôme dans le bordel où elle sévit. Quand il part, il disparaît... Comme Sunako et un compagnon d'infortune qui disparaissent avec leurs valises avant de prendre un bateau pour... 

Pour où, au fait?

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1933 Hiroshi Shimizu Criterion *
3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 09:12

http://storage.canalblog.com/85/23/110219/45422926_p.pngAprès la tragi-comédie (Trime donc, larbin), et le mélodrame (Sans lien de parenté), l'évolution de Naruse mène à ce film qui ressemble beaucoup au type d'histoires qu'il mettra en scène à la fin de sa carrière, tout en remettant en jeu des thèmes et des motifs déjà évoqués dans certains des films antérieurs qu'on a conservés. L'héroïne est une hôtesse de bar, un métier qui est dangereusement proche de la prostitution et qui servira souvent de métaphore à Naruse. Elle se débrouille pour élever seule son fils, avec l'aide de voisins compatissants, lorsque son ex-mari revient... Et s'impose. Elle a beaucoup de rancoeur à son égard, c'est lui qui est parti, mais se laisse convaincre de laisser sa chance au père de son fils, par ses amis. le reste du film voit les deux anciens amants se confronter, la force de la femme pesant toujours plus sur le sentiment d'impuissance et d'inutilité de l'homme. Un drame, l'accident dans lequel leur fils va manquer de mourir, va agir comme un révélateur particulièrement amer, avant un final tragique.

 

L'homme n'a aucune chance, dans ce film, il est un boulet, mais il est aussi pris en pitié par Naruse. Par par son épouse, qui le pousse à aller plus loin, à chercher du travail, à se prendre en charge. Pour sa part, elle domine le film, et la vie de ses protagonistes. Naruse la saisit de façon impressionnante dans sa vie quotidienne, utilisant beaucoup le miroir comme un objet qui nous donne à la fois un aperçu des préparatifs de l'apparence, lorsque la jeune femme ajuste sa coiffure, mais aussi du fait que l'héroïne se prend occasionnellement à témoin, comme si elle était le seul interlocuteur possible pour elle-même. Il compose d'impeccables plans qui exposent tel ou tel point de vue, avec une tête gigantesque opposée à un personnage au fond, le plus souvent ces plans exposent le point de vue de l'épouse, mais pas toujours... Naruse utilise aussi une anaphore ironique: il nous montre lors d'un de ces fameux plans en travelling avant brusque sur un personnage, une voiture-jouet, qui nous annonce l'accident du fils..

 

L'accident, justement, renvoie à deux des films précédents: Trime donc, larbin, dans lequel la comédie était brusquement rappelée à la réalité par l'accident du fils (d'ailleurs ces deux films ont plus d'un point commun, à part bien sur dans le ton. Aucune comédie ici...), et Sans lien de parenté, qui voyait la belle-mère de l'enfant empêcher un accident, montrant ainsi sa capacité à se sacrifier pour celui qu'elle considérait comme son fils. ici, cet accident laisse planer comme souvent un doute sur la fin du film, laissant une fois de plus la fin du film ouverte. ce ne sera pas la dernière fois, les tranches de vies de Naruse, saisies dans le quotidien le plus brut, ne se finissent pas sous nos yeux: ce serait trop facile... Elles composent une forme d'univers tangible, et on a l'impression de film en film pouvoir recroiser tel ou tel personnage... Tout un univers.

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Published by François Massarelli - dans Mikio Naruse Muet 1933 *
30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 15:32

Le troisième film muet accessible de Naruse est plus proche que les deux précédents de son cinéma le plus connu: il se situe dans la peinture des femmes en pleine survie, et qui avancent avec stoïcisme. On n'est pas en pleine tragédie, ni en plein mélodrame: les conflits qui marquent ce film sont là depuis longtemps lorsque l'intrigue commence, et ne seront que partiellement résolus à la fin. il tourne autour de trois personnages: Kikue(Mitsuko Yoshikawa), une geisha vieillissante qui craint d'être définitivement rattrapée par l'âge, et dont les clients commencent effectivement à se détourner; Sumiko (Sumiko Mizukubo), une jeune geisha que ses parents ont forcé à entrer dans le métier plutôt que de chercher à améliorer leur condition par eux-mêmes; enfin, Yoshio (Akio Isono), le fils de Kikue, qui reproche quotidiennement son métier à sa mère en la traitant avec de plus en plus de mépris et qui dérive lentement mais sûrement vers la délinquance.

Sumiko  est au centre de tout ce dispositif, et c'est elle qui prend l'initiative d'amener Yoshio avec elle chez ses parents afin qu'il se rende compte que le métier de geisha est imposé de l'extérieur, jamais choisi. Elle veut lui en faire prendre conscience afin qu'il se ressaisisse et cesse de maltraiter sa mère. De fait, elle le change, et lors de la seule séquence diurne du film, ils tombent amoureux tous deux, en présence de la mer. Mais le drame guette... Naruse concentre énormément de son dispositif dramatique sur le beau visage de Sumiko, et sur son regagrd aussi. Il se permet un flash-back lyrique lors d'une scène finale, qui voit Sumiko et Yoshio revenir mentalement au plus beau moment de leur voyage... Une prouesse qui renvoie mine de rien à un paroxysme de montage déjà observé sur Trime donc larbin, tourné deux ans auparavant.

Les acteurs sont excellents, mais ce qui frappe, c'est que ce bien beau film est marqué une fois de plus par les mouvements de caméra brusque et répétés, qui soulignent le drame, comme dans la conversation entre Sumiko et son père alcoolique, au moment ou celui-ci voudrait sans doute être en paix alors que sa fille s'oppose à la décision familiale de prostituer aussi la petite soeur. de la quiétude attendue par e spectateur, ainsi que par Yoshio, on passe à l'affrontement, et le montage se met de la partie. Naruse utilise aussi beaucoup le plan comme une unité de valeur, qui unit ou oppose les êtres, comme dans la scène amère durant laquelle les trois personnages, enfin réunis pour une fois, sont dans une même pièce alors que Sumiko a été blessée dans une altercation. L'union fragile et vouée à l'échec entre les deux jeunes gens est marquée par mouvements de caméra rapide de l'un à l'autre... ces expérimentations sont encore une trace de l'héritage des premiers films de Naruse et de ses expérimentations, mais il les atténuera plus tard, pour fondre les mouvements de caméra dans le style plus fluide de ses films parlants. En attendant, ces films muets de Naruse sont toujours une exceptionnelle découverte.

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Published by François Massarelli - dans Mikio Naruse Muet 1933 Criterion *