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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 17:21

Donc, Blake Edwards nous a quittés, et comment dire, il y avait, le concernant, trois écoles. Des inconditionnels, des réfractaires, et des enthousiastes, prêts à défendre le bonhomme en cas de besoin, mais aussi prêts à reconnaitre que, comment dire, Curse of the Pink Panther ne valait pas tripette. J'appartiens a priori à la dernière catégorie, mais je n'ai pas encore vu tous ses films. Cela dit, il y en a un grand nombre que je considère comme des classiques, et sur lesquels je peux compter; j'y reviens, et y reviendrai encore souvent: The party, The great race, What did you do in the war daddy, Victor Victoria, 10, The pink panther, Experiment in terror, Days of wine and roses.. et Breakfast at Tiffany's.

Le film aurait pu être mis en scène par John Frankenheimer, mais selon Patrick Brion, Audrey Hepburn aurait mis son veto. On doit s'en réjouir; non que j'aie une dent contre Frankenheimer, je me dis juste que je ne l'imagine pas mettant en scène une telle comédie, d'une part, et que je suis parfaitement satisfait avec ce qu'Edwards en a fait: il se l'est approprié, envers et contre tous, en laissant chacun faire son boulot d'une part, mais aussi en ajoutant de façon spectaculaire son grain de sel inimitable. Les avis sont partagés sur ce film, mais j'avoue qu'il me transporte totalement, qu'il est, à lui tout seul, une autre planète...

Rappelons à toutes fins utiles l'histoire, celle de Holly Golightly (Audrey Hepburn), call-girl qui vit une vie joyeusement dissolue, seule avec son chat dans un chouette appartement, entre ses sorties avec des vieux messieurs. elle est à la recherche de "Mr Big": non le grand amour, mais le gros compte en banque; un jour, un nouveau voisin vient s'installer et débarque inopinément dans sa vie: Paul Varjak (George Peppard) est écrivain, mais il est surtout un jeune homme qui vit aux crochets d'une dame quadragénaire, mariée, et riche (Patricia Neal). Entre les deux, la complicité est immédiate, et ele va évidemment beaucoup plus loin que la seule amitié, mais Holly (son pseudonyme, on l'apprend durant le film) ne veut absolument pas s'engager, fuyant tout ce qui la fixerait dans cette existence.

Ce film prend sa source dans un roman de Truman Capote dont le propos était beaucoup plus risqué, avec des allusions à l'homosexualité. En réalité, ça n'a pas d'importance, la notoriété du film a dépassé celle du livre; il est devenu, clairement, un "véhicule" pour Audrey Hepburn, en même temps qu'un passionnant champ d'expérimentation pour le Blake Edwards des grands jours. Bien sur, l'écrin est splendide, et le film est toujours envoûtant pour son coté intemporel, et la puissance de son esthétique, due autant à la grâce de miss Hepburn qu'à l'inventivité de Edith Head, costumière de luxe à la Paramount, qui a d'autant plus revendiqué ce film que sa contribution est cruciale; on s'y habille et déshabille beaucoup, devant nous, y compris dans un taxi à la fin! Le costume y définit les deux vies excentriques de Paul et Holly, lui enchaîné à sa maîtresse et les costumes qu'elle lui offre, et elle utilisant sa garde-robe comme une déclaration d'indépendance permanente. Le propos principal tient à mon sens dans deux scènes clés, la première étant celle durant laquelle, surprise, le mari de Holly, un habitant de l'Oklahoma qui la connait sous son nom de Lula Mae, vient la chercher, pensant naïvement la reprendre. Il l'a  épousée alors qu'elle avait 14 ans, et on s'attend à un développement façon Child Bride (le fameux film de "sexploitation") ou même Mountain justice, de Curtiz, ces films qui nous racontent la vie fruste des montagnards franchement arriérés; Mais à l'arrivée de Doc, son mari, Holly est réellement heureuse de le revoir. On pourrait accabler le mari, se dire qu'avec un départ dans la vie comme celui-ci, Holly ne pouvait que se fuir; on évite pourtant la dénonciation, pour entrer de plein-pied dans la question cruciale: mais qui est vraiment Holly? C'est la question à laquelle elle ne veut pas répondre, de même qu'elle met un point d'honneur à ne pas nommer son chat, dont elle assure qu'il aura un nom "quand elle aura son chez-soi, avec ses meubles". Autant dire jamais. La deuxième scène est importante, à plus forte raison parce que c'est la fin du film, lorsqu'après un passage en prison (pour diverses raisons, savoureuses, mais passons) elle décide dans un taxi de libérer son chat, et voit fuir Paul excédé (en substance, il en a marre de ses excentricités), et comprend qu'elle l'aime et va devoir, enfin, se fixer, quel qu'en soit le prix. Très belle scène d'amour, avec l'ingrédient des grands jours, une pluie battante, et l'indispensable petite touche surréaliste: entre les deux amants, un chat trempé, qui se demande ce qu'il fait là...

Blake Edwards s'est approprié le film, qui par ailleurs ressemble beaucoup à une production Paramount de grande classe: couleurs splendides, production soignée, mais en prime, il y a l'humour décalé, présent en particulier dans la fameuse scène de la party chez Holly, au cours de laquelle le son passe totalement au second plan, pour favoriser les gags visuels, et George Peppard lâché au milieu de tous ces gens, tel un comique muet un brin décalé. On reverra ça chez Edwards, bien sur, il n'empêche que la scène est superbe. Et il y a le cas Mickey Rooney, interprétant un Japonais de carnaval, le sujet qui fâche le plus les gens à propos de ce film; Edwards a du batailler ferme pour maintenir ce personnage caricatural qui passe son temps à pester contre Holly et ses amis. Mais d'une part les gags (raciaux, donc) de mauvais goût sont tellement gros qu'ils confinent à une certaine forme d'absurde; ensuite, le coté loufoque sied assez bien à la vie dans une bulle sixties de Holly Golightly. Enfin, cela renforce par l'absurde la notion d'aliénation, qui est soit dit en passant au coeur non seulement de ce film, mais aussi de The party, Victor Victoria, The Tamarind seed, Days of wine and roses, Experiment in terror, et de tous ces moments de doute, de déguisement ou de mensonge dans les films de Blake Edwards... Par ailleurs, son sens de la comédie et son timing le poussent à réaliser de nombreuses scènes en plan-séquence, et sous sa direction sure et précise d'admirateur des prouesses burlesques, les acteurs font des merveilles. Audrey Hepburn, pour moi, n'a jamais été meilleure, y compris chez Donen.

Le charme indéfinissable de ce film doit sans doute beaucoup à l'impossibilité de le catégoriser de façon définitive, tant comme une comédie que comme un film sentimental; c'est comme toute l'oeuvre du metteur en scène qui ne s'est jamais cantonné dans un style tout en imprimant sa marque à tous ses films. La scène durant laquelle Paul se laisse suivre par "Doc" commence d'ailleurs comme une scène d'un film policier, avec la complicité de Henry Mancini (A ce propos, faut-il rappeler que ce grand film est aussi l'une des premières participations de Mancini à un film de Blake Edwards, et une partition superbe? on y trouve, en thème de générique, et repris souvent, dont une fois interprété par Audrey Hepburn, Moon River). Mais il est aussi un film très beau et qui propose un regard très humain sur l'aliénation d'un peuple tout entier tourné vers la réussite, et dont il nous conte les aventures de deux exclus, qui ont à un moment pris la tangente, l'une par la case Hollywood, avant la quasi-prostitution, et l'autre, un écrivain raté qui vit dans sa propre ombre, et a besoin de faux sentiments de femmes mures pour survivre. Un bien grand, noble et puissant sujet, pour un film inépuisable, qui commence par un petit déjeuner décalé, pris devant la devanture de Tiffany's, au petit matin.

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Published by François Massarelli - dans Blake Edwards Comédie
28 décembre 2010 2 28 /12 /décembre /2010 11:23

Somme de comédie, le seizième film de Billy Wilder est un tel classique qu’il n’a pas vraiment besoin d’être défendu. En même temps qu’un film drôle et enlevé, c’est aussi une reconstitution très soignée, d’une époque saisie non seulement dans ses apparences, mais aussi dans son esprit. Si Diamond et Wilder ont, on le sait, du métier, on peut quand même s’étonner de ce que le metteur en scène ait su aussi bien capter l’esprit de l’époque de la prohibition, lui qui était en Europe à cette époque. Du reste, l’élégance et la classe de la mise en scène éclatent au grand jour dans la séquence d’ouverture, toute en mouvement, qui voit un corbillard rempli de mines interlopes, poursuivi par des policiers dont les balles de mitraillettes vont percer le cercueil qui trône au milieu du véhicule mortuaire, révélant un flot de liquide : lorsque les bandits soulèvent le couvercle du cercueil, et contemplent les dégâts sur les bouteilles d’alcool frelaté, l’air désolé. Un titre, alors, confirme ironiquement ce que nous savions déjà : Chicago, 1929. Pas un mot n’a été prononcé.

Donc, reconstitution magnifique et maniaque, bourrée d’allusions à la mode, à la culture populaire de l’époque, Some like it hot remplit sa mission jusqu’à se situer dans le monde du spectacle et sur les lieux de plaisir, de Chicago à Miami, nous montrant le jazz, la prohibition, mais aussi la civilisation des loisirs en action, à travers les séquences de plage, et les scènes situées dans l’hôtel luxueux. On peut ici rappeler l’argument du film : parce qu’ils ont assisté à un règlement de comptes sanglant, deux musiciens (Tony Curtis et Jack Lemmon) sont amenés à se déguiser en femmes pour se cacher dans un orchestre de jazz composé uniquement de femmes. Ils partent donc en train pour Miami on d’une part les gangsters (au premier rang desquels George Raft) ne manqueront pas de venir, et d’autre part l’un d’entre eux (Joe, Tony Curtis) va jouer son va-tout et se faire passer pour millionnaire afin de séduire Sugar, la très plantureuse et irrésistible chanteuse de l’orchestre interprétée par Marilyn Monroe.

La construction fait mouche, divisée en trois actes, le premier avec l’intrigue autour des gangsters, la fuite des musiciens, et les scènes limites des deux hommes arrivant dans le train rempli de jeunes femmes (Jack Lemmon, en particulier, a du mal à cacher sa joie) ; un deuxième acte met en place le stratagème de Joe et ses trucs pour attirer Sugar, au grand dam de Gerry « Daphné » (Lemmon) ; enfin un troisième acte plus nerveux précipite les choses, autour de la rencontre improbable entre les gangsters responsables du massacre (venus assister à un congrès des « amis de l’opéra Italien), et les deux témoins gênants, qui sont vite reconnus. Tous les styles de comédie sont plus ou moins explorés, et Wilder peut ainsi rendre hommage à Lubitsch, Hawks, mais aussi aux burlesques, avec un final très physique. Du reste, le style de Wilder est, n’en déplaise à sa légende et ses propres déclarations, très visuel : son utilisation du signe cinématographique est aussi virtuose que son recours à des gags dialogués : voir en particulier son plaisir à annoncer George Raft, par ses guêtres, et répéter le motif dans toutes les variations possibles, y compris dans les dialogues bien sur. Le film est donc un plaisir constant, magnifiquement capté par Charles Lang dans un noir et blanc superbe : le film reste à ce jour l’un des exemples les plus anciens du choix du noir et blanc, à une époque ou la couleur se généralise. Wilder y sera fidèle jusqu’à 1966. Sinon, outre les dialogues, remplis de bons mots et de phrases qui resteront, on retiendra l’époustouflante imitation de Cary Grant (Epoque Bringing up baby) par Tony Curtis, qui donne lieu à la phrase « Some like it hot, but I personally prefer Classical music » qui bien sur donnera son titre au film. George Raft aura droit aussi à un gag allusif, lorsqu'il reproche à un gangster de jouer avec une pièce de monnaie, le cinglant d'un "Where did you learn that cheap trick?" savoureux.

Les thèmes explorés par le film ont été déjà largement évoqués dans la filmographie de Wilder jusqu’ici : le sexe (De plus en plus présent, et sous des allusions de moins en moins codées, voir à ce sujet la fameuse scène du train, lorsque Jack Lemmon est submergé par des paires de jambes et des filles en nuisette), la dissimulation et le déguisement (Ici source de survie pour les deux musiciens, source d’amour pour Joe et d’embêtements sans fin pour Gerry), mais aussi l’obsession, incarnée par de nombreux personnages, surtout les gangsters (Spats Colombo et ses guêtres, Toothpick Charlie et ses cure-dents). Mais bien sur, comment ne pas évoquer la confusion des sexes, à travers ce très troublant voyage de deux hommes à travers leur féminité cachée, de Joe qui trouve très vite sa voix, et incarne à merveille la sophistication hautaine, à Gerry, qui se trouve si bien en femme qu’il succombe très vite à un certain nombre de réflexes : il sait trouver els mots pour reprocher ses gestes déplacés à Bienstock, le très falot assistant du chef d’orchestre Sweet Sue, il est dans un état second suite à la proposition de mariage d’Osgood Fielding III, et bien sur il s’invente d’autorité un prénom inattendu, comme s’il avait déjà prévu le cas : Daphné, au lieu de Geraldine. Si on se concentre beaucoup sur les mésaventures de Gerry, décidément coincé dans la peau de Daphné puisque contrairement à Joe, il n’a pas l’échappatoire d’être Junior, le faux milliardaire qui tourne la tête de Sugar. Joe n’est pas en reste, toutefois, qui au moment de passer la défroque de Junior, oublie facilement les boucles d’oreilles encombrantes, auxquelles il finit par s’habituer. Une seconde peau ?
L’intelligence de ce film, qui navigue entre deux eaux (le public visé est familial , mais les allusions rendent le spectacle pus chaud . remarquez, certains l’aiment précisément chaud.), ets de ne pas transformer cette histoire de confusion en un prétexte pour toute l’histoire, ce qui donne des résultats moins brillants : prenons par exemple le cas de Goodbye Charlie, de Minnelli. Mais cette comédie ratée est aussi un peu présente dans le film de Wilder : lorsque Toothpick Charlie quitte les lieux de sa trahison, il est par deux fois fait allusion au titre de la pièce de George Axelrod, publiée en 1959 : toujours cette tendance de Wilder de faire allusion à la culture de son temps, y compris lorsqu’il situe un film en 1929. Ce n’est certainement pas un hasard si le film cite par le biais de ce titre une pièce dans laquelle un acteur revient à la vie sous la forme d’une femme, désormais condamné à vivre dans la peau d’une femme…

Voilà, toutes ces raisons conduisent à l’inévitable conclusion : s’il manque parfois un peu de cœur, ce film est un spectacle, une comédie dont on ne se lasse pas, qui a bien mérité son statut de classique, et qui va asseoir une bonne fois pour toutes Wilder, qui pourra ensuite bénéficier de sa nouvelle collaboration avec Mirisch pour 7 autres films, avec lesquels il fera beaucoup de choses, pas toujours ce qu’il veut, mais au moins va-t-il pouvoir essayer. Je reprochais tout à l’heure à cette comédie parfaite de manquer un peu d’âme, ce n’est qu’une petite réserve. Du reste, le film suivant rattrapera de façon spectaculaire ce (petit) défaut.

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Published by François Massarelli - dans Billy Wilder Comédie
26 décembre 2010 7 26 /12 /décembre /2010 18:58

Après le film noir et le film à thèse, Wilder (et Brackett) s’essayent à un nouveau genre! Toujours le souci de se poser en metteur en scène. Cette-fois, avec The emperor waltz, Wilder, pourtant, n’obtiendra pas le succès. Il en résultera un désamour prononcé et sans retour pour son unique comédie musicale, un film mal aimé qu’il est parfois malaisé de défendre…

L’histoire est simple et vaguement un rappel de la Veuve joyeuse, plus celle de Lubitsch que celle de Stroheim, mais de celui-ci, il reprend toutefois la thèse: l’Amérique d’abord! Les Européens ont leurs traditions, mais les Américains sont les meilleurs, en tout. Tout comme la Sally O’Hara de Stroheim débarquait dans un royaume fictif, et bouleversait tout par son énergie communicative, ici, c’est Virgil Smith (Bing Crosby) qui va tourner les têtes dans une Autriche haute en couleurs (Magnifiques, on se doit de les souligner, puisque c’est la première rencontre de Wilder avec le technicolor), et en particulier celle de Joan Fontaine, qui interprète une comtesse au nom merveilleux, improbable et vaguement ironique, donc, typique de Billy Wilder : Johanna Augusta Franziska von Stoltzenberg-Stolzenberg. Toute pesanteur solennelle est rendue caduque par la répétition. Johanna tombe amoureuse de Virgil Smith, un représentant en phonographes qui cherche à placer ses produits auprès de l’empereur François-Joseph. Celui-ci a à cœur de « marier » son caniche au chien de la comtesse, mais la femelle en question (La chienne du moins) lui préfère Buttons, l’improbable bâtard de Virgil. Les deux jeunes gens en finissent par vouloir suivre l’exemple de leurs animaux, mais l’empereur impose une autre conduite à Virgil, qui rompt en se faisant passer pour un goujat…

Le film commence par un de ces décrochages temporels auxquels nous a habitués Wilder avec Double indemnity, que ses films soient des comédies ou des drames, on voit qu’il garde la main sur eux et impose avant tout son style. Ici pas de voix off en revanche, la narration restant assez sage. Les tribulations de Bing Crosby au pays des vaches et des couettes ne manquent pas de joliesse, mais pour être franc, je lui trouve un singulier manque de charisme, contrairement à Maurice Chevalier dans la Veuve joyeuse… On en est loin. Joan Fontaine est plus intéressante en comtesse qui cherche à faire exploser le carcan des conventions, et s’amuse volontiers à légèrement écorner son image de Sainte Nitouche en se laissant séduire. Mais le meilleur de ce film, on le trouve avec parcimonie dans les dialogues souvent exquis, légèrement absurdes, de la cour et des nobles qui passent semble-t-il leur vie à critiquer les Américains. Sig Ruman, en « ami du Dr Freud », nous rappelle l’un des apports de l’Autriche en pratiquant sur les canidés une amusante proto-psychanalyse. On aimera aussi les sous-entendus ici véhiculés par les chiens, qui concrétisent ce que leurs maîtres ne peuvent se permettre...Tout cela ne va pas chercher loin, mais Wilder a rendu, en élève appliqué, une copie très propre, très soignée. Il a été légitimement déçu de ne pas recevoir l’aval du public, et en a conçu une rancœur tenace à l’égard du film, d’où sa réputation. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a su rebondir, et ce dès le film suivant, qui prend le contre-pied de celui-ci en à peu près tous les points.

 

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Published by François Massarelli - dans Billy Wilder Comédie Musical
24 décembre 2010 5 24 /12 /décembre /2010 10:21

 

A serious man marque une grande première chez les Coen. Le film est le premier à raconter une histoire dans laquelle leurs racines Juives sont au premier plan, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas fait les choses à moitié, depuis le prologue en forme d'histoire Juive issue de l'inconscient collectif : Un couple marié, au XIXe siècle, se dispute autour de l'authenticité de la mort d'un voisin, avant que celui-ci ne frappe à la porte. Pour prouver sa théorie (Elle affirme qu'il est bien mort), l'épouse le poignarde, et "il ne se sent pas très bien". On n'en saura pas plus, sauf que la poisse satirique qui enveloppe l'anecdote va pour le reste du film rejaillir sur Larry Gopnik, un professeur d'université qui en cette année 1967, vit dans le Minnesota, au sein d'une communauté Juive qu'on ne quitte jamais de tout le film, et tout, depuis les coutumes (Le film est rythmé par l'approche d'une bar-mitsva) jusqu'au langage (Truffé de mots dont tout le monde semble comprendre le sens, sans qu'un non-initié ne s'y perde vraiment), confère à ce film réjouissant un parfum à la fois respectueux et auto-caricatural qui n'étonnera que ceux qui découvrent les Coen. Tout comme pour leurs autres films d'époque, Miller's crossing, Barton Fink, The Hudsucker proxy, O Brother where art thou ou The man who wasn't there, la maniaquerie de la reconstitution d'un monde est un présupposé indispensable aux Coen pour imposer leur vision, rigolarde et décalée.

Larry Gopnik, comme d'autres héros des frères Coen avant lui, a donc la poisse; qu'on en juge: il voit une famille Coréenne le menacer de poursuites judiciaires s'il n'accepte pas leur tentative de corruption afin de remonter les notes de Clive, leur rejeton; son fils lui pique des sous pour s'acheter des disques, voire des produits doucement illicites (Danny, le jeune fils dont la bar-mitsva approche, est l'un des seuls liens de ce film sis en 1967 avec le 'summer of love': il fume des joints, et il écoute du Santana et du Jefferson airplane); sa fille ne met plus les pieds à l'école, son frère invalide est obligé de rester avec eux, mais va leur attirer des ennuis en jouant sans réserves et en allant lutiner des filles dans le Dakota du nord (A Fargo, peut-être?)... Quant à son épouse, elle souhaite vivre avec un autre, et celui-ci passe son temps à prendre Larry dans ses bras pour noyer le poisson... D'où un doute sérieux et récurrent quant à son destin personnel, qui le pousse à consulter rabbin sur rabbin. Mais Larry aurait du le savoir: sa crise de la quarantaine, aussi bien active (Un moment, il a une tentation d'adultère) que passive (il en prend plein la figure), n'est rien qu'une marque communautaire: la poisse, il la partage, comme le prouve le nombre de morts soudaines et accidentelles sur son passage... le final est sans ambiguïté; alors que les nuages de la crise conjugale semblent s'éloigner, que le fils a bien, en dépit de son état second, assumé sa bar-mitsva et reçoit les félicitations de toute la communauté, les ennuis reviennent: une radiographie passée au début du film a semble-t-il des révélations à faire, le cabinet d'avocat consulté réclame des honoraires exorbitants, et une vraie tempête, Midwest-style, menace au loin...

Malgré tout cela, ultime trait d'humour noir, le générique annonce fièrement à la fin qu' "Aucun Juif n'a été maltraité durant le tournage"...

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Published by François Massarelli - dans Joel & Ethan Coen Comédie