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18 janvier 2021 1 18 /01 /janvier /2021 15:17

Une comédie? Du bout des lèvres... Nicolas Montei (Marcello Mastroianni) est Italien vivant en France, et il est comédien. Acteur serait plus juste, car le mot "comédien" désigne une personne qui fait vivre un personnage, alors que Nicolas, lui, handicapé par son accent, va de petit job en petit job, des "panouilles" comme on disait alors: le matin, il double des dessins animés, l'après-midi il tourne un docu-fiction dans lequel il incarne un personnage du XVIIIe siècle, furtivement; le soir, il apparaît au théâtre, le temps de se faire tuer à la fin d'un acte, puis il file avec son copain Clément (Jean Rochefort) pour un numéro de duo illusionniste dans un cabaret à strip-tease... Bref, il vit et fait son métier, mais le plaisir n'y est plus. 

Dans la vie non plus, d'ailleurs: coincé entre un mariage fini mais qui s'éternise, avec deux enfants qui sont à l'affût de toutes les occasions de garder leur père, et un ménage avec une compagne (Françoise Fabian), qui bat de l'aile, puisqu'elle lui reproche sa trop grande proximité avec l'autre (Carla Gravina), celle qui aurait du disparaître de sa vie... En attendant, c'est Clément qui s'en va: il va travailler dans le privé, puisqu'on lui propose un job bien payé dans la publicité chez Panzani...

Le titre est assez clair, Robert avec son complice Jean-Loup Dabadie s'adressent ici avec tendresse aux obscurs, aux sans-grade, aux sans-plaisir du métier. Qui sont parfois, aussi, des sans-le-sou: après leur prestation nocturne, Clément et Nicolas doivent parfois mendier pour obtenir leur cachet, et ça ne marche pas toujours. Je le disais, la comédie est douce-amère, et le propos sombre. Bien sûr que c'est une profession, mais elle n'est pas rose, et le public n'aide pas: ainsi, on reconnaît Nicolas Montei, mais on ne sait pas pourquoi. Quand il signe un autographe, c'est à tout hasard... Et les autres, les gens installés, n'aident pas vraiment, ainsi un metteur en scène du docu-fiction (Xavier Gélin) traite-t-il Nicolas qui arrive en retard de "salaud", ou un metteur en scène de théâtre (Yves Robert) pour sa part, se défoule sur une actrice, qui, il est vrai, n'est pas terrible, terrible... Les acteurs "installés", eux, n'ont aucun regard pour ces troufions du métier.

C'est une grande réussite, car Yves Robert n'a pour autant rien changé à sa façon de faire, ses séquences dominées par la tendresse entre les personnages, la complicité du public acquise au pauvre Nicolas y compris quand il tente une manipulation un rien hypocrite pour se placer auprès de sa maîtresse après avoir échoué auprès de son épouse! et le réalisateur se passe parfois de mots pour conter certains passages de son film, comme une énigmatique rencontre de Nicolas avec une femme qu'on n'identifie pas encore, vie à travers une vitre, sans paroles... Nicolas semble vivre à part des autres une aventure qui risque de le détruire et ses amis et famille avec, et ce n'est pourtant pas faute de l'aimer, comme le prouve en permanence le personnage grave de Françoise Fabian...

Ce n'est sans doute pas encore le grand film-sur-les-copains que Robert et Dabadie rêvent de faire, mais il ne tardera pas, d'autant qu'ils ont enfin trouvé leur interprète: il est dans ce film, et ce n'est pas Mastroianni. En attendant, on peut déguster ce petit film délicat, il est touchant et il vise juste.

 

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Published by François Massarelli - dans Yves Robert Comédie
10 janvier 2021 7 10 /01 /janvier /2021 09:47

Yves Robert est, foncièrement, un gentil... Un homme qui est généralement un observateur de l'humanité amoureux du détail, qu'il restitue ensuite dans des portraits qui sont généralement ceux de personnages assez positifs. Il a assumé une curiosité dans les années 60 pour les loufoques, les révolutionnaires en douceur, une curiosité annoncée par Blaireau dans Ni vu ni connu, et qui se retrouve dans tant de personnages: les gamins fédérés les uns contre les autres avec leurs codes d'honneur dans La guerre de Boutons, le Bébert dans son Omnibus, Les Copains et leurs multiples façon d'assaisonner le potache, et bien sûr Alexandre le bienheureux, e gentil qui veut qu'on lui foute la paix...

C'est pour ça qu'on s'étonne au départ devant cette adaptation d'un roman de Marcel Aymé, autour du personnage tellement désagréable de Hector, comte de Clérambard (Philippe Noiret): noble désargenté en 1910, il n'a plus que son château et sa famille (sa femme, Martine Sarcey; son fils, Gérard Lartigau; sa belle-mère, Lise Delamare). Pour pouvoir conserver le château, le Comte vend des pulls tricotés par les trois membres de sa famille, et économise sur la viande en massacrant les chats et les chiens du village. ...Ce que lui reproche justement Gustalin, son voisin (Robert Dalban). 

Au village, d'un côté il y a la vie qui s'incarne en Léonie dite la Langouste (Dany Carrel), solide fille à soldats dont le jeune vicomte Octave de Clérambard est secrètement amoureux, et de l'autre il y a les affaires: l'avoué Galuchon (Claude Piéplu) mettrait bien main basse sur le château du comte et pour ça il est prêt à donner sa fille en mariage (avec une confortable dot, s'entend, car elle est fort disgracieuse, la pauvre) à Octave, avec la complicité du curé (Roger Carel). C'est dans ce contexte que Clérambard va, enfin, voir la lumière: c'est après un meurtre de chien de trop, qu'il reçoit la visite de St François d'Assise qui lui demande de prendre exemple sur lui, de respecter les animaux et les êtres, et d'aller vers la lumière de l'infinie bonté et de la pauvreté. On a connu le Comte comme un être désagréable, un véritable tyran domestique, eh bien attendons-nous à voir des changements...

Yves Robert se retrouve vraiment à son aise avec cette nouvelle fable rurale, située dans un charmant village de Bourgogne; c'est un des aspects les plus remarquables de ses films, cette faculté qu'il avait à utiliser avec les moyens du bord, la photogénie des endroits qu'il choisissait pour y situer ses histoires, comme Ni vu ni connu, Les Copains, La guerre des Boutons et Alexandre le bienheureux. Il avait compris qu'un décor ne doit pas se contenter d'être pratique, il se doit d'avoir du caractère... Il a donc choisi d'une part de retourner dans le village de Semur en Auxois qui avait accueilli le tournage de Ni vu ni connu, et a ajouté pour faire bonne mesure le château de Marigny-le-Cahouët pour figurer celui des Clérambard...

Dans sa grande rigueur, le film prend pour cible, après le portrait goguenard de la mentalité très XIXe d'un petit village de 1910, le délire religieux, et la façon dont un certain nombre de médiocres, vont essayer soit de gérer la crise, soit carrément d'en profiter. Il y a quelques coups de griffes, mais je vais de nouveau me servir de l'adjectif loufoque, pour dire que force reste, effectivement, au farfelu, dans cette histoire qui passe par un certain nombre d'hypothèses de miracles, et qui est bâtie sur deux personnages: celui d'un sale type touché par la grâce, et celui d'une prostituée militante qui, état incarnée par Dany Carrel, n'a pas sa langue dans sa poche. Jean-Loup Dabadie n'a d'ailleurs eu qu'à se pencher sur Marcel Aymé, et Yves Robert faire confiance à son actrice, et le résultat est là. Par contre, l'idée saugrenue de faire de la fille Galuchon un laideron affublé de la voix de Roger Carel, ne s'imposait sans doute pas...

 

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Published by François Massarelli - dans Yves Robert Comédie
4 janvier 2021 1 04 /01 /janvier /2021 16:05

Alexandre (Philippe Noiret) n'est pas heureux: agriculteur, il possède de la terre, beaucoup de terre, et depuis dix ans qu'il est marié, son épouse "La Grande" (Françoise Brion) le force à travailler dur, sans aucun répit... Lui qui souhaiterait tant s'arrêter un peu, faire la grasse matinée, taquiner le poisson dans le Loir, jouer au billard avec ses copains (Jean Carmet, Pierre Richard), se laisser aller à jouer au foot avec les enfants de l'école du village... et avoir un chien. Il y en a un d'ailleurs, qui lui est réservé chez un voisin (Paul le Person) mais Alexandre attend le bon moment d'en parler à son épouse. Donc Alexandre étouffe et n'en peut plus. Il explose, même, mais rien n'y fait: elle lui impose des corvées tous les jours, d'un claquement de doigts. Y compris de la grimper, c'est dire.

Quand elle meurt (dans un des accidents les moins spectaculaires et les plus économiques de l'histoire du septième art), Alexandre comprend qu'il est enfin libre, il se rend donc dans sa chambre et va devenir un repoussoir pour une partie du village, un modèle pour d'autres...

Cette fable tournée au milieu de 1967 arrive à point nommé... Robert a bien senti les grands changements en cours en cette fin des années 60, même si la France Gââââââââulliste n'est pas encore concernée de façon très marquée... Alexandre n'est pourtant pas un hippie avant l'heure, juste un homme qui souhaite arrêter le cours des choses, et se consacrer au bonheur de l'instant. On remarquera deux choses: d'une part on est loin de l'utopie, car ce que veut Alexandre, c'est être seul, et qu'on lui foute la paix... Quand vient Agathe (Marlène Jobert) qui s'intéresse beaucoup à celui que tous montrent du doigt, il lui arrivera bien de la lutiner... Il y a aura des suiveurs aussi, parmi les copains et jusqu'aux enfants (contrairement à la vaste majorité de la population atterrée devant un agriculteur qui provoque de lui même le manque à gagner!), mais Alexandre n'a qu'un seul but, un bonheur égoïste, et j'en ai peur, parfaitement compréhensible. Là où la fable d'Yves Robert est un rien militante, c'est sans doute dans l'hypothèse de tout arrêter...

Mais ce qui compte dans ce film merveilleusement cotonneux et confortable, loin des furies des émeutes Américaines ou des futures barricades Parisiennes, loin enfin des utopies du Larzac, car je le répète Alexandre ne vit que pour lui seul, c'est que c'est une comédie, une de ces oeuvres au ton particulièrement recherché, qui ont fait tout le prix d'un cinéaste comme Yves Robert. Ici il fait la synthèse du meilleur de sa filmographie: vous y entendrez Paul Le Person traiter Philippe Noiret de "Couille molle" comme les enfants de la Guerre des boutons, et on y retrouvera un peu de l'esprit de Ni vu ni connu. Et avec l'apport de la couleur, qui embellit l'Eure-et-Loir, on a un atout considérable, pour un film qui donne envie d'y vivre! La comédie est rigoureuse, tout en reposant sur un montage et un rythme sûrs; c'est une grande réussite, et un classique à sa façon...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yves Robert
2 janvier 2021 6 02 /01 /janvier /2021 18:39

Fulbert Taupin (Robert Hirsch) a du talent: c'est un artiste tellement doué... qu'il en crève la faim. Il fait le tour des cafés où il essaie de placer ses caricatures. Seulement d'une part il ne parvient pas à intéresser grand monde avec son art, mais en plus il est tellement malhabile socialement que quand il gagne de l'argent, il ne peut s'empêcher de le donner à un type qui fait la manche! son talent comme son inaptitude sociale ont été repérées tout de suite par un escroc, le Baron Bullourde (Alberto Closas), qui fait dans la fausse monnaie en compagnie d'une belle, très belle dame, Lucile (Sylvia Koscina)... Grâce au béguin qu'il a pour cette dernière, Fulbert est prêt à tomber dans les pièges du baron, et est engagé pour "décorer leur maison", et incidemment à fournir une matrice pour des billets plus vrais que les vrais, que le baron fait passer pour des fournitures de théâtre...

J'imagine qu'il y avait plusieurs attraits extérieurs au moment de s'atteler à ce film, pour Yves Robert, car il me paraît bien peu personnel... Pour commencer, il lui permet pour la première fois, si on excepte les scènes finales des Copains qui voyaient les sept amis colorer la Seine de rose, c'est la première fois qu'il s'y risque. Il est vrai que le film, situé autour d'un artiste, et en Espagne ensoleillée, s'y prête assez bien, mais le metteur en scène n'a pas poussé trop loin l'extravagance colorée pour autant. Maintenant si Robert Hirsch est plus qu'intéressant dans un rôle décalé et assez proche des goûts de Robert pour la comédie classique (il lui fait même emprunter un gag à Tati, lors d'une séquence située dans les premières minutes), je ne suis pas sûr qu'il s'agisse du bon acteur. Et pour aller plus loin, dans cette histoire souvent délirante, et qui part dans tous les sens, on peine à avoir très envie de le suivre, le paradoxe étant que le héros fait tous les efforts possibles et imaginables pour être exclu de sa propre intrigue...

Si certaines idées fonctionnent dans un premier temps (on doit faire évader le héros car on a besoin de son grand talent, mais lui ne souhaite pas désobéir à ses gardiens, ou encore le périple de Fulbert, en macchabée récalcitrant dans un corbillard), elle tendent à donner des séquences qui traînent en longueur. Pire, une séquence à la Tex Avery (un couloir d'hôtel avec des chambres des deux côtés, dans lesquels s'engouffrent sans arrêt ou en déboulent, les héros de l'histoire) est tellement longue qu'elle en devient pénible... Mais le film trait assez souvent son statut, aussi, de co-production franco-italo-espagnole, avec ces à-côtés inévitables (certains acteurs doublés, la nécessité de satisfaire tout le monde)... Reste un insupportable dragueur collant à l'extrême, interprété par Jean-Pierre Marielle avec sa merveilleuse voix de basse, et Jean Yanne en truand-chauffeur extrêmement Parisien qui donnerait vie à n'importe quelle réplique par son accent de Paname...

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Published by François Massarelli - dans Yves Robert Comédie
28 décembre 2020 1 28 /12 /décembre /2020 10:30

Yves Robert aime passer du coq à l'âne, même si, entendons-nous bien, pour l'heure il le fait dans le cadre de la comédie. En adaptant un roman de Jules Romains paru en 1913, il continue à alterner des projets très différents, car il fait succéder l'humour direct et bon enfant, un rien canaille, de Bébert et l'omnibus (qui peignait de rose l'atmosphère d'évocation nostalgique de La guerre des boutons), d'une expérience formelle permanente, dans laquelle montage et continuité sont bousculés en permanence...

Sept copains, unis comme les sept doigts de la main, prennent trois semaines de vacances ensemble, et cherchent les bonnes idées qui leur permettront de bousculer l'ordre établi. Vont en prendre pour leur grade, l'armée, l'église et les politiciens. Mais comment? Lors d'une soirée (forcément) arrosée, Bénin, l'un des intellectuels de la bande (entendez par là qu'il parle bien, mais fort, et plus que les autres), suggère de s'en prendre à deux villes, deux sous-préfecture du Puy-de-Dôme, qui l'ont agressé par leur présence au beau milieu d'une carte. Les uns et les autres sont mis à l'épreuve de trouver de quoi agiter ces Landerneau Auvergnats, et finalement on trouve:

un réveil imposé et matinal de la caserne à Ambert, sous la responsabilité d'un faux ministre; à Ambert toujours, un sermon haut en couleurs sur la nécessité de forniquer par un prêtre qui n'est autre que Bénin; enfin, ridiculiser la municipalité d'Issoire et son député, en inaugurant une statue de Vercingétorix qui ressemble beaucoup à Jacques Balutin à poil...

D'une part, les copains: ce sont des acteurs et non des moindres, car Yves Robert a battu le rappel, justement, de ses copains, et il a choisi comme il saura toujours le faire des gens qui sont certes dissemblables, mais ô combien compatibles dans la truculence inévitable d'un tel projet. Philippe Noiret, prié de se laisser aller, Pierre Mondy plus tordu encore, Claude Rich, qui sous ses airs d'étudiant (de Normale Sup), cache un tempérament subversif, Michel Lonsdale, Christian Marin, Jacques Balutin barbu et enfin le jeune Guy Bedos, qui est un peu à la traîne des autres. Chacun a réussi, et généralement brillamment. Mais ils ne peuvent décemment pas se passer les uns des autres dans une amitié sans sous-entendus dont les femmes sont absentes...

D'autre part, la chanson: eh bien oui, "Les copains" c'est aussi une chanson de George Brassens, bien connue du reste, dont ce film est la première apparition. C'est même une commande de Robert à Brassens, qui s'est exécuté et a donc commis une chanson qu'il ne souhaitait pas écrire... J'imagine, compte tenu du sujet de la chose, qu'il s'y est fait.

Enfin, le film: après un début en forme de chaos structurel ordonné, Yves Robert met un peu d'ordre, tout en privilégiant des transitions soudaines. Il ne participe pas à la Nouvelle Vague, il s'en inspire un peu... Mais pas trop, et son film, finalement, aura un goût de trop peu en dépit de la sympathie profonde qu'on ne peut qu'avoir pour ces sept gosses qui n'ont jamais grandi. Peut-être le sujet, adapter un livre de 1913, sagement anarchiste pour étudiants ayant grandi trop vite, était-il trop éloigné de 1964? Peut-être Yves Robert avait-il besoin de mettre un peu plus de sentiments (et moins virils) dans tout ça?

Quoi qu'il en soit, dans ce film qui n'a jamais réussi à être totalement un classique, il y a une certitude: Yves Robert est bien fait pour réaliser un grand film sur des copains, des vrais. Mais ce n'est pas celui-ci...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yves Robert
21 décembre 2020 1 21 /12 /décembre /2020 13:59

La famille Martin est à la Samaritaine pour préparer les vacances: le père (Jean Richard) y a trainé toute sa famille, parce qu'il fallait bien mais il est inutile de dire que ce n'est pas de tout repos. Mais le grand fils, Tienot (Jacques Higelin) trouve un stratagème pour rester en arrière et draguer une caissière: il propose à Bébert, son petit frère (Martin Lartigue dit Petit Gibus) de "se perdre" dans le magasin, afin d'être obligé d'y rester. Mais de stratagème en combine, le gamin va effectivement se perdre, et as n'importe où: dans l'omnibus...

L'esprit de Zazie flotte un peu sur ce Bébert-là... Yves Robert a réussi un film formidable, en lâchant comme d'habitude un certain ombre de français moyens, et non des moindres (Pierre Mondy, Michel Serrault, Jean Lefèbvre, Christian Marin) à la remorque d'un insupportable garnement qui réussit quand même à être terriblement attachant avec son obsession de feux de Bengale!

Dans une narration totalement linéaire et très rigoureuse, Robert nous conte donc les allers et retours des uns (le grand fils à vélo, puis le père en train) pour aller récupérer le petit qui s'est perdu, mais pas pour tout le monde: il va mettre joyeusement le souk dans une gare tout en provoquant une amitié inattendue entre un chef de gare et un inspecteur arrivé par hasard... Et les gags s'enchaînent sur un rythme soutenu, dans le style qui a fait la gloire de l'auteur de Ni vu ni connu, et de La guerre des boutons. Si on retrouve la même tendresse parfois vacharde de ce dernier film, ici le ton est plus à la gentille satire de moeurs, dans un univers qui est très proche de celui du Petit Nicolas, donc c'est à savourer. 

Et Robert ne peut s'en empêcher, il cite ici un gag de Buster Keaton, la preuve que décidément c'est un homme de goût...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yves Robert
16 décembre 2020 3 16 /12 /décembre /2020 13:14

Ecrit, dessiné et publié entre 1889 et 1893, La Famille Fenouillard de Christophe (George Colomb) est l'une des oeuvres graphiques fondamentales qui mèneront à la bande dessinée... C'est aussi un univers proche du cinéa des origines, et ça ne pouvait qu'attirer l'attention d'Yves Robert, passionné de cinéma et en particulier du cinéma muet burlesque. C'est donc, à travers une adaptation de l'oeuvre initiale, à un hommage aux premiers temps du septième art que nous convie le metteur en scène pour son quatrième long métrage...

A St-Rémy sur Deule, une petite bourgade Française, vit la Famille Fenouillard, soit Léocadie Fenouillard (Sophie Desmarets), ses filles Arthémise et Cunégonde, et surtout Agénor Fenouillard (Jean Richard), bonnetier comme tous ses ancêtres. Un brave français, vantard autant que couard, curieux de tout mais connaisseur de rien, vantard et vide de sens... Ce qui ne l'empêche pas de souhaiter briguer la mairie: pas facile pour celui qui n'a jamais quitté les limites de sa commune: il décide donc de partir pour la grande aventure avec sa famille: ils vont se rendre à Paris pour voir la Tour Eiffel...

Ils ne verront jamais ni Paris, ni la Tour Eiffel, car les Fenouillard vont se tromper de destination, et se retrouveront au Hâvre, puis sur un bateau, puis sur la côte Brésilienne, puis au Pole Nord, puis au Japon, et j'en passe...

Yves Robert a décidé de faire trancher son film totalement sur les autres oeuvres déjà réalisées: il a donc imaginé de tourner en studio, devant des toiles peintes (à la façon de Méliès, c'est à dire que ça se voit) en reproduisant autant que possible la composition spécifique des bandes de Christophe, ce qui lui permet d'afficher un style graphique très proche de tout le cinéma de la fin du XIXe et du début du XXe siècle... Car Robert est pour sa part un connaisseur et il prouve ici qu'il a vu les films de Méliès, donc, mais aussi de Edwin Porter (on reconnaît une citation de The gay shoe clerk), et il fait assumer à son film une identité visuelle d'abord, laissant parfois le dialogue fournir les gags, mais en utilisant la bande-son aussi souvent que possible pour des bruits ambiants plus que du sens...

Il s'inspire de formes éculées du cinéma des années 1900 (le split-screen), tout en utilisant les figures géométriques des "fenêtres" présentes dans les cases de Christophe; et il fait aussi du hors sujet: il va même jusqu'à citer la fameuse séquence des tartes à la crème de Laurel et Hardy, tirée de The battle of the century, de Clyde Bruckman; il en cite non seulement l'argument (déluge de fromages blancs, ici, en lieu et place de tartes à la crème), mais aussi la progression (de plus en plus de fromages qui volent, et dans tous les sens), et enfin il va jusqu'à en citer les plans les plus emblématiques: une prouesse, mais un peu visible quand même... Mais sinon, Robert utilise parfois avec bonheur les ressources du cinéma pour créer une véritable comédie visuelle personnelle: un ballet de chapeau, par exemple, dans lequel il se fait plaisir. 

Le défaut est que, même à 1h et 20 minutes de film, c'est encore un peu trop long, car le cinéaste a été, sans doute, un peu trop fidèle à son modèle principal. Et s'il y a des audaces, des vraies, elles sont un peu noyées dans une tendance à toujours revenir à la bande dessinée, qu'elle soit drôle ou pas, que le rythme fonctionne ou qu'il devienne répétitif... Ainsi le film, pour résumer, est-il trop sage d'avoir voulu être trop respectueux de l'oeuvre adaptée!

Il n'empêche, adapter comme l'a fait Yves Robert une oeuvre aussi distinctive que La famille Fenouillard pour le cinéma, sans tomber dans la normalisation d'un cinéma burlesque français qui l'aurait rendu vulgaire, il fallait l'oser...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yves Robert
16 décembre 2020 3 16 /12 /décembre /2020 13:02

C'est le troisième film d'Yves Robert, une co-production Franco-Italienne qui a probablement pour vocation d'être un gros succès, et on y adapte les romans de Maurice Leblanc... Du moins du bout des lèvres, car ce Signé Arsène Lupin n'est pas adapté directement d'un roman. Le scénario est de Jean-Paul Rappeneau, et on est déjà bien plus dans son univers personnel (aventures, intrigue bien construite, équilibre entre comédie et péripéties) que dans celui de Robert. J'imagine que ce dernier souhaitait montrer son savoir-faire dans un film moins personnel...

Arsène Lupin (Robert Lamoureux) a participé à la grande guerre sous le pseudonyme d'André Laroche. Sur la sollicitation de La Ballue (Yves Robert), un ancien complice, il va sortir de l'hôpital où il se repose, d'autant que ça ui permet de retrouver la belle Aurelia (Alida Valli). Mais l'affaire que lui propose La Ballue sera surtout un piège, pour sortir duquel il lui faudra s'associer avec l'un de ses ennemis, le journaliste Isidore Beautrelet... 

Le titre en dit déjà long: car Lupin est victime d'un imposteur, signe que la vieillesse est déjà là! En fait, le film tourne autour du fantôme d'Arsène Lupin plus qu'autour du personnage, une évidence quand on sait que Maurice Leblanc a toujours tout fait pour éloigner le point de vue de ses récits de la personnalité par essence insaisissable du gentleman cambrioleur... Un pari impossible, donc, ce qui explique la mollesse du film. 

Mais surtout le film souffre d'être d'une tiédeur embarrassante, et doté d'un acter principal qui n'est pas bon, on voit toujours Lamoureux derrière Lupin, et c'est quand même bien embêtant... Yves Robert a sans doute voulu rappeler, et démontré, qu'il était un metteur en scène capable, mais que c'est ennuyeux...

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yves Robert
14 décembre 2020 1 14 /12 /décembre /2020 18:19

Son premier film de long métrage (Les hommes ne pensent qu’à ça) lui a laissé une impression d’inachevé, et d’ailleurs Yves Robert s’est empressé de l’oublier: ce n’est pas cela qu’il voulait faire, un film burlesque certes, mais pas aussi désordonné, bref un film drôle, voire irrévérencieux, mais qui dépasse l’accumulation d’anecdotes pour se concentrer sur une intrigue et des personnages… Avec ce film qui adapte le roman L’affaire Blaireau d’Alphonse Allais, c’est mission accomplie:

Montpaillard, une petite bourgade située sur un coteau, est une sorte de petite ville française modèle, avec ses bâtiments anciens bien conservés, sa campagne environnante et ses notables: le maire (Frédéric Duvallès), partisan de l’ordre, fier d’annoncer que Montpaillard est «le village le plus calme de France»; son opposition, l’avocat et patron de presse Maître Guilloche (Jean-Marie Amato), qui lui trouve que ça roupille un peu trop, et puis les notables (du juge au viticulteur), ses habitants, dont un professeur de piano (Claude Rich) éperdument épris de son élève (Noëlle Adam)… Et bien sûr son garde-champêtre, Parju (Moustache), qui a bien peu à faire… Quoique…

Qui dit garde-champêtre, dit nécessairement braconnier, et c’est là que nous rencontrons le personnage principal du film, celui qui est le centre de tout, de l’intrigue d’abord, et même par moments de la sous-intrigue, le sujet principal de toutes les conversations, et la raison d’être de tout ce qui se déroule dans le film: Blaireau (Louis de Funès) et son chien «Fous-le-camp», ennemi juré de Parju, et seul malfaiteur identifié de la commune, qu’il fournit durant les périodes de fermeture de la chasse et de la pêche, en gibier ou en poisson… Et se joue en permanence de la loi, à travers la personne du garde-champêtre.

C’est ça qui manquait au metteur en scène dans son premier film, une galerie de personnages et une motivation qui aillent au-delà de la simple galère de séduction. Avec Blaireau et les efforts des braves gens pour le contrer, on a une situation durable sur laquelle bâtir un film, ses gags, ses séquences souvent muettes, sa poésie… Et sa sous-intrigue, car la fille du viticulteur souhaite trouver pour son avenir, plutôt qu’un beau parti, un homme un vrai: elle se plaint qu’à Montpaillard, il n’y ait pour la citer, que des «nouilles». Et justement, le jeune homme qui l’aime, son professeur de piano, il se pose un peu là, comme denrée féculente à cuisson souple… Ce qui va la pousser à s’intéresser à Blaireau, seul homme un tant soit peu différent des autres dans le village.

Avec de Funès, Robert sait qu’il joue sur du velours, le comique instinctif de l’acteur lui permettant de tout tabler sur le visuel d’abord, et il n’a décidément pas son pareil pour composer un personnage avec le corps, puis la voix et les yeux, et enfin s’il en reste, avec des mots. Il trône dans le film, et on peut raisonnablement penser qu’avec son chien auquel il passe son temps à dire «Fous-le camp, viens ici!» il atteint sans grand effort une position mythique… Mais le film, comédie à la française oblige, se construit aussi sur une certaine forme de satire sociale dans laquelle le conseil municipal et ses notables, mais aussi les édiles de tout genre (le directeur de la prison modèle est un personnage réjouissant joué sur le fil entre satire et absurde par Pierre Mondy), enfin l’autorité, quoi, en prennent pour leur grade, dans une tradition qui renvoie explicitement (voir le générique pour s’en convaincre) à Guignol…

Bref, c’est réussi, et c’est un classique: Yves Robert avait réussi son pari de réaliser une vraie comédie burlesque à la française, sans jamais tomber dans la franchouillardise.

 

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Published by François Massarelli - dans Yves Robert Comédie
7 décembre 2020 1 07 /12 /décembre /2020 16:54

Une collection de sketches autour d'un comédien: Yves Robert nous montre donc les mille et une façons de chercher du travail quand on s'appelle Fernand Raynaud...

Pour bien apprécier ce film, je pense qu'il est indispensable d'apprécier Fernand Raynaud, et son comique versatile, souvent visuel, parfois verbal. Le personnage est, en ce qui me concerne, assez irritant, au sens où il me semble impossible de lui trouver la moindre qualité... Une vision de la comédie burlesque dans laquelle au lieu d'être un être lunaire (Langdon, Laurel) ou marginal (Chaplin, Keaton), le comédien joue les pires travers de l'être humain à son plus bête... Et comme il s'agit d'un Français, on n'est pas sorti de l'auberge.

C'est sans doute cette somme de petits travers, et certainement le fond de commerce particulier du comédien qui ont intéressé Robert, à la recherche d'un burlesque typiquement français. Il fera mieux, beaucoup mieux que ces 24 minutes...

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Published by François Massarelli - dans Yves Robert Comédie