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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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28 juillet 2018 6 28 /07 /juillet /2018 18:46

Seules trois bobines sur cinq ont survécu de ce film, et encore: pas dans un très bon état. Mais si l'histoire en est morcelée (il en manque en particulier le début, et sans exposition le travail du film sur le spectateur s'en trouve amoindri), il se comprend aisément et se suit sans problème grâce à la reconstitution des fragments manquants par Jon Mirsalis, spécialiste imbattable de Lon Chaney.

Le personnage principal en est une femme, interprétée par Dorothy Phillips: épouse et mère de famille, elle s'émeut de ce que son mari (Frank Wilson) comme son fils (Jack Nelson) puisse un jour déserter le foyer pour répondre à l'appel du drapeau. Et lorsque l'occasion se présente, comme Margaret ne parvient pas à empêcher son mari de partir, elle songe à utiliser un moyen radical pour retenir son fils: son frère, e Dr Ardath (Lon Chaney) a en effet mis au point un produit qui agit sur le coeur, simulant une crise cardiaque: elle décide d'en donner à son fils à son insu, afin de la garder près d'elle...

Comme les autres films de De Grasse que j'ai pu voir, celui-ci est impeccablement mis en scène, profondément mélodramatique et hautement improbable. Mais surtout on y décèle la tendance ambigue du Hollywood des années 10 autour de la première guerre mondiale: partir en Europe? Ne pas partir? Et pourquoi faire? Qu'adviendra-t-il des soldats qui partiront? Ménageant tout le monde, le film apporte plusieurs réponses, et se vautre dans une fin pacifiste qui n'est pas du meilleur goût. Quant à Chaney, il est, drapé dans sa dignité de médecin, l'instrument du destin... Jusqu'à un certain point.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1916 Lon Chaney Film perdu ** Joseph de Grasse
2 juillet 2018 1 02 /07 /juillet /2018 17:40

Nous suivons la vie de Sally Pinkus (Ernst Lubitsch), depuis son renvoi du lycée, jusqu'à son ascension fulgurante dans le monde de la vente de chaussures pour dames. Aidé par ces dernières, par son culot aussi, il va créer l'imposante enseigne qui porte son nom...


Cette comédie en cinq bobines est l'un des premiers films importants de Lubitsch. Sous la farce évidente et appuyée, on trouve une tendance déjà affirmée à faire peser chaque geste, chaque placement maniaque d'appareil... Et des éléments qui se retrouveront dans The shop around the corner sont ici clairement expérimentés, notamment la façon dont un employé peut s'élever pour peu qu'il manque de scrupules, sans pour autant faire de mal à qui que ce soit. Un juste milieu de la débrouille pour grimper les échelons sociaux, quoi. La comédie y est moins germanique (Donc, plus subtile, hein) que dans ses autres farces contemporaines.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1916 Ernst Lubitsch **
2 juillet 2018 1 02 /07 /juillet /2018 17:31

Les films tournés en Allemagne par Ernst Lubitsch entre 1915 et 1922 sont à bien des égards un « tour de chauffe » pour la prestigieuse carrière du metteur en scène aux Etats-Unis. S’ils préfigurent un grand nombre de traits communs à ses films Américains (Un goût assumé pour l’utilisation du vaudeville, une ordonnance maniaque pour la mise en scène et une tendance à la coquinerie), les genres identifiés sont loin de ces comédies douces-amères et de ces films fripons qui feront le sel de son cinéma. 

On distingue des comédies burlesques avec des personnages inspirés de l’univers Juif et Berlinois dans lequel le metteur en scène évoluait, des comédies grotesques, des comédies « montagnardes » (Dont on retrouvera le pendant « dramatique » dans le film de 1928, Eternal love), et quelques films dramatiques ou d’aventure, à très gros budget. Ces derniers n’auront finalement aucune réelle descendance lors de son passage à Hollywood…

Le plus ancien de ces films qui aient été conservés, sous le titre intrigant de Quand j'étais mort, est une comédie de la première catégorie évoquée. Il en reste trois bobines, dont les deux premières ont des sautes de continuité : Dans ce film, Lubitsch joue un homme qui feint d'être mort, pour mieux revenir chez lui, auprès de sa femme que sa belle-mère a monté contre lui. Bien sûr, on est un peu dans la kolossale rigolade, avec une intrigue totalement invraisemblable, mais cette histoire de dissimulation, de déguisement dans un cadre boulevardier est malgré tout annonciatrice de biens des films futurs. A commencer par le choix de Lubitsch de ne tourner qu'en intérieurs, afin de faire des maisons bourgeoises et des salons fréquentés par ses personnages, le cadre réel de son univers. Comme on le sait, c'est une tendance qu'il gardera longtemps...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1916 Ernst Lubitsch **
12 mai 2018 6 12 /05 /mai /2018 18:48

Ce film de cinq bobines produit par la société Triangle est le cinquième de Douglas Fairbanks, son deuxième avec son complice préféré Allan Dwan, sa première contribution à l'écriture d'un film, et son premier western! Ca fait beaucoup pour un seul film, mais The Good Bad Man est suffisamment solide et pétri de qualités pour soutenir le choc... 

Sous le nom de "Passin' through" ("je ne fais que passer"), un bandit mystérieux (Douglas Fairbanks) irrite considérablement les braves gens et la loi des contés de l'ouest: en effet, il ne se comporte même pas comme un bandit: il vole un peu aux braves gens pour redistribuer aux enfants de père inconnu. Et systématiquement, il se contente de très peu, avant de faire des espiègleries. Le hors-la-loi trouve refuge auprès d'une bande de malfrats, sous les ordres de The Wolf" (Sam De Grasse), un monte-en-l'air autrement plus dangereux que notre héros. Il trouve aussi en la jolie Amy (Bessie Love) une cause à défendre, mais doit d'abord régler son problème principal: tuer le mystérieux Bud Frazer, qui a supprimé son père...

Bon, je ne révélerai pas l'identité cachée de Frazer, ce serait mal... D'autant que quiconque a l'habitude des mélodrames du temps du muet l'a déjà facilement trouvée! Ce film est un exemple de ce que faisaient Dwan et Fairbanks ensemble: du cinéma solide, riche en péripéties, mais aussi en liberté absolue, dans des décors fabuleux. Le héros est un personnage typique de Fairbanks: faussement enjoué, hanté par une quête, qui plus est liée à sa propre condition de garçon ayant grandi sans père, comme Douglas Fairbanks lui-même. Ce petit western qui a eu un énorme succès a décidé Douglas a récidiver, et à souvent revenir à la même formule, avec bonheur...

Tout ça est déjà fort intéressant, mais j'ai gardé le meilleur pour la fin: c'est aussi la première fois (Sur trois films en tout) que Fairbanks joue en compagnie de miss Bessie Love, et c'est vraiment la cerise sur le gâteau...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Western Allan Dwan 1916 Douglas Fairbanks **
16 février 2018 5 16 /02 /février /2018 13:05

Avec ce film, l'une des ses premières oeuvres maîtresses, Lois Weber s'éloigne de la convention mélodramatique, fut-elle évangélique, polémique et militante (Hypocrites), et des grosses machines obligées et convenues (une adaptation du Marchand de Venise, qui est par ailleurs au rang des films perdus de la réalisatrice), pour donner à voir une exploration de l'étude de moeurs sociales, doublée d'une réflexion féministe, à travers le point de vue d'une jeune femme interprétée avec brio par la comédienne Mary McLaren.

Celle-ci est donc une jeune vendeuse dans un magasin, pour laquelle les fins de mois sont difficiles: elle est la seule à travailler à la maison, puisque son père doit se faire prier pour sortir; la mère essaie bien de faire des économies, mais rien n'y fait, et les deux jeunes soeurs sont des fripouilles, pas encore en âge de penser à être économes. Celle sur laquelle cette situation de relative misère pèse le plus est l'héroïne, dont les chaussures, comme une sorte de signe extérieur de sa détresse, sont tellement élimées qu'il est évident qu'une nouvelle paire s'impose.

Mais ça coûte cher. Très cher...

Exit le symbolisme un peu lourdingue de Hypocrites, place à l'observation sociale. Weber place Mary McLaren au milieu de la vie, et tourne avec une grande efficacité son film dans des décors quotidiens et convaincants. Elle évite les pièges didactiques: ni militantisme social misérabiliste, ni leçon forcée et conservatrice. Si le père nous apparaît un peu comme le "méchant" dans l'intrigue, c'est parce que du point de vue de la jeune femme c'est son immobilisme qui est la principale source de maux. mais il n'est pas diabolisé pour autant. De même que la figure du gandin aperçu dans quelques scènes, qui sera l'ultime recours à la fin du film: un bellâtre qui a bien l'intention de séduire la jeune femme et grâce auquel elle pourra enfin se payer une paire de chaussures neuves. Et la vie pourra continuer...

Mais en attendant, Lois Weber peaufine son style fait d'une grande clarté narrative, jamais trop dépendante du texte, toujours des acteurs et du cadre. Elle se repose beaucoup sur le visage de Mary McLaren, qu'elle nous montre dans un miroir brisé dans une image célèbre de la publicité pour ce film: la jeune femme vient de prendre sa décision, qui est de se laisser séduire, de littéralement vendre son corps pour des chaussures, comme nous a prévenu un intertitre en exergue du film. Et dans le miroir qui la coupe en deux, son regard est arrivé au delà du désespoir. Lois Weber, par sa science du point de vue, son refus de la simplicité, son envie d'explorer avec génie les petits moments apparemment si insignifiants, mais si significatifs, renouvelait le mélodrame et le drame social, et Shoes est un chef d'oeuvre qui en annonce d'autres, The blot pour commencer, qui ira encore plus loin...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Lois Weber 1916 **
15 février 2018 4 15 /02 /février /2018 07:39

Ce film est incomplet: on ne va pas revenir sur la tragédie récurrente dans les années 30, qui a consisté à laisser pourrir les films, à ignorer leur destin aussi, à partir du moment où leur vie commerciale était finie, ou même plus simplement parce qu'ils étaient muets... Mais dans ce cas c'est d'autant plus embêtant qu'on manque de renseignements sur le film, et comme il manque la deuxième moitié, il ne nous reste qu'à nous perdre en conjectures sur le sens de l'oeuvre.

Parce qu'en plus, ce long métrage de la réalisatrice de Hypocrites et Shoes est particulièrement original, contenant une mise en abyme inattendue, en forme de clin d'oeil appuyé: les personnages qui au départ ne sont pas nécessairement liés entre eux, sont tous unis par le fait qu'ils se rendent au cinéma, voir un film dont on nous présente des extraits choisis: un mélodrame social intitulé "Life's mirror", réalisé par Lois Weber! Elle y utilise un casting qui est proche de celui de Shoes, et le type d'intrigue chorale qu'on retrouve justement dans Idle wives, avec la réunion d'un certain nombre de destins...

Des "types" de personnes nous sont présentés: un couple qui est arrivé au point de non-retour dans la déchirure de sa relation (On reconnaît d'ailleurs l'intrigant visage de Maude George, qui 6 années plus tard illuminera de vitriol le film Foolish Wives d'Erich Von Stroheim); une famille pauvre qui se déchire, notamment au sujet du destin de l'une des filles qui souhaite être indépendante mais qui doit se dévouer à sa famille; une jeune femme qui est tentée par la séduction d'un inconnu, un moins que rien. Devant le film, certains de ces spectateurs se retrouvent devant des situations qu'ils connaissent, ou qu'ils redoutent: ce sont leurs vies qui sont mises en abyme...

Tout fait que quand on arrive à la 29e minute et que le film s'arrête faute de bobines supplémentaires, la frustration est immense... Mais les qualités de cette production, ainsi soyons justes qu'un certain défaut de clarté, apparaissent au moins de manière suffisamment évidente pour qu'on n'ait aucun doute sur son importance.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Lois Weber 1916 **
17 décembre 2017 7 17 /12 /décembre /2017 14:13

Lo Dorman est un métis, comme le titre l'indique ("half-breed") et le film, tourné pourtant la même année que Manhattan madness, His picture in the papers, The mystery of the leaping fish ou d'autres comédies avec Douglas Fairbanks, est un western dramatique, pas éloigné du ton de certains films de William S. Hart avec ses figures de marginaux, rejetés par "les braves gens"... 

Le personnage interprété par Fairbanks est donc le fils d'une indienne Cherokee, qu'elle a eu avec un mystérieux homme blanc, qui a bien sûr abusé d'elle (Il l'a "trahie", comme on disait à l'époque). Cet homme, nous aurons le privilège de le connaître, mais Lo Dorman (Ou Sleeping Water, l'anglicisation du nom Français donné au petit, L'eau Dormante), lui, n'en saura rien. Il vit dans les bois, élevé "comme un homme blanc" par un ermite selon le désir de sa mère qui s'est suicidée après avoir confié son fils. Mais il va surtout grandir au milieu des séquoias, dans la forêt, bien à l'écart de la petite communauté tranquille. Et dès le départ, Dwan se fait lyrique en opposant la nature, merveilleuse, et la ville à travers son lieu le plus emblématique: le saloon... On y joue, on y boit, et la présence de nombreuses femmes assises là, ne laisse aucun doute.

Pourtant, dans cette ville, le pasteur Wynn (Frank Brownlee) s'est installé, bien déterminé à faire revenir les brebis égarées dans le droit chemin. Il nous serait presque sympathique, d'autant q'il prend le taureau par les cornes en allant chercher les pêcheurs là où ils sont. Et s'avisant pendant un service de la présence de Lo Dorman à l'écart, il l'invite à rejoindre la congrégation... Mais il sera aussi le premier à s'offusquer lorsque le métis osera s'afficher aux côtés de Nellie Wynn (Jewel Carmen), la propre fille du pasteur.

Dwan a réservé à Jewel Carmen une impressionnante arrivée de star, bien qu'elle n'est pas vraiment la principale actrice du film: on la voit arriver en gros plan, d'abord sur ses chaussures, puis sur sa robe de Belle du Sud, et enfin sur sa coiffe, avant qu'elle ne relève la tête. Mais cette entrée en matière n'est là que pour annoncer la vanité, voire la suffisance du personnage de péronnelle qui n'aime rien tant que jouer avec ses prétendants... Et avec le feu. Lo Dorman se met au ban de la société parce que lui, le métis, a cru pouvoir développer une amitié avec la belle jeune femme. Et on ne lui pardonne pas d'oser vouloir "sortir de sa race". 

Le film n'est pourtant pas qu'un plaidoyer contre le racisme, on est en 1916, et ça ne se fait pas encore. Lo Dorman trouvera une autre âme soeur, en la présence d'une autre femme, Teresa (Alma Reubens) elle aussi de sang-mêlé, Anglo-Mexicaine cette fois, qui d'ailleurs est impulsive, et plus aventureuse que ne le sera jamais la fille à papa citée plus haut. Quand elle rencontre Lo Dorman, elle est en fuite après avoir poignardé un homme qui l'avait trahie. Mais là où Dwan réussit, c'est dans le fait de nous montrer la division sociale de la petite communauté qui tente d'établir des règles Victoriennes de bonne conduite, tout en pratiquant un ostracisme flagrant, et en confiant par-dessus le marché le bon fonctionnement de la loi à Dunn (Sam De Grasse), un salaud qui a violé une femme.

Oui, c'est le père...

Alors, entre l'hypocrisie de la petite ville en devenir, et la beauté majestueuse des séquoias, comment s'étonner que Lo Dorman, Douglas Fairbanks, ait choisi de rester un homme des bois? Il se condamne à rester à l'écart, flanqué d'une femme qui l'aime sans doute parce qu'elle est bien obligée de se contenter de lui. Le film est très amer, et passe facilement, du début à la fin, du lyrisme naïf associé à Fairbanks (Doux comme un agneau, et aussi dénué de mauvais sentiment qu'un enfant qui vient de naître, il fallait un Douglas pour qu'on puisse y croire!), à l'hypocrisie et au cynisme.

Ce film dur, essentiel dans la longue liste des oeuvres de l'acteur (et qui porte en lui des thèmes très personnels, et qui reviendront souvent, autour de la notion d'illégitimité), est un des produits de la pêche miraculeuse de Dawson City, dans les années 70, lorsqu'on a retrouvé un certain nombre de films muets perdus, conservés dans les glaces de cette farouche cité du nord canadien. Deux bobines 35 mm ont été retrouvées, auxquelles on a pu ajouter divers matériaux conservés un peu partout, et qui aujourd'hui nous permettent de posséder un film très important, aussi bien pour Fairbanks que pour le metteur en scène: Dwan, on le sait, s'impliquait beaucoup dans ses films, et cette préfiguration de nombreux de ses westerns le prouve de manière éclatante.

Et pourtant, il sera un flop sans appel, qui va décider l'acteur à ne jamais ou presque sortir de sa formule (Telle qu'il l'avait peaufinée avec The good bad man, quelques mois avant ce film) qu'il adaptera ensuite à ses intrigues, puis à ses héros.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Allan Dwan 1916 Western Douglas Fairbanks **
7 juillet 2017 5 07 /07 /juillet /2017 18:05

Dans les quelques films qu'on a conservés de l'oeuvre de Bauer (environ un quart de l'ensemble), il se produit une fracture nette, entre les oeuvres si totalement russes, qui vont de 1913 à 1916, et ses derniers films, dont Vers le bonheur, Le révolutionnaire, ou le roi de Paris. Cette fracture est d'ailleurs parfaitement incarnée par ce film, dans lequel le metteur en scène confronte une fois de plus un personnage fragile à l'image de la mort, mais cette fois, il se lâche et en profite pour charger avec une ironie cinglante un personnage de "passeur", un artiste une fois de plus, qui est justement celui qui est obsédé par l'au-delà... Du coup, le film franchement baroque tranche sur les deux précédents, qui eux restaient à une certaine distance...

Un séducteur (Vitold Polonski) rencontre une jeune femme d'une grande beauté (Vera Karalli), mais qui est muette. Ils deviennent amants, mais le jeune homme tend à abrutir la jeune femme de fadaises, et lassé de ce manque de répondant, il la remplace sans autre forme de procès... Gizella, meurtrie, cherche à oublier, et décide de le faire par la danse, sa passion. Elle devient une vedette, avec en particulier une interprétation de la Mort du cygne du ballet de Tchaikovsky... C'est lors d'un de ses galas qu'un artiste obsédé par la mort (Andreï Gromov) la voit: il est à la recherche de la plus parfaite expression de la beauté de la mort, et il est persuadé de l'avoir trouvée. Il invite Gizella à poser pour lui... Ce qu'elle accepte.

Mais elle a des angoisses, liées à ce qu'elle a vu dans l'atelier du peintre: une présence surnaturelle et envahissante de la mort., ce qui provoque des cauchemars... Dont elle se sort sans trop de problèmes avec une nouvelle rencontre avec son séducteur, qui ne l'a en fait jamais oubliée, et lui demande sa main. C'est donc une Gizella radieuse qui se rend au rendez-vous chez le peintre halluciné, dans le but de se laisser peindre en cygne mourant. Je vous laisse deviner la suite.

Bauer fait tout pour séparer, différencier ses deux protagonistes principaux: la beauté fragile de Vera Karalli, qui non seulement est une excellente actrice, mais en plus danse pour de vrai, est mise en scène avec lyrisme, et une certaine retenue aussi. L'idée d'en faire une muette fonctionne à merveille, donnant à tout excès d'expressivité une justification parfaite... Mais le peintre, avec sa perruque et sa barbe à la Raspoutine, tient de la parodie pure et simple! Et son atelier est du plus haut ridicule. Le metteur en scène en avait-il soupé de "l'âme Russe"? Ses films suivants tendraient à le prouver. Mais ce qui aurait pu gâcher le film joue malgré tout en sa faveur, car le contraste entre les deux permet à Bauer de nous éblouir dans une séquence de cauchemar très élaborée, qui combine l'art consommé du réalisateur pour le placement des personnages dans le décor, l'utilisation de lumières, le cadrage et la caméra mobile. Et Karalli confirme qu'elle n'était pas qu'une note en bas de page (En particulier dans l'histoire compliquée de Raspoutine, mais je vous laisse chercher), mais bien une actrice de tout premier ordre.

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Published by François Massarelli - dans Muet Yevgueny Bauer 1916 *
1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 16:29

On a retrouvé le cadavre d'un homme, le docteur Monro, à son domicile. Trois témoins sont appelés à éclaircir les circonstances de sa mort: une femme de chambre, celle qui a découvert le corps; et deux ingénieurs... dont le hasard a voulu qu'ils soient des sosies. C'est à cause de cela que l'un d'entre eux a été mêlé à la mort d docteur, bien malgré lui...

Sjöström expérimente avec ce film dont il ne reste aujourd'hui que trente minutes à peu près, et c'est bien regrettable: on ne comprend pas grand chose de cette intrigue alambiquée, et qui ne justifie pas vraiment de la nécessité pour le metteur en scène d'interpréter un double rôle... au-delà de la possibilité technique de s'amuser un peu à mettre deux Sjöström dans le plan! Donc je pense que c'est l'une des deux choses que le réalisateur s'est plus à explorer avec ce petit film. La noirceur propre à Sjöström a tendance à laisser la place ici à une sorte de puzzle extravagant, dans lequel le sinistre et l'étrange ressortent plus de la politesse du genre, que de la propension du metteur en scène pour le tragique! Et il se plait, en plus de la double exposition de la pellicule qui lui permet de se dédoubler, à situer tout son film dans la pénombre, ce qui lui donne un aspect cauchemardesque. Un savoir-faire dont le réalisateur se souviendra lorsqu'il tournera La Charrette Fantôme.

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Published by François Massarelli - dans Muet Noir Victor Sjöström 1916
13 avril 2017 4 13 /04 /avril /2017 09:07

Plutôt oublié aujourd'hui, ce film est, dans le sillage d'Intolerance, l'une des nombreuses tentatives de participer au grand débat qui agite l'Amérique après le torpillage du Lusitania (7 mai 1915). ce grand débat, rappelons-le, s'est soldé par une campagne présidentielle menée par Woodrow Wilson, président démocrate sortant, qui a ouvertement fait campagne sur l'idée d'une non-intervention en Europe... avant de rétro-pédaler une fois élu président, avec les conséquences que nous savons. Parmi les cinéastes, si Cecil B. DeMille se distingue avec un message pro-intervention, à peine voilé, dans Joan the woman où il lie de façon osée l'histoire de Jeanne d'Arc avec la nécessité contemporaine de sauver l'Europe du chaos, l'opinion générale est plutôt isolationniste; Griffith a tourné son faramineux et dispendieux film Intolerance justement pour condamner la guerre et s'en prendre à ses causes, et c'est exactement ce que cherche à faire Ince avec son film, certes spectaculaire, mais d'une envergure quand même bien différente.

A Wredpryd, un pays monarchique et chrétien qui n'existe pas, la guerre menace. Le comte Ferdinand (Howard C. Hickman) a inventé un sous-marin révolutionnaire. Mais durant le conflit, son état-major galvanisé lui ordonne de couler un bateau dont les passagers sont des civils. L'ordre venu du roi lui-même est on ne peut plus clair: laissez de côté tout sentiment... Le comte refuse, et en lieu et place du paquebot "Propatria", il va s'évertuer à couler le sous-marin, entraînant la mort de tout l'équipage. Il est secouru, entre la vie et la mort, mais tandis qu'on le transporte, son âme arrivée presque à destination, reçoit la visite peu banale du Christ, qui décide de retourner sur terre dans l'enveloppe corporelle du comte afin de rétablir l'ordre.

Oui, vous avez bien lu.

Bon, on ne va pas y aller par quatre chemins, le film est ouvertement Chrétien, il part du principe que l'humanité la plus noble ne peut que faire partie de la masse bêlante des croyants, et on ne va pas s'en offusquer plus longtemps, sinon il nous faudrait jeter toute l'oeuvre de Chaplin, qui a si souvent utilisé la religion comme un exemple de voie à suivre (Easy street, The great dictator) même si c'était par convention, il faudrait également se débarrasser des films, profondément Catholiques, de John Ford, dont certes le message universel est beaucoup plus assimilable par les non-croyants que ce film peut l'être... Mais si le film de Ince possède ce défaut, et d'autres (Pour commencer, on notera qu'il n'y a pas un noir à l'horizon. C'est une allégorie, et je soupçonne Ince d'y avoir représenté SON monde idéal, donc on ne s'étonnera hélas pas de leur absence, pas plus que de celle des juifs, bien sur), il a au moins l'avantage de prendre une route radicalement différente de celle de Griffith...

Le pays ou se situe l'action est une monarchie, plutôt européenne, et les femmes y portent des foulards sur la tête à la mode Européenne justement; les militaires y portent quant à eux casques à pointe, et le bateau qu'ils s'apprêtent à couler est le Propatria: ces va-t-en-guerre, dans ce film au message universel, sont quand même bien marqués, non? Certes, le film prêche la paix universelle, mais il le fait en ciblant les affreux Teutons, ce qui ne mange pas de pain. Ince a peut-être des convictions, mais il les partage en homme prudent, qui sait qu'il ne fait jamais insulter l'avenir, en cas de renversement de l'opinion. Si on compare, Griffith de son côté, a carrément fait suivre son appel à la paix universelle par l'un des films les plus belliqueux et patriotiques de sa carrière, Hearts of the world!

Mais Civilization, en dépit de son unicité, de son caractère de curiosité spectaculaire, peine à être autre chose, justement, qu'une curiosité. Le chaos représenté par les batailles spectaculaires du début, dans lesquelles on se refuse à identifier les soldats d'un camp ou de l'autre, est certes motivé par une noble cause, mais peine justement à fédérer le spectateur. Et ce chaos trahit aussi ce qui est l'ADN même de l'oeuvre, tournée à la façon habituelle par le producteur Thomas Ince: il a signé son film, mais il l'attribue lui-même à deux autres réalisateurs, Raymond West et Reginald Barker (L'un de ses homes de confiance, auquel on doit entre autres le drame de la guerre civile The Coward, la chronique de l'immigration The Italian, et le western avec William Hart au titre qui me fait toujours froid dans le dos, The Aryan). Et c'est la grande faiblesse d'un film, d'avoir été accompli par un studio, assenblé à partir du travail de plusieurs équipes, de plusieurs sensibilités, toute au service d'une idéologie mal fagotée... Pour couronner le tout, le caméraman Irvin Willat révélait à Kevin Brownlow avoir fait ses premières armes de réalisateur sur ce film en effectuant à la demande de Ince des retakes sur les scènes de bataille! Et le film, par son ethnocentrisme chrétien à courte vue, devait déjà être bien embarrassant à sa sortie: il est trop ciblé, et franchement, de très mauvais goût, y compris pour les croyants! Qu'on en juge en le comparant avec l'exceptionnelle réussite d'un autre film très chrétien, le superbe Ben Hur de Fred Niblo: le Christ y est là aussi employé comme protagoniste, mais on ne le voit jamais... 

Civilization fait partie de l'histoire du XXe siècle, de ses idéologies et de ses contradictions. A ce titre, le film a été élu parmi les listes des films à préserver en priorité par l'American Film Institute. C'est bien joli, mais ce devrait être le cas pour TOUS les films quels qu'ils soient! ET ça devrait garantir qu'on puisse le voir dans des conditions décentes, ce qui est loin d'être le cas. Au moins peut-on en voir une version complète sur Youtube. 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1916 Thomas Ince Première guerre mondiale