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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 17:16

Tourné après l'échec commercial de A woman of Paris, ce nouveau film aurait pu n'être qu'un film par dépit, dans lequel pour satisfaire le public Chaplin revenait à son personnage, et pourtant il n'en est rien; c'est un film majeur, un paradoxe aussi; rarement revu autrement que dans une version massacrée, il a acquis un statut de chef d'oeuvre, d'ailleurs pleinement mérité. Il va de soi qu'il ne sera pas question ici de cette affreuse version de 1942 dans laquelle Chaplin transformait les images en une illustration pour son monologue, mais que cette critique est entièrement basée sur la version d'origine, telle qu'elle a été restaurée et éditée en supplément d'un DVD MK2 en 2003, puis en Blu-ray sur un magnifique Criterion en ce printemps 2012. Il faut noter que dans cette dernière parution, tous les participants insistent: la version de 1942, disent-ils, est le chef d'oeuvre de Chaplin... Contentons-nous de dire notre désaccord, et passons au film.

L'Alaska, pendant la ruée vers l'or. Un chercheur d'or en rencontre un autre, et ils vont s'épauler dans l'adversité, et être séparés, réunis... parallèlement, le plus petit, et le plus vagabond des deux va rencontrer une femme dans une ville minière,et tomber désespérément amoureux, ne se rendant pas compte qu'elle n'a d'yeux que pour un autre...

Si A woman of Paris ressemblait à une comédie déguisée en drame, on peut dire que The gold rush est le contraire: regardez les séquences durant lesquelles Chaplin est absent, et vous verrez un film qui n'a rien de drôle, un de ces films sur les conditions difficiles des pionniers,The trail of '98 (Clarence Brown, 1928) par exemple. Tout appelait un tournage épique, et le seul fait que le film a été motivé par l'anecdote de cannibalisme a sans doute poussé Chaplin a insérer son personnage afin d'atténuer l'horreur... Après avoir été un temps attiré par un tournage entièrement en extérieurs (Dont il reste un prologue, et quelques plans çà et là), Chaplin a finalement choisi de retourner vers son cher studio, où il pouvait à loisir contrôler chaque aspect de la production; cette maniaquerie s'en ressent notamment dans les scènes de tempête, pour lesquelles il se permet quelques effets spéciaux. 

Chercher de l'or? Big Jim Mc Kay (Mack Swain) le fait effectivement, il en trouve d'ailleurs dès la première bobine. Mais Chaplin, lui, semble abandonner l'idée lorsqu'il vend sa pelle, au bout d'une demi-heure de film. Je pense qu'il a abandonné en fait dès le début, lorsqu'il voit une stèle de bois marquant la tombe d'un mineur mort de faim. Cet abandon fait de lui un témoin de l'histoire jusqu'au moment ou il rencontre Georgia (Hale). Je reviendrai sur cette histoire d'amour un peu spéciale plus tard, en attendant, je voudrais quand même mentionner l'étrange position de son "petit homme" ici: à la fois partie intégrante de l'action (Il est venu chercher de l'or, comme le vagabond de The idle class était venu jouer au golf) et témoin des turpitudes des autres (Quel poids a-t-il réellement dans la cabane entre le chercheur d'or fréquentable et l'aventurier peu recommandable? Celui de choisir son camp, c'est tout), il est malgré tout intégré au même monde que les autres. a ce titre, il est moins transparent, et Chaplin fait de nombreuses allusions à une certaine forme de solidarité (Big Jim aime vraiment son copain, et Hank Curtis -Henry Bergman- partage vraiment sa maison avec lui.) parfois démentie par la dureté des circonstances: la fameuse scène du délire cannibale, avec Chaplin en poulet, un gag qui vaut à lui seul de voir le film! En tout cas, pour une fois, Chaplin est intégré à quelque chose. On objectera que sans Big Jim, sans Curtis, le héros est fichu. C'est vrai, mais cela sert le propos de solidarité devant les conditions, qui est relayé, une fois n'est pas coutume, par "les autres": Comme toujours, Chaplin se plait à imaginer une société dont notre héros serait naturellement écarté, mais cette fois ce sont les mineurs venus chercher l'oubli dans le saloon. Une scène de St-Sylvestre les montre enchaînés dans une de ces interprétations ivres de Auld Lang Syne, les yeux humides de larmes. Cette solidarité affichée est malgré tout montée en parallèle de la fameuse scène de rêverie durant laquelle Chaplin seul, attendant ses invitées, rêve qu'il leur interprète la danse des petits pains. Pour en finir avec ce thème de partage et de solidarité, dans ce qui aurait pu être une ode au rêve Américain dans toute son égoïste splendeur, on constatera que la façon dont Chaplin et Big Jim se partagent le gâteau est encore une fois une division intéressante des profits: ils ont conclu un pacte, mais Big Jim aurait eu le droit de tout garder pour lui. Dans ce film, à part le méchant "Black Larsen" (éliminé au bout de 30 minutes), tout le monde semble jouer le jeu de la coopération. Une coopération mise en valeur dans la scène fameuse de la cabane en équilibre instable sur une falaise, durant laquelle Chaplin et Mack Swain doivent d'abord maintenir l'équilibre de la cabane, puis surmonter leur panique pour se sauver mutuellement. Un film avec les frémissements d'une certaine forme de socialisme Chaplinien, donc...

L'amour, Chaplin le trouve enfin. est-ce que la mise hors-jeu d'Edna Purviance l'a libéré, ou est-ce que le fait que l'héroïne devait un temps être interprétée par son épouse, Lita Grey, l'a influencé? ou est-ce que le rapport très proche avec la jolie Georgia Hale qui reprendra finalement le rôle a eu raison de lui? quoi qu'il en soit, pour une fois, ça marche! Si pendant longtemps le film est une fois de plus l'histoire du ver de terre amoureux d'une étoile, la fin inverse subtilement les rôles: sur le bateau, Chaplin devenu riche est déguisé en chercheur d'or minable afin de prendre une photo commémorative, et Georgia qui est sur le même bateau le voit et croit qu'il est le passager clandestin que tout le monde recherche. Il se rend compte qu'elle est plus proche de lui qu'elle n'a jamais été, et ce sans même savoir qu'il a décroché le gros lot. Ils s'embrassent goulûment, et à pleine bouche. Il est à noter que Chaplin, dans ces séquences, interprète un personnage en contrôle de la situation, aux antipodes de son alter ego en haillons... A woman of Paris est passé par là.

Et à ce sujet, parlons une fois de plus de mise en scène: voilà pourquoi il est important de voir le film dans on montage de 1925: l'auteur est au somment de son génie, et son efficacité lui permet de réaliser des scènes à la narration directe et claire, en particulier devant le défi que constitue l'enveloppe du film, ces scènes sans son personnage, totalement dénuées de gags. Qu'on pense au long plan qui nous montre les clients du bar chantant ensemble, par exemple. Les trois plans d'ouverture, qui ont été tournés au Nord de la Californie, dans la montagne, et qui ont du être un cauchemar à tourner (on y voit une file de prospecteurs s'engager dans une passe abrupte, dans la neige, pour de vrai!). Et puis il y a la séquence durant laquelle Black Larsen tente de voler son or à Big Jim: comme toujours, Chaplin choisit une position de caméra immuable pour ancrer sa séquence, et le montage est ensuite une série de plans admirablement enchaînés:

1. Sur la gauche, Big Jim arrive à sa mine. un attelage prouve que quelqu'un est déjà là.

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2. "Black Larsen" remonte de la mine avec de l'or

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3. Big Jim découvre son or dans les affaires de "Black Larsen"

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4. Larsen finit de monter; il a vu le danger.

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5. Big Jim a vu Larsen lui aussi et a tout compris.

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6. Retour à l'ancrage du plan large: Big Jim va demander des comptes.

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7. Gros plan intense, d'un Mack swain qui ne rigole absolument pas...

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8. Gros plan d'un Tom Murray tout aussi menaçant.

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9. Big Jim attaque le premier.

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10. Reprise du plan large, avec les deux hommes qui poursuivent leur bagarre.

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11. Larsen assène un coup de pelle à Big Jim

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12. Jim tombe, assommé.

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13. Retour au plan large: Larsen prend ses affaires et s'en va, laissant Jim seul dans la neige.

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14. Intertitre: La loi du Nord

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15. Larsen arrive sur une corniche, dont la neige commence à montrer de sérieuses vélléités de tomber...

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16. Larsen, en pleine panique

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17. Retour au plan 15, l'accident se précise

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18. L'avalanche

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19. Jim se réveille

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20. encore un gros plan dramatique du visage de Mack Swain. Son visage hagard anticipa sur l'amnésie qui nous sera révélée plus tard.

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21. Il se lève, et part, en titubant vers la caméra puis à gauche.

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Voilà, cette séquence, fameuse, est l'un des moments les plus dramatiques du film. C'est un modèle d'économie narrative, et de direction des comédiens. Ni Murray ni Swain n'en font des tonnes, et l'un et l'autre jouent beaucoup de leur physique. Chaplin joue à fond sur le coté naturaliste de l'absence de maquillage, et laisse beaucoup les yeux de Mack Swain exprimer toute l'émotion requise: indignation, colère, abasourdissement... lui qui parfois en fait des tonnes (Lorsqu'il trouve de l'or, ses gestes sont trop exagérés, par exemple) est absolument parfait dans cette scène. Elle est d'une grande efficacité dramatique, et franchement mémorable... Voilà, donc, un film indispensable, on n'a plus besoin de le dire. Mais contrairement à la croyance populaire, il ne se réduit pas à une scène durant laquelle Chaplin joue un poulet, une scène de dégustation de chaussures, une scène de danse avec des petits pains, et une scène inoubliable dans laquelle une cabane tient en équilibre instable sur une corniche. Non, c'est un film épique sur la survie et une certaine forme de solidarité typiquement Américaine devant l'adversité des éléments. C'est aussi un chef d'oeuvre.

 

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1925 Criterion **
13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 16:44

Cette petite merveille est connue surtout pour un numéro, ce qui n'est pas rare, dans le cadre de la comédie musicale, mais il est toujours intéressant de pouvoir enfin voir un de ces classiques et d'essayer de raccrocher à un contexte les numéros musicaux les plus délirants qui en sont le plus souvent montrés. Tom et ellen Bowen sont donc un duo de frère et soeur, qui dansent, interprétés respectivement par Fred Astaire et Jane Powell; tous deux sont très attachés l'un à l'autre et surtout au duo, ainsi Ellen multiplie-t-elle les aventures de trois jours, et Tom se tient à l'écart de toute liaison à long terme. Jusqu'au jour ou ils rencontrent lors d'une commende pour un mariage princier en Grande-Bretagne respectivement une danseuse (Promise à un autre) et un Lord (A la vie amoureuse tumultueuse)...

Bien que l'essentiel du film se situe dans une certaine réalité, la plupart des numéros dansés et chantés soient dans le cadre du spectacle, on est dans un décalage permanent, typique de Donen, avec son traitement des couleurs, et typique d'Astaire avec sa danse joyeuse et pleine de défis... Le film doit sans doute énormément au danseur, dont l'histoire personnelle a sans doute inspiré le couple Ellen et Tom. Et puis, il y a les numéros, qui fournissent du rêve en permanence, en particulier le solo d'Astaire dans la salle de gymnastique du bateau, le duo entre Ellen et Tom sur un bateau qui tangue et se mêle de chorégraphie, et bien sur le célèbre moment de rêverie durant lequel Fred Astaire danse sur le sol, les murs, au plafond, à l'aise. On sait maintenant comment c'est fait, mais peu importe, la magie fonctionne toujours. Une scène de cinq minutes qui a valu au film un statut de classique. Par contre, c'est un classique tombé dans le domaine public, donc le seul moyen de le voir dans de bonnes conditions chez soi, c'est l'inévitable DVD Warner!

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Musical Danse
13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 08:08

Un film à thèse Allemand? oulah, on craint le pire... Dans un lycée, donc, un Professeur a pour charge (imposée par les circonstances) de mener une semaine de réflexion avec des élèves sur le thème de l'autocratie, et décide de jouer la vcarte du jeu de rôles, devenant de fait le leader de la classe avec laquelle il travaille. Tous les élèves se prennent rapidement au jeu, et vont jusqu'à suggérer des signes de ralliement, uniformes. certains se jettent à corps perdu dans l'aventure... Jusqu'ou peut-elle aller?

 

Bien sur c'est très symbolique tout cela, avec une expérience menée sur une semaine, qui dégénère très vite, trop vite même; l'implication des élèves, déstabilisés au départ par le fait que leur "leader", un prof d'éducation physique populaire et qu'ils tendent à tutoyer, leur impose une distance et une discipline inattendue par le tutoiement, est dure à avaler, comme l'est l'aveuglement du prof et de certains élèves, devant les pratiques de plus en plus fascistes, et l'adhésion totale des élèves. Néanmoins, la thèse défendue, que le fascisme est encore possible partout, y compris en Allemagne (une scène du début du film montre les élèves dire leur ras-le-bol qu'on rabâche constamment sur le nazisme, une attitude qu'on décèle chez certains élèves en France aussi...): chat échaudé... eh bien non: il y a des sales manies auxquelles on revient toujours. 

 

On appréciera au passage la façon dont les auteurs brouillent les pistes en évitant l'écueil de l'ostracisme racial, le seul immigré parmi les jeunes étant particulièrement intégré. Mais comme tout cela est simpliste! il est bon de revenir à cette évocation des mécanismes totalitaristes, mais il me semble qu'ils sont exposés avec plus de force et de réussite par un Borzage (The mortal storm), voire par un Capra (Meet John doe). Ici, on est dans un gentil téléfilm qui dégénère. Instructif, mais artificiel.

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Published by François Massarelli
12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 12:20

Cette nouvelle incursion dans le film noir s'inscrit clairement dans le cycle de films à grands sujets de la Fox, un projet passionnael piloté par Darryl F. Zanuck, et que Mankiewicz ne revendiquait pas pour sa part... Après Gentleman's agreement, le film d'Elia kazan sur l'antisémitisme (1947), puis Pinky (1949), du même Kazan sur les conditions des noirs au quotidien dans le Sud profond, ce nouveau film adresse une fois de plus avec courage et lucidité le problème du racisme et de ses conséquences sociales: ostracisme, émeutes, préjugés... un brûlot, et pas forcément d'une grande subtilité donc. Mankiewicz a beau avoir préféré ses films plus intimistes ou plus tragiques, il n'en a pas moins fait un film intrigant, souvent excitant, et dans lequel la confrontation entre un Sidney Poitier constamment sur la défensive et un Richard Widmark déchaîné suscite forcément l'intérêt...

 

Le docteur Brooks (Sidney Poitier), un jeune médecin Afro-Américain fraichement promu, veut croire en ses chances d'être accepté comme médecin au même titre que les blancs. Il est interne dans un hôpital carcéral lorsqu'on lui apporte deux cas: deux frères, blessés à la jambe pendant qu'ils effetuaient un cambriolage. L'un d'entre eux est dans un état grave, sans que la jambe ait été plus touchée que celle de son frère, et il décède pendant que le jeune médecin s'occupe de lui. profondément raciste, le frère (Richard Widmark) l'accuse aussitôt, et va lui pourrir la vie en utilisant toutes ses connections à l'extérieur de la prison afin de venger ce qu'il considère comme un meurtre, pendant que le jeune médecin va devoir essayer de prouver qu'il n'est en rien dans le décès, devant une famille non seulement hostile, mais carrêment malhonnête...

 

Le début installe, dans le réalisme décidément de rigueur à la Fox en ces années 45-55 dès qu'il s'agit de film noir, un climat de vie quotidienne et d'urgence, dans lequel les personnages exposent adroitement la situtaion. Poitier interprèrte avec conviction, comme on le connait, un personnage diablement bien écrit par Mankiewicz: constamment tiraillé entre une hiérarchie (blanche) qui lui fait confiance, et un environnement (noir) qui sait qu'à un moment ou à un autre, on lui fera payer sa couleur, il a fort à faire pour non seuelemtn se faire accepter, mais aussi accepter de voir sa situation en face; dans un premier temps, il manifeste sa totale confiance en la hiérarchie de l'hôpital, mais une conversation très "politique" entre ses supérieurs montre qu'il est, même accepté, en tout cas toujours sous surveillance.

 

Mais le film le montre assez bien, si le propos est très vite d'empêcher des émeutes raciales qui menacent, tant par la faute des provocateurs de la famille du défunt que des noirs eux-mêmes qui sentent venir le vent et souhaitent s'armer par avance, on sait que la société fracturée entre les noirs et les blancs qui est explorée par le film survivra à la résolution de ce drame. Le rôle du film est donc de poser les bonnes questions, et il le fait avec adresse et efficacité, mais pas de proposer une utopie: on n'est pas vraiment chez Capra. un film courageux, utile, un peu lourd, mais avec de très grands moments, les premières 30 minutes à l'hopital en particulier; avec le très grand Richard Widmark en manipulateur vicieux, on peut même prendre beaucoup de plaisir, tout en s'identifiant avec révolte au personnage incarné par Poitier...

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz
12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 12:06

Non, A hard day's night n'est pas un documentaire. C'est pourtant l'un des reflets les plus fidèles de cette étrange bête à corne qu'était la beatlemania, dont les héros du film semblent s'amuser mais qui n'est pas facile à vivre, du moins c'est ce que j'imagine. Chargé de tourner un film avec les gentiment immatures vedettes du moment, Richard Lester fait ce qu'il aime, c'est à dire du cinéma burlesque et un brin surréaliste dans lequel le meilleur côtoie, sinon le pire, en tout cas le franchement bouffon: le décalé faux grand-père de Paul, le soupçon d'obsession sexuelle autour de Ringo, et les meilleurs moments (Après la musique, bien sûr), les Beatles faisant les crétins sur un terrain de sport.

Sinon, le film a souvent été considéré comme le meilleur des films avec les Beatles, et c'est bien sûr tout à fait exact, d'autant qu'il n'a pas de concurrence; mais contrairement à la légende, il a considérablement vieilli. je pense qu'en 1966 ou 1967, il était déjà considérablement daté, alors aujourd'hui... Cela dit c'est probablement ce qui fait le charme de cette expérience mêlant le (faux) cinéma-vérité et les obligations contractuelles...

Mais par contre, la musique, elle, ne vieillira jamais.

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Published by François Massarelli - dans Musical Criterion
11 juin 2011 6 11 /06 /juin /2011 17:35

Le premier film de Carl Dreyer est un essai, partagé entre mélodrame et cas de conscience, entre foi et doute, entre honneur et famille... ce n'est pas une franche réussite, mais il fourmille de petites balises de l'oeuvre à venir. Et au passage, si certaines de ses oeuvres ont clairement souffert du passage des ans, Dreyer est au moins l'un des rares grands cinéastes à s'être illustré durant le muet, dont on possède tous les films de la période...

Dans cette adaptation d'un roman contemporain, Dreyer dresse le portrait d'un homme, un magistrat honoré, dont le passé resurgit lorsque sa fille naturelle doit être jugée pour infanticide. Il affronte alors l'histoire familiale, sa propre faute, et s'interroge sur son devoir. Le film commence sur une structure temporelle alambiquée: on a d'abord un prologue qui expose la faute passée du père du héros, qui a fauté avec une femme mais s'est marié avec elle, et estime qu'il n'aurait pas du accepter cette compromission. Il a fait jurer à son fils de ne pas se compromettre. Puis, après l'exposition, un  nouveau flash-back consacré cette fois au fils répète avec insistance cette figure de l'amour illégitime. Du coup, le film est en plein mélo, mais le recours à un autre point de vue lorsque la jeune femme expose les circonstances de la mort de son enfant rééquilibre le tout.

Dreyer a beaucoup recours à des décors nus mais chargés de petits motifs, qui soulignent parfois le tourment intérieur. Le jeu des acteurs est du pur années 10, et je pense que d'autres Scandinaves avaient clairement dépassé cette phase théâtrale; Dreyer saura mieux diriger ses acteurs plus tard... Mais le film, qui se passe essentiellement de nuit, est esthétiquement très inventif, avec de belles utilisations de la lumière, et des ombres chinoises très intrigantes. Mais on est encore devant un metteur en scène qui se cherche, intéressé par la matière de l'affect et du tourment humain, mais qui a encore du mal à faire passer la tempête intérieure de ses héros...

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer 1919 Muet *
11 juin 2011 6 11 /06 /juin /2011 17:24

Au milieu de l'oeuvre parfois légère de l'auteur de, ahem, Angels & demons, Ed TV est une bien étrange oasis. Sur un sujet pareil, au même moment ou presque, Peter Weir donnait à voir avec The Truman Show une belle fable, un film noble et digne, qui montrait les dérives possibles de la téléréalité (D'ailleurs largement confirmées depuis). Avec Ed TV, on a l'autre versant, le côté franchement iconoclaste, et le sentiment d'assister à un spectacle vaguement complaisant, mais surtout profondément burlesque.

 

Ed est donc un parfait inconnu, un homme totalement dénué d'ambition et de relief, choisi pour être le héros d'une émission de téléréalité précisément parce qu'il est minable, et qui va découvrir bien vite les vices cachés de sa célébrité toute nouvelle. Le principal défaut de ce film est de considérer les dérives de a télévision comme un acquis; la principale qualité repose dans l'humanité clairement affichée du personnage principal... Le final en forme de vengeance des petits sur les puissants est franchement un peu téléphoné, mais le film, décidément, s'en sort bien... La disposition particulière de la situation permet de jouer à fond la carte du miroir, non seulement de la réalité, déformée par la télévision, mais aussi d'un certain monde du spectacle.

Les pantins qui s'agitent ici se divisent en trois clans distincts: ceux qui se laissent faire, souhaitant vaguement en profiter, comme Ed le naïf, et son impayable frère Ray qui croit que ça va lui permettre de vendre sa camelote (Un salon de body building); ceux qui sont prêts à se vendre à la télévision, que ce soit le mannequin Jill (Liz Hurley) dont la participation est planifiée par la production, et qui est absolument prête à tout face à une caméra (Une scène d'anthologie qui résume les excès de la télé-réalité la voit accueillir Ed chez elle, dans le simple but de l'amener au lit en direct!), ou la maman d'Ed, qui à l'idée que la télévision va venir chez elle, se transforme en Blanche Dubois! Enfin, ceux qui ne veulent pas étaler leur vie à l'écran sont représentés par Shari, la petite amie jalouse de son intimité. Mais ces derniers, décidément, son bien peu nombreux... Tant dans le film que dans le monde réel, ou désormais on est persuadé que pour devenir quelqu'un il suffit d'apparaître à la télévision, qu'on ait fait quelque chose qui le justifie, ou pas: il suffit d'allumer la télévision aujourd'hui pour être instantanément envahi par des dizaines d'Ed, mais en beaucoup moins humains...

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Published by François Massarelli - dans Comédie
8 juin 2011 3 08 /06 /juin /2011 18:56

La famille Peters, des habitants de l'Oklahoma qui viennent de décrocher la timbale avec un puits de pétrole qui donne beaucoup de revenus, partent pour l'Europe: Mrs Peters entend se cultiver, et entrainer son mari dans cette aventure. Leurs grands enfants les suivent, et vont vivre des aventures plus ou moins profitables, l'un avec une jeune modèle, l'autre avec un marquis désargenté à l'affut d'une dot. seule personne à résister à l'attrait de la fausseté, le père s'ennuie ferme loin de ses copains... Et la désapprobation grandissante de son épouse vis-à-vis de ses manières ne lui convient guère.

 

They had to see Paris est la premier des films parlants de Borzage à avoir survécu, après The river et Lucky star. Tournée juste après ce dernier, cette petite comédie nous permet de retrouver le grand Will Rogers. Rappel: Borzage, en contrat à la Fox, doit aussi faire des films qui ne lui ressemblent pas, et si son nom reste bien visible sur les affiches, c'est Rogers la véritable attraction de cette comédie à propos de nouveaux riches Américains qui quittent leur Oklahoma pour s'installer à Paris.

 

Comme d'habitude avec les films parlants de 1929, ça se traine un peu, et c'est souvent maladroit. Sauf Will Rogers, bien sur, mais on est quand même loin de Steamboat round the bend. Disons que si le personnage d'Américain moyen sympathique et lent recuielle toute la tendresse du metteur en scène, et renvoie à l'Amérique profonde de Lazybones et Lucky star, que si la façon dont Will Rogers est un marginal dans sa propre demeure (Le chateau ridicule acheté sur l'insistance de Mrs Peters), on a l'impression d'être plus chez Will Rogers que chez Borzage... le film reste de toute façon plus intéressant que le suivant, heureusement.

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage
8 juin 2011 3 08 /06 /juin /2011 12:15

Eastwood n'est pas à l'origine de ce film, comme du reste pour la plupart de ses films... Greffé tôt sur le projet qui était cher à son copain Morgan Freeman, il en a fait un film fédérateur (Voir le succès non négligeable du film), optimiste (Le connaissant, on est particulièrement étonné) et totalement en phase avec une thématique personnelle qui inclut aussi bien des films qui s'intéressent à la vieillesse d'un personnage (Heartbreak Ridge, Unforgiven, True crime, Space Cowboys, Gran Torino) que ceux qui montrent le bilan du passage de quelqu'un sur terre, qu'il soit père ou artiste, et l'oeuvre ou l'image laissée (Honky Tonk Man, The rookie, Bird, Absolute power, Space Cowboys, Million Dollar baby...). Invictus est, une fois de plus, l'histoire d'un passage de témoin, grande figure Eastwoodienne donc, mais pour la première fois, ce passage de relais s'effectue à l'échelle d'un pays, avec la grande histoire...

http://s.excessif.com/mmdia/i/12/9/invictus-de-clint-eastwood-4140129gdlrb_1731.jpg?v=1

Le sport reste une activité devant laquelle je n'ai que des réticences, et je dios souvent que tout film incorporant une dose de massive de sport est par définition à éviter. Ma subjectivité est donc ici mise à rude épreuve, devant de nombreuses scènes liées au rugby, un divertissement qui m'apparait personnellement comme tout simplement bestial et sans le moindre intérêt, quel qu'il soit. Et pourtant... Nelson Mandela s'intéressant au rugby afin d'unifier un pays qui en a cruellement besoin, et se prenant au jeu comme un vieux gamin, c'est l'une des images les plus tendres, comiques et solaires de tout le cinéma de ce vieux grognon de Clint Eastwood. du coup, le rugby, sport de gros phacochères testostéronés, se pare de vertus inattendues, et incarne le renouveau, la naissance réelle du nouvel esprit national voulu ar le chef d'état: la "rainbow nation". On peut hausser les épaules devant tant de bons sentiments, mais ça marche, et le public du film participe...

 

Peut-être pourra-t-on s'interroger devant la facilité avec laquelle sont conquis par Mandela ceux qui ont été élevé dans la croyance que tout homme politique noir est forcément un teroriste, tout comme la conversion au rugby du vieux dignitaire est semble-t-il faite en un tournemain. Mais on ne peut qu'applaudir devant la façon dont Eastwood a saisi le pouls du pays en 1995, d'une façon que n'aurait pas reniée Capra. Et lorsque en maitre absolu de ce qui se passe sur l'image, il nous assène une incroyable distorsion du temps pour faire profiter au maximum le spectateur du suspense vécu devant un match dont l'issue nous est connue, on tire son chapeau, ou sa casquette à Eastwood: à la fin de la deuxième heure, à propos, un homme d'age mur, au milieu de la foule, aux couleurs des Springboks, semble impassible, mais il avait pourtant de quoi pavoiser: cette apparition signature du metteur en scène n'est pas un signe Hitchcockien, c'est une sorte de satisfecit discret, mais qui en dit long.

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Published by François Massarelli - dans Clint Eastwood
4 juin 2011 6 04 /06 /juin /2011 18:24

Trois raisons pour Chaplin de ne pas jouer de rôle dans ce nouveau film, le premier pour la nouvelle compagnie United Artists. Pour commencer, il essaie, on l'a vu, de se débarrasser de son personnage (The professor, Idle class), de le démythifier en le représentant marié (Pay day), avec des enfants (A day's pleasure), voire en se représentant tel qu'en lui-même, en insistant sur le fait que moustache et défroques sont bien factices (How to make movies). Bref, il souhaite contourner cette icône. De plus, il a le sentiment, pas faux à cette époque, qu'on l'assimile surtout à son personnage moustachu; or, Chaplin, souhaite être reconnu pour son rôle de metteur en scène, et aussi d'auteur de films. Enfin, il tourne depuis un certain temps autour d'une représentation complexe du monde à deux niveaux qu'il perçoit; The Kid, The idle class en ont déja montré les contours. Il se sent obligé de libérer son cinéma de son empreinte burlesque, ce qui veut dire que le moustachu n'y a plus sa place. Honnêtement, je ne sais pas si ce film représentait dans l'esprit de Chaplin un affranchissement total de son personnage a priori, ce qui aurait été ensuite contredit par le flop monumental, qui aurait conduit Chaplin à faire machine arrière, avec le succès que l'on sait, ou si le metteur en scène se contentait de faire ce film, et puis après revenir sagement de son propre chef. Quoi qu'il en soit, A woman of Paris est l'unique film muet dans lequel Chaplin n'apparaît pas de façon significative, et c'est à peu près la seule information de la plupart des textes qui y sont désormais consacrés, je n'y reviendrai donc pas...

Pourtant Chaplin est partout dans ce film: regardez les acteurs, leur façon de jouer, l'économie des gestes et des mimiques. Ce gigolo qui baille en levant mollement les yeux au ciel, combien de prises a-t-il fallu lui arracher avant qu'il ait le détachement nécessaire? Carl Miller, qui joue ici le petit ami d'Edna Purviance jouait déjà ce même personnage ou presque dans The Kid, et il est lui aussi entièrement vampirisé par Chaplin... Quant à Edna Purviance, elle est splendide, dans les mains du metteur en scène, elle ne craint personne. Tant mieux, parce que le film repose entièrement sur ces attitudes, sur ces corps et sur les vêtements qu'ils portent, c'est l'un des traits les plus saisissants du film.

Marie et Jean s'aiment, mais leurs parents ne l'entendent pas de cette oreille. Alors qu'ils souhaitent fuir pour se marier, Jean a un contretemps: son père meurt, et il n'a pas le temps de prévenir sa fiancée: elle fuit à Paris seule, croyant à une trahison. Elle y fait sa vie, et on la retrouve un an après, protégée du riche Pierre Revel; elle s'appelle désormais Marie St-Clair, et lorsque Jean débarque à Paris avec sa mère, Marie a du mal à abandonner sa nouvelle vie pour retourner vers son passé...

Carl Miller donne l'illusion d'être l'un des deux personnages principaux, mais ne soyons pas dupes: Chaplin dépeint ici un certain style de vie, une course à la réussite, qui passe par tout un tas de turpitudes qui ne sont qu'esquissées: a priori, la métamorphose de Marie en Marie St-Clair passe par tout ce qui est dans l'ellipse du début. La mère de Jean la considère d'ailleurs comme une traînée... Non, les deux personnages principaux sont bien Marie et Pierre (Adolphe Menjou). Celui-ci, après tout, est tout sauf antipathique, à part lorsqu'il se sert des amies de Marie pour la manipuler. Mais il joue de son charme, et sait manifestement perdre... Il sait surtout que ce que veut Marie, cette fuite en avant du luxe et de la vanité, lui seul pourra le lui amener. De son coté, Jean est peintre (Comme le personnage de Carl Miller dans The Kid, du reste), et il va peindre un portrait du passé de Marie, contre le gré de celle-ci, portrait qui va sceller leur mésentente, leur différence, et portrait qui sera pris à témoin par la mère elle-même sur la dépouille de son fils. ce portrait, c'est la vraie Marie, lui seul l'a vue. Il faudra une catharsis tragique pour que Marie comprenne enfin...

La noirceur du film va de pair avec l'humour noir, notamment dans la description toujours sur la brèche de la vie des nantis (le restaurant, avec ses truffes, pour les cochons ou les gentlemen), et la méchanceté dans la peinture des manipulations des intrigantes: Malvina Polo, la jeune femme idiote de Foolish wives, tente de ravir la place de Edna Purviance auprès d'Adolphe Menjou...

L'habit, cette deuxième peau, est un motif qui court d'un bout à l'autre du film. On ne compte plus le nombre de scènes d'habillage, de déshabillage, de préparation du corps (Massage), de dénudage plus ou moins gratuit (Le strip-tease); toutes ces scènes renvoient à l'idée du mensonge, de la parure comme protection. Chaplin s'en sert aussi comme une indication de contemporanéité, comme DeMille le faisait avec divers accessoires (Les disques de chansons populaires, qu'on voyait tourner sur des phonographes luxueux dans ses comédies matrimoniales). Le grand nombre de scènes liées au service des domestiques, et la compartimentation des appartements riches de Marie et Pierre Revel, aussi, renvoient à cette vie à tiroirs, dans laquelle les gens se barricadent derrière le décorum. Bien sur, les petites boîtes communiquent entre elles, on se souvient du faux col masculin aperçu par Jean chez Marie. Cette apparition d'un signe cinématographique est un autre aspect visible de la mise en scène riche de ce film: on note aussi l'utilisation d'un bandeau noir, signe de deuil. Les personnages voient et déduisent en même temps que nous...

La mise en scène du film est d'une précision, d'une force extraordinaire. Chaque plan est composé de façon précise, Chaplin et Totheroh n'ont pas changé leurs habitudes. A des scènes de luxe effréné répondent des images d'une austérité diabolique (on parle toujours de cette scène à la gare, ou le passage d'un train est représenté par ses lumières); un effet de rapprochement de la caméra, est répété trois fois dans le film (Deux fois dans la version actuelle, voir plus bas): La maison de Marie est vue en plan large, puis un peu plus près. un troisième plan resserre sur une fenêtre, ou s'esquisse le visage d'une femme dans la pénombre. Enfin le quatrième et dernier plan nous montre Edna Purviance à la fenêtre. A la fin du film, la maison où sont réfugiées Marie et la mère de Jean pour leur nouvelle vie est saisie de la même façon. La troisième occurrence est très cohérente, puisque c'est le portrait, entouré de crêpe noir, de la maman de Marie dans sa maison. Chaplin avait tenté d'établir une mise en scène fluide, détaillée, mais l'a comme chacun sait bousillée en 1976, 5 ans après avoir massacré le film The Kid. 34 ans après avoir anéanti The Gold rush: son idée, c'était de rendre A woman of Paris plus fluide, de le rendre "moins sentimental". faut-il le redire? Un metteur en scène lui-même n'a pas le droit d'altérer un film, à plus forte raison 53 ans après. Même Chaplin.

Pour le reste, ce film est un miracle de subtilité; les commentaires lus ça et là sur la stupidité du script ne valent pas tripette. Les gens qui parlent d'un insupportable mélo n'ont jamais vu de mélodrame de leur vie, et le film tient diaboliquement la route, à la source de tout un pan du cinéma Américain. Que Lubitsch l'ait vu et s'en soit inspiré, c'est une certitude. Que d'autres, qui y avaient été confrontés directement (Henry D'abbadie D'Arrast, Monta Bell), ou qui l'ont vu comme on reçoit une claque dans la figure (René Clair, de son propre aveu), s'en soient inspiré, c'est une évidence. Bref: il y a un avant et un après A woman of Paris. Pour Chaplin aussi, qui ne supportera pas de voir son 'enfant maudit' boudé par le public, et le retirera du circuit pendant donc 53 ans. Et plus j'y pense, plus je me dis qu'on a de la chance de l'avoir encore...

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1923 **