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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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4 juin 2011 6 04 /06 /juin /2011 17:53

C'est curieux comme certains tournages, certes pharaoniques, finissent par donner des films maudits, à la réputation ternie à tout jamais: on pense à Cleopatra, qualifié un peu partout de désastre, en particulier par ceux qui ne l'ont pas vu, ou qui en ont un vague souvenir, et puis il y a ce film. J'avoue d'entrée que la meilleure version de cette histoire reste le film MGM de 1935, réalisé par un Frank Lloyd en grande forme (il avait ses moments d'égarement, lui aussi), avec Clark Gable en Fletcher Christian, et surtout l'immense Charles Laughton en Capitaine Bligh. Le parti-pris romantique, assimilable à la guerre d'indépendance, avec Bligh en représentant de l'Angleterre et les principaux mutins interprétés par des Américains (Gable, mais aussi Franchot Tone), faisait de la mutinerie un idéal, et de la fuite à Pitcairn une sorte de nouveau Mayflower... Rien de tout ça avec ce Bounty tragique.

Si on veut analyser les raisons du désamour total vis-à-vis de ce film, on peut accuser la longueur (182 mn actuellement, dont 15 de prologue, entr'acte, et intermède musicaux, mais une version antérieure ajoutait un prologue et un épilogue qui devaient porter la durée à 192 mn), le fait que Milestone soit en bout de course, et manque parfois singulièrement d'imagination; les discussions entre les marins sensées clarifier l'histoire finissent par irriter, avec leur didactisme lourd; Le fait enfin que l'intermède Tahitien soit parfois trop long. Pour le reste, le film trahit moins l'histoire que l'autre, avec un Christian-Brando qui ne profite jamais de sa décision de révolte, trop marqué par son propre acte de trahison. On est assez près de l'histoire, dans laquelle les mutins ont effectivement massacrés les gens qu'ils avaient ramené de Tahiti avant de s'entre-tuer. La fin possède une certaine beauté ironique, bien dans l'air du temps (Cleopatra, Lawrence of Arabia).

Bon, franchement, si ce n'est pas le meilleur, on peut quand même y trouver d'excellents moments, et même, mais oui, des traits d'humour. Bligh, interprété par Trevor Howard gagne une humanité ambigue, mais l'acteur sait y faire pour rendre le personnage odieux. Je suis plus réservé avec le personnage de Brando, dont la transformation m'apparaît trop rapide, même si l'acteur a fait des efforts, notamment avec son accent Anglais (Contrairement à Gable!!). Et puis il y a le format (Le même ratio que le Ben Hur de Wyler, si je ne m'abuse) propice à de superbes plans de navigation: le film a au moins un certain souffle, après tout! Et la principale vertu de ce filmmouth, c'est qu'il promet du dépaysement, avec de l'eau salée et des cocotiers!

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Published by François Massarelli - dans Lewis Milestone
4 juin 2011 6 04 /06 /juin /2011 11:48

Le titre du roman d'Hugo a un coté provocateur et coup de poing, un aspect définitif et même publicitaire, que reprend à son compte Capellani. je pense que le metteur en scène, exalté, se veut à l'avant-garde de la production cinématographique Française. Au-delà même du coté prétentieux du nom de la société productrice, la S. C. A. G. L., Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettre (il fallait bien rivaliser avec "les Films d'art"), Capellani voulait établir le long métrage comme la référence principale en matière de format, à une époque ou peu de monde suivait réellement les Italiens et les Danois dans cette direction, en particulier pas les Américains. les Français, eux, ont déja sorti des films imposants, et parmi ceux-ci, on trouve justement les autres films de Capellani... Mais Quatre-vingt-treize, qui fait suite à deux autres adaptations de Hugo (Notre-dame de Paris et Les misérables) ajoute un élément national, il relate des faits qui se sont produits lors d'évènements fondateurs de la République.

Epique? oh oui! Aussi bien Hugo que Capellani ont convoqué l'histoire avec un grand H, et les histoires de petites gens, en définissant un certain nombre de personnages qui prennent leur temps dans une narration fleuve, marquée par un grand nombre d'extérieurs riches et expressifs, décidément un forte du réalisateur, et un jeu aussi naturaliste que possible, même si on tiquera peut-être devant certaines scènes un peu appuyées, notamment les scènes de fraternité entre Cimourdain et Gauvain, d'un genre (Avec poignée de main virile) qu'on retrouve du reste chez Gance 10 ans plus tard... L'intrigue de ce classique concerne le début du soulèvement de L'Ouest durant la révolution, et la radicalisation des dirigeant révolutionnaires qui entraine une fracture dans le soutien apporté par certains humanistes. Les personnages ont tous une identité très forte: Cimourdain, ancien prêtre, est acquis aux idéaux de la révolution; jusqu'au boutiste, il a été motivé par l'extrême misère du peuple et l'injustice. Gauvain, un aristocrate, a décidé de rejoindre Cimourdain, mais ne veut pas participer à des massacres. Son humanisme le fait repérer par les dirigeants, qui prennent cette qualité pour une faiblesse. L'oncle de Gauvain, Lantérac, est lui aussi comme Cimourdain un extrémiste, mais dans l'autre camp. Pourtant, inattendu, un moment d'humanité le sauve aux yeux du spectateur, et de Gauvain. Capellani prend son temps avec sa narration, détaillant le parcours de ses héros, et de fait le film est passionnant.

Maintenant, venons-en à l'inévitable légende de ce film, inachevé à la déclaration de guerre, stoppé, et laissé dans les cartons en raison de la censure qui ne pouvait, en temps de guerre, laisser impunément des faiseurs de film montrer une guerre civile. Oui, je sais, c'est contradictoire, mais que voulez-vous, l'humain ne peut pas chercher trop de logique dans le militaire. Quoi qu'il en soit, Capellani parti aux Etats-unis, le film laissé en plan, tout aurait sans doute été laissé en l'état si la SCAGL n'avait eu l'idée de demander à André Antoine de "finir" le film en 1919. Finir comment, on ne sait pas: il y e peut-être eu un tournage proprement dit, mais les coutures ne se voient pas (Et pourtant le cinéma a bien changé en 5 ans); il a du se charger surtout du montage, qui est en somme proche de ce qu'on est en droit d'attendre de la part de Capellani à la vue de ses autres films. Nul doute que le film sorti en 1921 a du être considéré comme une pièce de musée. Nul doute que vu aujourd'hui, il est bien plus: une merveilleuse et violente vision de l'homme, dans la complexité de ses idéaux, dans le sacrifice, la fureur et le sang. Bref, un grand film, quoi.

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Published by François Massarelli - dans Muet
3 juin 2011 5 03 /06 /juin /2011 09:00

Dans l'histoire du cinéma muet, la Norvège est, sinon quantité négligeable, en tout cas un poids léger. Pas de compagnie spécifique, pas de studio, une production essentellement venue de l'extérieur: Danemark (Dreyer y tourne Der Var Eingang et La fiancée de Glomsdal) ou Suède (Dreyer, encore lui, vient tourner en Norvège sa Quatrième alliance de dame Marguerite) y campent occasionnellement pour profiter de la nature généreuse. Le film est donc l'oeuvre d'un Danois, anciennement chef-opérateur, notamment du maitre Danois: le monde est petit, y compris dans les vastes plaines enneigées du Nord de la Scandinavie.

 

Il y a parfois des surprises... Bien sur, les connaissances en histoire du cinéma sont évolutives, et l'appréhension des oeuvres a été bouleversée par la vidéo, et la redécouverte de films, voire la découverte tout court a bouleversé la donne plus d'une fois. Qui aurait cru, par exemple, il y a 25 ans, qu'on aurait eu une version de Metropolis aussi proche de l'original? Il y a 35 ans, qu'on aurait à notre disposition des copies de Terre qui flambe? Avec Laila, en revanche, c'est a priori un petit film, une affaire locale. Et pourtant...

 

Laila est un mélodrame, un grand, un beau: La petite fille est perdue par ses parents dans un voyage sur la toundra, et recueillie par des Sami (Le terme consacré à l'époque est 'Lapons'). ceux-ci l'élèvent comme leur fille, et elle va grandir dans la nature, mais le contact avec les 'daros', les Norvégiens lui fera rencontrer un beau jeune homme. Qui va-t-elle épouser, son ami d'enfance Mellet, un "lapon" comme elle, ou son beau cousin Anders Lind, un Daro, donc quelqu'un qui ne se marierait pas avec une fille de l'autre race?

 

On le voit, la donnée raciale est importante dans le film. On doit d'ailleurs constater que le film garde une vision assez digne, même si on peut trouver à redire, et si l'ambiguité demeure. L'histoire de l'échange culturel reste valide, puisque Lind et Laila ont été élevé dans deux contextes différents, mais l'origine Norvégienne de Laila  permet de faire avaler le mélange "racial" à la fin: ils sont, le film le montre, tous les deux Norvégiens, ouf! cela dit, Lind évolue de façon intéressante: lors de leur première rencontre, son rejet s'exprime par la dureté d'une insulte raciste... Mais sommé par l'un des deux pères adoptifs de Laila, de dire s'il se marierait avec la jeune femme, il crie un "Oui!" tellement sonore que je l'ai entendu. On voit ainsi comment Schneevoigt ménage les camps, offrant une résolution au conflit racial qui peut finalement satisfaire aussi bien les plus conservateurs que les plus progressistes des spectacteurs.

 

Le film a été tourné en extérieurs, pour au moins 80%. C'ets une donnée essentielle, d'autant que Schneevoigt, chef-opérateur de formation, a un oeil exceptionnel. c'est donc une fête visuelle permanente, dans laquelle la neige est superbement photographiée. Mais ce n'est pas tout: Le film affirme son appartenance Scandinave en montrant les conditions de vie, et les dangers locaux (Poursuite et attaque de loups, risque de noyade dans les rapides) avec des séquences qui renvoient directement à Stiller. Bien sur, on est en plein mélodrame, le maitre Suédois aurait probablement eu des vues plus nobles sur les scènes spectaculaires, comme dans Johan, Gösta Berling ou Le trésor d'Arne. Mais l'essence formelle des scènes spectaculaires de ses films, ce qu'il appelait les "montages d'attraction", qui allaient au-delà de la simple représentation et développaient une situation qui impliquait le spectateur dans un maelstrom émotionnel, se retrouve ici, dans de nombreuses scènes, toutes rendues fortes et inoubliables par le pouvoir du suspense, le temps qui y est consacré (Laila, bien que toujours distrayant, est un long film: 2h26), et des images sensationnelles: la fuite devant les loups, en traineaux, au début, et la perte du bébé; Laila prise dans les rapides, et son sauvetage in extremis; et surtout une attaque de loups, qui montre comment ces animaux se comportent, au-delà de la simple présence vague d'un canidé, on voit bien le sens du mot "attaque", dans une scène très claire, avec des loups qui se jettent à tour de rôle sur les deux protagonistes, et mordent de plus en plus.

 

Qui dit mélodrame dit scène d'amour: j'en retiens une, magnifique et d'une grande délicatesse. Mona Martenson (Laila) vient d'être sauvée par Anders, et ils font route ves le campement; elle l'arrête, ils se regardent, dans les bras l'un de l'autre, et soudain elle s'agenouille, l'entrainant avec elle. Elle le ramène littéralement à la terre, à son niveau. Le reste de la scène se joue en gros plan, les deux protagonistes pleurent, c'est bien sur plus conventionnel, mais la façon dont la jeune femme mène la relation (C'est à Anders qu'on prète le plus de réticences quant à leur union, ce qu'il va prouver comme étant faux), et surtout le fait s'assoir, nous rappelle une autre scène, durant laquelle Laila montre à Anders et sa soeur les magnifiques montagnes environnantes, et dit: ça, c'est chez moi... Fille de la terre, de la montagne et de la nature. Enfin, il faut voir le visage de l'actrice Mona Martenson, en gros plan, rayonnante de bonheur à la fin, (Eh oui, en plus, ça se termine bien!!) elle est magnifique!

 

Superbement restauré, avec toute la splendeur de ses scènes enneigées et de son soleil permanent (Un intertitre s'amuse: Puis vient la nuit... mais on est en été, au Nord de la Norvège, et bien sur, il fait jour!), le film est plus qu'un beau, très beau livre d'images. C'est un classique qu'on ne connaissait pas, un film qui demande, non qui exige d'être consulté, dans un DVD qui s'impose, chez Flicker Alley, avec des sous-titres Français, entre autres.

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Published by François Massarelli - dans Muet Scandinavie
2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 09:38

On note dès le titre qu'il n'ya pas "trois points", après If, mais bien quatre. Anderson y tenait particulièrement, disait-il. Une façon de s'approprier un peu plus un film dont le projet a été conçu cinq ans avant qu'il n'en aie connaissance, et dont le titre a été finalement difficile à trouver. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il est entré dans l'histoire de façon spectaculaire, et n'est pas près d'en sortir! Cette histoire de pensionnaires d'une public school (Un pensionnat, en fait privé, très traditionnel en Grande-Bretagne), qui se pose en chronique des vexations, brutalités et transgressions de quelques élèves de 18 ans renvoie d'une part à la tradition poétique des histoires d'école, faisant de ce film un cousin pas si éloigné de Zéro de Conduite, et d'autre part à une métaphore bien dans son temps de l'esprit de changement.

Le final du film, allégorique, est célèbre pour ses images de tuerie méthodique et défoulatoire, orchestrée par trois élèves; qu'on le dise tout de suite: en aucun cas la violence absolue de ces images n'est un avertissement ou une incitation, Anderson n'est ni un politicien, ni un prophète, et lier le geste de transgression de Mick Travis (Malcolm McDowell) et de ses acolytes à des tueries comme celles de Columbine me semble aujourd'hui stérile. If.... n'est pas Elephant de Gus Van Sant (un autre grand film par ailleurs), et sa tuerie est un symbole de la frustration des élèves. If...., le titre, est une hypothèse, pas un manifeste. Du reste, contemporain exact de Mai 68, du printemps de Prague, le film se pose en trublion, à la fois anarchiste et soigné, d'ou l'inévitable selon moi, comparaison avec un autre cinémanarchiste, Jean Vigo.

 

If.... partage avec son illustre ancètre une structure à la fois chronologique et anecdotique, le réalisme et l'esprit satirique se voyant égalament dans les deux films compléter par une solide dose de surréalisme. On notera une scène qui anticipe sans aucune retenue sur Monty Python: lors d'un exercice militaire, les trois héros ont froidement descendu le chapelain de l'école, et sont réprimandés par le directeur, qui soudain sort le chapelain d'un tiroir afin qu'on lui demande pardon! Dans les deux films, les pulsions sexuelles des adultes (Le chapelain tripote sans vergogne un des enfants les plus fragiles, quand dans Zéro de conduite le directeur se livrait à des commentaires douteux sur le coté féminin du plus fragile des élèves) sont représentées avec méchanceté, là ou les enfants et élèves plus murs ont droit à une clémence inattendue: là ou les "préfets" considèrent la chasse aux petits enfants comme une sorte de privilège, deux des élèves filent le parfait amour. cela renvoie à un autre couple, chez Vigo, qui bénéficie (En 1933!) de l'indulgence et de la tendresse du metteur en scène. McDowell incarne lui aussi ces désirs, dans la fameuse scène du café, ou un fantsame le réprésente dans une bagarre-ébats, nu avec une fille par terre... L'esprit de révolte est aussi bien représenté dans ce film, comme chez Vigo, par les exactions des élèves. On a comme dans Zéro de conduite l'impression parfois d'assister aux tribulations de vrais élèves d'une vraie école, et parfois, cela va avec la saleté de rigueur...

 

Parlons des préfets: ces élèves chargés de maintenir l'ordre comme bon leur semble, et qui se repaissent de leur privilège, sont une des particularité du système des "public schools". L'idée est de développer l'esprit de leadership chez les futurs meneurs de la nation... Cela donne lieu à des vexations, humiliations, brutalités qui sont au coeur du film. c'est aussi une différence essentielle avec le film de vigo qui semblait dire, avec le personnage du pion lunaire incarné par Dasté, que même dans cet univers, il y avait du bon à prendre parmi les adultes. Ici, des préfets (Tous choisis parmi les plus vieux des élèves) au directeur qui utilise son indulgence comme une pose démagogique, des professeurs cassants au chapelain tripoteur, les adultes sont tous des garants de la bonne tenue de la nation, de l'establishment. Les préfets et les adultes ici établissent un lien avec le monde extérieur, puisque le film ne parle pas que de l'école, ça va de soi. comme la "public school" qui prépare l'élève à assumer sa place dans la société, qu'il soit leader ou troufion, le film assimile donc l'école à un champ de bataille (Littéral), d'une façon que reprendront les Monty Python, d'ailleurs, dans The meaning of life, une sorte de préparation à la vie dans laquelle déja les faibles se font écraser.

 

La structure si bien rangée du film est contredite par le passage arbitraire de la couleur au noir et blanc, et par des audaces formelles parfaitement intégrées: Anderson maintient le spectacteur dans un abominable suspense par exemple dans une scène de châtiment, en restant sept minutes à l'extérieur d'une  salle dans laquelle des élèves se font fouetter, avec lceux qui attendent leur tour. la bande-son nous renseigne bien sur sur ce qu'il se passe, et lorsqu'on entre enfin, on va au supplice en même temps que McDowell. Les scènes d'exercice militaire, de batailles et finalemnt de tuerie, sont représentées aussi frontalement que possible.

 

Un classique, donc, que ce deuxième long métrage d'un électron libre du cinéma Britannique, un homme généreux et contradictoire, sorte d'anarchiste conservateur, qui a su doser parfaitement la colère et l'esprit frondeur, dans un film qui est une claque! d'autant plus forte qu'elle est parfaitement appliquée. Le passage par ce film est indispensable!

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Published by François Massarelli - dans Lindsay Anderson
29 mai 2011 7 29 /05 /mai /2011 17:45

Moins beau que son Germinal, cette adaptation de Dumas par Capellani est à son meilleur dans les extérieurs, tournés dans des décors authentiques et plausibles, jamais propres, toujours inquiétants. c'est d'autant plus important que comme à son habitude, le metteur en scène fonctionne par taleaux. L'intrigue ne tourne pas qu'autour du "Chevalier de Maison-Rouge", tout comme Les trois mousquetaires sont surtout l'histoire du quatrième... Autour de ce royaliste bien décidé à sauver marie-Antoinette de son destin funeste, toute une galerie de personnages, souvent bien campés: Dixmer, le tanneur qui trahit la révolution par amour pour son épouse; Geneviève Dixmer, la soeur du chevalier, qui n'aime pas son mari, et découvre l'amour en la personne d'un garde révolutionnaire; Rocher, le sans-culotte impitoyable... Si les partisans de la révolution sont, comme souvent dans la fiction, des gens peu accomodants et violents, on constate que le jusqu'au boutisme de certains royalistes finit par faire des victimes, à commencer par Dixmer, de plus en plus aveuglé par la jalousie. Le final permet à Capellani de ménager la chèvre et le chou, comme le cinéma le faisait souvent, sans pour autant tiomober dans le délire révisionniste à la Vendéenne...

 

De Capellani, je préfère de loin les adaptations de Zola que j'ai pu voir, mais cette histoire située en pleine révolution a ses charmes, et nous permet d'anticiper sur le monument que ne manquera pas d'être Quatre-Vingt-Treize, le "grand oeuvre" paradoxal d'Albert Capellani...

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Published by François Massarelli - dans Muet Albert Capellani 1914 *
28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 08:48

Grâce à l'arrangement trouvé par Chaplin et la First National autour de ce film, il a pu enfin profiter de la United Artists, le dernier de ses fondateurs à tourner pour le distributeur. L'arrangement était simple: au lieu de deux courts métrages, Chaplin a proposé de livrer un film de quatre bobines, ce qui fait quand même une bonne comédie de luxe, qui peut générer des revenus. Comme en prime le film est très soigné, tout le monde a été content... Chaplin ne bâcle en aucune façon ce dernier film (relativement) court, et convoque une certaine quantité de thèmes et de figures déjà évoquées. Il le fait avec son sens fabuleux de l'économie visuelle, et dans un cadre westernien, la seule et unique fois...

Un bagnard évadé a volé les vêtements d'un pasteur, et se retrouve à prendre sa place auprès d'une petite communauté du sud du Texas. Avant d'être repéré pour ce qu'il est, il a le temps de faire un office religieux, de participer à un thé auprès de certaines personnages du village, et de tomber amoureux d'une jeune fille (Edna Purviance); mais surtout il tombe par hasard sur un ancien 'camarade de l'université', un pickpocket (Chuck Reisner) qui comprend vite le parti qu'il peut tirer du costume et de la supercherie de son copain. Il va donc falloir l'empêcher d'escroquer toutes ces petites gens, sans se faire pincer...

Le costume sied bien à Chaplin, qui a toujours défendu l'idée qu'un habit ne fait pas le moine, mais que l'apparence est une illusion qui trompe forcément les autres. C'est ce qui arrive, avec cet étrange pasteur, et ce dès le début du film. Quatre plans suffisent à tout expliquer: 1 - Un gardien de prison colle une affiche à l'entrée de la bâtisse. 2 - Gros plan de cette affiche, un avis de recherche d'un bagnard évadé, il a une moustache, et un uniforme rayé. 3 - Un homme en maillot de bain sort d'une rivière, prend des vêtements, et constate qu'ils ne sont pas les siens: c'est un uniforme de bagnard. 4 - Notre héros, en habit de pasteur, et avec la mine compassée qui va avec, marche tranquillement vers une gare. Après, ça se gâte: un couple qui vient de fuir pour se marier lui demande de l'aide, et il est bien incapable de pourvoir leur prêter assistance, mais ça y est, aux yeux du spectateur, nous savons que cet homme est un bagnard, et le reste de l'humanité le prend pour un prêtre.

L'interprétation de ce film est marquée par les apparitions de fidèles acteurs, qui reviennent de ses derniers films. Henry Bergman, de moins en moins présent (Il avait un restaurant à gérer), apparaît dans deux courtes scènes au début, Albert Austin n'est nulle part, ou je l'ai manqué; par contre, Edna Purviance joue pour la dernière fois à ses côtés, et on voit aussi Sydney Chaplin dans deux rôles, Loyal Underwood en doyen à barbe, Chuck Reisner en exccroc (Quelle trogne!), et surtout le grand Mack Swain. Chaplin employait ses acteurs comme des pantins parfois, les laissant réagir de façon neutre à son jeu, comme Edna Purviance va souvent devoir jouer le témoin inactif dans certaines scènes. Mais quand il reconnaissait un grand acteur, il pouvait lui donner une place importante, c'est ce qui arrive avec Swain ici, qui du reste reviendra dans The gold rush. Dans le rôle du chef spirituel de cette petite communauté, il est merveilleux: alcoolique, mais en secret, qui désapprouve des agissements pour le moins étranges de ce pasteur bizarre, mais qui sait si bien se parer du masque de l'impénétrabilité lorsqu'il y en a besoin. La scène qui les voit tous deux marcher de dos, l'un et l'autre persuadé que la bouteille d'alcool qui vient de se briser par terre provient de sa poche, est un grand moment de collaboration burlesque.

Parce que ce ne sont pas tant les corps constitués qui sont la cible de Chaplin. non, ce serait plutôt les comportements des individus qui les composent: ici, il nous montre l'intolérance des braves gens devant l'excentricité de ce jeune pasteur (le fameux sermon de David contre Goliath, qui donne lieu à une pantomime parfaite, sera applaudi par un gamin qui auparavant s'ennuyait à l'église, alors que tous les braves gens sont indignés), avec une justesse étonnante. Et puis il y a Sidney, et sa tête d'hypocrite, derrière sa grosse moustache. C'est étonnant aussi de voir à quel point il pouvait s'enlaidir: quand on le voit dans sa première apparition, il est un jeune homme assez corpulent, mais pas vilain, qui fuit avec une jeune femme pour se marier... Le même, trois bobines plus loin, est un morse à moustache, les cheveux luisants et bien peignés, qui reste bouche ouverte d'indignation devant le fait que les invités du thé allaient... manger son chapeau.

Non, le seul qui soit épargné, à part Edna et sa mère dans le film, c'est le shérif (Tom Murray), qui voit à la fois en Chaplin un bagnard évadé, et un brave homme qui s'est conduit avec honneur. Hésitant à faire son devoir, il le conduit à la frontière, ou Chaplin fera l'amère expérience du fait qu'il ne sera tranquille nulle part. le final, qui le voit cavaler symboliquement une jambe aux Etats-Unis et l'autre au Mexique est après tout un reflet de toute sa vie. Une fois de plus, après The adventurer, Chaplin quitte un studio sur une fuite.

Le western est esquissé dans ce film, mais sans trop d'insistance. On constatera un hold up et une fusillade finale... On retrouve par contre une fois de plus (Après Police et The adventurer la dynamique de l'ancien prisonnier. Dans The adventurer, il était aux prises avec la société seule, mais dans Police et celui-ci, il est soumis çà la tentation de replonger par l'intermédiaire d'un autre malfrat, un vrai! Lloyd Bacon et Chuck Reisner sont donc les méchantes fées de ces deux films, qui invitent Chaplin à s'interroger sur sa loyauté. Quand il s'agit de rester fidèle à Edna Purviance, le choix est vite fait...

Bref, un film riche, drôle, qui apporte encore du nouveau tout en recyclant avantageusement des idées qui marchent bien, et qui montre aussi au public, une fois de plus, qu'il n'y avait pas besoin de vagabond: les costumes dans ce film sont totalement éloignés des habitudes, et Chaplin se contente finalement de sa moustache, ses cheveux frisés toujours aussi indomptables, et de sa démarche pour affirmer la présence de son personnage... Peut-être dans ce qu'il croyait être la dernière fois.mais le sort et le public en ont décidé autrement. Au fait, ce film a eu un gros succès.

...Pas le suivant.

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1922 **
28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 08:45

Somewhere in the night avait beau être, dans l'intention de Mankiewicz, un film noir destiné à lui faire apprendre les ficelles du métier, il véhiculait d'intéressants prototypes, notamment dans le fait d'utiliser l'intrigue pour construire un puzzle avec narration comme il aime tant les faire. Celui-ci aborde d'autres thèmes, qui sont passionnants, et qui renvoient aussi bien à la Bible, à Shakespeare, qu'à des valeurs Américaines: on parle ici de rêve Américain, de meurtre symbolique du père et de partage de la dépouille (Quatre ans avant Julius caesar) et d'ascension suivie de chute. Le film a la réputation d'être mineur, un exercice imposé. C'est sur qu'entre A letter to three wives et All about Eve, on sent bien qu'il n'est pas à la même hauteur, mais il vaut bien plus que ce qu'on en a parfois dit.

 

Max Monetti, plus que le héros de ce film, est l'ancrage. Interprété par Richard Conte qui lui confère son aspect rugueux, brutal dans ses mots et sa manière d'être, il est un avocat, l'un des quatre fils de Gino Monetti, un immigrant Sicilien qui a construit une banque à partir de petits prèts de voisinage. dans l'introduction du film, il sort de prison (Ou il a passé sept années), et vient rêgler ses comptes auprès de ses frères. On ne sait pas encore pourquoi, mais on apprend que le père est mort, et que la banque appartient désormais aux trois autres Monetti: tous les fils, moins Max... La fin de l'introduction voit Max se rendre à la maison familiale, ou il entame un flashback, qui va prendre les trois-quarts du film.

 

Gino Monetti, on le sent très vite, est le héros du film. Edward G. Robinson prète sa bonhomie à un personnage très ambigu, insaisissable, dont le caractère profond semble varier sur un certain nombre de critères, comme selon le point de vue: philantrope, il prète à ses voisins comme on donne à ses amis. Riche, il règne sur le quartier, mais estime ne pas enfreindre la loi. Pris en faute, il se défend par le bon sens. Finalement, il apparait coomme un rapace, qui a fait sa fortune sur le dos des petites gens, qui lui versent des intérêtes exorbitants... Pour Max, il est un père exigeant mais qui le soutient; tous les autres fils souffrent, et Mrs Moneti estime que la richesse a fait perdre son humanité à son mari. voilà, c'est all about Gino Monetti, dont Robinson fait un sans faute, si ce n'était l'accent Italien forcé.

 

Le flash-back possède un plan, lent et solennel, durant lequel alors que retentit de la musique (Gino Monetti est comme Little Napoleon, dans Some like it hot; il est un fan d'opéra), on monte un escalier, et on franchit le temps... Max est seul à la maison et se souvient. cet escalier reviendra, encore et encore, dans le film. Bien sur, il est associé à Gino et son ascension, et par contrecoups à la frustration des trois fils ratés. Il semble venir en écho à l'omniprésence de Gino Monetti, il est un symbole à la fois du rêve Américain, incarné par l'indéniable réussite de Monetti, mais aussi du ratage: le père n'a construit d'empire que pour lui-même, et refuse aux trois fils la moindre largesse; par ailleurs, au bout de cet escalier, le père sera rattrappé par une machine judiciare qu'il a trop longtemps ignoré. il a voulu se saisir de l'opportunité du rêve Américain, mais l'a fait à la Sicilienne... Plus dure sera la chute: L'escalier mène aussi le père à la trahison, indirecte, qui scelle son propre sort en envoyant Max, le chouchou,  en prison. Basse vengeance, qui fait d'une pierre deux coups, de la part des trois frères ligués.  Cet escalier, on le voit une dernière fois au terme d'un rêglement de comptes: Max vient de voir ses frères une dernière fois, leur abandonne toute part et toute vélléité de revanche. Il emprunte une dernière fois l'escalier, filmé pour une fois depuis l'étage, et on le voit disparaitre...

 

Une scène du film voit vers la fin du flashback, Max sortir de prison le temps de visiter sa famille, à la mort de son père. Dominée par le prétentieux portrait géant de Gino, fantôme très concret, la scène renvoie bien sur à Shakespeare, et Max est très sarcastique, contre ses frères qu'il sait responsables de la chute de son père, de sa présence en prison. C'est leur mère qui se fait l'interprète de la scène, renvoyant dos à dos la dépouille du père mort, le fils écarté, et les trois comploteurs. Une scène dure, dans laquelle la présence symbolique de Robinson est donc assumée par le portrait, et qui anticipe sur le traitement très partagé du Julius Caesar de mankiewicz, dans lequel la faute de la mort de César sera certes assumée par Brutus, mais aussi renvoyée à la faute de César lui-même, qui n'aurait pas du détruire la république, et aux complices de Brutus qui l'ont manipulé... dans cette maison des étrangers, que dénonce la mère, on vise donc assez haut, pour tomber très bas.

 

Les dialogues sont une fois de plus du pur Mankiewicz, qui s'amuse à donner cette étrange fausse bonhomie à son Gino Monetti, qui bien que banquier anticipe sur d'autres patriarches plus douteux. Le père sait comment distribuer en trois mots les bons points (max) et les tartes (Le pauvre pietro, qualidfié de Dumbhead, "andouille", dans toutes les phrases utilisées par son père pour s'adresser à lui), le tout enrobé dans un accent Italien et de constants appels au bon sens. La scène du repas montre parfaitement les mécanismes familiaux, avec le père qui impose à tout le monde le silence en écoutant des disques, pendant que les convives ont faim, et doivent se retenir de manger. La conversation qui suit, qui montre à la fois la frustration de certains des enfants de Gino, et la méchanceté aveugle du père, est un grand moment. Max, de son côté, est caractérisé par un tic de langage qui fait de lui non seulement un homme pressé et direct, mais aussi quelqu'un de foncièrement irritant, ce que ne manque pas de faire remarquer la petite amie (Susan Hayward) qui reprend son mot ("Period", point final) pour se moquer de lui à plusieurs reprises.

 

Même dans un film "mineur", la classe de Mankiewicz est là, et ce film dont les premières images ont été tournées à New York, sur un marché de Little Italy, avec la présence de Richard Conte, par Mankiewicz lui-même, ne sont que le début d'un film qui est bien supérieur à de nombreux films noirs de la Fox de Zanuck, avec cette obsession du naturalisme. Ici, Mankiewicz a pulvérisé ce réalisme pour imposer sa vision du monde, baroque, et bien sur, très très noire.

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz
27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 18:24

Une fois qu'il a quitté Sennett, Langdon a pu faire ce qu'il voulait, soit des longs métrages. Comme on sait, l'expérience sera un échec commercial, doublé d'une malédiction: celle d'être incompris, jugé comme un sous-Chaplin, ce qu'il n'était pas, un jouet de Capra, ce qui est une invention du réalisateur, et un réalisateur peu doué, ce qui est absurde: des six films de Langdon à la First National, on en conserve 5: un de Harry Edwards, un de Capra sur lequel le réalisateur a eu le final cut, un de Capra sans le final cut, et deux de Langdon (Egalement réalisateur du sixième, Heart trouble). Il existe des différences liées au sujet de chaque film, mais le style global est celui... de Langdon; son jeu, sa lenteur, sa façon de suspendre le temps dans une scène, et de prolonger un gag jusqu'à l'insupportable: bref, aimez-le ou laissez le tranquille, mais un style.

 

Le premier film repose sur l'équipe testée et approuvée par le public dans les derniers films Sennett: Edwards, pour une dernière fois à la réalisation, Ripley et Capra au scénario. L'intrigue renvoie un peu à Harold Lloyd, avec cette petite histoire du fils d'un chausseur indépendant (Langdon) qui participe à une course organisée à des fins publicitaires par un gros chausseur, Burton; le but d'Harry est d'empocher la récompense pour sauver l'entreprise familiale pour faire face à ses créanciers. En chemin, il va au bagne, affronte un cyclone, et rencontre la femme de sa vie, la fille de Burton (Joan Crawford!!!!!!!), qui était la belle fille sur toutes les publicités des chaussures de son papa.

 

C'est bon de voir un clown qui a eu le sentiment d'être brimé pendant des années passées à l'usine à rigolade, et qui peut enfin s'égayer dans un film construit à sa mesure. L'histoire est on ne peut plus simple, et bien pratique, avec son inévitable suspense "sportif", mais la façon dont Harry s'accommode d'être engagé dans ce qui est une épreuve de vitesse est intéressante. On retrouve un peu de l'esprit Capra dans le fait que cette course à travers les Etats-unis se fasse dans l'Amérique profonde, et cela culmine justement dans une scène de cyclone très "frontale" qui a peut-être inspiré le final de Steamboat bill Jr. Pas aussi aboutie, bien sûr, mais très impressionnante, en réalité... Le rapport de Harry à Joan Crawford est comme souvent le rapport d'un homme-enfant à une femme idéale, rêvée.

 

Donc si on résume, pour un acteur supposé être un "sous-Chaplin", on constate que j'ai référé à deux autres comédiens, tous les deux admirables. mais la vérité, c'est que ce premier film indépendant consacre surtout à mes yeux la spécificité de cet acteur certes pas facile à appréhender, mais dont l'histoire devrait de temps en temps se souvenir avec un peu plus de respect. 

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Published by François Massarelli - dans harry langdon Muet Frank Capra
27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 18:14

Un film qui tente de renouer avec l'esprit des films de Lubitsch, situé en Autriche à la veille de la grande guerre, avec de jeunes vedettes prometteuses (Sophia Loren, et John Gavin), des valeurs sures légendaires (Maurice Chevalier, Angela Lansbury), un scénario propice à délicieux sous-entendus, et le tout luxueusement décoré, situé dans les alpes, les vraies, avec des costumes idoines, et la cerise sur le gateau, une réalisation de Michael Curtiz!!

 

Mais bon, il faut raison garder: Curtiz est vieux, malade, et revenu de tout depuis qu'il a quitté la Warner en 1954. Ce film, qui nous conte la valse-hésitation de la princesse Olympia (Loren) devant son destin (Epouser un moustachu à l'esprit obtus) ou son désir (Epouser un jeune ingénieur Américain de passage), est poussif, mou, une fois passée la charmante scène d'introduction. Seul personnage digne en théorie du réalisateur, Angela Lansbury est malgré tout une bien piètre manipulatrice, et Chevalier, pas dirigé, est insupportable, réussissant après tant d'efforts dans ce sens à faire à la langue de Shakespeare ce que Nicolas Sarkozy a fait à notre service public. Bref, passez votre chemin.

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Navets
26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 08:25

Quitter le muet: aujourd'hui, on a une idée tellement simple de cette période, qu'on oublie qu'il a été long pour le muet de mourir. Il y a eu un "interrègne", pour reprendre le mot de Michel Chion, entre le muet et le parlant. Borzage, qui a participé à la refonte parlante de son film précédent (The river), a donc tourné avec Lucky star un film parlant, dont comme souvent à l'époque une version muette a été établie (D'autant que lors du début du tournage, le but était de tourner un film muet). Il y a fort à parier que les scènes dominées par les dialogues ont été tournées avec un plan fixe, sur lequel la scène s'ancrait. Ici, si le style de Borzage est moins baroque que dans Street Angel (Ce qui était déja le cas avec The river), on constate que le metteur en scène a imprimé son style à cette "version muette". ce n'est en aucun cas un pis-aller, mais bien un grand film muet, comme City Girl de Murnau, dont la version parlante a été de plus supervisée par un autre metteur en scène... Que ce dernier film muet soit une fois de plus un rendez-vous entre Frank Borzage et le couple fétiche de la Fox, Janet Gaynor et Charles Farrell, fait que l'on ne peut que se précipiter sur Lucky Star, avec gourmandise et émotion. 

Tim Osborn revient de la guerre avec les jambes paralysées, et il se lie d'amitié avec une jeune fille, Mary Tucker, qui est la seule à lui rendre visite; il s'amuse à la changer, lui apprend à se mettre en valeur, à mieux se tenir. La sympathie entre les deux tourne vite à l'amour, mais la mère qui est méfiante de Tim (Un éclopé, dit-elle) lui préfère l'uniforme de Wrenn, un bon à rien qui prétend vouloir la main de Mary, mais qui a d'autres idées en tête. Il faudrait que Tim réussisse à trouver un moyen de renverser la situation...

L'intrigue de ce nouveau film s'inspire de nouveau, après The river, du romancier Tristram Tupper, dont on reconnait l'univers rural et le coté "Amérique de toujours", si bien incarné par le village de rondins du film précédent, et les maisons de bois dans un décor tout en collines et en vagues de ce film. On reconnait dans le décor la singulière touche Fox, celle qui a donné Sunrise et Seventh Heaven, et qui continue à se distinguer en construisant des univers cohérents en studio dans les films de Borzage (The river), Ford (Four sons) et bien sur Murnau (Four devils). Harry Oliver n'est pas Rochus Gliese (le génie amené par Murnau dans ses bagages, pour Sunrise), mais son village est très remarquable, par l'enchevêtrement de chemins, de collines, de ponts et de barrières. On y a froid (Les hommes dans la scène d'ouverture ont une haleine visible...), et il y neige merveilleusement. Le même décor semble être utilisé pour figurer le front, lors des séquences de guerre, toujours aussi stylisées chez Borzage.

La guerre, comme toujours, joue les trouble-fêtes, l'incorporation de Tim est la fin d'un monde, comme dans Lazybones et Seventh Heaven. C'est surtout un dommage qui arrête nette l'ascension de Tim Osborn, dont le travail était de vérifier les lignes télégraphiques et téléphoniques: à ce titre, on le voit faire l'ascension d'n poteau, et rester là-haut. Toujours cette irrésistible attraction du ciel chez les héros Borzagiens. cette fois, pourtant, contrairement à Street Angel, c'est Charles Farrell qui va être cloué au sol par le biais de sa paralysie. Mais la guerre aura d'autres conséquences pour un autre personnage: Wrenn, qui est sergent durant les hostilités, va profiter de son uniforme, et propager des mensonges sur sa réussite.

Du ciel vers le sol, Tim s'adapte très bien à son sort, et bricole des objets pour l'aider dans sa vie quotidienne. Il semble ne regretter que sa solitude, mais d'une certaine façon cette acceptation est une mauvaise idée. Il lui faudra une vraie motivation, à travers l'amour de Mary, pour tenter de remarcher...

On retrouve Cendrillon, ici, avec la complicité grandissante entre la souillon Mary Tucker, encore un rôle superbe pour Janet Gaynor, et la "bonne fée" interprété par tim, qui lui apprend à se moucher, l'encourage à bien se tenir, et lui apprend l'hygiène, tout en révélant sa beauté. Cendrillon est prète à aller au bal (avec des chaussures neuves, mises en valeur par un intertitre), mais lle revient avec Wrenn, en prince charmant auto-proclamé... La métamorphose orchestrée sur Mary ne suffit pas à Tim, il s'en rend compte, et il va lui falloir admettre qu'il lui est nécessaire de changer lui aussi, s'il veut la sauver, et aussi la mériter.

Si la mise en scène est plus simple que dans Street Angel, qui représente pour l'instant le degré de sophistication le plus important des films de Borzage, on constate d'une part une utilisation exceptionnelle de l'espace, ces décors dont il était question plus haut. Cela nous permet des scènes comme celle du bain: Tim s'apprète à donner un bain à Mary, et la déshabille. Il lui demande son age, elle répond qu'elle a presque dix-huit ans, et embarrassé, il lui suggère de se laver elle-même: elle prend sa carriole et quitte la ferme de Tim, pour aller à la rivière plus loin, mais elle est toujours à portée de regard de la ferme de Tim. celui-ci jette un regard, puis gêné regarde ailleurs. C'est tout un univers esthétiquement superbe, qui renvoie visuellement tant à l'expressionnisme (un film comme Der Schatz, le Trésor de Pabst, se joue sur le même type de terrain en perspective faussée) qu'à des estampes japonaises (les nuances de gris utilisées)...

Les conditions météorologiques sont intéressantes. le film commence sur un matin, et se clot dans une lumière renfiorcée par la neige. Celle-ci accompagne le miracle du film, en même temps que le blanc omniprésent accentue la luminosité du cadre, signé par Chester A. Lyons et William Cooper Smith... Miracle, donc: Tim se bat contre sa paralysie, à l'écart du monde, et la vaincra en une seule nuit... La motivation, c'est d'empêcher Wrenn de lui voler Mary, pour laquelle il est décidé à se battre, après avoir réalisé lors d'une très belle scène son amour pour elle: elle a acheté une belle robe, et vient la lui montrer, et elle le remercie pour tout, en l'enlaçant. le regard de Farrell dira tout ce qu'il y a à dire. Le miracle à beau être moins spectcaulaire que celui de Seventh Heaven, il n'en est pas moins à la base d'une scène magnifique, durant laquelle tim se traine vers le village, marchant de plus en plus. pour finir, il se bat contre Wrenn, et les gens du village l'aident à s'en débarrasser. il n'a plus qu'à reconnaitre la vérité: tout ce temps, dit-il à Mary, je croyais que c'est moi qui te transformais... Le miracle ici est important d'autant plus que c'est une fois de plus l'accomplissement d'un homme, Tim Osborn. Lui qui croyait devoir utiliser sa créativité pour améliorer son quotidien d'infirme, avait mieux à faire en triomphant de son infirmité...

Miracle, Cendrillon, l'amour fou qui donne tous les pouvoirs, promiscuité tendre, un univers d'Amérique profonde qui sied bien à la simplicité des personnages: aucun doute, on est chez Borzage, pour un dernier film muet en forme de bouquet final. Un autre miracle, c'est finalement que ce film ait survécu dans sa version muette... Compte tenu de l'état du parlant en 1929, une copie parlante n'aurait pas été aussi passionnante, et ce ne serait pas mon Borzage préféré.

 

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Muet 1929 **