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8 octobre 2023 7 08 /10 /octobre /2023 14:28

Ce n'est pas la première adaptation du roman à succès (1896) de Henryk Sienkiewicz, mais c'est la première qui soit vraiment significative: une durée imposante, près de deux heures, de grands moyens, des centaines de participants, et une volonté de tourner l'histoire Romaine en un spectacle cinématographique. Autant d'aspects qui auront un impact sur le cinéma du monde entier, lorsque tous les pays, à la suite des Italiens, des Danois et des Français, vont eux aussi orienter l'industrie cinématographique vers le long métrage...

L'histoire part d'un enlèvement, mais effectué par l'empereur lui-même: à la demande de son ami Petronius (Gustavo Serena), Néron (Carlo Cattaneo) enlève la jeune Lygia (Lea Giunchi), élevée par des Patriciens, afin de la marier avec Vinicius (Amleto Novelli). Lygia connaissait Vinicius, mais de là à l'épouser... Et Vinicius, qui a assisté aux hésitations de la jeune femme lors d'un banquet, décide de se l'approprier... Mais la jeune femme est suivie à distance respectable, par son esclave, le fidèle Ursus, qui est un homme très fort, et lui est totalement dévoué. ll reçoit une aide précieuse, celle des Chrétiens de Rome avec lequels il récupère Lygia... 

Petronius tente de calmer Vinicius (notamment en lui apportant une jolie esclave, autres temps...) mais rien n'y fait. En attendant, tout Rome semble se mobiliser pour retrouver la jeune femme et la ramener à Vinicius.

Le fond du problème, dans Quo Vadis? (assez typique d'un roman de la fin du XIXe siècle), est un conflit de civilisation, entre la Rome Patricienne, sous la coupe d'un empereur fou furieux, et capricieux jusqu'à l'extrême, éprise de ses privilèges, et de la vie dissolue que permet l'esclavage, et d'autre part les premiers Chrétiens, symbolisés ici par Lygia et d'autres, la jeune femme devenant presque le vecteur inattendu d'une rencontre qui n'aurait peut-êytre jamais eu lieu sans elle... C'est bien sûr naïf, et ça ressort plutôt du mélodrame que de l'histoire, tout comme d'ailleurs, hélas, l'est le personnage de Chilo, un homme de la pègre qui apporte son aide à Vinicius pour repérer Lygia, et se comporte selon tous les codes théâtraux qui désignait Shylock, ou un Juif, à cette époque.

Mais le roman est ici représenté dans toutes ses grandes lignes, développées grâce à la durée, et il est remarquable de voir comment Guazzoni a traité cette histoire foisonnante, qui part d'une anecdote pour aller vers le drame, passant par la présence de l'apôtre Pierre à Rome, et incluant aussi la menace des persécutions. Comme d'autres avant et après lui (Capellani, Griffith, Stiller, Blom, Christensen, DeMille, etc), Guazzoni repose sur l'importance de figurer des moments épiques, et le dosage de leur représentation... ce que Mauritz Stiller appelait des "montages d'attractions". et là où l'exposition du film repose beaucoup sur l'habitude de l'époque (intertitre annonciateur, plan pour illustrer, puis un autre intertitre, etc), l'incendie de Rome reçoit un traitement en longueur, à partir d'un plan de fournaise, puis les lions du cirque, inquiet dans leur cage, puis la panique, etc... On multiplie aussi les digressions durant l'incendie (évanouissement de Vinicius, Néron déclamant ses poêmes...) pour faire monter le suspense. C'est magistral...

La façon dont les Romains réalisent le danger d'avoir néron comme empereur, l'incendie de Rome, le Cirque et les sacrifices de Chrétiens, la douceur des premiers Chrétiens qui vont au supplice, Lygia sur un taureau sauvée par le dévouement d'Ursus... tous ces passages obligés, mais aussi l'éveil de Petronius à l'amour parle biais des sentimentsde son esclave Eunice, autant d'ingrédients qui font de ce film une des premières grandes dates dans le développement du long métrage; on les retrouvera pour la plipart dans d'autres films, notamment les autres Quo vadis?, de Gabriellino d'Annunzio (1925), et de Mervyn Le Roy (1951), mais aussi bien sûr dans l'adaptation de contrebande qu'était The Sign of the Cross (DeMille, 1932).

Bref, on pourra dire ce qu'on veut sur les lourdeurs de voir tous ces gens en toge, sur le message habituel du peplum (Chrétiens, bons, Romains, pas bons), sur les gestes amples de ces figures antiques, mais Quo Vadis reste à mes yeux une étape essentielle...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Enrico Guazzoni * 1913
26 juin 2023 1 26 /06 /juin /2023 19:15

Sorti après son spectaculaire Enfant de Paris, Le roman d'un mousse est une preuve de plus de la maîtrise dont faisait preuve Léonce Perret avant la première guerre mondiale, et de la place qui fut la sienne au sein de la Gaumont: il est évident qu'il bénéficiait pour ses productions mélodramatiques de moyens à  la mesure de ses ambitions... Le scénario de ce nouveau mélodrame d'aventures est basé sur une intrigue très bourgeoise, dans laquelle un marquis ruiné, associé à un banquier sans scrupules (Sur lequel, hélas, je reviendrai plus loin), se marie à une comtesse fortunée. L'idée est bien sur de se débarrasser de la belle après avoir éloigné son bambin afin de faire main basse sur sa fortune; pour se débarrasser de l'enfant, le banquier se propose de jouer son percepteur le temps de la lune de miel, et de faire croire à une fugue, en laissant une lettre dans laquelle le gosse annonce s'être enfui. Puis, le banquier Werb place le gamin sur un bateau ou il sera ensuite brutalisé parle capitaine. Pendant ce temps, le marquis tente de tuer son épouse mais suite à une maladresse se tue lui-même... la comtesse est accusée du meurtre. Le mousse parviendra-t-il à la disculper à temps?

On le voit, les péripéties se situent dans le droit fil du roman populaire, mais Perret est à son aise avec l'installation d'atmosphères idéales: promenade fatale à St-Malo, où le banquier drogue le garçon, scènes sur le bateau ou le gamin est en proie à la tyrannie du capitaine qui lui fait faire tous les sales boulots, intérieurs bourgeois rendus inquiétants par des jeux de lumières, décidément une qualité particulièrement représentée chez Perret, etc... Le film se voit sans aucun déplaisir, même si on n'est pas devant un film aussi beau plastiquement parlant, et aussi avancé que L'enfant de Paris...

Et il y a aussi le problème que je qualifierai de politique: Werb, de son prénom Elie, est un usurier sans aucun scrupule, un banquier de la pire espèce, qui n'a aucune humanité. Encore une fois, faut-il en accuser le metteur en scène, ou faut-il s'en prendre à Gaumont, dont les idées conservatrices n'ont jamais été un mystère? quoi qu'il en soit, cette trace d'antisémitisme, aussi discrète soit-elle, est un défaut irritant dans ce qui reste une oeuvre accomplie, un film à voir donc d'un metteur en scène qui mériterait d'être plus remis sur le devant de la scène...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 Léonce Perret *
21 décembre 2022 3 21 /12 /décembre /2022 13:17

La nuit de Noël, la sorcière Solokha fait les 400 coups avec un démon, et ils volent la lune... Dans le chaos qui s'ensuit, des cosaques qui se sont perdus dans la nuit noire viennent se réfugier chez la sorcière et pendant ce temps, le fils de cette dernière, Vakula, forgeron de son état, se met en quête de bottes pour offrir à sa fiancée exigeante... Une aide précieuse viendra du démon...

Le film est un moyen métrage de trois bobines adapté d'une nouvelle de Nicolas Gogol, dominée par l'ironie, et une certaine caricature acide. Le film est situé en Ukraine, et Starewitch a fait des efforts pour en restituer les aspects folkloriques. On peut s'étonner de le voir aux commandes d'un film uniquement peuplé d'acteurs, mais il y a fort à parier qu'il ait été engagé justement pour son savoir-faire d'animateur et sa science des effets spéciaux. 

A ce titre, les séquences de vol, en balai d'abord, puis Vakula en démon-stop, sont assez peu réussies, il faut un petit temps au spectateur pour comprendre ce qu'on lui montre... Plus intéressante est la scène qui voit le démon se rapetisser, jusqu'à ne plus faire que quelques centimètres: Starewitch a utilisé une marionnette image par image pour remplacer son acteur. 

On peut noter que le caricaturiste acerbe et profondément adulte chez Starewitch ressort particulièrement en contrebande dans ce film, notamment lorsque des hommes toquent à la porte de Solokha, ce qu'un intertitre nous explique ainsi: Solokha étant sans mari, il était de coutume pour les hommes d'aller chez elle... Tiens donc!

Un dernier mot sur ce petit film assez peu glorieux: le démon est méconnaissable. C'est Ivan Mosjoukine.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 Ivan Mosjoukine Ladislas Starewitch *
17 mars 2022 4 17 /03 /mars /2022 17:00

On pouvait compter sur les Italiens pour deux choses en ce début des années 10: d'une part, faire exploser les limitations frileuses imposées par les Américains, par exemple, sur des spectacles cinématographiques, et d'autre part ne pas se contenter d'allonger la sauce: ils en faisaient du cinéma...

Cette adaptation d'une pièce assez méconnue de Shakespeare, The Winter's tale, incluant aussi bien des agissements troubles et occultes dans un royaume plus ou moins pré-Chrétien (Tiens, comme King Lear!) qu'une sombre histoire d'obsession jalouse et la rédemption de tout un royaume par une femme, est donc traitée sur près de 45 minutes, et bénéficie de toute l'attention de son metteur en scène, qui a soigné l'interprétation - intense, comme il se doit - ainsi que les aspects visuels: la nature, des décors plausibles, une attention au détail permettent à ce film de faire enfin le lien entre les premières adaptations parfois un peu maladroites et toujours expéditives, et les futurs chefs d'oeuvre d'un cinéma qui se sera enfin affranchi de la trace théâtrale de Shakespeare...

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Published by François Massarelli - dans 1913 Shakespeare Muet **
29 août 2021 7 29 /08 /août /2021 15:39

La compagnie maritime Girard et Sims est dans une mauvaise passe: Girard a décidé de se passer de Sims et se prépare à effacer son associé de la firme. ce qui est embêtant, c'est que son fils Paul (Harry Myers) auquel il souhaiterait proposer d'être son nouveau partenaire exclusif, rentre d'Europe, marié... à Dora (Ethel Clayton), la fille de Sims. Le vieux Girard refuse de voir la jeune épousée, et Paul refuse l'association, préférant épauler son beau-père dans une nouvelle affaire. Les ponts sont donc coupés entre le père et le fils Girard...

Quelques années plus tard, le père qui n'a toujours pas digéré les choix de son fils, décide couler la nouvelle compagnie concurrente que ce dernier a lancé. Dans les heures qui suivent, le bateau qui transportait Paul est porté disparu, et San Francisco, où résident Dora, ses enfants et son père, est le théâtre d'un tremblement de terre...

Comme si souvent à cette époque, le film est double, avec d'un côté l'attraction principale, en l'occurrence le tremblement de terre de 1906, pour lequel la compagnie Lubin a repris des archives d'actualité, mais aussi laissé le metteur en scène chercher et trouver des solutions de truquage du décor qui tiennent plutôt la route; de l'autre, une histoire privée qui fournit au film et aux spectateurs une moralité bien sentie: cette fois, le message est clair: faire passer le profit et la liberté d'entreprendre devant la famille et l'affection, ça n'apporte rien de bon! Un message dont nous n'avions pas forcément besoin, mais qui sert de ciment au film. Beaucoup de montage parallèle, là-dedans, en particulier pour montrer sur trois fronts différents les aventures post-tremblement de terre de Dora et ses enfants, du père Girard qui refuse de les aider, et de Paul qui bien évidemment a survécu et essaie depuis les lieux du naufrage, de retrouver le chemin des Etats-Unis...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913
16 mai 2021 7 16 /05 /mai /2021 17:36

Il y a bien eu un Dick Whittington au Moyen-âge, il  été par trois fois maire de Londres... Mais cette histoire inspirée par la légende qui a été construite à partir de là se situe dans la lignée de la fameuse tirade de The man who shot Liberty Valance: quand la légende est plus belle que la vérité, imprimons la légende...

Dick Whittington, un enfant de la campagne, est fasciné par ce qu'on lui raconte de Londres, et décide de s'y rendre. Il est forcément un peu déçu mais trouve à se loger en se mettant au service d'un marchand. Il est plus ou moins soumis aux vexations du petit personnel, mais il a un toit, et pour s'occuper des rats, un chat. Lorsque le marchand part en voyage d'affaires, il emmène le chat avec lui, et ça va lui sauver la vie, et apporter la fortune à tous, y compris à Dick...

Ca y est: un long métrage! Les Etats-Unis ont raiment traîné des pieds pour se mettre à ce nouveau format en dépit des tentatives téméraires de Thomas Ince et plus prudentes de David Wark Griffith. La même année que Judith of Bethulia, de ce dernier, Alice Guy sort donc ce film sur un format long, en trois bobines. Il lui permet de varier les décors, de s'installer dans la longueur, et d'expérimenter avec des décors en trompe-l'oeil: sans surprise, c'est cet aspect qui passe le plus mal, alors qu'une autre idée saugrenue, celle de faire interpréter son adolescent par une actrice, Vinnie Burns, passe plutôt bien. C'est un film soigné, hautement moral, dans lequel on contourne prudemment toute audace narrative, mais qui confirme bien que le cinéma Américain est passé à une nouvelle ère...

 

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Published by François Massarelli - dans 1913 Muet Alice Guy **
26 avril 2021 1 26 /04 /avril /2021 18:24

Ce film est une grande date à plus d'un titre: d'une part il est l'un des premiers longs métrages d'un pays qui a bien du mal à exister dans le monde du cinéma, dominé par les Danois, les Italiens et les Français. Ensuite, il est aussi l'invention d'un mythe cinématographique, certes plus ou moins adapté d'une nouvelle de Poe, mais qui va générer sa propre légende, au point de fournir une cargaison de remakes... De là à penser que ce film ouvre la voie à une kyrielle de films fantastiques Allemands, et non des moindres, il n'y a qu'un pas!

Balduin (Paul Wegener) est un étudiant à Prague, matamore et fort satisfait de lui-même: fin bretteur, beau parleur, séduisant, il supporte assez mal le rejet. Aussi, quand une comtesse qu'il a sauvé de la noyade l'envoie paître en raison de son statut social inférieur, il plonge dans le doute. Il écoute la suggestion d'un étrange personnage, Scapinelli, sorte d'incarnation du diable: celui-ci lui garantit la fortune en échange de "tout ce qu'il souhaite prendre" dans l'appartement de l'étudiant. Il prend... le reflet dans son miroir. 

Balduin parvient donc à la richesse, et les portes de la noblesse s'ouvrent toutes grandes pour lui. Mais il est suivi constamment, par son double d'une part, et par une mystérieuse Gitane... Les deux seront sa perte.

On est encore dans un cinéma dominé par les tableaux, les plans uniques qui suffisent à une séquence... Le film délaisse les possibilités du montage pour s'intéresser, d'une part, au champ lui-même, qui est systématiquement traité en fonction de l'effet qu'il produira sur le spectateur (exactement la démarche que suivra à la lettre Wiene dans son Caligari 6 ans plus tard); d'autre part, Ewers et Rye s'amusent avec des doubles expositions, permettant au double maléfique de Paul Wegener de faire peur à Balduin, et c'est rudement bien fait... C'est vrai aussi que le film prend son temps, en particulier pour laisser les effets, justement, faire leur petit effet! Mis on a souvent le sentiment d'assister à la naissance d'un grand courant du cinéma mondial, et ça, ce n'est pas rien!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 *
15 mars 2021 1 15 /03 /mars /2021 15:52

Un village de pionniers, situé à proximité d’un campement indien, subit une attaque mortelle de la tribu, dont la colère a été provoquée par la mort du fils de chef, abattu par un cow-boy qui voulait protéger une adolescente.

A nouveau dans un film de Griffith, un homme se dévoue pour aller chercher du secours. Derrière ce scénario mis en image en Californie, on a une histoire épique à la Griffith, qui est dans l’ensemble rondement menée, avec Mae Marsh en orpheline qui arrive à l’ouest (Au cours d’un prologue Dickensien) en compagnie d’un gentil couple un peu gnan-gnan, joué par Lillian Gish et Bobby Harron : ils ont un enfant, qui jouera un rôle malgré son jeune âge. L’essentiel de l’action est provoqué par le fait que le patron du ranch, dont l’oncle de Mae est l’employé, interdit à la jeune fille de garder son chiot à l’intérieur de la maison. Pendant la nuit, deux Indiens entendent le chien, et s’apprêtent à le tuer pour le manger, lorsque la jeune fille intervient, ce qui entraîne la mort du jeune fils de chef comme on l’a dit plus haut.

Je me permets ici deux digressions: d’une part, Mae Marsh, en jeune préadolescente écervelée, est hélas insupportable; d’autre part les indiens nous sont, dans ce film, présentés comme d’abominables sauvages: ils mangent du chien, ils boivent comme des trous, ils font des fêtes païennes à s’endormir par terre en pleine danse, et ils ont dépenaillés… Tiens donc! C’en est fini de la magnanimité décrite dans d’autres films plus anciens, mais c’est aussi bien loin de la peinture des expéditions punitives de Custer sur les femmes et les enfants…

La deuxième bobine du film repose donc sur ces bases soigneusement empilées durant la première, et on assiste donc à une bataille, de plus en plus meurtrière pour toutes les parties concernées, à de micro-suspenses liés au jeune couple (Le bébé ? Ou est le bébé ?) où à la jeune fille (Tiens? Un bébé dans les bras d’un Cow-boy mort. Si je le sauvais?); tout cela est bien rendu, mais les gros sabots l’emportent vraiment sur la subtilité. La dimension épique vers laquelle Griffith tend, avec ses deux westerns, est surtout pour lui l’occasion de grossir le trait, et en retour il ne nous gratifie pas de beaucoup : tout au plus peut-on glaner ça et là des scènes de bataille relevées d’un fouillis de fumigènes qui accentuent le coté « boucherie héroïque » que Griffith aimait tant à souligner dans ses films, tout en s’y vautrant allègrement puisqu’il savait le public friand d’émotions fortes, etc…

Le film ressemble finalement à une ébauche de Birth of a Nation, par son racisme, son coté simpliste, et par des anecdotes précises: la cabane dans laquelle sont réfugiés les blancs est assiégée par les "sauvages", et lorsque les cartouches se font rares, les hommes s'apprêtent à sacrifier leurs femmes pour leur éviter un destin pire que la mort... 

Sinon, Elderbush Gulch ressemble à un galop d’essai pour Mae Marsh, autour de laquelle est centrée l’action. Le rôle de gentille demeurée que lui a donné Griffith ne lui rend pas justice, loin delà… mais c'est mieux que Lillian Gish qui reste cantonnée une fois de plus dans les jeunes ravissantes idiotes. Mae Marsh aura sa revanche avec Intolerance, et Lillian Gish l’a déjà eue avec The mothering heart, tourné quelques mois auparavant.

 

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Published by François Massarelli - dans 1913 David Wark Griffith Muet Western *
18 juin 2020 4 18 /06 /juin /2020 18:31

C'est l'un des derniers films de Jasset, tourné comme de juste pour le studio Eclair, et c'est une somme, un festival: comme Bandits en automobile, comme sa série des Nick Carter, c'est une histoire policière, ou du moins d'espionnage, mais prise délibérément sur son versant improbable et riche en péripéties: Jasset, qui avait présidé à la destinée de la série Zigomar, en avait retiré deux enseignements: 

D'une part le public appréciait particulièrement les aventures délirantes d'un maître du crime auquel rien ne résistait et qui s'adonnait aux déguisements les plus délirants, un constat que ferait aussi Feuillade à l'époque des Fantômas. D'autre part, il avait apprécié de tourner de nombreux épisodes de Zigomar avec l'actrice Josette Andriot, et avait fini par conclure qu'il lui fallait concilier ces deux atouts. Protéa est donc l'histoire d'une belle espionne, confrontée à une situation sans gravité puisque située dans des pays qui n'existent pas: Jasset aurait-il aussi inventé le MacGuffin cher à Hitchcock?

Donc le gouvernement de Méssénie, qui craint que celui de la Celtie n'utilise un traité dangereux pour ses intérêts, fait appel à l'aventurière Protéa (Josette Andriot) pour le récupérer, mais celle-ci émet une condition: elle assure qu'elle ne pourra mener à bien sa mission que si on lui adjoint les services de son associé L'anguille (Lucien Bataille), qui se morfond en prison! Dont acte, et les deux compères vont en moins d'une heure battre le record du monde de rapidité du travestissement, trouvant à chaque occasion son déguisement... 

Par ailleurs, le film promettait du plaisir en forme de cascades et autres retournements de situations, et gagne à tous les coups: Protéa n'a aucune limite, aucune barrière ne la retient, et Jasset a le bon goût de ne jamais laisser un temps mort ni de ne jamais se prendre au sérieux. Ne cherchez plus le film ultime du serial français: c'est Protéa!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 Victorin-Hyppolite Jasset Eclair
27 février 2020 4 27 /02 /février /2020 15:49

Un scandale éclate au duché de Wallenstein: des plans secrets ont été volés par un espion qui s'était introduit dans la famille d'un membre de l'état-major, sous le prétexte de conter fleurette à sa fille. L'officier responsable des plans se suicide, et sa fille Elsa (Lyda Borelli) doit partir en exil. En Suisse, elle travaille dans le monde du spectacle, et se fait rapidement un nom, mais le poids du souvenir la laisse constamment insatisfaite... Jusqu'au jour où elle rencontre un bel inconnu (Mario Bonnard) avec lequel elle file bientôt le parfait amour, sans savoir que ce désoeuvré, incognito, est en réalité le prince héritier de Wallenstein...

Bon, on va le dire de suite, comme ça ce sera fait: l'ignoble individu, qui subtilise les plans au début du film, puis qui reparaît dans le seul but de nuire gratuitement à la belle Elsa, s'appelle dans le film Moïse Sthar: une parfaitement inutile touche d'antisémitisme qu'on pourrait faire disparaître en remplaçant son nom par Jean Dupont sur un intertitre! Mais les maladies honteuses ont la peau dure, et pas que dans ce début de siècle précédent... Quoi qu'il en soit, malgré cette tache indélébile, ce film est important, ne serait-ce que c'est l'un des premiers films de Lyda Borelli, et sans doute le premier à être significatif...

Certes, c'est un mélodrame assez classique, un film dans lequel les passions finissent mal, à peine mâtiné d'un brin d'espionnage. Mais surtout, c'est un film qui repose intégralement sur les épaules d'une actrice qui avait un certain renom au théâtre, mais qui a instinctivement compris qu'elle pouvait utiliser la gestuelle, et les attitudes, pour faire passer l'émotion, dans ce nouveau médium en construction qu'était le cinéma... Le résultat, c'est qu'elle vampirise l'écran, obligeant le pépère Caserini à tresser toute sa mise en scène autour d'elle. Chaque scène qu'elle joue est une merveille d'invention, d'expression et d'émotion. La dernière dans laquelle elle meurt sur scène comme Molière (oui, C'EST une tragédie, forcément) particulièrement: une seule comparaison me vient à l'esprit, c'est Lillian Gish dans sa scène finale de La bohême... Excusez du peu. 

A coup sûr, c'est un film qui aura été crucial pour cimenter une grande part du cinéma Italien sur la verve de ses actrices, Lyda Borelli qui donne ici des échos de sa carrière théâtrale à travers les rôles joués par son personnage, l'avait bien compris, et le reste de la décennie allait être particulièrement intéressant.

 

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Published by François Massarelli - dans 1913 Muet Lyda Borelli Mario Caserini *