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19 juin 2021 6 19 /06 /juin /2021 16:34

Un jeune homme (Ugo Henning) va se marier... Pour satisfaire sa famille, ou par amour? On ne le sait pas trop, en tout cas Angèle (Edith Edwards), la fiancée, est elle ravie, car elle est très amoureuse. Le mariage précède immédiatement un voyage en train, et elle est très motivée pour la nuit de noces... Lui moins, car il a vu quelque chose qui cloche: dans un compartiment voisin, une jeune femme (Marlene Dietrich) a un problème avec l'inquiétant homme avec lequel elle voyage (Fritz Kortner)... Qui sont-ils l'un pour l'autre? Pourquoi se cachent-ils, et que cachent-ils, c'est ce que le jeune homme voudrait savoir, et par-dessus tout, il voudrait être avec cette femme, pas avec sa jeune épouse. C'est le début d'une étrange aventure...

Le début est formidable, et toute la partie du film qui se passe dans un train est un festival de style: Bernhardt, qui tourne depuis quelques années, a adopté la caméra hyper mobile, le montage symbolique et rapide, et il obtient de ses acteurs un jeu tout en retenue, qui fait merveille dans ce qui est essentiellement une évidente préfiguration du film noir Américain. Mais comme souvent dans un film basé sur une énigme, la solution du problème déçoit, au terme d'une dernière partie où le style ne parvient pas à maintenir la cohérence nécessaire à un suivi tranquille du spectateur. Manque-t-il des parties au film? Il ne semble pas pourtant...

Les acteurs sont excellents, et on va le dire tout de suite: privée de sa voix et de cette ignoble obligation de chanter qui lui collera si longtemps à la peau (mais QUI aime cette voix qui chevrote trop grave, faux et sans conviction? ça me dépasse), Dietrich est formidable, même si elle n'a pas encore trouvé totalement son maquillage. Elle ressemble même un peu à... Devinez, c'est facile.

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Muet Curtis Bernhardt **
19 juin 2021 6 19 /06 /juin /2021 16:05

Don Mateo (Raymond Destac), un grand séducteur, rencontre dans un train une jeune femme dont la beauté le subjugue. C'en est fini, il est désormais le jouet de Conchita (Conchita Montenegro), une jeune femme sensuelle, libre, et d'humeur changeante, dont Mateo semble bien être le jouet numéro un. Et plus il subira d'humiliations et de douches froides, plus Mateo est amoureux, et surtout plus il la désire...

Oui, c'est essentiellement de désir qu'il est question ici, un sujet éminemment cinématographique traité à la fois frontalement, en se reposant beaucoup sur la beauté et la sensualité de son actrice principale: en Conchita Montenegro, Baroncelli a trouvé l'actrice idéale; danseuse flamenco experte, elle a une facilité à jouer physiquement, et un visage qui respire à la fois la séduction et la jeunesse, sans pour autant révéler tous ses mystères. Destac est plat et falot, certes, mais de toute évidence c'est largement utilisé à bon escient dans le film, où court une méchante ironie du début à la fin. Et quand enfin il semble l'avoir séduite (ou plutôt quand enfin elle s'est laissée faire), Conchita devient nettement moins intéressante. Car ce qui est en jeu, ici c'est l'envie, pas sa réalisation...

Le film entier est une exploration de ce désir, de la promesse et de la frustration, et de la réalisation de la domination facile d'un homme par une femme. Sans surprise, ça passe par un érotisme élaboré, car Baroncelli n'est pas Pière Colombier: avec Conchita Montenegro, il s'amuse à délayer la révélation de la nudité du début à la fin, ou en tout cas du début au milieu. Et il utilise un sens du cadrage assez rare dans le cinéma français, en soumettant systématiquement le placement de caméra dans le cheminement du point de vue vers ce que l'oeil de Don Mateo veut voir, ou de ce qu'il a peur de voir. Quand il vient pour la première fois voir Conchita, il la voit se préparer à travers une grille, qui laisse juste apparaître la blancheur d'un vêtement. Quand elle apparaît, elle porte une robe à pois, qui nous donne l'impression de répéter l'effet de la grille vue plu tôt, comme si le regard de Don Mateo avait imprimé des marques sur l'étoffe de la robe. La scène célèbre du cabaret (Don Mateo qui a pris ses distances se laisse séduire par un cabaret avant de découvrir que Conchita y danse, mais il va vite s'apercevoir qu'elle y donne aussi des séances illégales et crapuleuses, dansant nue pour des touristes fortunés...) est un festival de plans ouvragés, dans une montée lente du malaise, jusqu'à une séquence où Mateo voit la jeune femme nue, mais au milieu d'un parterre de voyeurs.

Dès le départ, Baroncelli avait annoncé ses ambitions en plaçant son film sous le haut patronage de Goya: le premier plan est un tableau du peintre, qui va s'animer sous nos yeux, et qui avait été le point de départ du roman de Pierre Louys. De toutes les versions de La femme et le pantin (Barker, Duvivier, Sternberg... excusez du peu), celle-ci est la meilleure, la plus accomplie et sans doute la plus méchante... Et Conchita Montenegro, qui n'aura jamais plus un tel rôle, est une actrice naturelle et géniale.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques de Baroncelli Muet 1929 **
12 mai 2021 3 12 /05 /mai /2021 17:41

Dans une île du Pacifique, un métis, Henry Shoesmith (Ramon Novarro), fait de sa vie une sieste sans fin, encouragé dans l'indolence par un climat paradisiaque. Mais les colonisateurs ne voient pas les choses de la même façon, et quand l'Américain Henry Slater (Donald Crisp) débarque, il va essayer de raisonner Shoesmith. En vain, jusqu'à ce que le jeune homme réalise que la pupille de l'autre homme est cette merveilleuse créature (Dorothy Janis) qu'il a vue dans son bateau... Sous l'oeil désabusé de la prostituée Madge (Renée Adorée), qui en pince pour Henry, celui-ci s'essaie à faire des affaires à l'occidentale pour "séduire" celui qu'il aimerait transformer en son futur beau-père... Mais ce n'est pas ce que Slater a décidé pour sa pupille.

De prime abord, ce film tardif de l'époque muette ressemble d'une part à une exploitation pure et simple de quelques thèmes de White shadows in the south seas, du même réalisateur, qui avait eu u certain succès. Le script fait tout pour opposer l'indolence et la douceur de vivre polynésienne, à la rapacité des occidentaux, incarnés à travers la formidable performance de Donald Crisp. D'autre part, c'est aussi sans doute une forme de cadeau fait à Van Dyke qui n'aimait rien tant que de conduire des tournages le plus loin possible du studio, dans des conditions hasardeuses. Le film a été tourné en Polynésie et ça se voit! L'expédition MGM suivante allait le conduire en Afrique pour tourner Trader Horn et des kilomètres de pellicule qui seraient recyclés dans les Tarzan des années 30, dont il a réalisé le premier. Bref: une sorte de petit film pour pas grand chose, qui rendait tout le monde content...

Mais ça va plus loin. Certes, The Pagan n'est pas White Shadows, et les revendications du premier film sont de l'histoire ancienne. La Polynésie du film est sous un contrôle Sino-Occidental bien assumé, et le paradis n'existe plus que dans les têtes, notamment dans celle d'Henry. Novarro est intéressant, parce qu'il joue avec une relaxation évidente un personnage dont la force est précisément son calme et sa philosophie... mais aussi son humour, partagé avec Madge: le personnage de prostituée de René Adorée, qui est formidable dans le rôle, est une clé du film: il y est, en effet, question de sexualité, de sexe et de désir. Dès la première séquence, elle aborde Slater qui lui répond par l'indifférence: on n'a pas l'échange, mais un intertitre seul nous permet de recoller les morceaux de leur conversation hautement censurable: "c'est ça, garde ton argent"... Madge est pour Slater la pire combinaison possible: une blanche qui vend son corps... Car il est raciste. 

Le film aussi, vaguement, comme le sont tous ces films Américains situés dans des zones exotiques et qui prennent à témoins les spectateurs, du fait qu'un "blanc" et un polynésien, ce n'est pas la même chose. Pour Slater, Henry a beau être métis, il n'est pas et ne sera pas blanc. Mais dans sa logique, il préfère afin d'éviter que sa pupille ne se marie avec un métis, l'épouser lui-même... Et plus si affinités. Dans une scène très violente, Van Dyke se souvient de Crisp en Battling Burrows, qui assassinait littéralement sa fille (Lillian Gish) à coups de ceinture dans Broken Blossoms de Griffith... Et il joue de l'extraordinaire puissance de l'acteur, qui va lui permettre une superbe ellipse. Slater, c'est le mal, un mal qui se cache derrière un alibi très équivoque: à ceux qui lui demandent si la jeune femme est safille, il répond qu'elle est "son devoir de chrétien"... Mouais.. Elle est surtout une feme polynésienne qu'il a décidé de "blanchir" coûte que coûte! Mais dans ce film, le message du "maverick" Van Dyke est clair: si Henry et Tito, son amoureuse, ont décidé de s'aimer sans passer par l'église, sous le haut patronage d'une prostituée, alors pourquoi pas? 

Rien que pour cette largeur d'esprit, on veut bien se coltiner une bande-son qui use et abuse d'une chanson insipide chantée sans conviction par Novarro. Celui-ci, magnifiquement dirigé, est splendide. Dorothy Janis, qui disparaîtra avec le muet l'année suivante, est très bien. Quant à Adorée (elle a vu Sadie Thompson!!) et Crisp, que voulez-vous, ils sont d'une catégorie hors-concours... On apprécier aussi la photo lumineuse de Clyde de Vinna, le complice du cinéaste sur son film précédent.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1929 Woody Van Dyke *
25 avril 2021 7 25 /04 /avril /2021 18:38

En Californie, la ruée vers l'or va bouleverser la donne, et pour une famille de propriétaires terriens qui vont tout perdre dans un pari idiot, l'arrivée de tous ces étrangers, qui parlent tous Anglais, est vécue come un traumatisme... Pourtant Dermod D'Arcy, le bel aventurier au coeur d'or (George Duryea) va émouvoir la belle et fière Josephita (Renée Adorée) et la convertir à la nouvelle donne... Mais ce ne sera pas facile!

La MGM est arrivée un peu tard dans la bataille des grands films épiques sur la conquête du territoire, d'autant qu'en 1923-1924, l'essentiel a été joué à travers la présence de deux chefs d'oeuvre définitifs: The covered wagon de Cruze en 1923, puis The iron horse de Ford en 1924. Néanmoins la firme du lion a mis en chantier le très beau The trail of 98 qui explorait sous la direction de Clarence Brown, la ruée vers l'Or aux confins de l'Alaska (et était lui-même aux confins du western). Ce film muet tardif avait tout d'un complément de programme sur le papier, mais le confier à Allan Dwan, vétéran encore plus qu'actif, et cinéaste au goût et aux capacités impressionnantes, en a quand même fait une oeuvre formidable...

Certes, on est en plein MGM land, mais Dwan transcende assez facilement le style maison, et s'approprie le cadre de manière impressionnante. Il donne à voir à plusieurs reprises sa vision d'une caméra mobile en mettant en avant le tumulte des boom-towns, avec un lent travelling arrière capté en hauteur, qui donne parfois l'impression d'être un zoom... Il garde un tempo constamment enlevé à son intrigue, et profite du beau visage plastique de Renée Adorée, qui domine sans aucun problème l'interprétation du film. Il utilise aussi à merveille les gros plans pour lui permettre d'exprimer les émotions requises par son personnage de jeune Californienne d'origine Espagnole... 

Réalisé entre The iron mask (pour Fairbanks) et The far call (Un film perdu, pour la Fox), c'est aussi son avant-dernier film muet, et sans doute le plus spectaculaire des films muets de la MGM produits cette année-là, avec l'étrange The mysterious island, bien entendu...

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Western Muet Allan Dwan *
24 avril 2021 6 24 /04 /avril /2021 08:47

Pour commencer, Ravel travaillait souvent en collaboration étroite, exclusivement avec Tony Lekain à la fin de sa carrière. D'où une certaine ambiguité sur l'auteur: des filmographies attribuent en vérité ce film à Lekain et Ravel... Ce dernier est pourtant le principal maître d'oeuvre, une maîtrise acquise depuis son arrivée à la Gaumont au milieu des années 10, quand il avait a rude tâche de remplacer Louis Feuillade, principal pourvoyeur de films de la firme à la marguerite, parti au front... Ravel n'est pas Feuillade. Il n'est pas non plus Feyder, autre cinéaste avec lequel il a travaillé en collaboration, mais qui lui a volé de ses propres ailes dès 1916! Mais Ravel a un savoir-faire évident, qui le confine parfois à l'académisme, et parfois, va un peu plus loin: c'est le cas de ce film paradoxal.

Paradoxal, parce qu'un film muet adapté de Beaumarchais, c'est inattendu. Mais Murnau a bien fait l'un de ses films les plus attachants avec le Tartuffe de Molière! Donc Figaro est une comédie, qui utilise pour chacun de ses actes une pièce de la trilogie de Beaumarchais: Le Barbier de Séville occupe donc la première partie, Figaro le barbier (Edmond Van Duren) aide le comte Alma-Viva (Tony D'algy) à conquérir le coeur de la belle Rosine (Arlette Marchal); puis il entre à leur service dans la deuxième partie (Le Mariage de Figaro), où il lui faut empêcher le comte, polisson notoire, de porter à son tableau de chasse sa propre fiancée Suzanne (Marie Bell) également à leur service. Durant cet acte nous voyons les contours de l'idylle entre la comtesse délaissée et le jeune Don Chérubin qui sera par précaution envoyée guerroyer au loin par le comte. Au début de la troisième partie (La mère coupable), Chérubin meurt, et expie son péché... Sauf qu'il y a un enfant, et u'il n'est pas du comte... Profitant de l'arrivée d'un intrigant qui a des vues sur tout ce qui porte jupon, Figaro enfin marié réussit à empêcher le comte d'envoyer son épouse au couvent...

Bref, c'est Figaro sans aucune matière grasse politique, ni sentiment pré-révolutionnaire. Et ça passe très bien parce que Ravel a gardé toute la dimension amoureuse, le jeu sur le désir, sur les tractations, aventures, machinations, déguisements, dissimulations, etc... intacts. Si Figaro et dans une moindre mesure Suzanne ne sont plus les représentants d'une lutte sociale, ils restent les observateurs, et parfois les acteurs de l'amour et du désir... Et à ce titre, le film se rapproche de Lubitsch, qui n'était pas le dernier à utiliser les domestiques pour nous compter la polissonnerie de leurs maîtres... Et Figaro, surtout dans les deux premières parties, est joué par un danseur, et ça se voir de suite, Ravel utilisant à merveille sa capacité à bondir de scène en scène, et sa gestuelle est ce qui va durant tout le film apporter le mouvement... 

Les autres acteurs sont bons, mais force reste aux femmes, Marie Bell en tête, qui est une Suzanne aussi ingénieuse que son fiancé, même si à un moment, on la sent prête à succomber aux avances de son fieffé coquin d'employeur le comte... Dans ce film surprenant, les femmes en prennent un peu pour leur grade et les hommes, comme chez Murnau, se font facilement déshabiller, c'est ainsi. Remarquez, il y a du déshabillage pour tout le monde! Selon la tradition établie dans les années 20 et souvent respectée (voyez les films de Gance, ou des oeuvres comme Casanova de Volkoff, L'enfant du Carnaval de Mosjoukine, ou encore Mandrin de Fescourt), on figure la tendance d'une caste à l'orgie et à la débauche en proposant des petits spectacles sans queue ni tête (si j'ose dire), dans lesquels on déshabille les figurantes à tour de bras: ici, c'est au début de la deuxième partie que des bacchantes inconnues et dévêtues pataugent dans un petit bassin sous l'oeil ravi et coquin du comte et de sa cour... Après cela, c'est sans transition que j'ajouterai que par ailleurs, les costumes, quand il y en a, sont fort bien exécutés...

Enfin, Ravel n'est pas Murnau, il n'a pas un Karl Freund sous la main, et ce n'est pas Eisenstein non plus... Donc il n'y aura pas ici de prouesse de montage ni de caméra ultra-mobile. Il y a juste une mise en scène sensée, qui fait merveille de l'espace, et qui a la lourde tâche de suivre le bondissant Figaro d'une scène à l'autre, la scène étant ici un terme à prendre dans ses deux sens... Bref, une excellente surprise, pour un film qui n'est certes pas le chef d'oeuvre de la période mais qui se défend fort bien... surtout dans ses deux premières parties, et qui a le bon goût rare de ne pas durer trop longtemps, quand on connaît la propension du cinéma Français de l'époque à faire durer le plaisir au-delà du raisonnable... A déguster dans un blu-ray tout nouveau tout beau, effectué sur la base d'une copie magnifique.

 

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Published by François Massarelli - dans Gaston Ravel Muet 1929 Comédie **
18 avril 2021 7 18 /04 /avril /2021 13:28

Un "single standard", c'est le fait de réclamer l'égalité absolue en terme de conduite, pour tous les membres d'un groupe. Appliqué à l'humanité, ça revient donc à revendiquer les mêmes droits de liberté et de séduction pour les femmes que les hommes. Le film étant nommé ainsi, il était derechef considéré comme louche par la censure, et promis à un beau succès.

Ce n'est pourtant pas un chef d'oeuvre, loin de là: Arden Stuart souhaite trouver l'âme soeur chez un égal, mais sa première tentative sera désastreuse: quand un chauffeur sera viré pour avoir fricoté avec elle (elle était consentante, bien entendu), il se suicide... Elle décide de rester farouchement indépendante, jusqu'à ce qu'elle rencontre l'ancien boxeur, peintre et playboy Packy Cannon (Nils Asther), elle est intriguée et ils partent pour les mers du Sud sur un coup de tête... Packy se lasse: quand ils reviennent, elle doit faire face au scandale...

C'est un catalogue de toutes les situations se voulant scabreuses, agrémentées d'un romantisme de pacotille. Garbo joue une caricature probable d'elle-même et le film s'abîme dans la dernière partie, quand elle devient mère d'un abominable enfant 100%Américain, avec boucles blondes et tout et tout. Et si on oubliait ce film?

 

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Published by François Massarelli - dans Greta Garbo 1929 Muet *
16 avril 2021 5 16 /04 /avril /2021 08:27

Un couple marié, formé d'un homme d'affaires d'un certain âge et de sa jeune épouse, se rend à Java: John Sterling (Lewis Stone) entend y sélectionner un thé pour future importation, et donc il y va pour des raisons o ne peut plus sérieuse... Mais Lillie (Greta Garbo) se laisse prendre parle romantisme de la croisière pour se rendre à Java, et voudrait bien partager un peu de ce romantisme avec son mari... De son côté, un potentat local, le Prince de Gace (Nils Asther), propriétaire puissant de nombreuses terres où l'on produit justement du thé, a bien compris comment le couple fonctionnait, et est prêt pour sa part à remplacer John auprès de Lillie...

C'est de prime abord un ensemble de fadaises et de lieux communs savamment orchestrés les uns avec les autres: Greta Garbo s'st souvent plainte, avec raison, du fait qu'on ne lui faisait pas interpréter de rôles intéressants à la MGM durant l'époque du cinéma muet. Sans me faire totalement l'avocat du diable (le film est quand même volontiers routinier), j'observe que la caractérisation de Lillie est à l'écart des clichés habituels. On fait généralement de Garbo une vamp morne et maussade? Lillie est enjouée. Elle "vant to be alone" tout le temps? Non, Lillie souhaite avoir de la compagnie... Et sa sensualité est ici totalement soumise à sa jeunesse et son amour... Bon, ce sont aussi des clichés, à n'en pas douter, mais ils tranchent au moins sur les habitudes!

Et puis le film, sous couvert de cocher toutes les cases du drame sensuel bien dans l'esprit de l'époque (avec sa dose de racisme bien assumé, dans la représentation du 'prince' et sa promesse d'être un amant bien supérieur à ce pauvre John qui s'endort dès que sa tête touche l'oreiller), le film rejoint le narquois Foolish wives dans la satire d'un peuple Américain en proie à l'oubli de ses sens... Si le "Prince" représente en cochant toutes les cases possible le fantasme ultime, jusqu'à la brutalité, de l'épouse insatisfaite dans l'esprit de l'époque, John Délaisse son épouse, malgré toute la tendresse dont il est capable (ah, ces amoureuses caresses sur la joue, ces sensuels tapotements du dos de Lillie!) quand elle, au contraire, fait tout ce qu'elle (et Adrian, le couturier de la MGM) peut pour attirer son attention: la garde-robe très étudiée de Garbo est ici, comme souvent, une savante étude de "jusqu'où, et comment, déshabiller la star tout en la rendant présentable pour le bal"... Avec une mention spéciale pour les dos nus et plongeants. Bref, l'homo Americanus est ici ciblé et accusé de négligence sexuelle, dans ce film à vocation familiale...

Et Sidney Franklin, dans tout ça? Le valeureux vétéran fait plutôt bien son boulot, si tant est qu'il ait eu une once de liberté, au vu du fonctionnement industriel du studio. Il est célèbre pour des films à intrigue sentimentale, et ses meilleurs films étaient les comédies avec Constance Talmadge: il y retrouve instinctivement cette manière de filmer à hauteur de personnage, qui sait jongler avec les points de vue. En témoignent de nombreuses scènes qui sont autant de passages de témoins, du Prince vers les Sterling, ou de Lillie vers John. La meilleure est traitée en deux plans superbes, et foncièrement économiques: Lillie vient de succomber à un baiser langoureux du Prince en l'absence de John... Mais celui-ci a vu tout un théâtre d'ombres chinoises en revenant au bungalow, donc il sait. Lillie quitte sa chambre pour rejoindre son mari dans le living-room, et pousse une porte: on voit donc Lillie, de dos, qui regarde son mari de dos qui se révèle une fois la porte ouverte. On coupe au contrechamp, cette fois c'est John qui est à l'avant-plan, inquiet et au fond on voit Lillie désemparée qui a compris que John la soupçonne de bien plus qu'un baiser...

Le film se résoudra dans une lutte conventionnelle mais efficace entre les deux hommes durant une chasse au tigre qui manque de devenir une battue à l'homme... Et John Comprendra-t-il enfin qu'il serait attendu qu'il montre un peu d'empressement vis-à-vis de son épouse? Réponse (mitigée) dans le film...

 

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Published by François Massarelli - dans 1929 Muet Greta Garbo Sidney Franklin *
29 mars 2021 1 29 /03 /mars /2021 18:33

Acadie Française, au XVIIIe siècle: la jeune Evangeline (Dolores Del Rio) est fiancée à Gabriel (Roland Drew). Ils doivent se marier, et tout irait pour le mieux, mais les autorités Britanniques demandent à la communauté l'impossible: se retourner contre leurs "cousins" Français. Ils refusent, et c'est donc un exil forcé, dans lequel Evangeline et Gabriel sont séparés... Ils vont passer des années à se chercher, sans se trouver...

C'est un de ces films de la toute fin du muet, inclassable et sans doute marqué par la volonté d'un seul homme: le réalisateur, Edwin Carewe, réalisateur indépendant et free-lance depuis le début des années 10, qui a jeté toute son énergie dans un tournage qui allait du Nord des Etats-Unis, jusqu'aux bayous de Louisiane, désireux qu'il était de réaliser une adaptation aussi épique que le poème de Longfellow... Son film est picturalement impressionnant, et ne manque pas de qualités, mais...

...C'est cousu de fil blanc dès le départ. Il manque singulièrement d'enjeu, d'aspérités, sans parler de l'amour pur et enfantin des deux héros. Dommage, mais avouons-le, on préfère Dolores Del Rio en barmaid gouailleuse (What price glory) ou en princesse Polynésienne coquine (Bird of paradise) voire en héroïne Russe (The Red dance)! Ici, elle manque de substance, et le parcours convenu de ces amants maudits (d'ailleurs, "amants" est un mot impropre) est asse peu engageant. Sauf si on aime les belles images...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1929 *
24 février 2021 3 24 /02 /février /2021 15:37

On appelait ce genre de films les race movies, des oeuvres entièrement interprétées par des acteurs Afro-Américains, pour être projetées devant des public intégralement noirs... La plupart de ces films ont une médiocre réputation, et beaucoup ont été faits sur un budget ridicule, et ça se voit.

Pas avec celui-ci: c'est même une exception en son genre... Le film a bénéficié d'un soin aussi bien dans la direction d'acteurs, les éclairages et le montage, qui en font un pur produit de son temps, soit la fin du muet, au moment où les dernières grandes leçons du cinéma Européen finissaient par intégrer la façon de faire de la plupart des studios. Par contre si The scar of shame est un film soigné dans sa réalisation, il reste un mélodrame assorti d'une solide leçon de morale, répétée par plusieurs personnages-clé...

Dans une pension de famille respectable, deux hommes cohabitent: un est corrompu, l'autre pas. Ils vont graviter autour de la même femme, une enfant élevée par un beau-père violent et alcoolique. L'un va essayer d'en faire une prostituée, l'autre une respectable musicienne... Mais les dés sont pipés, car la jeune femme n'a pas eu la chance de naître dans une famille qui lui aurait donné non seulement l'envie mais aussi les moyens d'assumer ses ambitions de bonne morale...

Divisé en trois actes, le film a un scénario qui aurait pu être celui d'un film Griffith de 1911! On y sent les tendances habituelles de ces films qui projettent (consciemment ou non, il ne m'appartient pas de le savoir) les préjugés de la société à travers ces personnages noirs, donc le plus corrompu de tous les personnages est privé de maquillage blafard, et les stéréotypes culturels abondent, dans une volonté d'édifier parfois gênante. Pourtant, on a ici accès à un tissu social qui était représenté aussi chez Oscar Micheaux, et qui était presque une société parallèle, avec ses propres règles de vie dans un environnement qui leur était systématiquement hostile... Cette réalité est diffuse en l'absence des blancs, qui sont totalement exclus de ces films, mais elle est bien là.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1929 **
10 février 2021 3 10 /02 /février /2021 13:13

Fridolf Svensson est un inventeur de génie, du genre à ne faire que ça, tout le temps. C'est aussi un être lunaire, qui a tendance à laisser le monde lui passer à côté, et du coup quand l'armée, qui le prend pour son copain Smith, le convoque, il lui paraît plus simple de laisser faire plutôt que de signaler qu'on s'est trompé de personne...

Quel mauvais film, mais franchement! Ca commence, d'ailleurs, assez bizarrement par une introduction hallucinante: le principal acteur, Fridolf Rhudin, essaie de nous expliquer en parlant que le film sera muet... Et il le sera pour une large part, si j'excepte quelques passages, hum, musicaux, assez terrifiants. Le personnage qu'il incarne, par ailleurs, est inconsistant; son identité de bricoleur fou (avec une grosse dette à Keaton) laisse la place à un pantin lunaire, qui prouve que n'est pas Langdon qui veut. C'est une comédie sans gags, presque sans intrigues, et comme d'habitude, on va rappeler que certes on veut avoir accès potentiellement à tous les films, mais est-ce bien nécessaire de pouvoir voir ce machin sur Netflix, alors qu'on n'y trouve pas (au hasard:) La Charrette Fantôme, La Saga de Gösta Berling ou Häxan?

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Published by François Massarelli - dans 1929 Muet Navets Comédie