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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 10:11

Spectaculaire: le deuxième long métrage de Buster Keaton permet à ce dernier d'utiliser la même équipe technique, les mêmes gagmen que son film précédent, et de se reposer sur l'amitié de Joe Roberts, dont ce sera le dernier film. Il y fait aussi jouer son père Joe, son épouse Natalie Talmadge, et leur fils James: ce film reste un nouveau départ, un coup de poker phénoménal. Les avis sont d'ailleurs partagés sur la place du film dans l'oeuvre, voire sa qualité, mais personne ne doute d'une part des ambitions de Buster Keaton en réalisant ce qui doit beaucoup à Griffith, entre autres, et du fait que, réussi ou non, le soin extrême apporté à ce film a porté ses fruits d'un point de vue esthétique.

Pour ma part, je pense que c'est l'un des meilleurs films de Buster Keaton, et l'un des joyaux du muet, comme The General du reste. Avec Three ages, Buster Keaton a prouvé qu'il pouvait soutenir une durée trois fois plus grande que ses courts métrages, et maintenir le ton résolument burlesque et badin de ses films, tout en offrant à la fin du film une conclusion plus directe, positive, et surtout moins sardonique qu'à l'habitude. Il a décidé désormais de s'intéresser à l'histoire de ses films, et ce nouveau long métrage est différent justement parce que tout en offrant comme de juste des gags, et non des moindres, il raconte aussi une intrigue, aussi simple soit-elle, qui fonctionne bien toute seule. Keaton a d'ailleurs testé Our hospitality en public sous la forme d'un moyen métrage dramatique, afin de voir si cela marchait. Le résultat était probablement bien inférieur à ce film, tel qu'il est dans son intégralité, mais peu importe: l'idée était d'étayer la comédie, le résultat s'en ressent.

En 1830, Willie McKay (Keaton) retourne dans son Kentucky natal, afin de prendre possession de la demeure familiale. 20 ans auparavant, sa mère était partie, en portant le jeune Willie encore bébé, suite à un duel entre son mari John et son voisin Canfield. Les deux hommes étaient morts à l'issue de la confrontation, et le frère de Canfield (Joe Roberts) a juré de continuer la lutte à mort avec tous les McKay qui se présenteraient. dans le train qui l'emmènent, Willie rencontre une jeune femme (Natalie Talmadge), dont il tombe amoureux, sans savoir qu'il s'agit de Virginia, la propre fille de Canfield...

Venons-en tout de suite à l'inévitable controverse: la séquence d'ouverture est totalement privée de comédie. Il s'agit d'exposer, et ce durant 7 minutes, la brouille haineuse initiale entre les Canfield et les McKay (Basée sur une histoire vraie, celle des Hatfield et des McCoys, qui sera à l'origine d'un autre chef d'oeuvre, Les rivaux de Painful Gulch, de Morris et Goscinny.). Donc il n'y a pas un gag dans cette séquence, mais elle est rehaussée d'une mise en scène à la sûreté diabolique, jouant sur les clichés parfaitement assumés: tout ou presque y est vu du point de vue de Mrs McKay, dans sa cabane, et la nuit d'orage donne une dimension mythologique à la scène, qui fonctionne très bien dramatiquement, et est d'une beauté picturale très impressionnante. Et c'est là que l'on est en droit de se demander si la présence d'un nouveau co-réalisateur aux cotés de Buster y serait pour quelque chose... Mais John G. Blystone n'est pas un réalisateur que je soupçonnerais de pouvoir supplanter Keaton sur un film. Du reste, ses seuls autre titres de gloire sont les films réalisés pour Laurel et Hardy (Blockheads, par exemple), autant dire qu'il y était assistant de Laurel. Il est temps d'ailleurs de faire une digression qui s'impose: s'il n'a signé que cinq films durant sa carrière de réalisateur (soit 1920-1929), Keaton a aussi beaucoup été secondé par des co-réalisateurs: Blystone, mais aussi et surtout Cline, et ça et là Mal St-Clair, Clyde Bruckman, Donald Crisp. Il ya eu sur Sherlock Jr une tentative de collaboration avec Roscoe "William Goodrich" Arbuckle, qui s'est soldée par un échec; puis à la fin de la période tous les films ont été signés par d'autres, dont Charles Reisner ou Edward Sedgwick. Mais tous ces films portent une marque et une seule: celle de Keaton. Je pense que Keaton travaillait comme Chaplin, dont on oublie souvent les "réalisateurs associés" (Charles Reisner sur The pilgrim et The gold rush, Henri d'Abbadie d'Arrast sur The gold rush encore, Monta Bell sur A woman of Paris, ou encore Robert Florey sur M. Verdoux): Personne ne conteste à Chaplin son crédit unique sur ses films, mais la situation est la même: l'un comme l'autre, les deux comédiens avaient besoin aussi souvent que possible d'un assistant qui puisse conduire les manoeuvres quand ils étaient occupés en tant qu'acteurs... Donc si le film est ce qu'il est, il l'est grâce à la mise en scène de Keaton, et ce sera la même chose jusqu'en 1929, bien que Keaton ne soit même plus crédité sur ses films à partir de 1927.

En plus de la séquence d'ouverture, ce qui frappe dans le film c'est que même lorsque les gags font leur apparition, la beauté de l'ensemble, la composition, et le soin maniaque apporté à la reconstitution d'une époque peu représentée dans les années 20 étonnent: le seul vrai anachronisme flagrant, c'est le chapeau mou de Keaton, dont la présence est expliquée par un gag parfaitement logique. De même, le choix de la région de Truckee, avec ses montagnes, ses vallées, son eau omniprésente donnent au film un aspect plus spectaculaire encore. le film est encadré par deux séquences longues qui méritent qu'on parle d'elles: d'une part, une promenade en train de près de vingt minutes qui justifie à elle toute seule le fait que le film soit plus long que ne le seront la plupart des longs métrages muets de Keaton, à deux exceptions près (The general, et Spite marriage): cette séquence qui repose sur l'utilisation d'une locomotive et d'un train qui sont présentés comme des répliques d'authentiques machines de 1830 permettent une série de gags finement observés, qui certes ne font pas trop progresser l'action, mais qui sont un hommage appuyé du technophile Keaton à l'évolution de la machinerie (Tout comme sa promenade en proto-cycle!!). On y remarque Keaton père en mécanicien irascible, et de plus le train revient lors des séquences de la fin. et ces séquences de la fin, justement, permettent à Keaton de faire montre de tout son talent en matière de cascades, mais permettent d'aller aussi plus loin; si le cinéaste Keaton pour ce film appelle une référence à Griffith, il est dans un premier temps aisé de tenter de comparer Keaton à Fairbanks (on sait que le rôle de Bertie, dans The saphead, est un héritage direct de Doug) mais la construction du personnage dans cette séquence renvoie Fairbanks à ses chères études: le personnage de Buster, dans cet épisode du film entièrement consacré à sa fuite pour éviter d'être éliminé par la famille Canfield, le voit progressivement faire des efforts physiques de plus en plus impressionnants, sans qu'il y ait cette aisance de Fairbanks, qui renvoie un peu au cirque. Keaton se retrouve attaché à un train en marche, ballotté au gré des rapides, puis accroché à un rondin qui menace de se précipiter dans le vide, et la difficulté se voit, elle confère à son personnage, comme d'habitude emmené par une eau menaçante, une humanité et une justesse qui vont au-delà du cinéma. ces séquences ne sont pas drôles: elles sont à couper le souffle, et donc aussi bien l'acteur que le réalisateur ont fait un grand pas avec ce film. Du reste, les occasions de se casser le cou ont été multiples ici, en particulier lors de la séquence durant laquelle Buster a vraiment été emporté par les rapides! 

Donc, on savait que Keaton pouvait payer de sa personne, mais ce film est le premier dans lequel le développement de l'histoire fait jeu égal avec la comédie d'une part, et sa reconstitution d'une époque d'autre part. Le résultat est un film hors-normes, qui gêne un peu de nombreux spécialistes qui accusent sa lenteur, qui lui reprochent ses longs intermèdes non burlesques. Mais l'ensemble est selon moi un grand film justement à cause de cette répartition égale entre intrigue pure et comédie. Buster Keaton ne fera rien d'autre dans son chef d'oeuvre, The general... Il est intéressant de voir comment Keaton aussi fait intervenir une esthétique de la comédie sentimentale qui doit certes beaucoup à Griffith, mais qui débouchera aussi sur une imagerie personnelle, comme en témoignent ce plan de Keaton et Natalie, d'une part et d'autre d'une barrière. une composition simple, mais qui renvoie à une image d'Epinal, comme certaines toiles de Rockwell sur le même sujet. Keaton, comme Ford ou Griffith, était un cinéaste Américain avant tout; Et en plus, ce type de composition reviendra dans d'autres films, Seven chances en particulier... 

Une note triste au passage, pour finir: Joe Roberts décédera un mois après la fin du tournage de ce film, d'un arrêt cardiaque, rappelant la curieuse destinée d'Eric Campbell, le génial acteur Ecossais dont Chaplin avait fait son parfait "méchant". Roberts avait 21 ans, mais contrairement à Campbell, avait tourné dans deux autres films, en dehors de ses apparitions pour Keaton. C'est la fin d'une époque, et il ne sera jamais remplacé.

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet 1923 **
17 mars 2011 4 17 /03 /mars /2011 18:14

Donc, Keaton est passé au long métrage avec cet étrange film, toujours drôle, mais dont il faut bien dire qu'il est une parodie d'Intolerance: un rappel de l'influence de Griffith sur Keaton, qui s'en souviendra de nouveau avec son film suivant. en attendant, il réalise avec ce film une passerelle adéquate entre ses années de formation, marquées par ses 19 courts métrages, et ses années classiques, qui comptabiliseront 12 longs métrages jusqu'à la victoire finale du parlant.

Three ages a la réputation fausse d'avoir été décidé comme un film à sketches afin de permettre le découpage en 3 courts métrages en cas de flop, ce qui ne tient pas une seconde... Si il présente en effet trois fois vingt minutes de trois histoires différentes, elles ne se départagent que par les données temporelles, sinon, ce sont les mêmes acteurs (Keaton, Margaret Leahy, Wallace Beery et Joe Roberts), et la même histoire à chaque fois: Beery et Keaton convoitent tous les deux Leahy, qui en pince pour Buster, mais les parents de cette dernière (Dont Joe Roberts) préfèrent l'autre. Ils tentent de se départager par divers moyens, sous forme d'affrontement, sportif ou autre, et bien sur Beery triche, et bien sur Buster gagne. La première histoire est située dans une préhistoire idiote, avec dinosaures et peaux de bêtes, la deuxième dans une Rome luxueuse, et la troisième en 1923. Enfin, comme dans Intolerance, Keaton mélange tout et lie avec des intertitres. il se paie même le luxe d'introduire en faisant une déclaration d'intention assez ronflante ("Voyons comment l'amour a progressé à travers les ages"), et utilise une figure symbolique qui lit un livre pour lancer le sujet. Mais ce n'est pas Lillian Gish, juste un vieillard anonyme avec une faux. Bref, on ne voit pas tellement comment il aurait pu être question de sortir ces trois histoires indépendamment les unes des autres, et comment imaginer que le public ne puisse pas s'apercevoir de leur similarité... 

Bien sur, le décalque d'Intolerance n'est pas à prendre au sérieux, mais d'une part il empêche paradoxalement la redondance, permettant même la comparaison entre les différentes histoires, et la juxtaposition sert vraiment le film, qui est de fait plus intéressant que la somme de ses parties. Mais de la façon dont Keaton conclut sur la partie moderne, on devine aisément qu'il en a fait son histoire centrale, et de fait c'est la plus soignée, avec à la fin es cascades spectaculaires. De fait, si on se concentre sur cette partie du film, on constate qu'il semble s'éloigner du coté cartoon de ses courts, et qu'à part les digressions temporelles inhérentes au projet, et qui sont annoncées sans surprise au début, le film est privé de ces ruptures étonnantes, de ces trompe-l'oeil et de ces changements brutaux de ton qui ont fait le style de Keaton jusqu'à présent. Les autres longs métrages confirmeront cette impression.

Sinon, Keaton contrairement à Arbuckle n'a pas renié totalement le style de comédie qui est le sien, et s'amuse beaucoup dans les deux autres histoires, bourrées d'anachronismes joyeux. Il met l'accent sur le sport, aussi, sa grande passion, et assume une part importante des cascades. Il est à noter que l'équipe technique reste très proche de celle de la plupart de ses courts métrages, avec pour commencer le co-auteur de ce film, Eddie Cline, qui partira ensuite pour assumer une petite carrière de spécialiste de la comédie (sans jamais retrouver la plénitude de ses années avec Keaton... Tiens donc, c'est exactement le cas de Sedgwick, Reisner, Bruckman et Crisp. Bref, aucun d'eux n'était Keaton!), mais on retrouve aussi Elgin Lessley, chef-opérateur atitré des courts, et le décorateur Fred Gabourie, qui profite ici de décors d'un autre film pour l'épisode Romain. Les gagmen, Jean Havez ou Clyde Bruckman, sont toujours là... Ce ne sera pas toujours le cas, mais pour l'instant on sent bien que Buster Keaton a les mains libres. Son premier long métrage n'a pas le raffinement de The Kid, ou la classe des premiers Lloyd (Rien qu'en 1923, celui-ci a déja produit Why worry? et Safety Last!), mais le succès de cette pochade très bien ficelée va permettre à Keaton de faire ce qu'il veut, et le second film Our hospitality sera splendide. 

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet 1923 groumf **
15 mars 2011 2 15 /03 /mars /2011 08:16

Donc, Keaton et Cline, et toute leur troupe, s'apprêtent à dire adieu au court métrage... Joe Schenck allait dans ce sens, il savait que pour promouvoir Keaton, il était nécessaire de changer de classe, et c'était clairement le sens dans lequel la comédie burlesque se devait d'aller; non que ce soit évident pour tout le monde, d'ailleurs: à cette époque, seuls Chaplin, Larry Semon et Lloyd se sont lancés, Arbuckle a tourné quelques comédies légères, éloignées de son style d'avant, et est empêtré dans les suites du fameux scandale, Langdon n'est pas encore là, et les productions Hal Roach, à l'exception de la "vitrine" représentée par Harold Lloyd, ne veulent pas s'aventurer sur ce terrain. Bref, pour tout le monde, la comédie burlesque se doit de rester confinée au format court, et d'ailleurs en cette année 1923, Chaplin prépare un film d'un tout autre genre. Difficile en effet de considérer que A woman of Paris soit un film burlesque.

 

Avec The love nest, on est en revanche en terrain connu, et le film bénéficie grandement de tout ce qui a précédé: le personnage de Keaton, lunaire et décalé, est bien le même petit homme rejeté qu'il a mis au point, et beaucoup malmené dans ses derniers films, le scénario est très cohérent, comme si Keaton soignait sa sortie, et comme par hasard, l'intégralité du film se situe sur l'eau, dans un certain nombre de bateaux: parce que sa fiancée a rompu, une jeune homme décide de se couper du monde, et s'installe sur un bateau, seul avec des vivres, pour dériver. Il croise, après plusieurs jours, un baleinier, dont les marins le recueillent; ils sont gouvernés par un capitaine ultra-brutal (Joe Roberts) qui se débarrasse de ses coéquipiers en les jetant à la mer, ajoutant, touche personnelle, une couronne mortuaire à chaque fois. Bien sur, Keaton va souffrir...

Le ton est résolument loufoque, dans la mesure ou dans son esprit, on le verra bientôt, Keaton ne pouvait pas traiter ses longs métrages de la même manière que ses courts, cet adieu à la brièveté regorge de gags idiots, petites touches visuelles, raccourcis et ellipses qui ont tout du cartoon. Mais comme toujours, avec Buster, la thématique du rejet est troublante, et on est un peu choqué de voir, dans ce film, le sort qu'il réserve une fois de plus à son personnage... mais c'est une fausse fin. En attendant, le film apporte, c'est le cas de le dire, de l'eau au moulin des supporters d'un thème aquatique: Buster se frotte à l'eau, symbole de vie et de mort, parfaite menace dans ses films; ici, on est servis. Et Buster Keaton y reviendra bientôt avec un long métrage, l'un de ses meilleurs, The Navigator (1924).

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet Comédie
13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 18:36

Ce film est une exception dans l'oeuvre de Keaton, un court métrage qui voit Keaton ouvertement partager la vedette avec l'actrice qui joue en sa compagnie. De fait, l'essentiel du film les voit seuls à l'écran, si on excepte quelques poissons, des ours, et quelques lapins... Pour l'accompagner, Keaton a donc choisi l'ancienne Bathing Beauty Phyllis Haver, qui tente de se reconvertir, mais a quand même droit à une séquence Keatonienne de démonstration de maillot de bain, ou comment Keaton rencontre Mack Sennett...

 

Buster Keaton dans une maison hantée: on a déja vu ça, et on se croit vaguement revenus à Haunted house... mais non, on est dans une baraque de foire. Keaton aime tant commencer ses films en trompe l'oeil. Ici, il ne pouvait pas mieurx faire: on ne fait pas plus éloigné du coeur du film que cet étrange début... A la foire, Keaton essaie vaguement de draguer une jeune femme, ce qui donne lieu à une splendide ellipse: ils se trouvent tous deux dans un petit bateau, en partance pour un tunnel. au dessus de l'entrée, un panneau avertit les messieurs de respecter la décence: gardez vos mains de votre coté... Au sortir du tunnel, les deux acteurs sont toujours aussi impassibles, mais l'état de Buster montre qu'il a pris une sacrée raclée. Le fait de le montrer (ou de le suggérer) aussi entreprenant avec les dames est étonnant, mais ni Keaton ni Cline ne pouvaient sans doute résister au gag.

 

Désireux sans doute de se retirer du monde, Buster Keaton prend un ballon, et va camper en pleine nature. là, il s'apercevra bien vite qu'il n'est pas seul: Phyllis Haver est là aussi, prète à résister à ses avances. Mais, aussi inepte soit-il (Voir sa méthode de pêche, qui consiste à construire un barrage pour ensuite ramasser les poissons à la main, voir aussi son impressionant canoë démontable, etc), qui peut décemment résister à Buster Keaton?

 

Bon, il semblerait qu'une  grande part de la partie 'camping' de ce film ait été improvisée, mais ne boudons pas notre plaisir, après tout, le film se laise voir, par sa décontraction, et le fait que Buster ait laissé quelqu'un partager intelligemment l'écran avec lui rend le film bien différent. C'est tout au plus un changement intéressant. A la fin, on croit que Buster Keaton a totalement repris la situation en main, lorsque le couple, en canoë, enlacés, file vers une chute d'eau... mais non: voyez le film.

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet
13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 18:13

Ce film mineur (Que certaines filmographies placent avant Daydreams) possède un atout de poids: il est, pour la première fois, entièrement consacré à ce goût pour l'ingénierie délirante, typique de Keaton, et qui avait déjà marqué le film The scarecrow (les cinq premières minutes), et qu'on voyait ça et là ressurgir. mais pour cette fois, c'est non seulement le sujet du film, mais aussi la source principale de gags...

 

Fin de l'année à l'université; un groupe d'étudiant ont reçu leurs diplômes, mais trois d'entre eux mélangent les leurs: une jeune femme, une grosse brute et Buster. A la fin de son discours, le doyen (Joe Roberts) demande à un diplômé en électricité de venir pour refaire l'installation électrique de sa maison. La grosse brute est volontaire, mais il porte sur lui le diplôme de manucure de la jeune femme. Celle-ci a le diplôme de Botanique de Buster, qui lui a hérité du diplôme d'électricité, il est donc engagé, et va pouvoir faire ce qu'on lui demande afin d'impressionner le fille de la maison, interprétée par Virginia Fox.

 

Bien sur, le film est divisé en trois parties à partir de là: d'abord, le jeune homme s'exécute et construit tout un écheveau de circuits électriques délirants, qu'il présente; puis la famille du doyen commence à vivre et à réaliser tous les aspects du problème, enfin la brute du début revient se venger, et intervertit tous les circuits, conduisant la famille -et Buster- à la catastrophe inévitable... Forcément, le film est comme chaque invention: pas forcément, drôle, mais l'effet qu'il produit est de nous étonner, un reste de l'enfant qu'est resté Keaton toute sa vie, qui ménagera toujours dans ses films un petit coté acrobate de cirque. On retiendra bien sur les gags affligeants liés au billard, à la table avec son train qui sert les convives du repas, et bien sur la piscine qui se remplit et se vide d'un coup de manettes...

 

La fin du film est emblématique de cette période d'auto-dépréciation de la part de Buster Keaton (Voir à ce sujet Daydreams): congédié par le doyen, il s'attache une pierre au cou afin de se jeter dans la piscine. Virginia vide la piscine, et on aperçoit Buster au fond. Le père revient, remplit la piscine de nouveau, et s'en va. une fois qu'il est parti, la jeune femme re-vide la piscine et constate avec horreur que Buster n'y est plus. Le dernier plan le voit rejeté par un égout...

 

Le film est célèbre pour être le seul de ses films a avoir du être mis de coté pendant un an: Buster a, en effet, raté une cascade, se prenant la chaussure dans l'escalator de sa maison maudite. Après un an de purgatoire, le metteur en scène a tenu à revenir à son film. Contrairement à son personnage auquel il faisait subir les pires avanies, Buster Keaton ne s'avouait jamais vaincu...

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet Comédie
2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 13:12

Après avoir donné sa vision du calvaire d'un homme, son ami, en proie à une fantastique machination judiciare et morale qui allait le détruire avec Cops, Keaton est, en apparence du moins, revenu à des choses plus traditionnelles, avec ce nouveau film. Jouant toujours le chaud et le froid, et passant d'un extrême à l'autre, Keaton donne avec ce court métrage l'illusion d'une unité (lieu, histoire, enjeux) et de banalité rare dans son oeuvre. Pourtant, il y a bien plus à voir dans ce petit film qu'il n'y parait, même si il faut admettre que ce n'est pas l'un de ses meilleurs films, loin s'en faut.

 

Dans un quartier 'ethnique', un juge Polonais s'apprête à célébrer un mariage, lorsque deux personnes entrent en collision: Buster lui même, et une jeune (?) femme volumineuse et un brin disgracieuse, jouée par Kate Price: il se défendait contre un facteur qui lui en voulait, suite à un petit quiproquo; en tout cas, au moment de la collision, ils étaient juste à hauteur du tribunal, et Buster avait sur lui une lettre qui ne lui était pas adressée. Entrée, avec Buster qu'lle avait pris par le col, dans le tribunal, afin de dénoncer les agissements du voyou, Price s'est donc retrouvée mariée par erreur, et par un juge qui ne maitrisait pas l'Anglais, à Buster Keaton. Et comme sa famille, entièrement composée de gaillards de la carrure de Joe Roberts, et dans laquelle on est assez tolérants (il y a un malfrat et un policier), est accueillante, on rajouta donc un couvert.

 

Après, le film découle entièrement de cette scène. Buster ne cherche pas à fuir tout de suite, il semble étrangement accepeter son lot, et ne se pose pas de questions lorsque la famille déménage vers une suite luxueuse: les frères de la jeune femme ont en effet découvert sur les vêtements de Buster la lettre (qui ne lui appartient donc pas) dans laquelle on annonce un héritage fabuleux... Lorsque le pot-aux-roses sera découvert, bien sur, Keaton passera un sale quart d'heure.

 

L'histoire se suit aimablement, mais il faut reconnaitre que Buster Keaton a pris un malin laisir, peut-être un brin masochiste, à représenter son personnage aux prises avec des grosses brutes qui ont tous une carrure imposante, et qui l'examinent sous toutes les coutures comme un jouet... de plus, le jeu sans concessions de la pas vraiment tendre Kate Price ne le ménage pas non plus; y aurait-il un rapport avec le mariage pas simple de Keaton avec la jolie Natalie Talmadge, dont les deux soeurs Norma et Constance, le frère Richard et le beau-frère Joe Schenck (Propre producteur de Keaton, au passage) sont tous des sommités du cinéma? Cette scène, qui voit Keaton privé de viande alors que tous les néanderthaliens qui l'entourent se sont copieusement servis, est-elle une métaphore de la propre situation de Keaton dans sa propre famille? et l'appat du gain, qui pousse la famille de Kate à choyer momentanment Buster, est-il une vision de ce qu'on souhaitait faire de Keaton dans cette famille? On sait que Keaton n'a jamais souhaité être plus que confortable, et s'accomodera de toutes les galères, sa vie durant. peut-être Natalie n'était-elle pas aussi détéerminée. Oh, bien sur, ce ne sont là que spéculations...

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet
23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 13:54

Il est des films de Keaton qui savent avantageusement se contenter d'être un spectacle. Certains ne vont pas très loin, voire sont dispensables, tant parmi les courts que parmi les longs métrages: on ne fera pas grand cas de College, par exemple. D'autres films brillent d'un exceptionnel éclat comique... Mais il y a eu, à une certaine époque, chez Benayoun par exemple, une tendance à vouloir faire de Keaton un homme aux vertus abstraites et philosophiques d'une phénoménale profondeur. Certaines critiques renvoient à Beckett, et d'autres font du comédien un intellectuel qu'il n'était pas, et se défendait bien de vouloir être. Il était parfois amusé, parfois agacé par de telles assertions, mettant l'étrange vision du monde que ses films présentaient sur le seul compte de son humour et de son envie de gags: promis, juré, il n'y avait dans ses films que du burlesque pur... D'une part, ils disent tous ça, comme Ford qui jurait ses grands dieux que My darling clementine n'est qu'une histoire au premier degré. Et pourtant compte tenu de l'éducation tronquée de Buster, qui s'est entièrement située sur les planches, enfant de la balle à 200%, on ne peut qu'être d'accord avec lui. D'autre part, si Buster Keaton n'aurait jamais accepté qu'on le soupçonne d'être un humoriste à vocation philosophique, ses films dépassent parfois de façon troublante le manque de prétention affiché: Hard luck traitait ouvertement de suicide. De nombreux films offrent un commentaire sardonique sur le mariage (One week, The boat, mais aussi l'étrange final de College, du pur Keaton dans un film hybride). Et puis il y a Cops, un film mûrement réfléchi, radical, assumé et parfait.

Buster derrière les barreaux, Virginia Fox de l'autre côté: le plan tire parti d'une façon nouvelle du beau visage de pierre de Buster Keaton, auquel pour une fois on se doit d'attribuer un sens émotionnel... C'est en fait un plan en trompe-l'oeil qui ouvre le film, puisque la caméra nous révèle ensuite que le jeune homme est en réalité à la grille de la propriété des parents de la jeune femme; celle-ci vient, afin de pouvoir lui promettre d'accepter un jour ses avances, de le mettre en demeure de devenir un grand businessman... C'est peu de dire que Keaton a souvent donné à Virginia Fox des rôles désagréables, contrairement à Sybil Seely dont il faisait souvent sa complice (One Week, The boat, dans lequel ils ont même des enfants!!). Fox, ici, représente un idéal impossible, et elle se place d'ailleurs même en accusatrice dans les scènes ultérieures... quoi qu'il en soit, Buster aveuglé par l'amour décide de donner vie à son rêve, en subtilisant une somme d'argent trouvée par terre (Et qui appartient à l'origine à Joe Roberts, pour une courte mais incisive apparition) et en l'utilisant à bon escient. Un escroc qui a flairé l'innocence naïve lui vend des meubles placés sur le trottoir par une famille qui déménage et attend un transporteur. Buster ajoute à ces meubles une carriole tirée par un cheval récalcitrant, et se met en route, persuadé que sa bonne affaire va lui permettre de conquérir le coeur de Virginia...

Quelques gags bien sentis colorent de burlesque cette équipée étrange; l'un d'entre eux est très annonciateur: doté d'un bras amovible (un ressort auquel est attaché un gant de boxe) afin d'indiquer aux véhicules derrière lui qu'il tourne, Buster met un policier K. O. C'est justement, dans la ville dont le père de Virginia est le maire, le jour de la parade des forces de police: des dizaines, des centaines de représentants des forces de l'ordre sont rassemblés; tout le monde les acclame, et au milieu, Buster prend brièvement les applaudissements pour lui. Les officiels qui l'ont aperçu, parmi lesquels le maire et sa fille, le pointent du doigt: il n'a rien à faire là! Pourtant, à ce stade, il n'a encore pas fait grand chose, à part peut-être perturber la parade... Non, le rejet de sa personne s'effectue a priori, comme si Keaton voulait nous prouver qu'il n'avait, auprès de Virginia comme de la bonne société, aucune chance dès le départ...

Un anarchiste qui souhaite manifestement s'en prendre aux forces de l'ordre, il est vrai rassemblées un peu opportunément, jette une bombe, celle-ci arrive entre les mains de Buster qui s'en sert pour allumer une cigarette, puis la jette négligemment sans se rendre compte de ce que c'était réellement: forcément, elle explose. L'enchaînement est logique, ce qui nous permet  a) de constater que Buster Keaton n'est absolument pour rien dans ce qui arrive et b) de comprendre qu'il est cuit, puisqu'il a effectivement jeté la bombe, et ce devant témoins.

Le reste du film est un déchaînement hilarant de gags, de poursuites, de plans subtilement composés de Buster poursuivi littéralement par des centaines de policiers en uniforme... Le goût pour les plans ultra-économiques, qui résument en une image et quelques secondes une situation (Voir par exemple cette utilisation d'un pâté de maisons en arête, dont les deux trottoirs situés de part et d'autre nous permettent de voir deux meutes de pandores à la poursuite de Keaton), un talent ici combiné avec des situations à la mécanique de précision diabolique, le plus souvent filmé à une distance parfaite (L'échelle en équilibre sur une palissade, Buster caché dans un coffre au milieu des décombres, cerné par des dizaines de flics...), bref, tout concourt à rendre ce film inoubliable.

La fin est célèbre, avec sa morale narquoise: réfugié... dans un poste de police, Buster a attiré derrière lui tout ce que la ville compte en matière de policiers, et sort du poste, déguisé avec le plus bel uniforme qu'il ait pu trouver, puis ferme la porte à clé afin de contenir les fauves; Symboliquement libéré de tout ennui, il voit Virginia, qui passe son chemin. le héros retourne à la porte, l'ouvre, et laisse les policiers se saisir de lui... Fondu au noir: le mot fin est écrit sur une pierre tombale sans aucune mention de l'identité de l'infortuné défunt, mais le chapeau reconnaissable qui y est accroché ne laisse aucun doute.

Bien sur, le plan en trompe-l'oeil du début était sans équivoque non plus: on pouvait bien le croire coupable, comme tout le reste de l'humanité semble-t-il dans The goat, le précédent film paranoïaque de Keaton. Lloyd reprendra d'ailleurs cette idée en l'adaptant, et en la poussant techniquement un peu plus loin, avec un travelling arrière comme révélateur de la supercherie, dans Safety last, en 1923. Mais ici, Buster Keaton a un message à faire passer, avec cette vision fugitive d'un homme potentiellement coupable, cet affreux concours de circonstances qui le rend ennemi public numéro 1, cette paranoïa galopante d'un homme poursuivi par des dizaines de policiers en uniforme, qui en veulent à sa peau, et qui d'ailleurs auront raison de lui dans un final glaçant. Hitchcock lui-même n'a jamais été aussi loin dans la paranoïa anti-policière...

En 1921, le mentor de Buster Keaton, et par ailleurs son meilleur ami, Roscoe Arbuckle, était l'un des rois de Hollywood; bon vivant, il avait l'habitude d'organiser de fêtes qui faisaient un peu jaser par leurs débordements. Au cours d'une de ces fêtes, Virginia Rappe, aspirante actrice, est morte. Immédiatement considéré comme le meurtrier, proclamé violeur, Arbuckle a été paré de tous les vices. William Randolph Hearst, propriétaire local de presse bien connu des cinéphiles, était semble-t-il décidé à exploiter l'affaire, tant qu'on croirait Arbuckle coupable. Le, ou plutôt les procès car il y aura des appels, ont tous conclu à l'innocence d'Arbuckle. Non seulement aucune excuse ne lui sera fournie de la part de ses détracteurs, mais cette affaire a signé l'arrêt de la carrière triomphale du comédien, jusqu'alors en contrat avec la prestigieuse Paramount. Il lui fallait désormais trouver un pseudonyme afin de pouvoir mettre ne scène des films pour le compte d'autres, et pas pour les plus grands studios; jusqu'au bout, à sa mort en 1933, Arbuckle était désormais un homme brisé, reconnu innocent, mais symboliquement coupable de la saleté qu'on s'est plu à lui attribuer. Keaton est resté, à ce sujet, en colère jusqu'à son dernier souffle.

Non, Cops, comédie sublime sur un destin horrible, n'est absolument pas un film gratuit. C'est aussi un chef d'oeuvre burlesque.

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet
20 février 2011 7 20 /02 /février /2011 14:46

Ce court métrage est le premier réalisé par Keaton seul. Et dès le départ, on se demande un peu ce qu"'il se passe. Bien sur, on est habitué des débuts inattendus, en trompe l'oeil, des films du comédien, mais là, rien ne nous a préparé à ce que nous voyons: un film qui nous raconte, de façon directe, et sans fards, un tour de cochon joué aux Indiens, qui sont dépossédés de leurs terre par un groupe pétrolier sans scrupules; Ici, pas de gag, juste une narration directe et dramatique. mais il faut tout simplement se pencher sur le reste de l'oeuvre, et constater que dans Our hospitality et The General notamment, Keaton qui admirait Griffith a tourné des morceaux de ses films d'une façon aussi frton,tale, sans passer par la case comédie. après tout, son premier long métrage en 1923 pastichera Intolerance de façon tendre...

 

En attendant, Keaton fait son apparition dans ce film à un très mauvais moment: il se rend sur une réserve Indienne (le chef étant interprété par Joe Roberts, on est rassurés, et on sait qu'on n'a plus qu'à attendre l'arrivée du comédien en chef), alors même que la tribu qui n'apprécie pas les manières des blancs est décidé à tuer le premier intrus venu... Bien que venu pour chasser le papillon, Buster va avoir des ennuis, c'est sur....

 

TPFUn petit film donc, assez peu porté sur l'absurde, pas aussi poétique ni noir que le précédent, mais suffisamment doté de gags mémorables et de petites cascades rigolotes pour qu'on ait envie d'y revenir... Il y aussi, en plus d'un étrange début au premier degré, une fin absurde qui fait bien plaisir. Et puis peut-être que Buster avait autre chose en tête, en cette difficile période pour son meilleur ami Roscoe Arbuckle? On y reviendra, et Buster Keaton aussi. Un dernier mot: un plan de ce film anticipe sur une fameuse scène de the Iron Horse, de Ford: Buster a tourné en effet une séquence qui fait intervenir un paysage assez spectaculaire, marqué par une faille entre deux rochers: c'est ce même endroit qui verra George O'Brien subir l'attaque d'un traitre dans le grand western de Ford, deux ans plus tard.

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet
15 février 2011 2 15 /02 /février /2011 07:47

Premier long métrage avec Buster Keaton en vedette, ce film est aussi le premier que Buster ait tourné après la fin de sa collaboration (1917-1919) avec son ami et mentor, Roscoe Arbuckle. Et franchement, il faut le voir pour le croire, tant ce petit film est éloigné du style sauvage et délirant des deux bobines précédents.

Pour une large part, The saphead (L'andouille) annonce les rôles de jeune riche décalé que Buster jouera dans ses longs métrages, en particulier The Navigator; le film est basé sur une pièce, The New Harrietta. L'intrigue tourne autour de trois Harrietta: une mine d'or au Texas, appelée ainsi, dont le milliardaire New Yorkais Nicolas Van Alstyne possède la moitié des parts, une femme qui a eu un enfant illégitime avec le gendre de Van Alstyne, et le portrait d'une danseuse de ce nom, aperçu dans la chambre de Bertie, le très inefficace fils de Van Alstyne. A partir de ces trois "Harrietta", les confusions possibles sont exploitées par une intrigue maline qui se voit sans déplaisir, même si le rythme du film est plutôt lent. Mais ce n'est pas grave: The saphead devient vite un écrin pour l'acteur Buster Keaton, qui se révèle ici d'une compétence qu'on ne pouvait pas soupçonner à la vision des films d'Arbuckle.

Le moment du film le plus célèbre voit "Bertie" se jeter sur tous les hommes présents lors d'une séance de la bourse pour leur racheter leurs parts de la mine, et les prouesses accomplies par l'acteur sont très impressionnantes. La façon dont il joue de son corps, ici, avec minutie, tout annonce la rigueur du plus grand comédien de tous les temps. Voilà, je l'ai dit. Quant à Blaché, il donne ici un travail très compétent, même si je doute qu'on aurait tant d'intérêt pour ce film si Keaton ne jouait pas dedans...

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Published by François Massarellil - dans Buster Keaton Muet Comédie 1920 **
14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 18:16

Si Buster préférait, de tous ses courts métrages, Hard Luck (Sur lequel je suis fortement mitigé), celui-ci était le deuxième film favori: les deux ne possèdent finalement qu'un point commun, celui de montrer de façon asssez sardonique la philosophie de la vie, forcément noire, de Keaton. Sinon, The boat possède, à l'instar de The navigator, The general et The cameraman, l'avantage d'être centré autour d'un objet dont toutes les situations (C'est-à-dire les gags) découlent. En 27 minutes, c'est une merveille, drôle et souvent presque cartoonesque.

 

Keaton est doté d'une famille, dans laquelle le chapeau reste l'uniforme. l'épouse, jouée par Sybil Seely, suit son mari et l'assiste en parfaite petite moitié, et leurs deux enfants auront beaucoup à subir, puisque la famille a décidé de partir en bateau. L'esquif, un imposant bateau appelé Damfino, va beaucoup souffrir, puisque Keaton et Cline se sont ingéniés à trouver tous les gags possibles et imaginables avec le bateau. Keaton, Seely, et les enfants vont aussi beaucoup souffrir:

 

-Trop gros pour passer la porte du garage, le bateau fait s'écrouler la maison.

 

-Le lancement se termine par un plan de Keaton, debout sur son bateau qui s'enfonce inexorablement. Léger coup d'oeil vers l'arrière, comme pour savoir quoi faire à présent, puis Keaton disparait dans l'eau.

-Pour passer sous un pont, les mats sont amovibles.

 

-Pris dans la tempête, le bateau fait des tours complets sur lui-même. le "capitaine" décide de se clouer les chaussures au sol pour rester en place.

 

-Pour égayer la cabine, on a l"idée d'accrocher un tableau. Les clous, c'est fatal, entrainent une voie d'eau.

 

-Pour enrayer la voie d'eau, Keaton perce un trou dans la coque afin d'évacuer. ce n'est pas très efficace.

 

Bref... Pris dans la tempête, le bateau coule, avec Buster bien sur. la famille a pris place dans la baignoire de sauvetage, et voit seul le petit chapeau surnager. Ils se recueillent un moment, puis Buster réapparait. Toute la famille se retrouve donc dans le petite baignoire, dont l'un des enfants retire la bonde. La baignoire coule, heureusement près du bord... Sur la plage, Sybil demande à Buster: "Where are we?" Sans intertitre, Keaton répond en prononçant distinctement le nom du bateau: Damfino ("I'll be damned if I know", équivalent de "pas la moindre idée".) Une façon étrange de conclure un film, qui ressemble à la fois à une fin triste, ou en tout cas sinistre (Après tout, la famille s'enfonce dans le noir), tout en étant une fin heureuse: ils ne sont pas morts, après tout... Mais l'essentiel de ce film tient dans le rapport étrange avec l'eau, élément incertain, symbole du destin et véritable Némésis de Keaton, qui se frotte à l'élément liquide dans TOUS SES FILMS, que ce soit par le biais d'un seau, ou de l'océan tout entier. A ce niveau, The boat et sa dérive (Vers où, à propos?) est l'un des grands films en ce qui concerne la thématique. Indispensable chef d'oeuvre, donc.

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Published by François Massarelli - dans Buster Keaton Muet Comédie