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20 juillet 2018 5 20 /07 /juillet /2018 09:57

Waldemar Young, Lon Chaney, Tod Browning: ces trois noms évoquent un bouquet de films, mettant en vedette l'acteur (Chaney), écrits par le scénariste (Young) et mis en scène par le réalisateur (Browning): sur les dix films de Browning avec Chaney, sept scripts sont de Young... La première collaboration entre les trois hommes (et d'ailleurs la première fois que Browning va diriger Chaney) est ce long métrage, destiné au départ à être un véhicule pour Priscilla Dean, star de films d'aventures. Mais le tournage va révéler à Browning le potentiel impressionnant de Lon Chaney...

L'ouverture est une visite des bas quartiers: une métaphore, celle d'une rose qui tombe dans l'égout, mène à un plan de Dean: Mary Stevens est assise sur un trottoir, enlève une chaussure et se masse le pied. D'une métaphore à l'autre... la séquence suivante nous montre l'environnement: un homme titube en sortant d'un drug-store, sur le mur duquel un panneau annonce 'soft drinks': une allusion à la rumeur sévèrement ancrée dans l'inconscient collectif, selon laquelle le Coca-Cola contiendrait de la cocaïne. Du coup, le "signe cinématographique" est clair: cet homme qui fréquente le même quartier que l'héroïne est un junkie... 

Mary est une voleuse aussi, elle fréquente la bande de 'Stoop' Connors, un dandy qui est aussi un pickpocket et une sacrée fripouille (Lon Chaney). Mais Mary vole un soir un collier, qui va la mener à une rencontre: pour échapper à la police, elle se réfugie chez Kent Mortimer (Wellington Playter). Celui-ci est un homme de la meilleure société, mais ruiné. Sa fiancée vient de le quitter à cause de ses revers de fortune, mais pour Mary, il représente une chance de se sortir de sa situation. Seulement il va falloir mentir... Et comment faire aussi, pour éviter que le collier ne tombe entre les mains de Stoop?

...Car ce collier à l'histoire rocambolesque, va devenir bien un objet symbolique, lien entre Mary et Kent: à l'origine il a été offert par ce dernier à sa fiancée Adele (Gertrude Astor), mais celle-ci l'a perdu. Récupéré par Mary, elle ne peut pas le rendre à Kent qui lui avoue détester le vol: admettre qu'elle l'a volé serait abandonner tout espoir de garder Kent... Et de son côté, Stoop convoite le collier de perles, tout comme il convoite Mary...

Le monde des coulisses du spectacle, qui deviendra souvent le théâtre des opérations pour Browning, n'est pas présent pour ce qui est essentiellement un mélodrame de gangsters, dans lequel le metteur en scène transpose un univers qu'il connait bien: comme le petite monde du show-business et du cirque, la pègre obéit à des lois très fortes, possède ses codes, son langage, et des costumes particuliers. Chaney a beaucoup joué sur cet aspect, car Stoop est un dandy, habillé selon la dernière mode des pickpockets: un accoutrement (chapeau, costume clair, noeud papillon, pantalon très étroit et bottines cirées) qu'il remettra quasiment à l'identique dans Outside the law. Le personnage aurait pu n'être que secondaire, représentant une sorte de menace générique, mais l'acteur n'a aucun mal, avec un naturel impressionnant, à voler la vedette à quiconque partage l'écran avec lui. Sa façon de se tenir, ses gestes, tout concourt à donner au personnage une réalité inédite.

Le rôle de Browning dans cette réussite de caractérisation n'est pas négligeable. En effet, Chaney mal dirigé pouvait en faire des tonnes, il le savait lui-même très bien. Mais ici, il est parfait, et il n'est pas le seul... Priscilla Dean, une star que Browning n'appréciait pas outre mesure, est brillante en voleuse en quête de rédemption. Le style du metteur en scène tel qu'il nous apparaît dans ce film est bien différent de cette tendance à la contemplation, cette étrange absence de rythme, qui marquera son cinéma dans ses films ultérieurs. et le choix de tourner tout le film de nuit ajoute à l'efficacité d'une peinture du milieu qui est très réussie. Aucune surprise donc dans la décision de browning de refaire appel à Chaney pour Outside the law deux ans plus tard.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Tod Browning Lon Chaney *
18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 12:12

Dans les rochers, au bord de la mer, une femme de pêcheur raconte à sa petite fille une légende qui pourrait bien être une réinterprétation de sa propre vie: comment un jour une jeune femme et son amant, un prince, ont été séparés par le caprice d'une sorcière, et la jeune femme confiée à la garde d'un destin bossu, enfermée au fond d'un coquillage géant... 

Pendant qu'elle raconte son histoire, un homme est là, qui les écoute, l'air grave: il s'approche finalement d'elles, et demande à la jeune femme de lui cueillir des fleurs. Puis il retourne sur son yacht où l'attend son épouse, tout le contraire de la jeune femme... A la fin du film, le pêcheur, mari de la jeune femme, rentre chez lui...

Ici s'arrête le film... La jeune femme est interprétée par Cleo Madison, actrice populaire de nombreux courts métrages, dont certains qu'elle a elle-même réalisés. Le prince charmant du conte (en toge et uniforme romain, pas la meilleure des idées si vous voulez mon avis) ainsi que le yachtman, sont interprétés par Arthur Shirley. Enfin, Lon Chaney est le bossu du conte, ainsi que le pêcheur. Ce dernier, même si le film en son état actuel ne nous permet pas de le remarquer, est aussi bossu... Et selon les commentateurs qui ont eu accès au synopsis du film, il se serait terminé par une scène dans laquelle l'homme se montrerait particulièrement injuste. 

C'est donc, au-delà du fait que c'est une rare manifestation du jeu de Chaney avec un élément de difformité, un film assez étrange: le seul lien qui s'établit dans la rencontre entre l'homme riche et la jeune femme, est que l'un comme l'autre sont finalement mal mariés. Mais le regret principal de l'homme, exprimé lorsqu'il regarde le bouquet que la femme a cueilli pour lui, est lié à l'enfant: il en voit le visage dans chacune des fleurs du bouquet... Ce qui contraste fortement avec les plans de l'épouse, qui a un insupportable rictus, ainsi qu'un encombrant petit chien.

Mais en l'absence de la fin, on ne sait pas où ira leur frustration commune...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Lon Chaney
18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 11:57

Dans une petite ville minière, sur la Frontière, une troupe de bandits est particulièrement bien renseignée sur les transports d'or; la compagnie qui soupçonne qu'une infiltration des bureaux a bien eu lieu, dépêche sur les lieux John Murdock, leur principal détective (Murdock McQuarrie). Celui-ci ne tarde pas à soupçonner l'ambigu Frank Lawler (Lon Chaney). Le public, lui, le sait depuis le début du film...

C'est jusqu'à preuve du contraire le plus ancien film de Chaney qui ait été conservé. Réalisé pour la compagnie Nestor, qui faisait partie de Universal, il est assez typique des productions de l'époque: nerveux, au montage efficace, et interprété avec énergie par des acteurs qui savent qu'ils n'ont qu'une bobine pour convaincre... En parlant de bobine, bien sûr, le principal atout du film est son méchant, qui montre ici ses deux facettes les plus évidentes: d'une part une qualité physique particulière, un visage à la fois malléable et passe-partout, qui le distingue et l'éloignera longtemps des rôles de jeune premier (quoique Murdock McQuarrie est loin d'un John Gilbert ou d'un Wallace Reid!), de l'autre un jeu au timing impeccable dans lequel chaque partie de son corps peut être décisive.

Un exemple: comme le héros, même en 11 minutes, a droit à un début de romance avec une employée du bureau de la mine (interprétée par Agnes Vernon), il fallait que Chaney puisse aussi être une menace pour elle. Dans une scène qui est typique de son art, l'acteur n'a besoin que d'un geste de la main, précis, visible, mais vite réprimé, pour exprimer son désir pour elle, et installer une évidence dans l'esprit du spectateur: il va y avoir du grabuge... Et dans une scène dont il n'aurait pas dû être le centre, Chaney vole la vedette: ça va devenir une habitude...

Malgré tout, une fois l'intrigue achevée, c'est hors champ que le bandit, démasqué, sera abattu: puis, alors que la caméra ne bouge toujours pas, sa dépouille, portée par les habitants de la ville, est ramenée dans le champ: la plus ancienne mort conservée de Lon Chaney au cinéma n'est pas la plus confortable...

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Published by François Massarelli - dans Muet Lon Chaney Western
18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 09:22

Tito (Lon Chaney) et Simon (Bernard Siegel) sont deux frères, deux clowns itinérants, qui un jour recueillent une enfant perdue, Simonetta. Ils sont jeunes, et Tito, particulièrement sentimental, insiste auprès de son ami bourru... Les années passent, et le duo a de plus en plus de succès. Simonetta devenue une belle jeune femme (Loretta Young), Tito se rend compte que ses sentiments ont changé... Il ne voit donc pas d'un très bon oeil l'idylle naissante entre la jeune femme et le comte Luigi (Nils Ashter), qu'il soupçonne d'être un incorrigible séducteur...

Herbert Brenon était un choix inattendu pour diriger Lon Chaney en 1928; à cette époque, la MGM avait l'habitude de confier les "véhicules" de l'acteur aux metteurs en scène maison, des techniciens compétents qui ne faisaient pas trop d'ombre à la star (William Nigh, George Hill, Jack Conway) ou à Tod Browning, son ami et complice. Le dernier film avec Victor Sjöström était The tower of lies, d'après Selma Lagerlöf, et ça avait été un échec, tout comme l'étrange Mockery tourné par Benjamin Christensen... L'Irlandais, artiste établi et meneur irascible, était un réalisateur fin et ambitieux, et il est à noter que ce long métrage de huit bobines joue dans une catégorie bien différente des films de Chaney de l'époque: c'est un mélodrame, pur et dur, et la résolution en est notable dans la mesure où Chaney échappe à toute tentation du mal...

Les clowns ont inspiré à Chaney un personnage inoubliable, celui de He who gets slapped. Ici, il incarne un vieil artiste, bien sûr amoureux de la jeune femme qu'il a élevé. Pour Lon Chaney, c'est un rôle en or, qui lui permet de montrer toute la gamme de ses talents, dans les registres les plus sentimentaux: le père, l'amoureux transi, l'artiste frustré, et surtout, l'homme vieillissant: à cette époque (en témoignent des films comme Mr Wu, Tell it to the marines, ou les fragments de Thunder, voire le médiocre Where east is east), Chaney s'intéressait particulièrement au vieillissement de l'homme. C'est poignant, quand on pense qu'il n'avait que 45 ans durant le tournage de ce film, et qu'il n'avait plus que deux années au compteur... Et comme de juste, il va aller au bout de son interprétation, en utilisant le costume d'artiste qui pour lui fonctionnait le mieux pour installer son univers de contrastes intimes...

Loretta Young est merveilleuse, et on a du mal à croire, non seulement qu'elle n'avait que 14 ans, mais aussi qu'il s'agit de son premier film... L'histoire a retenu que l'actrice a beaucoup souffert de la direction de Brenon, qui était je le répète un excellent metteur en scène (Ce film en fait foi, tout comme son Peter Pan de 1924), mais aussi un salopard qui aimait se choisir une victime désignée... Jusqu'à ce que Lon Chaney s'en mêle, protégeant Young comme il l'avait fait pour Mary Philbin contre les injonctions délirantes de Rupert Julian en 1925.

Tout ceci, bien sûr, ne se voit pas dans le film, mais ce qui se voit, c'est la délicatesse avec laquelle Chaney, Young et Brenon ont réussi à rendre cette histoire triste de clown amoureux qui se sacrifie en sachant que son âge le condamne aussi bien pour ses sentiments que pour son métier, et la grandeur de Chaney est doublé d'une mise en scène impressionnante pour son sacrifice, qui est, comme souvent dans l'univers de Lon Chaney, particulièrement ouvragé...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Lon Chaney 1928 *
22 juillet 2017 6 22 /07 /juillet /2017 18:11

Ce film n'existe plus. Tout simplement parce que la dernière copie en existence a brûlé lors d'un incendie qui a ravagé l'entrepôt où elle était stockée. Un accident semble-t-il assez courant, qui nous a coûté de nombreux films, de Murnau (The four devils) ou de Stroheim (La deuxième partie de The wedding march) entre autres... Et s'il y a un film qui est perdu et bien perdu, c'est London after midnight car sa perte est tellement médiatisée, que si une copie ou des fragments avaient réellement survécu (Il y a eu quelques escroqueries et canulars à ce sujet), ça se saurait!

Et donc cette médiatisation passe aussi par la case reconstruction, voyez ce qui est arrivé pour The four devils, de Murnau: Janet Bergström en a reconstitué les contours au moyen de photos de plateau et autres documents... C'est ce qui est fait ici, mais le documentaire adopte une position unique, à savoir qu'il entend se substituer au film pour en raconter l'intrigue, et le fait par ses intertitres tels qu'ils sont connus aujourd'hui (Probablement la liste de ceux qui étaient prévus a-t-elle été conservée avec le script) en plus des photos de plateau, qui au moins sont un reflet partiel de l'aspect visuel voulu par Browning...

L'intrigue, inspirée d'une histoire de Browning intitulée The hypnotist (un titre qui décidément en dit trop) est très proche de celle du remake du film, Mark of the Vampire, à ceci près que ce dernier film est plus logique sur un point: tout part d'un meurtre, maquillé en suicide dans London after midnight. Le remake change cette idée, puisque le meurtrier a plutôt l'idée de maquiller son acte en une attaque de vampires, ce qui justifie la suite! Ici, le détective Burke (Lon Chaney) enquête autour des exactions de vampires, parmi lesquels on reconnait le mort, sir Roger Balfour. Il s'agit d'une machination (Balfour est en fait un sosie) pour confondre l'assassin, et déterminer si c'est le meilleur ami (Henry B. Walthall) de Balfour, ou son neveu (Conrad Nagel) qui a fait le coup... la fille de Balfour (Marceline Day) est au courant de tout, et prête son concours aux comédiens qui interprètent les vampires... Parmi lesquels Burke lui-même, déguisé en créature de cauchemar, l'image la plus connue de ce film perdu du reste.

Une collection de photos de plateau, qui étaient toujours prises à part du tournage, ne rendra que très partiellement compte d'un film disparu. On a malgré tout une assez bonne idée de l'ensemble, même si on est sur (A plus forte raison si on a vu le remake!) que Browning avait su rendre le film plus nocturne. Le maquillage de Chaney en vampire est justement célèbre, et me paraît intéressant en particulier parce qu'il semble être plus inspiré du design de la créature de Frankenstein dans sa version Edison 1910! On est loin du gothique ouvragé à la Lugosi. Et Burke, énigmatique détective qui a plus d'un tour dans son sac, est une autre création probablement fascinante de Chaney, un homme qui dès qu'il n'est pas seul, se comporte comme un inspecteur pompeux de Scotland Yard, avec une moue dédaigneuse. Mais ça ne l'empêche pas, selon la légende établie de Chaney, d'en pincer pour la fille de Balfour...

On ne verra sans doute jamais London after midnight, pas plus que The big city (De Tod Browning), The tower of lies (Victor Sjöström), ou Thunder (William Nigh) si ce n'est pour ce dernier les quelques secondes qui ont survécu. Alors, impossible de trancher l'actuel débat entre ceux qui avancent que c'est probablement un chef d'oeuvre et d'ailleurs c'est le plus gros succès de Chaney et Browning à la MGM, et ceux qui au contraire se basant sur les souvenirs de ceux qui ont vu le film, estiment que c'était un navet de catégorie Z! Quoi qu'il en soit, il est dommage que les deux seuls films de Browning et Chaney qui aient disparu soient justement ceux qui essayaient de sortir des schémas établis avec The unholy three et The blackbird, et offraient justement un peu d'air frais dans un corpus que je continue à trouver un tantinet poussiéreux.

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Published by François Massarelli - dans Muet Tod Browning Lon Chaney 1927 Film perdu
26 avril 2017 3 26 /04 /avril /2017 18:28

Des premiers films tournés par Sjöström aux Etats-Unis, il ne reste rien: celui-ci, très connu et suscitant souvent l'admiration des critiques, est donc le plus ancien témoignage de cette période féconde et brillante, mais durant laquelle le metteur en scène Suédois a du céder de plus en plus de terrain à la MGM, sans pour autant acquérir de manière significative de grands succès... Et c'est aussi un grand moment historique pour la compagnie, qui héritait du contrat Goldwyn du réalisateur: c'st en effet très officiellement avec ce film que la Metro-Goldwyn, qui sera bientôt allongée en Metro-Goldwyn-Mayer, débutait sa production.

Le lion de la MGM, dès 1923, annonçait au public que le long métrage qu'ils allaient voir était un "Goldwyn picture". ce n'est pas avec ce film qu'il a donc fait son entrée en piste. Mais l'animal joue malgré tout un rôle dans He who gets slapped, aux côtés, rien que ça, de Norma Shearer, John Gilbert, Tully Matshall, Ford Sterling, Marc McDermott... et Lon Chaney. Adapté de Leonid Andreyev, le film a une intrigue très européenne, qui aurait fait un film Russe, Français, Allemand... ou Suédois tout à fait conforme à ce qu'on attendait du cinéma de ces pays: un scientifique, Paul Beaumont (Chaney) a dédié sa vie à prouver des théories scientifiques, et il arrive enfin à son but. Avec l'aide de son mécène, le baron Régnard (McDermott), il va présenter à l'académie des sciences de Paris sa trouvaille... Mais le jour venu, le baron, qui bénéficie du soutien de Mme Beaumont (Ruth King) elle-même, s'approprie purement et simplement le crédit de la découverte, allant jusqu'à gifler Beaumont lorsque celui-ci essaie de se défendre. Le rire qui s'empare de l'auditoire va lui donne, par la suite, une idée morbide...

On retrouve Beaumont à Paris, divorcé et devenu incognito le clown vedette d'un cirque. Sous le nom de "He who gets slapped (Celui qu'on gifle)", il rejoue invariablement cette scène, lâchant face à soixante clowns assis devant lui, les unes après les autres, des théories scientifiques vagues et contradictoires, qui finissent invariablement par lui attirer une gifle. A la fin du numéro, Chaney se fait tuer, et on arrache symboliquement son coeur... Il remporte un immense succès, et tout se passerait assez bien, s'il ne tombait pas amoureux de la belle Consuelo Mancini, fille d'un comte désargenté (Shearer et Marshall), qui est venue travailler en tant qu'écuyère pour le cirque. Car non seulement Consuelo aime l'acrobate Bezano (gilbert), qui le lui rend bien, mais en prime, elle est appelée à se marier à un noble...

...Le baron Régnard, qui en goujat parfait a rendu sa liberté à la traîtresse Mme Beaumont. A ce stade, Beaumont qui n'a jamais cédé au désespoir, va cette fois céder, purement et simplement, à la folie de la vengeance...

Le film suit fidèlement, ou presque, un schéma d'intrigue qui a souvent servi pour les histoires construites autour de Lon Chaney: The penalty, de Wallace Worsley, ou West of Zanzibar de Tod Browning font partie de ce cycle. Le personnage subit un traumatisme initial, qui revient pour lui imposer un désir de vengeance, dans lequel il va se perdre, mais risquera aussi de perdre avec lui une femme: un amour, ou éventuellement dans le film de Browning, sa fille. Plus généralement, 'idée de vengeance fait partie intégrante de la mythologie de l'acteur... Mais ici, Sjöström nous intéresse à ce drame étrange, autant pour ses ramifications dramatiques, que pour la vie des artistes qui sont amenés à le rejouer soir après soir. Et le film utilise un leitmotiv, celui d'un clown hilare qui fait tourner un globe terrestre, pour passer d'une étape à l'autre. Le prologue du film fait s'enchaîner la vision du clown, et celle de Beaumont qui effectue ses expériences; l'épisode qui nous présente le cirque, quant à lui, introduit un nouveau motif: des clowns qui descendent sur un ring, au moyen de cordes, et qui s'installent en spectateurs muets mais mobiles de la répétition de mouvements par un petit aspirant clown qui est malmené par son professeur. cette anecdote nous permet de faire la connaissance de Bezano, le coeur d'or, soit John Gilbert: le rival de Chaney échappera à sa vengeance...

Car le film nous intéresse beaucoup au cirque, qui devient le principal non le seul, ancrage des personnages, et donc du drame. Vrai, le cirque est dominé par "He" et son succès, mais il n'est pas le seul à se promener en permanence en costume. La vie, le cirque, il n'y a plus de différence. C'est d'ailleurs le sens de ces constantes références au clown qui fait tourner sa mappemonde, et de ce ring qui se mue à la fin en globe terrestre. Pour appuyer ceci, Sjöström s'amuse à multiplier les présences de cercles dans un grand b=nombre de plans. Il utilise aussi beaucoup la cruauté, pour raconter le parcours tragique de cet homme dont l'histoire ici commence par une humiliation qui aurait du être sa fin... Pourtant Beaumont survit, et accomplira son destin dans la vengeance et dans la mort... en passant par l'échec de l'amour: avec son épouse, d'abord, qui ne lui témoigne qu'une froide indifférence au début, puis avec Consuelo, qui prend la déclaration enflammée du clown pour une nouvelle blague... En riant, elle lui décoche donc... une gifle; mais par gentillesse! Norma Shearer et John Gilbert sont bons, un peu en retrait sans doute, mais on voit que la MGM a demandé à Sjöström de leur donner un peu d'espace, afin de préparer l'avenir: le film, rappelons-le, est un labratoire de la "formule" MGM, et doit contenir tout le savoir-faire du studio. L'un et l'autre h=joueront un rôle important dans l'avenir de la firme.

Venons-en à ce paradoxe: s'il est courant de voir que le personnage de Chaney ne survit pas au film, ici, il met quand même deux bobines à mourir. On pourrait même argumenter du fait qu'il en met sept, puisque tout le film va vers sa disparition, d'abord sociale, avant d'être physique. Mais Chaney reçoit un coup d'épée fatal au début de la sixième bobine, et va ensuite agoniser lentement, assistant d'ailleurs au repas d'un lion (Qui mange McDermott et Marshall), dans une scène morbide. Enfin, il se relève,e t mourra en scène dans une scène à la cruauté démesurée... Pour finir, les clowns réunis dans un plan symbolique le jettent à l'extérieur du ring. Le film est noir, et nous présente la vie comme une loterie, dans laquelle l'humiliation, l'échec et la jalousie, entremêlés de vengeance, entament devant nous une danse de mort interprétée... par des clowns. Sjöstrôm avait réussi un chef d'oeuvre.

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1924 Lon Chaney *
22 avril 2017 6 22 /04 /avril /2017 16:37

J'imagine qu'il y a du en avoir beaucoup, des films de ce genre... Il échappe de loin au type de films de propagande comme il y en a eu beaucoup, tant et même trop, de Hearts of the world à The Kaiser, beast of Berlin. Ecrit par Willat, le scénario de The false faces s'inspire d'un roman populaire de Louis Joseph Vance, publié dans le cadre des aventures de The lone wolf: si ce personnage d'espion allié (D'origine belge) est bien un ennemi du totalitarisme Germanique, et affronte des Prussiens tous plus cruels les uns que les autres, il le fait en bondissant, dans des péripéties délirantes et nombreuses...

Michael Lanyard, dit 'the Wolf' (Henry B. Walthall), est un espion allié, qui a pour mission de mettre sur la main sur un cylindre qui contient des informations cruciales pour prévenir une attaque de l'Axe. Pour se faire, il doit voyager incognito, mais il n'est pas le seul: le dangereux Eckstrom (Lon Chaney), un espion lui aussi, mais de l'autre côté, se trouve en effet sur le même bateau que lui, et la lutte va être serrée...

Walthall en espion? C'est vrai qu'il n'a pas la carrure de James Bond, mais il est convaincant en homme qui est prêt à tout pour faire triompher sa cause... Et celle-ci est noble, sans parler de la femme qu'il rencontre, Cecilia (Mary Anderson), et qu'il n'aura pas toujours besoin de protéger, car elle se défend quand même un peu. Ce film est à ne pas trop prendre au sérieux, un film d'aventures qui est soigné, et dont la structure est souvent étonnante: il commence en pleine nuit, sur le front. Un home traverse les lignes pour rejoindre les alliés: qui est-il? que veut-il? quelques minutes plus tard, il se présente, et raconte son histoire: en particulier, comment un régiment de Prussiens conduit par Eckstrom a tué sa soeur et son neveu... Ruptures de ton, coups de théâtre, c'est impeccable, c'est du grand cinéma populaire.

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Published by François Massarelli - dans Muet Thomas Ince 1919 Lon Chaney
9 avril 2017 7 09 /04 /avril /2017 17:01

Heyst (Jack Holt), un écrivain revenu de tout, est parti s'installer dans une île du pacifique, au coeur d'un archipel. Il rencontre lors d'une rare escapade vers la civilisation (en fait une île plus grande) une violoniste (Seena Owen) qui souhaite elle aussi se retirer du monde. Les deux vont donc repartir vers lîle de Heyst, et une tentative de séduction de l'homme par la femme, pas encore revenue de tout contrairement à lui, sera interrompue par une menace inattendue: un hôtelier libidineux (ce n'est pas un rôle de composition, c'est Wallace Beery) qui n'apprécie pas qu'on lui enlève l'objet de tous ses désirs se venge des héros en leur envoyant sous un faux prétexte trois bandits tous plus pervers et répugnants les uns que les autres: L'inquiétant Mr Jones (Ben Deely), Son secrétaire Ricardo (Lon Chaney), et le fort retardé, mais aussi très fort Pedro (Bull Montana).

En profitant au maximum des décors naturels et de la luminosité particulière de cette île sur laquelle un volcan menace en permanence, envoyant durant tout le film des ombres mouvantes sur les protagonistes, Tourneur compose une fois de plus une oeuvre plastiquement superbe, mais laisse le drame éclabousser l'écran: sans compromission, il nous fait assister à deux meurtres, un suggérés, l'autre non, à une tentative de viol pour laquelle il a su prendre le sujet beaucoup plus frontalement que Griffith, en particulier en utilisant l'argument (traité sans complaisance!) de la nudité de Seena Owen sous son paréo. Chaney est, bien sur, très bon, mais en fait parfois un peu trop avec son Ricardo très (Trop?) typé "méchant mexicain". Le salut viendra de là ou l'on ne l'attend pas dans ce film qui dépasse à peine une heure, mais qui est une merveille.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Maurice Tourneur Lon Chaney
24 avril 2016 7 24 /04 /avril /2016 19:15

Avec ce film inspiré de Charles Dickens, Lloyd est en terrain connu, ayant déjà tourné des adaptations de l'écrivain Anglais, la plus notable étant bien sur son A tale of two cities de 1918 pour la Fox. Mais cette nouvelle tâche pour la First National est beaucoup plus intéressante, confrontant le metteur en scène Britannique à deux vedettes particulièrement atypiques, en plus d'un casting absolument irréprochable. En effet, cet Oliver Twist est un "véhicule", comme on disait alors, pour Jackie Coogan, révélé l'année précédente par Chaplin dans The Kid, et que la First National souhaitait exploiter dans une série de films de qualité avec des histoires qui pourraient être vues par toute la famille. Pour l'épauler, il fallait bien sur un acteur capable de reprendre le rôle du méchant par excellence, l'odieux Fagin, aussi bien dans le jeu que dans le physique. Et bien sur, c'est Lon Chaney qui s'y colle...

On suit donc en 74 minutes les aventures d'Oliver Twist, né dans des circonstances douteuses d'une mère qui n'a pas survécu à l'accouchement, puis élevé dans des circonstances abominables dans une institution qui exploite plus les pauvres qu'elle ne leur offre une vie décente. Puis, l'apprentissage auprès d'un croque-mort avec des préjugés tels contre son employé qu'il ne voit pas à quel point le gamin est la victime de tous ceux qui' l'entourent, et enfin l'arrivée à la grande ville d'Oliver qui s'est enfui, et qui se retrouve confronté à deux mondes: celui du crime qui semble être la destinée de tous les destitués, et l'autre, celui de la bourgeoisie, vers la quelle aussi bien le hasard que la vérité de sa naissance le poussent...

Les décors sont superbes, la photographie de Glen McWilliams aussi: souvent nocturne, elle profite à fond des textures présentes, le bois des poutres, les briques, les fumées... C'est de l'excellent cinéma de studio, arrivé à son apogée. Lloyd, on le connaît, ne va pas s'amuser à changer Dickens, et il livre un film au scénario aussi direct, linéaire et chronologique que possible, en profitant au maximum de sa star de 8 ans, qui se livre physiquement et avec déjà un solide métier. Il a eu, il est vrai, un excellent professeur... Autour de Jackie, on reconnaîtra bien sur le grand George Siegmann, qui fait un costaud des plus convaincants, la grande Gladys Brockwell, qui jouait si souvent les femmes déchues, et qui trouve un de ses plus beaux rôles avec Nancy, la prostituée au grand coeur. ...Et puis il y a Chaney.

C'est un de ses grands rôles, mais il y a parfois une confusion de nos jours: il ne fait hélas pas imaginer que Chaney ait été ici en quelque façon la star. Il était encore, après tout, un acteur de composition qui, étant sans contrat, passait d'une compagnie à l'autre au gré des apparitions. Pour un Blizzard (The penalty, 1920), combien de Fagin, combien de rôles mémorables certes, mais de second plan? Il fallait attendre The hunchback of Notre-Dame (1923), puis surtout The phantom of the opera (1925) pour qu'il devienne enfin une valeur sure. En attendant, son Fagin est splendide, veule à souhait, totalement convaincant en professeur du crime et décidément très ambigu, l'acteur ayant eu en plus le bon goût de débarrasser le personnage de tout ce qui renvoyait au judaïsme selon Dickens.

Que le film soit une adaptation sage mais réussie, dans l'ombre de Griffith auquel Lloyd fait souvent penser ici, c'est indéniable. C'était une oeuvre de prestige qui a parfaitement rempli son contrat, mais pour un travail d'illustration, c'est plus que joliment fait...C'est 'un des meilleurs films muets de son auteur, qui en était fier jusqu'à la fin de sa vie.

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Published by François Massarelli - dans Lon Chaney Frank Lloyd Muet 1922 *
18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 15:46

On prend les mêmes et on recommence? pas tout à fait hélas! En 1921, la sortie de ce nouveau film Goldwyn, mis en scène par Worsley sur un scénario adapté d'un roman de Gouverneur Morris, avec Lon Chaney en vedette, pouvait faire espérer en effet que le miracle de The penalty ne se reproduise. Il n'en est rien, car le film rate son coup. Le propos en est différent, même s'il reprend les arguments volontiers conservateurs du film précédent (Qui a un moment alliait dans un intertitre la pègre et le danger communiste): dans Ace of hearts, un groupe d'idéalistes portant tous ou presque un bouc à la Russe projettent de tuer un grand patron (Raymond Hatton), mais cela ne se fera pas parce que le terroriste désigné (John Bowers) pour accomplir le meurtre va changer d'avis au moment opportun. il est amoureux et heureux, et le meurtre qu'il s'apprêtait à accomplir aurait fait deux victimes collatérales, un couple de tourtereaux, qu'il ne peut se résoudre à éliminer... Le film se situe donc clairement dans cette période du début des années 20, qu'on a appelée la "Red scare", la peut des rouges", qui suivait le début d'installation du régime Soviétique.

Et Lon Chaney dans tout ça? Avec une coupe de cheveux mi-longs, il est l'un des membres du groupe pseudo-bolshevik (Le mot n'est nulle part, mais il faut savoir lire entre les lignes). Comme Bowers, il est amoureux de LIlith (Leatrice Joy), et comme d'habitude il tend à se morfondre sur son amour gâché. mais il va, comme d'habitude, se sacrifier bien à sa manière...

Le problème n'est pas Chaney, qui trouve un rôle bien dans son univers. Le souci c'est que le film se traîne, jouant en permanence sur un suspense un peu frelaté, et utilisé un peu partout sans vergogne: Bowers va-t-il faire exploser sa cible? Chaney va-t-il se déclarer? Chaney va-t-il tuer Bowers? La lenteur calculée (Même à 24 images/seconde) n'arrange rien... Et l'argument manque de ces fulgurances de violence qui faisaient le sel de The penalty.

Quant au titre, il fait allusion au tirage au sort du "volontaire" pour accomplir les méfaits du groupe de terroristes barbus: ils tirent les cartes, celui qui tire l'as de coeur a gagné. Ou pas.

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Published by François Massarelli - dans Lon Chaney Wallace Worsley Muet 1921 *