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20 février 2017 1 20 /02 /février /2017 18:38

"A man's best friend is his mother"

                                          Norman Bates

Au début de ce film, on assiste à la tentative de fuite d'un explorateur qui a manifestement atteint le but de sa vie, attraper le fameux singe rat de Sumatra, et ce dans son habitat même: Skull Island (Sic). Il envisage de le ramener chez lui en Nouvelle-Zélande, afin de le vendre à un zoo... Mais les indigènes ne sont pas très chauds pour le laisser partir. Pas plus d'ailleurs que le fameux animal, qui dans la confusion l'a mordu. L'un de ses comparses, apprenant la blessure... procède méthodiquement à l'ablation de toutes les parties du corps qui ont été infectées.

Ainsi commence Braindead, également connu pour sa version Américaine sous le sobriquet plus passe-partout, et moins fidèle au film, de Dead alive. Car si le film est effectivement un monument gore, voulu par Jackson comme le film ultime du genre, c'est aussi et surout une comédie qui se vautre dans la débilité revendiquée la plus profonde... avec des torrents d'hémoglobine.

Littéralement.

on va donc, une fois arrivés en Nouvelle-Zélande, assister aux aventures de Lionel, un jeune homme timoré, qui amène sa petite amie Paquita au zoo, sous la surveillance secrète de sa maman, qui se fait mordre par, mais oui, vous avez deviné... Le singe rat de Sumatra, une vraie sale bête. A partir de là, ça vire au n'importe quoi, de plus en plus décérébré (La encore, cette expression n'est pas qu'une vue de l'esprit), et s'il ne faut pas avoir trop de tripes pour voir le film... vous avez compris ou je veux en venir.

Bref, ça gicle, ça découpe, ça hache, ça brûle, ça éventre, ça déchiquette, ça émascule, et ça le fait sans hésitation aucune. En plus, l'ennemi du héros est très rapidement identifié comme étant sa mère, donc ça transgresse pas mal aussi. Soyons juste, on finit assez rapidement par en avoir un peu marre, mais Jackson, toujours scout jusqu'au bout, maintient un semblant de script et parfois se permet des scènes si jovialement idiotes qu'elles semblent devoir impérativement être revues sur le champ. Je pense en particulier à la scène de kung-fu dans le cimetière, durant laquelle un curé a ces mots définitifs: "I kick ass for the lord".

Bref, si vous êtes prêts à subir le film le plus salissant après Shortbus, mais pour d'autres raisons...

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Published by François Massarelli - dans Peter Jackson
5 août 2013 1 05 /08 /août /2013 17:56

"It wasn't the airplanes, it was beauty killed the beast". En laissant la réplique si connue de Merian Cooper avoir le dernier mot, Peter Jackson rend paradoxalement raison à tous ceux qui pensent qu'on ne refera pas King Kong... Soyons juste: ce film part d'un postulat d'inutilité rare, le film de Merian Cooper et Ernest B. Shoedsack étant effectivement la "8e merveille" du monde, comme le nom de l'attraction conçue autour du grand singe par Carl Denham (Robert Armstrong dans le merveilleux et indispensable film de Cooper et Shoedsack, Jack Black dans la version de Jackson); mais voilà: devenu un monument souvent visité, ayant fait l'objet d'une armée de remakes et autres dérivatifs nippons,  sans compter les innombrables parodies, le film fait partie de l'imaginaire collectif. Dès 1996, Jackson se déclarait prêt à en tourner une version personnelle, ce qui n'a abouti finalement qu'après un autre film, de douze heures celui-ci...

 

Je pense qu'il faut considérer ce King Kong 2005 comme un commentaire de fan, une sorte de rêve de gosse: Peter Jackson a pu s'approcher de très près de son film préféré, a même rencontré sa star Fay Wray avant qu'elle décède (Et Naomi Watts a même eu à cette occasion sa bénédiction pour reprendre le rôle, excusez du peu). Il a même trouvé sur EBay un exemplaire du script signé de Edgar Wallace, qui est visible dans le film, et met constamment ses pieds dans les traces glorieuses de ses aînés: le film a beau durer le double de son modèle, tout y renvoie. Et tout ce qui n'est pas dans le film de 1933 en est une variation aussi respectueuse que possible, ou une extrapolation née d'un imaginaire maladif de sale gosse surdoué qui a tant côtoyé le film qu'il s'en est approprié l'univers: ainsi le peuple indigène de l'île est-il développé dans un sens logique qui tient compte de l'étrange physionomie des rochers: tous sont issus de peuplades différentes, aux couleurs dissemblables, probablement des gens qui se sont échoués, et leur apparent état primitif n'est pas qu'un renvoi à l'époque innocente des films d'aventures des années 30, c'est aussi explicable par le fait que ce peuple survit, après tout, sur une bande de terre très peu étendue, à l'ombre d'un gorille géant. Celui-ci est doté d'une famille dans le film: tous les cadavres de singes géants qui jonchent le sol tendraient à expliquer sa mélancolie: il est le dernier d'une lignée. Bien sur, Jackson n'a pas évité les fautes de gout dans l'excès d'enthousiasme: sa séquence du 'spider pit', qui tente de recréer la fameuse scène perdue de King Kong est un catalogue navrant et lassant de créatures toutes plus immondes les uns que les autres. Mais de fait, on sent un enthousiasme juvénile dans cette réappropriation d'un mythe.

Au-delà du plaisir bluffant de recréer un monde en Nouvelle-Zélande (Dont un New-York enluminé d'une palette qui renvoie au technicolor deux bandes contemporain du premier film), Peter Jackson part de la même histoire, et la situe en la même année que l'original. Si le développement le plus spectaculaire concerne la relation entre Kong le grand singe (Andy Serkis) et Ann Darrow (Naomi Watts), c'est aussi que le cinéaste a probablement voulu sortir des années 30, et de la litanie de hurlements auxquels Fay Wray, en véritable "damsel in distress" des années 30, était condamnée. Elle n'était qu'une anonyme qui souffrait de la faim dans le New York en crise; la Darrow de Naomi Watts est dotée d'un vrai métier, elle est actrice de vaudeville. C'est avec cet ingrédient qu'elle va apprendre à communiquer avec le grand singe, et établir un rapport... Et elle va, à New York, faire une apparition de star pour retrouver son imposant compagnon.

 

On notera par contre que si le thème de la masculinité si présent dans le film initial (Avec l'érection finale de son Empire state building) est repris et légèrement redéveloppé, voire souligné à travers les figures masculines présentes (Jack Driscoll, héros courageux, mais parfois inefficace, supplanté en compagnon d'Ann par Kong; Bruce Baxter, caricature lâche de mâle dominant), c'est malgré tout un autre thème qui l'emporte: on ne s'étonnera pas de retrouver en Jack Black un Carl Denham excessif, obsédé du cinéma, entouré d'un Jack Driscoll dramaturge, d'une Ann Darrow elle aussi du métier: ce film, l'oeuvre d'un passionné qui peut exceptionnellement manipuler les jouets dont il rêve depuis toujours, et qui a quasiment carte blanche après le succès phénoménal de sa trilogie, parle une fois de plus de l'importance de l'imaginaire, de l'art, de la création... du cinéma, bon Dieu!! Donc il est inutile d'aller chercher plus loin: ce film dont on se serait si bien passé tant il ne s'imposait en rien, est une fois de plus une oeuvre personnelle d'un auteur parmi les plus attachants qui soient.

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Published by François Massarelli - dans Peter Jackson groumf
26 juin 2013 3 26 /06 /juin /2013 16:37

On a du mal à l'imaginer aujourd'hui, mais c'est avec son quatrième film, en 1994, que Peter Jackson est sorti de l'enfer du cinéma de série Z aux titres qui en disent long (Brain Dead, Bad taste, etc...) pour entrer dans le monde d'un cinéma d'auteur certes, mais qui n'oubliait pas le cas échéant de s'ouvrir aussi à d'autres mondes, d'autres techniques aussi. Révélant du même coup Kate Winslet et Melanie Linskey, Heavenly Creatures raconte l'histoire vraie de deux amies, Pauline et Juliet, qui se sont connues dans un collège de Nouvelle Zélande en 1953, ont développé très tôt une amitié solide et exclusive (Avec de timides mais pas forcément significatives incursions vers l'homosexualité, comme on fait une expérience), et ont fini par déraper dans un crime odieux, brutal, et... prémédité. Adoptant avec aplomb le point de vue des deux jeunes femmes, le film donne à voir l'incroyable richesse de leur imaginaire, utilisant diverses techniques, depuis les sculptures en volume jusqu'à une technique embryonnaire d'images de synthèse (Qu'on se doit de considérer comme l'ancêtre des effets de Lord of the rings, bien sur) pour donner vie à leurs délires. Contrairement à leurs familles respectives, et tous les adultes environnants, nous n'en sommes donc pas exclus.

 

Ce film brillant est à n'en pas douter une grande date dans la carrière de Jackson, et nous éclaire sur ce qui fait le sel de tous ses films: situés dans un monde à part (Que ce soit comme ici l'imaginaire de deux adolescentes qui s'ennuient à mourir, la vie en marge d'un cinéaste qui ne sera jamais reconnu de son vivant dans Forgotten silver, l'univers baroque de Tolkien dans Lord of the rings ou The hobbit, le monde des fantômes vu dans The frighteners, l'île de King Kong ou bien l'au-delà d'où une jeune fille décédée tente d'envoyer des messages pour aider ses parents à résoudre le mystère de sa disparition dans The lovely bones), ils explorent toutes les voies narratives avec enthousiasme, coeur, une certaine dose d'exagération, et une invention visuelle qui n'a peur de rien, pas même d'en faire trop. L'univers d'un cinéaste unique, insulaire, drôle et indispensable, qui joue ici l'espace d'une demi-seconde un clochard... Peter Jackson, comme Juliet et Pauline, s'est ingénié toute sa vie à inventer des images et des mondes, mais la bonne nouvelle, c'est qu'il nous les fait partager.

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Published by François Massarelli - dans Peter Jackson
22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 09:25

La découverte par Peter Jackson chez la voisine de ses parents d'une collection inconnue de films datant de 1900 à 1937 fait naitre en lui, et un certain nombre d'autres personnes dont l'autre cinéaste Néo-Zélandais Costa Botes, une envie d'en savoir plus sur l'un des génies méconnus du cinéma des premiers temps, le Néo-Zélandais d'origine Ecossaise, Colin McKenzie. Avec le peu d'informations dont ils disposent, le pionnier ayant laissé vraiment peu de traces derrière lui, Jackson et Botes remontent le temps à la recherche de l'histoire oubliée de ce pionnier, découvrent en passant qu'il a perfectionné par erreur les premiers travellings en attachant une caméra sur un vélo, qu'il a aussi développé un procédé primitif de couleurs, réalisé le premier long métrage parlant en 1908, qui fut un flop, filmé un exploit inconnu de l'histoire de l'aéronautique, et participé à la guerre d'Espagne, mourant sur le front, devant l'objectif de sa caméra; et surtout, Jackson et Botes vont retrouver les traces d'un tournage mythique, un film adapté de l'épisode biblique de Salomé, à travers un palais antique situé en pleine jungle, oublié de tous, à l'intérieur duquel reposent des kilomètres de pellicule: le long métrage Salomé, tourné entre 1917 et 1931 par un McKenzie déterminé à finir son chef d'oeuvre, mais qui ne verra jamais le jour...

 

C'est n'importe quoi, bien sur. On le sait maintenant, et il ne faut pas dix minutes au premier cinéphile venu, à plus forte raison s'il a une certaine connaissance du muet, pour découvrir le pot-aux-roses... Sauf que si l'intention était en vérité de faire une petite blague aux dépens des spectateurs en 1995, soit l'année du centenaire de l'invention du cinématographe des Frères Lumière (Inspirés de l'invention des images qui bougent par Edison, mais passons), ni Jackson ni Botes n'imaginaient un seul instant que tant de monde tomberaient dans le panneau. Rien sur l'objet-film lui-même ne révèle objectivement qu'il s'agit d'une supercherie, et les avis autorisés d'un certain nombre de spécialistes et autres autorités complices (Jackson et Botes eux-mêmes, pour commencer, mais aussi Harvey Weinstein des films Miramax, l'historien Leonard Maltin, ou encore l'acteur et réalisateur Sam Neill), qui interviennent dans le film, semblent entériner l'idée que tout ceci a existé, tout simplement... Aucune raison d'en vouloir à Jackson et Botes, qui ont créé un monument d'amour au cinéma, à travers ce pionnier plus qu'improbable, dont la carrière inventée semble à merveille côtoyer dans les coulisses l'histoire de l'art cinématographique. Dans les coulisses, parce que tel Brian Cohen (Life of Brian)qui sans le vouloir se retrouve messie en même temps qu'un autre type en Palestine qui a plus de succès que lui, McKenzie a joué de malchance avec une application remarquable: il a été jeté en prison, et ses essais de films couleurs ont été confisqués parce qu'il avait eu l'idée fatale de filmer des femmes Tahitiennes au bain, donc nues; son film parlant était remarquable d'un point de vue technique, mais tous les acteurs y parlaient Chinois, ce qui fit fuir le public, etc... Un bémol personnel, mais je ne suis pas sur qu'il faille s'en embarrasser; le Salomé que le documentaire (Ou documenteur, ou Fauxcumentaire) présente régulièrement comme un chef d'oeuvre, est plutôt rudimentaire, et aurait probablement rebuté un spectateur de 1905. Tant pis, tout ça n'est pas grave, même si les spectateurs de 1995, qui ont découvert le film à la télévision, présenté comme un authentique documentaire, se sont fait berner dans les grandes largeurs...

 

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Published by François Massarelli - dans Peter Jackson métafilm
14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 11:03

Dans le parcours étonnant de Peter Jackson, il y a un avant et un après Heavenly Creatures. Avant, trois films gore et parodiques, d'ailleurs un peu oubliés aujourd'hui, dans lesquels il a fait ses premières armes avec un sens inné du bricolage. Puis le film qui l'a fait passer de l'autre côté est sorti en 1994, révélant non seulement le cinéaste Néo-Zélandais, mais aussi une interprète hors pair en la personne de Kate Winslet. Et après? eh bien on aurait tort de passer directement à Lord of the rings, 'filmouth' qui finit par consacrer définitivement l'auteur de l'immortel Brain dead: en effet, entre temps, deux films, pas moins sont sortis, et pas des moins intrigants: le documenteur (D'ailleurs encore aujourd'hui pris pour argent comptant par des cinéphiles un peu endormis) Forgotten silver (1995), sur le cinéaste imaginaire Colin McKenzie, réalisé en collaboration avec Costa Botes; et bien sûr ce film, sorti par chez nous sous le titre de Fantômes contre fantômes. Produit par Robert Zemeckis, interprété entre autres par Michael J. Fox, mis en musique par un Danny Elfman totalement dans son élément, situé dans un état de l'Est reconstitué en Nouvelle Zélande, le 6e film de jackson poursuivait en fait trois buts: bien sur, installer son nom sur la scène internationale en ayant du succès aux Etats-Unis; ensuite, tester des effets spéciaux numériques en prévision de grands projets à venir (Lord of the rings, mais aussi King Kong, un projet de longue date pour le fan Jackson); à ce titre, la participation d'un touche à tout comme Zemeckis s'avérait cruciale. Enfin, le film établit de façon intéressante un trait d'union entre la période 'mauvais genre' de Jackson (Bad taste, Meet the Feebles, Brain dead) et son cinéma grand public.

Frank Bannister est un charlatan d'un nouveau genre: traumatisé par un accident dans laquelle sa femme a perdu la vie, il a la faculté de voir les morts; il a monté avec trois copains fantômes une petite entreprise de médium, dans laquelle il les envoie terroriser des gens chez eux, et passe ensuite pour rafler la mise en exorcisant le logis... Il est toléré dans la petite communauté, mais certains l'ont pris en grippe, à l'heure ou une vague de morts inexpliquées fait des ravages parmi la population. Frank va y être mêlé, et découvrir le rôle joué dans cette sombre histoire par les acteurs d'un événement situé 20 ans plus tôt, quand un fou homicide avait commis 12 meurtes à l'hôpital local, avant d'être arrêté puis assassiné légalement...

Frank Bannister, interprété par Michael J. Fox, est un personnage hanté, sans jeux de mots, par un secret qu'il ignore; c'est que dans ce film, tout est lié. Un peu trop, d'ailleurs, on pourrait le regretter. Il communique avec l'au-delà, et mourra même deux fois dans le film, qui s'amuse avec brio de la mort, mais aussi de toutes les croyances autour d'elle. La galerie de personnages est brillante, elle aussi, avec des acteurs issus pour beaucoup d'entre eux de la télévision (Chi McBride, Trini Alvarado, Et surtout le grand Jeffrey Combs sur lequel je reviendrai plus bas..), mais aussi du cinéma: Dee Wallace Stone (The Howling de Joe Dante, mais aussi La maman dans E.T.) joue un rôle de jeune fille traumatisée qui est restée vingt ans enfermée, et R. Lee Ermey rejoue en fantôme le rôle du sergent Hartman de Full Metal Jacket... Mais le film est aussi un troublant lien avec le -pour l'instant- dernier film de Jackson, l'admirable The lovely bones: les allers-et-retours de Frank entre la vie et la mort, l'idée d'un secret à découvrir au-delà de la mort, sont des thèmes communs, mais la tragédie progressive de The lovely bones est ici remplacée par la comédie. Mais pour le fan de fantastique qu'est Jackson, la réflexion sur la mort et l'immortalité, le panthéisme aussi, demeure... Et puis ce film est marqué par un coté baroque dans l'interprétation et l'hystérie des effets spéciaux. Mention spéciale du reste à Jeffrey Combs, déguisé en Hitler sans moustache, et qui prouve avec son personnage de flic qui ferait regretter Pinochet, que des fois, même confrontés à un tueur mort et maniaque, les gens sont plus en danger dans les mains d'un policier vivant et fou...

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Published by François Massarelli - dans Peter Jackson Robert Zemeckis
1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 17:01

Pour son troisième et dernier film de la décennie, le premier qui soit de dimensions presque modeste, Peter Jackson a reçu une volée de bois vert de la critique, et en Europe le verdict du public a été simple: personne n'a été voir ce film. Pour une fois, les Américains ont été plus courageux, le film y ayant été un relatif succès en dépit d'une sortie confidentielle. C'est que depuis Lord of the rings et King Kong, Jackson n'est pas n'importe qui, mais avec ce petit film (toutes proportions gardées), il fait son Spielberg, alternant les grands projets fédérateurs avec un film plus intimiste et bricolo. Soyons francs: oui, ce film est en apparence bricolé, inachevé, mal fichu, à la narration qui part dans tous les sens, et il n'est pas dans la même catégorie, grand public que King Kong ou Lord of the rings; mais si on se réfère à d'autres films, et notamment à The frighteners, la comédie de fantômes avec Michael J. Fox, ou le splendide Heavenly creatures, on se rend vite compte que Jackson ne se renie pas, au contraire, il revient à ses premières amours: essayer d'adapter un imaginaire gothique, mortuaire et chamarré pour le grand public, marier la poésie étrange de son imagination malade et fertile, et le clinquant d'un cinéma de grande consommation. Et de fait le film est attachant, indicible, plein de zones d'ombre qui nous donnent envie d'y retourner. Bref, c'est son meilleur film, tout bonnement.

L'histoire de cette adaptation d'un roman de 2000 concerne une adolescente (Saoirse Ronan) d'une petite communauté Américaine, en Pennsylvanie, qui se fait assassiner à un moment crucial de sa vie, par un voisin abject (Stanley Tucci) qui n'en est pas à son coup d'essai. Bien que le film ait été vendu par les bande-annonces comme un thriller à énigme (le père, Mark Wahlberg, comprendra-t-il les messages envoyés depuis l'au-delà par sa fille, et se vengera-t-il à temps sur l'horrible monstre?), l'essentiel du film est consacré au deuil, aussi bien celui de la famille, le père et la mère (Rachel Weisz) réagissant de façon diamétralement opposées, que celui de la fille elle-même, arrivée dans un purgatoire ou elle va apprendre à ne plus regarder avec envie le monde qu'elle a quitté. Il va lui falloir accepter, mais aussi trouver une opportunité, par le biais d'un personnage de médium, de satisfaire sa plus grande frustration: elle est morte deux jours avant un rendez-vous crucial pour sa vie amoureuse, et son premier (et dernier) baiser a été interrompu trop tôt...

Les pièges de ce film, nommément la tentation du thriller, avec résolution de la vengeance, ou encore le fait de prendre parti pour une punition radicale, oeil pour oeil, sont évités, Jackson les écartant sagement, mais aussi courageusement, puisque le film ne trouve de résolution que dans une dimension philosophique: accepter la mort, la sienne ou celle d'un autre, voilà le seul enjeu proposé au final. Le monstrueux humain qui a commis le meurtre, joué avec génie par Stanley Tucci, trouvera pour sa part un destin à sa mesure, mais aucune humanité n'aura trempé dans sa mort: ouf. On évite le spectre hideux de la peine de mort, qui hante un peu trop facilement les films ou il est question du meurtre d'un enfant... Plutôt que de justice, Jackson, en obsédé du cinéma, multiplie les références à l'imagerie, et les liens ténus qu'elle fait entretenir entre les êtres, par-delà la mort: films, photos, gravures, dessins... Ici, le monde dans lequel évolue le "fantôme" de Susie (Epoustouflante Saoirse Ronan) est un monde de cinéma, bigarré, ou tous les signes ont leur importance. Bref, c'est un peu un film...

L'exceptionnel don graphique de Jackson est mis en valeur par la beauté hallucinante des visions du purgatoire, à mi-chemin entre l'enfance et l'adolescence, normal: c'est un purgatoire adapté pour une fille de quatorze ans. Les images trahissent les paysages toujours aussi beaux et grandioses de la chère Nouvelle-Zélande, dont on sait que Jackson n'aime pas la quitter... Mais le monde de 1973, splendidement rendu, nous renvoie un peu à la réussite plastique de The ice storm, de Ang Lee.


En dépit du sujet, ô combien lourd de ce film, Jackson réussit aussi à y glisser de l'humour, par le biais d'une grand-mère nicotinomane et alcoolique (Susan Sarandon) qui fait un ménage absolument inefficace au son d'un classique des Hollies (Long cool woman in a black dress, histoire de me trouver d'autres arguments de satisfaction); on y verra aussi un barbu qui essaie une caméra dans un magasin... Déja vu quelque part, le barbu en question: il conduit l'un des avions à la fin de King Kong, croise Michael J. Fox dans The frighteners, et il fait partie des armes de Saroumane dans Lord of the rings. En tout cas, Jackson a bien raison de signer son film de sa présence: avec ses êtres obsessionnels, collectionneurs, dotés de hobbies envahissants (le père comme le meurtrier, d'ailleurs), et de dons paranormaux, on rejoint ici le monde étrange du chasseur de fantômes de Frighteners, du Carl Denham de King Kong, du Colin McKenzie de Forgotten silver, des deux jeunes "heavenly creatures" , du frodo de Lord of the rings, voire de Peter Jackson: des êtres exceptionnels, à part, inadaptés, sur lesquels le destin s'acharne éventuellement, mais qui vont au bout de leur trajectoire. Tant pis pour les conséquences, et tant pis si le film n'est pas suivi par le public.
 

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Published by François MASSARELLI - dans Peter Jackson Saoirse Ronan