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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 17:10

Prévu donc pour être le dernier muet de Lloyd, Welcome danger est à la place devenu son premier parlant... Le film, très long, avec 113 minutes, est une curiosité, pas éloignée de nombreux films de 1929, qui accusent visiblement le fait d'être des raccomodages de dernière minute: on sait que Lloyd avait fini le film au moment ou la décision a été prise de la sonoriser, et par moment le bricolage se voit. Sinon, bien sur, la durée exceptionnelle tient à l'arrivée du son, et à l'intention de donner du dialogue aux personnages, ce qui on va le voir n'était pas une très bonne idée... Mais on remarque aussi que dès le départ, le film se voulait une sorte d'antholgie Lloydienne, à la fois bucolique et citadine, une comédie de caractère comme d'habitude, matinée de moments de mystère et d'enquête. Voici donc un retour sur cet étrange film...

Harold Bledsoe est un botaniste excentrique, qui se rend à san Francisco suite au décès de son père. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'on va lui confier la direction de la police à laquelle le vieux Bledsoe s'est illustré des années durant, très respecté de ses hommes. En chemin, il rencontre une jeune femme (La mutine Barbara Kent) dont évidemment il tombe amoureux. tout ce petit monde, à san Francisco, sera aux prises avec l'inquiétant Dragon de Chinatown, un chef mafieux dont l'identité reste secrète, en dépit du travail de longue haleine du vieu ledsoe pour le démasquer...Le benêt réussira-t-il à relever le défi?

Bledsoe, c'est un condensé de plusieurs personnages de Lloyd, des nâïfs et des distraits, mais aussi certains parmi les plus durs: on constate qu'il a une faculté d'adaptation assez importante. Mais il a aussi une imperméabilité à l'ironie méchante des autres, qui ne voient en lui qu'un nigaud... Ce qu'il est. Flanqué de Noah young en fidèle agent faireè-valoir, il va pourtant résoudre l'énigme... le film aurait pu être un bon Lloyd, qui louche peut-être un peu du coté de The cameraman de Keaton avec ses séquences situées à Chinatown, mais qui se traine décidément en longueur... L'ajout de dialogues rend le tout deux fois plus long, tout simplement... Et la comédie physique, ici souvent mise à contribution, n'avait pas besoin de ces interjections censées rajouter du réalisme, et qui fatiguent. Mais le film ayant été largement tourné avant d'être parlant, on a au moins la chance d'avoir ici de nombreuses scènes, synchronisées ou non (et le travail est dégoutant à ce niveau, bien sur), dans lesquelles le visuel prime, c'est une consolation. Parmi les meilleures scènes, la rencontre avec Barbara Kent est pleine de tendresse et renvoie un peu à Girl Shy. Mais Roland Lacourbe cite les aventures de Noah Young et Lloyd dans Chinatown, qu'il estime être le meilleur du film, je peine à le suivre: cette séquence de 25 minutes épuise vite son intérêt.. Pourtant, une scène géniale y figure, durant laquelle Young et Lloyd se retrouvent dans le noir, plusieurs minutes... ultime pied de nez au parlant? Sans doute pas, hélas.

 

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Published by François Massarelli - dans Harold Lloyd Comédie Pre-code
4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 14:33

Rien que dans le titre, on voit bien ici que tout revient à un conte de fées, à un miracle, et que Riskin et capra avaient, d'une certaine façon, trouvé la formule magique. En matière de formule, ils croyaient pourtant avoir trouvé la potion à fabriquer des Oscars, ce que voulait Harry Cohn, le patron de Columbia, une audace folle pour un petit studio de rien du tout, partagée par Capra lui-même, très ambitieux dès cette époque, et impatient de montrer son pouvoir de metteur en scène, et sa mainmise sur l'objet filmique. Mais cette année-là, ce fut un autre Frank (Lloyd, pour Cavalcade)qui rafla les Oscars convoités, et Lady for a day, bien que nominé quatre fois, n'obtint rien. il fallait attendre l'année suivante, et le triomphe de It happened one night... Mais à l'heure ou un superbe Blu Ray sort (Aux Etats-unis) contenant une version intégrale, avec un superbe transfert effectué d'après le négatif obtenu par Capra lui-même pour ses archives, à partir d'une copie complète alors que les éléments d'origine disparaissaient dans les années 50, on peut enfin revenir sur ce classique, l'un des films préférés de capra, et y voir ce qui n'est rien d'autre que la matrice de ses plus grands films, de Deeds à It's a wonderful life en passant par Meet John Doe. Le voyage vaut le détour, aujourd'hui comme en 1933...

 

Dès le début, Capra installe le contexte de façon magistrale: New York, les rues et la faune pas toujours très catholique, malfrats, mendiants, escrocs, policiers bienveillants (L'un d'entre eux -Ward Bond- pique ouvertement une pomme à l'héroïne, allusion à un laisser-faire très ambigu). C'est dans ce contexte qu'une vieille clocharde, Apple Annie (May robson),  tente de joindre les deux bouts en vendant des pommes. On y fait aussi la conaissance de Dave the Dude, un sympathique chef de gang, qui gagne des paris grâce aux pommes d'Annie, qui lui a toujours porté bonheur. Annie apprend que sa fille Louise, élevée à l'écart en Espagne et qui est persuadée que sa mère est une dame riche de la bonne société new Yorkaise, va venir avec son futur mari et son futur beau-père, afin que celui-ci puisse rencontrer "Mrs E. Worthington Manville", l'opulente mère de sa future bru. Se jugeant endetté par la chance qu'elle lui a apporté, Dave se décide à tout faire pour permettre à Annie de jouer le jeu jusqu'au bout, et va l'aider à créer l'illusion de la richesse...

 

Conte sur l'entraide, Lady for a day se passe dans un New York ou la crise est partout: voyant annie en beaux habits, une mendiante remarque: 'Vous vous rappellez, quand elle était tout le temps habillée de cette façon?"; un employé d'un hotel risque sa place (et sera licencié) pour faire suivre le courrier d'Annie qui dissimule sa situation à sa fille, et les bandits parlent de leurs occupations comme de leur gagne-pain. On ne verra pas les petites gens qui travaillent de façon légitime: ici, on est clochard, bandit, ou gouverneur... Pourtant les apparences sont trompeuses: ainsi, on improvise un mari à annie avec le "juge" Blake, un "pool shark", c'est-à-dire un joueur de billard professionnel (Guy Kibbee). Il est certes un vrai escroc, mais il est aussi capable de parler avec la plus grande emphase et une certaine classe. De même, l'entraide passe par des canaux inattendus: dans la maison prétée à Dave pour le temps des la vanue des invités d'Europe, censée être la maison d'Annie, un valet va se prêter très volontiers à la supercherie, se contentant d'objecter aux manières parfois peu raffinées de certains acolytes de dave (Ned Sparks y est un savoureux assistant au parler matiné d'argot, qui se voir rétorquer par le valet: "Monsieur, si j'avais le choix des armes contre vous, je choisirais la grammaire")... Enfin, dans cette histoire ou les bandits se liguent pour réaliser en quelques jours le rêve le plus fou de l'une d'entre eux (tant les victimes de la crise et les hors-la-loi semblent avoir fat un pacte de respect mutuel), un secours inattendu viendra agir en guise de cerise sur le gateau, comme dans It's a wonderful life...

 

L'entraide, en ces années de galère, n'est pas l'assistanat: c'est parce qu'il lui doit une certaine réussite, du moins à en croire sa superstition, que Dave vient en aide à Annie, et mobilise tout son monde. La philosophie populiste de Capra est déja là dans ce film, dont l"humanisme et la tendresse s'impriment dans chaque scène. De fait tous les gens qui s'investissent sont des fripouilles, de Happy Maguire (Ned Sparks), le raleur, à Missouri Martin (La propriétaire d'un établissment dont la protection de Dave cache peut-être des magouilles un peu plus subtiles, jouée par Glenda farrell); mais tous ces gens malhonnêtes forment une famille, un univers, cohérent, qui renvoie à l'idée d'une Amérique microcosmique, comme l'esprit de communauté qui sera à l'oeuvre dans deeds, ou dans la famille de dingos dans You can't take it with you. Dans ce film, tout le monde sort transformé, à commencer bien sur par Dave the dude qui semble avoir acquis une morale, Annie, qui pourra mourir tranquille, et même le maire, le gouverneur, et le chef de la police, qui ont désormais des manières plus douces avec leurs subalternes.

 

Le mélange de comédie et de drame, deux genres bien souvent illustrés par capra en ces années Columbia, n'est pas tant une façon de pêcher les Oscars qu'on aurait pu le croire; c'est l'expression d'une sensibilité, propre au metteur en scène, et qui s'exprime de façon directe et efficace. Cette histoire est incroyable, mais elle est forte, elle rend heureux le temps de voir le film, et c'est tout ce qu'on demande. On imagine assez bien que si on voyait ce film en ignorant totalement ce qu'a pu faire le metteur en scène par ailleurs, on aurait une seule envie, de voir tous ses autres films... Du reste, c'est une vitrine superbe du savoir-faire du réalisateur, d'une certaine époque aussi, avec les grands Guy Kibbee, Ned Sparks, Walter Connolly, Glenda Farrell, et bien sur le fantastique Warren William, piqué à la Warner pour l'occasion, comme Kibbee (Ils étaient tous deux partenaires dans Gold diggers of 1933)... Un grand, très grand film de Frank Capra.

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Published by François Massarelli - dans Frank Capra Pre-code
11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 11:44

Pourquoi toujours revenir à cette guerre ? Après tout, il y en a eu d’autres, et toutes, en étant cynique, sont photogéniques… Mais il y a une série de raisons probablement qui font de la première guerre mondiale un sujet cinématographique par excellence pour dénoncer toutes les guerres. C’est à la fois la dernière guerre à l’ancienne (Résultant en une série de batailles impliquant des combattants face à face) et la première guerre moderne, combattue partout dans le monde, dans l’eau, sur terre, sur les airs… Et d’autre part, le traumatisme a été fort, et relayé par le cinéma balbutiant. De fait c’est aussi une de ces premières guerres que l'on peut mettre en images en s'inspirant de films d’époque.

Lewis Milestone, reconnu comme un esthète touche-à-tout (Two Arabian Knights, 1927 ; The racket, 1928), a eu les mains libres, et c’est courageux de la part de Carl Laemmle Jr, qui dirigeait un studio pas encore solide sur ses jambes, d’avoir ainsi fait confiance à quelqu'un qui allait mettre tous les moyens possibles et imaginables à sa disposition, transformant même la production en un film parlant en cours de route. On le sait, le film a fini par recevoir un Oscar bien mérité…

On pourrait faire une comparaison entre ce film et Saving Private Ryan, de Spielberg : comme l’épopée du débarquement, All quiet on the Western front vient après un grand nombre de représentations, et tente de donner une approche frontale et ultra-réaliste. Mais des jalons importants lui ont pavé le chemin : depuis 1918 et 1919 avec Hearts of humanity et Hearts of the world, le cinéma a progressé dans sa représentation du conflit, en se débarrassant des oripeaux nationalistes (Wellman ne jette pas la pierre aux Allemands dans Wings), en montrant le conflit comme un désastre émotionnel intime (The big parade), et en allant toujours plus loin vers l’expression de la tragédie humaine via des images à la stylisation savante. Mais All quiet va plus loin que tous les autres avant lui: En adaptant le roman de Remarque, Universal révolutionnait tout, adoptant le point de vue de l’ennemi. Une conversation entre les soldats essaie de faire du sens avec le conflit, l’un d’entre eux se demande en effet ce que Guillaume II reproche aux alliés; Kat (Louis Wolheim) va plus loin, en prophétisant la mort des monarchies. Ces idéaux dans lesquels on croit reconnaître bien sur une certaine façon de penser Américaine, vont plutôt dans le sens d’un internationalisme militant. C’est le sens de cette superbe scène durant laquelle Paul (Lew Ayres) réfugié dans un trou de boue, tue un soldat Français pour se protéger, et va devoir passer des heures avec le cadavre, ses remords et ses doutes en attendant que la pluie de mort cesse..

Il serait vain de se contenter de dire que, placé dans le contexte de la fin des années 20, ce film de Lewis Milestone est le meilleur film réalisé jusqu'alors consacré à la première guerre mondiale. En effet, son pouvoir n’a en rien diminué depuis 1930, et son message reste valide : l’histoire suit des jeunes engagés volontaires, Allemands, et poussés par leurs aînés, pères, oncles et professeurs, à aller mourir pour la patrie. Bien sur, les deux atouts du film, une bande-son fabuleusement travaillée, en ces débuts du parlant, et un parti-pris de ne pas abandonner la richesse visuelle, les mouvements de caméra et le montage nerveux du muet, jouent en son avantage mais aussi datent clairement le film (On le voit comme un contemporain parfait de M de Fritz Lang dans la volonté de dissocier image et son afin d’élargir la palette du muet plutôt que de  se contenter d'enchaîner les scènes dialoguées comme le faisaient les films contemporains). Pourtant, l’indignation palpable devant l’horreur de la guerre, des personnages autant que des acteurs et techniciens, fait encore mouche. Et la succession savante d’anecdotes, avec ses passages obligés et ses rites de passage, construit un objet filmique impressionnant, encore aussi violent dans sa peinture des conflits (Peur, horreur, fatigue, hygiène déplorable, besoin de se réfugier dans l’alcool et les filles, rien ne nous est épargné, et on est encore plus terre-à-terre ici que dans Wings), et dont les images sont sans doute les plus ressemblantes aux actualités de 1916-1918. Non, elles sont même plus fortes encore: n’oublions pas que les images des conflits sont toujours commandées à l’armée, qui salit tout ce qu’elle touche, et qui ment par essence. L’art fait, ici, mieux que le semblant de réalisme, et comme on le disait à l’époque, il faudrait voir et montrer le film jusqu’à ce que les patriotismes, les chauvinismes, les nationalismes et la guerre disparaissent pour toujours. Vaste programme… On doit rêver, pourtant, sinon rien n’a plus aucune importance.

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Published by François Massarelli - dans Première guerre mondiale Pre-code 1930 Muet Lewis Milestone **
24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 09:39

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/5/56/MidnightMaryPoster.jpgPrété à la MGM en 1933, William Wellman réalise, avec Loretta Young, Ricardo Cortez et Franchot Tone un film en apparence 'à la manière Warner'. Que ce soit à lui qu'on ait fait appel en dit long sur le crédit dont dispose encore le réalisateur; ça montre aussi que les dirigents des studios connaissent leur métier... Le film fait partie de ces petites oeuvres excitantes dont la Warner s'est en effet fait une spécialité, les plus notables étant bien sur The public enemy et l'incontournable Three on a match (Mervyn LeRoy, 1932). Mais le film est malgré tout, dans son scénario, plus un film MGM, permettant une idylle entre Loretta Young et Franchot Tone, qui laisse entrevoir un futur avec des paillettes, ce qui était refusé généralement aux héros de ce genre de film...

 

Mary Martin (Loretta Young) attend le verdict de son procès: elle est accusée de meurtre, et ce n'est pas la première fois qu'elle a maille à partir avec la justice; en attendant l'issue qu'elle devine fatale, elle s'assied dans une petite pièce en compagnie d'un vieux clerc, et se laise aller à des souvenirs de la décennie écoulée: comment pour fuir la pauvreté et la faim elle est devenue la petite amie du gangster Leo Darcy (Ricardo Cortez), et a finalement rencontré un homme de la haute société qui a cru en elle: Tom Mannering (Franchot Tone), lors de sa rencontre avec Mary, a su tout de suite d'où elle veniat, mais il lui a tendu la main. Mais se jugeant trop dangereuse pour lui, elle le quitte; jusqu'au jour ou Darcy et Mannering se retrouve une fois de trop face à face...

 

Le scénario, basé sur un flash-back de bonne facture, qui happe le spectateur sans jamais le lâcher, appelle donc d'une part un happy end, et d'autre part des passerelles entre les bas-fonds et l'aristocratie, dont Mannering est un reflet paradoxal; son meilleur ami, Sam (Andy Devine) est un brave homme, riche noceur mais foncièrement sympathique. Et Mannering après avoir rencontré Mary devient moins http://4.bp.blogspot.com/-wnlA4s3TJfQ/TqgY9n4rjQI/AAAAAAAAQF8/6WFl7xX1j3A/s400/Midnight%2BMary%2B%25281933%2529.jpgvain, et réapprend à travailler (Il est avocat) avec plaisir. Le portrait de la zone organisée est lui sans concession, avec Darcy, un homme violent et sans scrupules. Contrairement à Night nurse, ce film ne nous propose pas de portrait de gangster au grand coeur. La rédemption de Mary n'en est pas vraiment une, puisqu'il est sous-entendu que la jeune femme agit principalement sous la pression: celle de son environnement, celle de la faim, celle de la nécessité; elle porte pourtat en elle une aspiration à plus, à mieux, incarnée dans le tableau dont elle a vu une reproduction quand elle était plus jeune: elle en découvre l'original chez Mannering, et comprend qu'elle est enfin arrivée "chez elle". De même, sous l'influence de la jeune femme, Darcy va avoir une bonne en habit et un valet Anglais: cette soif de sophistication détonne un tantinet chez Wellman, qui nous montrait les riches parents de Richard Arlen comme appartenant à un monde en pleine décomposition dans Wings.

 

Le metteur en scène a fait quand même selon son coeur dans l'utilisation à plusieurs reprises d'un réalisme dur et sans concessions avec toujours la petite touche de stylisation suplémentaire; il a laissé libre cours à son génie pour le plan-séquence, qui laisse toujours les acteurs rester dans la peau de leurs personnages aussi longtemps que possible; enfin, il est un virtose de la caméra mobile, et du placement de caméra: sans aucun effort, la composition est contamment parfaite. Il n'est pas dupe des différences entre ce film et ceux dont il a l'habitude: il se permet d'ailleurs un commentaire narquois sous la forme d'un plan final, qui voit Mannering et Mary, en l'attente d'un nouveau procès qui doit exonérer la jeune femme; ils sont dans les bras l'un de l'autre, au parloir de la prison; tout va bien, ils sont pleins d'espoir... Mais une ombre de http://www.davidbordwell.net/blog/wp-content/uploads/mary-and-mag-400.jpgbarreaux est projetée sur eux, et une barre les décapite de façon symbolique... Quoi qu'il en soit, si la MGM a souhaité avoir Wellman pour faire un film Warner, elle a surtout eu un film de William Wellman... Celui-ci a certes repli les obligations du cahier des charges, mais il a aussi fait passer ses propres idées: manifestement sommé de montrer aussi souvent que possible les james de Miss Young, il a aussi su utiliser ses yeux, comme dans la première scène, lorsque le procureur lit son réquisitoire, et que la jeune femme est vue cachée derrière un magazine, laissant ses yeux seuls exprimer l'indifférence: toujours cete tentation si typique du réalisateur de masquer les scènes "obligatoires"... Il a su tempérer le romantisme parfois exagéré avec son humour et son génie pour le commentaire social brutal. Bref, d'un film excitant mais mineur, il a fait bien mieux.http://storage.canalblog.com/47/59/110219/39092356.jpg

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Published by François Massarelli - dans William Wellman Pre-code
23 février 2012 4 23 /02 /février /2012 09:27

San Francisco, Barbary Coast, 1906: Jenny Sandoval (Ruth Chatterton) assiste son père dans un établissement louche. Mais elle lui cache quelque chose: elle attend un enfant de Dan (James Murray), le pianiste. Au moment ou elle lui avoue son intention de fuir avec Dan, le monde tremble.... Littéralement, c'est le fameux tremblement de terre de Frisco. Une fois le calme revenu, les bas-fonds sont en ruine, la vie de Jenny aussi: son père est mort en la menaçant, Dan est mort lui aussi. Avec l'aide de sa fidèle servante Amah, elle place son fils à Chinatown, puis reprend ses activités, sous la protection de l'influent avocat Dan Sutton (Louis Calhern). Elle sauve ce dernier d'une affaire de meurtre, mais ne sait pas que c'est ce qui va finalement précipiter sa chute...
 

Du mélodrame, du grand et beau tire-larmes, relevé à sa sauce par William Wellman, toujours autant à l'aise dans la stylisation et la suggestion que dans les images-coups de poing. Cette histoire de mère criminelle qui finit condamnée par son propre fils est forcément une occasion en or pour l'actrice Ruth Chatterton, habituée aux rôles durs. Mais pour Wellman, ce film ressemble à une promenade de santé, dans laquelle il s'adonne à ses petits plaisirs: superbe reconstitution du tremblement de terre, vécu "de l'intérieur", peinture sans concession des petites combines et de la débrouille des fillles qui travaillent dans le bar, un meurtre à l'écran, caché par une table renversée, et une rigueur rare dans la reconstitution des modes passées.

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Published by François Massarelli - dans William Wellman Pre-code
18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 09:22

Atypique, ce film qui fait partie des oeuvres de Wellman interprétées par Barbara Stanwyck est étonnant, d'une part par la façon de traiter un sujet propice à se vautrer dans de nombreux clichés, qui seront tous ou presque évités, ensuite par la façon dont Wellman organise  sa mise en scène, à la fois frontale et suggestive, ensuite par son choix du fil du rasoir: jamais totalement un drame, jamais totalement une comédie, le film se place sur un terrain glissant en faisant de la conquête sexuelle d'un homme par une femme le véritable enjeu... Et cette femme, je le répète, est Barbara Stanwyck!

 

Joan, une chanteuse de cabaret à New York, a vécu: son petit ami, Ed, est un bootlegger aux activités annexes des plus variées, et elle souhaiterait bien sur trouver mieux. Elle va donc se marier avec un riche héritier, mais celui-ci la plante avant la cérémonie par peur du scandale; la jeune femme fuit à Montréal, afin de changer de vie. Mais elle est vite rattrapée par son passé, des envoyés de Ed la retrouvant sans difficulté; elle prend une résolution en rencontrant une femme de ménage de son hotel qui s'est lancée dans un mariage par correspondance avec un fermier du Dakota du Nord: la jeune femme se trouvant disgracieuse, elle a en effet envoyé la photo de Joan... Celle-ci "achète" le mariage pour 100 dollars, et part pour l'aventure...

 

Les enjeux pour Joan vont être, non pas de se faire accepter en tant que femme de la ville, mais d'une part d'accepter son mari (George Brent, plutôt bon en fermier un rien benêt), puis de se faire accepter par lui, après que leur nuit de noce ait été un désastre: elle l'éloigne d'une gifle. Les clichés sur la différence entre ville sophiqtiquée et campagne rustique sont finalement expédiés en une scène de beuverie, lorsque les voisins de Jim et Joan Gilson arivent pour célébrer à leur façon le mariage. Mais wellman montre Stanwyck se laisser entrainer dans la fête, et celle-ci, bien que haute en couleurs (Le réalisateur y a engagé des figures du burlesque, on y reconnait notamment Tiny Sanford et Snub Pollard) ne débouche pas sur un excès de condescendance à l'égard des bouseux. On retrouve cet esprit naturaliste dans les scènes de la fin, qui montrent Joan s'adapter, s'habiller pour l'hiver (Une scène de réveil nous montre une chemise de nuit du plus haut rustique, qui contraste de façon spectaculaire avec la nuisette quasi transparente que Joan porte au début de son séjour).

 

Comme souvent chez William Wellman, l'adversité viendra de là où on ne l'attend pas: un chauffeur trop entreprenant qui va nécessiter une correction de la part d'un gangster au grand coeur (Night nurse), un caïd de la zone qui va sauver ceux qu'il aurait pu écraser (Beggars of life), un Américain qui va sans la savoir abattre son meilleur ami qui a volé un avion Allemand pour retrouver les lignes alliées (Wings)... Ici, ce sont les voisins qui seront la menace: si Jim a du mal à voir en Joan autre chose que son propre échec, l'un des fermiers alentour va vite convoiter la jeune femme et se livrer à un odieux chantage. Même Ed, qui retrouve la trace de sa petite amie, et qui provoque ainsi une crise de jalousie de la part de Jim, s'avère utile et positif pour le couple.

 

Avec la légendaire efficacité de l Warner en ces annéese années "pre-code", Wellman se livre à une mise en scène qui utilise beaucoup le décor et les à-cotés; il demande peu à ses acteurs, souvent filmés à distance dans des compositions magnifiques: les scènes rurales finales atteignent une beauté réelle, sans aucune fioriture, et en évitant le lyrisme des dernières années du muet; les objets sont utilisés pour véhiculer du sens, comme cette cariole qui a beaucoup de scènes pour elle, la plus spectaculaire étant celle au cours de laquelle Wellman instrumentalise le vide: Brent et Stanwyck reviennent de la ville, ou ils se sont directement mariés sans jamais s'être vus auparavant, sil se taisent. le décor est vide, et on ne voit presque que le blanc de leur visage; ils s'efforcent de ne pas se regarder, et Joan, en particulier, semble dépourvue de vie: elle est au centre du plan. Le silence et l'immobilité des deux acteurs dure 30 secondes... Tout est dit, oserait-on dire, et l'anticipation de la soirée est pour les deux personnages un cauchemar. Sinon, une très belle scène de rupture montre la façon dont Wellman sait déplacer les émotions et interprétations d'un acte aux témoins d'une scène, et aux éléments du décor: Le riche jeune homme vient de quitter Joan, et s'apprète à partir. Wellman cadre les gens autour d'eux. assise devant la vitrine, la jeune femme assiste au départ de la meilleure chance de sa vie, et au fond, on voit les éboueurs arriver et ramasser les poubelles; puis, on revoit de nouveau les témoins, qui cessent de s'intéresser à la situation et retournent à leurs occupations.

 

Drôlement distrayant, prenant même grâce à la performance inévitablement magnifique de la belle Barbara Stanwyck, le film étonne par son traitement du personnage féminin, véritable moteur du couple de fermiers. Non seulement la jeune femme prend sur elle, et passe de petites tenues sexy à des vêtements plus pragmatiques, mais en prime elle prend les choses en main. Elle est décidée à conquérir son idiot de mari, et le metteur en scène ne nous cache jamais qu'il est bien question de désir. A la fin, après avoir résolu un problème matériel, les deux se retrouvent. Elle est épuisée, il la prend dans ses bras, et la porte naturellement vers la maison, l'embrasse... Et Joan lui dit: je vais m'ocuper de toi, te mettre au lit et te border. Echange des rôles, humour tendre, une façon parfaite de finir un film certes inhabituel (Il n'appartient à aucun genre particulier, et se tient à l'écart de la représentation de la vie citadine, le grand thème des années 30 naissantes, en se refusant à céder de façon trop directe aux codes graphiques et culturels de la mode, Jazz, robes, cafés...), mais aussi attachant que son personnage principal, qui trouve la rédemption dans une renaissance totale.

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Published by Francois Massarelli - dans William Wellman Pre-code
12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 09:51

Tourné en plein durant la période de formation du parlant, au début du contrat de "Wild Bill" à la Warner, ce film est une petiite chose dont les prétentions au départ ne devaient sans doute pas dépasser l'intention de remplir les salles pendant quelques semaines, en fournissant un peu de drame et puis c'est tout. Mais wellman en a fait bien autre chose... Bien sur ce n'est ni Wings, ni A star is born. C'est un film éloigné de ses oeuvres de guerre, de ses westerns même. Mais le metteur en scène, un artiste, se double aussi d'un fin peintre des passions humaines, notamment masculines... et en prime, Other men's women est de bout en bout un film Warner: Monté avec soin, rythmé parfaitement, et interprété de façon juste par de jeunes acteurs, dont certains iront bien plus loin: Parmi les seconds rôles, on remarque quand même James cagney et Joan Blondell! Bien sur, il y a aussi le vieux J. Farrell McDonald, et Mary Astor, l'un revenu de tout, l'autre avec une carrière déja bien remplie.

 

Mais les deux héros, interprétés par des acteurs plus obscurs aujourd'hui, sont deux amis, Bill (Grant Withers) et Jack (Regis Toomey). Le premier est un fêtard incorrigible, et l'autre un homme stable et marié; ils travaillent tous deux dans les chemins de fer, et un jour Jack ramène Bill, flanqué dehors par sa logeuse, chez lui, auprès de son épouse Lily (Astor). Ce qui devait arriver arrive: Lily et Bill tombent amoureux, et Bill part. Mais jack soupçonne bientôt que la trahison ait été plus loin qu'un baiser, et les deux hommes se battent pendant qu'ils sont dans une locomotive. Jack manque de peu de mourir, mais sera aveugle; rongé par le remords, Bill entend se sacrifier: lors d'une crue, un pont menace de s'écrouler, il souhaite donc conduire un train lesté de ciment sur la voie pour le stabiliser; il souhaite surtout faire un suicide spectaculaire...

 

L'intrigue proprement dite est adéquate pour de l'action et du spectaculaire; d'ailleurs, Wellman s'acquitte de sa tâche avec beaucoup d'efficacité, le film étant structuré sur la montée vers le "climax": l'un des conducteurs de train, seul sur une locomotive, sur un pont enjambant une rivière en furie... Mais si ces scènes fonctionnent, eles sont marquées par la convention et, disons-le, ont un coté baroque qui accuse bien son age. Non, la ou wellman se débrouille le mieux, finalement, c'est dans la façon dont il montre la vie et les liens humains... Comment les cheminots Withers et Cagney discutent debout sur le toit d'un train, dos à un pont qui pourrait tout simplement les faire tomber, mais se baissant juste au bon moment... Comment la vie s'organise, de rendez-vous un peu miteux en soirée dansante ... Comment Jack et Lily ont su construire un hâvre de paix dans cet univers... et puis il y a l'histoire d'amour. les mots en sont conventionnels, mais les gestes en sont superbes, parfaits. La caméra ne laisse rien échapper, les acteurs esquissent un geste de la main, s'approchent, les regards sont chargés d'émotion... ajoutons à cela cette capacité de Wellman à faire ce qu'on n'attend pas: sa façon de cadrer ceux qui écoutent lorsqu'un autre parle; ainsi la rupture en Blondell et Withers, par exemple... Un autre aspect fascinant du fil, c'est le refus de juger, de montrer le bon Jack et les méchants: pas de manichéisme ni d'adversité ici... Son utilisation du son est d'un naturel déconcertant, les dialogues marqués par l'argot de l'époque est très réussi, et ses scènes tournées en décor naturels sont particulièrement réussies pour 1930, à une époque ou le matériel parlant pesait trois tonnes.

 

Bref, ce film certes mineur, qui nous est rendu disponible grâce au coffret "Forbidden Hollywood", volume 3, consacré à Wellman, est un plaisir de plus à mettre à l'actif d'un très grand metteur en scène.

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Published by François Massarelli - dans William Wellman Pre-code
10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 17:56

Adaptant un roman Allemand d'Hans Fallada, ce film est l'un ders projets littéraires lancés par Carl Laemmle Jr à la Universal durant la première moitié des années 30, parallèlement au fameux cycle de films fantastiques qui ont fait leur renommée. On peut d'ailleurs le rapprocher de All quiet on the Western front (Lewis Milestone, 1930) et Waterloo bridge (James Whale, 1931), deux films ambitieux qui rivalisent avec les majors. Clairement, contrairement à son prédecesseur, cette recherche du prestige n'est en aucun cas prise à la légère par le nouveau patron du studio. C'est au départ un projet qu'on songe à confier à James Whale, avant que Frank Borzage ne soit engagé pour le réaliser, ce qui tourne à l'avantage du film: celui-ci s'inscrit non seulement dans le cadre de cette recherche d'une meilleure stature, mais aussi au sein de l'oeuvre de Borzage consacrée en ces périlleuses années 30 à la montée des totalitarismes en Europe.

Contrairement à son film précédent No greater glory, qui partageait cete thématique, le film est en effet situé en allemagne, où deux jeunes mariés, Hans et Lämmchen Pinneberg (Douglass Montgomery, Margaret Sullavan), qui attendent un enfant, doivent lutter au quotidien pour survivre et avancer. Ils vont donc d'hébergement de fortune en appartement provisoire, et doivent affronter les changements incessants de leur situation: Hans  est employé par un patron (DeWitt Jennings) qui se livre avec gourmandise à un chantage au licenciement, puis essaie de caser sa fille qui aimerait tant se marier à l'un des employés, ce qui poussera Hans à la démission... Les deux jeunes mariés trouvent à se caser auprès de Mia Pinneberg, la belle-mère de Hans (Catherine Doucet), mais la "maison de rencontre" dirigée par celle-ci cache une réalité plus sordide; au passage, ils rendontreront des gens qui les aideront, et d'autres quifédèrent leur protestation dans des mouvements de révolte. Le film est structuré de l'annonce de la grossesse à la naissance, permettant de finir sur une note d'espoir...

 

L'Allemagne qui nous est montrée est en proie à une sorte de chaos suggéré dont l'intrigue forme, dans un dispositif typique de Frank Borzage, les coulisses. Ni Hans ni Lämmchen ne rejoindront les rangs des protestataires (Quels qu'ils soient), et ils assistent à toute cette agitation depuis leur petite vie précaire. La tentation est là, et au plus bas, Hans manquera de se laisser tenter, risquant ainsi d'abandonner son épouse qu'il ne peut soutenir, pour se joindre à une hypothétique "armée des chômeurs". On ne nous dit jamais ou souffle le vent, qu'il soit de doite ou de gauche, fasciste ou communiste; Inversement, si jamais les mots de fascisme ou de nazisme ne sont prononcés dans le film, il y a comme une sorte de complexe autoritaire dans l'air. Lämmchen est clairement exploitée par Mia, Hans est terrorisé à son travail comme ses collègues par un patron qui recourt à l'autorité par plaisir, et aime à jouer avec le sentiment d'insécurité de ses subalternes. Enfin, un client d'un magasin abuse de l'autorité conférée par sa classe sociale, juste pour le plaisir de le faire. Voilà une façon relativementsubtile d'introduire dans ce qui est une chronique du quotidien un parfum de dictature, comme c'était le cas avec No greater glory.

Comme si souvent, Frank Borzage revient à Cendrillon, mais cette fois-ci il y en a deux: Lämmchen et hans, déja unis au début du film, vont réussir à s'en sortir malgré l'adversité (Et la présence d'une authentique marâtre) grâce à pas moins de trois "bonnes fées". Un vieux bonhomme, Herr Heilbutt (G. P. Huntley) les prend sous son aile, leur fournit une chambre certes miteuses, mais comme de juste sous les toits; Jachmann (Alan Hale), un compagnon occasionnel de Mia, est un escroc en smoking qui va voler pour eux, et ira en prison comme on se sacrifie; enfin, un ancien collègue de Hans revient les sauver, en employant tout le monde. On le voit, après l'âpre final de No greater glory, on a droit ici à une lueur d'espoir, mais on sait que se profielnt à l'horizon deux films pour la MGM qui reprendront ces chroniques inquiètes, et auront un gout plus cruel encore: Three comrades (1938) et The mortal storm (1940). Ces deux films auront d'ailleurs un autre point commun essentiel avec celui-ci: Margaret Sullavan...

Avec sa Lämmchen, Borzage a trouvé une interprète qui lui permettra de réaliser des scènes inoubliables. A la fois forte (Ici, elle reprend le rôle de Chico dans Seventh Heaven, en montrant à un Hans dubitatif le logis sous les étoiles) et fragile (Le seul moyen pour une actrice de jouer la grossesse est d'insister sur la faiblesse physique, puisque on ne pouvait pas montrer de ventre arrondi), l'actrice se révèle parfaitement juste pour passer les messages sublimes de son metteur en scène. Elle est parfaite, et multipliée par trois dans un miroir offert par Hans, elle prend toute la place dans le film... Elle va incarner la féminité fragilisée, sorte de symbole de l'humanité toute entière, dans les deux autres films cités plus haut, ainsi que dans The shining hour de 1937. On peut dire qu'après Janet Gaynor, c'est la deuxième grande collaboration entre Borzage et une actrice (En mettant de coté la rencontre avec Norma Talmadge, effectuée seulement sur deux films, avant la période Fox).

 

Alos qu'il s'apprête à retrouver un contrat avec la Warner (Qui laissera une impression franchement mitigée), ce dernier film "freelance" est encore une fois l'occasion pour le metteur en scène de se faire  le héraut des petites gens, dans un Europe certes idéalisée, certes symbolique, mais dont pourtant peu de films se faisaient l'écho. Le film est, dans sa peinture des petits tracas de la survie, à ranger dans un coin précieux, aux cotés des oeuvres de Capra ou Chaplin. C'est dire...

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Pre-code
8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 19:07

Hitchcock disait, lorsqu'on lui demandait quelle était l'histoire parfaite pour le cinéma, que la meilleur façon de commencer était "boy meets girl". Avec ce film, Lubitsch ose boys meet girl.... George, un peintre sans le sou, et son copain Tom, un dramaturge jamais publié, rencontrent dans un train Gilda, une jeune femme en partance pour Paris. elle est mieux lotie qu'eux, bien qu'elle soit également artiste: elle travaille pour Max Plunkett, le publicitaire. Tout ce petit monde débarque dans la capitale, et vit alors une étrange histoire d'amours, puisque Gilda aime Tom et George, et elle trompe Tom avec George et George avec Tom. Jusqu'au jour ou les trois décident de mettre carte sur table, et de se concentrer sur le travail, à l'écart du sexe! Avec l'abstinence, Gilda devient selon sa propre formule "mère des arts", et aide ses compagnons d'infortune à percer. Le prremier à réussir, c'est Tom; mais lorsqu'il doit partir pour Londres, afin de donner toute sa chance à une pièce qui va triompher, l'inévitable arrive: George et Gilda sont seuls...

 

D'une pièce de Noel Coward certainement brillante, que je n'ai pas vue, Ernst Lubitsch a réussi, tout en maintenant avec la complicité du scénariste Ben Hecht la cohésion de la pièce initiale, à faire un film rigoureux, essentel, à la fois drôle et franchement impertinent, dans lequel toutes les possibilités de combinaison des alliances sont évoquées. Y compris, sous-entendue à la fin, un ménage à trois tumultueux... En pleine époque pré-code, c'est-à-dire avant le renforcement de le censure dans le cinéma Américain, le metteur en scène jongle avec les situations inconvenantes et les sous-entendus brillament amenés. On a d'abord la conversation au cours de laquelle Gilda avoue à ses deux amis qu'elle les a tous les deux trompés avec l'autre, avant de se décider pour un "gentleman's agreement". Puis cette situation au cours de laquelle Tom laisse ses deux amis seuls, et Gilda après une embrassade soudaine va sur un lit, se couche et dit doucement à tom: "We had a gentleman's agreement, but unfortunately, I'm no gentleman..." elle prend donc la responsibilité de la situation, mais ensuite, c'est l'arrivée de Tom à Paris qui va inverser la situation... Après la fuite de Gilda aux Etats-Unis, ou elle se marie avec Max Plunkett, on les voit tous deux, depuis la rue, à l'intérieur d'un magason de literie, venir mesurer un lit pour deux. Cette petite scène muette est très éloquente, d'autant qu'on la voit avant d'entendre parler du mariage. La fuite avec Max est pour Gilda une initiative visant à préserver l'amitié de ses deux amants, mais elle n'est pas sans contrepartie! Enfin, la fin est la aussi très claire: s'ils évoquent à nouveau le "gentleman's agreement", cette situation basée sur un accord mutuel qui implique qu'aucun des trois ne tente de revenir à une situation amoureuse, Tom et Gilda, puis Gilda et tom viennent d'échanger des baisers sans la moindre équivoque...

 

Lubitsch sera toujours le maitre du non dit, c'est une évidence, mais c'est aussi un champion du non-montré. Un gag de ce film admirable me reste à l'esprit: lorsque Tom et George se rendent chez Max et Gilda, dans le but de récupérer leur amie mais certainement aussi pour mettre un joyeux bazar dans la vie rangée du trop tiède M. Plunkett (Le grand edward Everett Horton, rien de moins), un nom revient sans cesse: M. Egelbauer est en effet l'invité d'honneur de la soirée organisée cette nuit-là chez les Plunkett, et c'est un industriel courtisé par Max, qui souhaite que sa femme soit aussi veule que lui. Sans dire un mot, on voit donc les deux amis se rendre au salon, alors que M. Egelbauer est en train de chanter d'une voix de baryton, et sans qu'on les suive, on entend tout à coup les deux hommes l'imiter en chantant son nom. Dans le vacarme qui s'ensuit, la caméra ne bouge toujours pas, et c'est depuis l'entrée que nous assistons à ce qui se passe, sans rien voir... Mais nous pouvons tout imaginer: Lubitsch partageait avec d'autres (Wellman, notamment) un sens de la mise ne scène si puissant qu'il pouvait se priver avec bonheur de la scène à faire! Ajoutons que George, c'est Gary Cooper, Tom Fredric March, et que Miriam Hopkins, alors en pleine gloire méritée, prête son joli minois propice aux arrières-pensées les moins religieuses à la belle Gilda. Elle compose un personnage étonnant et moderne de femme qui prend deux hommes sous son aile, et qui assume sans aucune honte ce qu'elle reconnait comme un trait plutôt masculin, le fait d'aimer deux hommes à égalité, sans envie de choisir... sans qu'on puisse la blâmer: Fredric March et Gary Cooper, quand même!!

 

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Published by François Massarelli - dans Ernst Lubitsch Pre-code Criterion Edward Everett Horton
22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 17:48

Film de la décennie? King Kong est, à tous points de vue, un miracle. D'une part, il est le symbole d'un cinéma Américain qui relève la tête, en pleine crise mondiale, en proposant un spectacle de plus d'une heure et demie, planifié et accompli trois années durant par des artistes et des techniciens au sommet de leur art; ensuite, il représente une rareté (pas absolue, il y a d'autres exemples, mais sont ils aussi flamboyants?): un film fantastique qui ne repose sur aucun texte, aucune légende, aucun précédent, et qui va générer un mythe encore valide aujourd'hui, comme le prouve la bonne tenue du remake du fan Peter Jackson; enfin, il est un autoportrait de Merian C. Cooper (Carl Denham) doublé d'une allégorie sur l'homme et la nature, dont la structure est absolument parfaite; l'intrigue avance à un rythme soutenu, et fonctionne malgré les visions répétées. Et en prime, le film offre une vision frontale de la crise dès ses premières 10 minutes! Une accumulation de performances, qui sont à trouver dans l'excellence technique de l'animation et des effets spéciaux, tous accomplis avec maestria. N'oublions pas la beauté de la musique de Max Steiner, qui sait accompagner l'inquiétude des personnages et générer l'angoisse du spectateur lorsque celui-ci ne sait pas encore ce qu'il va voir (L'avancée du S.S. Venture à travers le brouillard, par exemple, à l'aproche de l'île), amplifier l'impression d'horreur baroque (Lorsque les indigènes de l'île donnent Fay Wray-Ann Darrow à Kong, Steiner soutient, prolonge le rythme des tambours) et passer au point de vue de Kong, lorsque la musique des indigènes s'arrête, la partition de Steiner l'accompagne en se substituant au bruitage du monstre!

Voilà, tout ce préambule pour énoncer des évidences: King Kong est un chef d'oeuvre, et bien sur il date de 1933, et donc la vision des indigènes de l'île y est volontiers caricaturale. Sauf que... On a beaucoup parlé des séquences disparues du film, et de celles qui ont été retrouvées. On sait que la version actuellement disponible contient tout ce que Cooper a voulu laisser dans le film (Il semble que la fameuse scène des araignées ait été enlevée avant la première par les auteurs, qui trouvaient qu'elle ralentissait le film. Sorry, Peter Jackson!!); mais parmi les scènes longtemps censurées, il y avait d'une part les séquences à connotation sexuelle, et d'autre part les bribes d'une scène de massacre, lorsque Kong dépasse le mur et commence à tout casser et à tout tuer, avec une certaine cruauté, dans le village de ses adorateurs. Mais cette scène certes cruelle mais indispensable trouve un écho parfait dans le massacre des New Yorkais par le gorille géant, de même que la detsruction des huttes trouve un écho dans les agissements du singe lâché en ville.

Ce ne sont pas les seuls parallèles à trouver dans le film. ils abondent, dans une structure riche en rebondissements, mais à la cohérence à toute épreuve: la tête exaltée de Denham lorsqu'il "trouve" Ann Darrow au début du film, et qu'il constate qu'elle a la silhouette idéale pour être son héroïne (Robert Armstrong la regarde en détail, partout ou il faut), est répétée par le visage réjoui de Kong, vu en gros plan après son affrontement avec l'allosaure. On songe d'ailleurs aux paroles de Zaroff dans The most dangerous game, qui parle de l'importance de la femme en tant que récompense du chasseur victorieux... De même, l'offrande faite à Kong, avec Ann attachée à deux poteaux, trouve-t-elle un écho dans la scène du théâtre, avec cette fois Kong en victime sacrificielle; regardez les tous les deux se dégager de leurs liens, l'une motivée par la peur, l'autre par la colère...

Denham, c'est Cooper, on le sait. L'auteur de l'anecdote a mis suffisamment de lui-même dans le personnage obsessionnel de ce showman de génie qui croit avoir trouvé le spectacle ultime en la persone de Kong. Mais c'est intéressant de réfléchir à la raison d'être de ce voyage: comment Denham sait-il ce qu'il va trouver sur l'île? c'est un point qu'il ne vaut mieux pas creuser, mais on constate qu'il vient en toute connaissance de cause, avec sa fameuse réplique: "Did you ever hear of...Kong?". lorsqu'il demande cela au capitaine du Venture, il a lui une idée du monstre qu'il vient chercher. Il a les plans d'une île mystérieuse, oui, et a du recouper des on-dits et des légendes locales pour finir par être persuadé de l'existence d'un gorille géant. On sait, grâce à la fameuse scène anaphorique (Un flash forward, donc) du test caméra de Ann Darrow réagissant à un monstre invisible qui n'existe que dans sa tête, que le danger qui est dans la tête de Denham est contagieux. Mais une fois arrivé dans l'île, on est chez le docteur Freud. Bien sur la montagne ressemble à un crâne humain, mais on est quand même bien loin dans l'inconscient. Après tout, cette pauvre Ann Darrow est ressentie, on s'en doute comme un passe-temps de premier choix par les indigènes qui vont la donner en pature à leur divinité poilue. Et le singe, on le sait, tombe amoureux d'elle, ne négligeant pas une occasion de l'inspecter, la humer, la toucher de ses gros doigts boudinés, et bien sur de la déshabiller entre deux palpages; revenus à New York, le singe et ses kidnappeurs vont à nouveau se confronter au sexe et à la pulsion, avec atteinte à la masculinité (un train stoppé dans sa course), masturbation métaphorique (Le dit train brisé et vidé de ses occupants), pénétration manifeste doublée de viol (Le bras de Kong vient chercher Ann là ou elle se croit sauve), et bien sur la plus belle érection de toute l'histoire du cinéma, qui se terminera mal: l'Empire State Building sera d'ailleurs réutilisé par Warhol avec ce même sens. De quoi en conclure que tout gorillle lâché dans New York attire forcément les effusions...

A la fin du film, faut-il voir une forme d'humour auto-critique lorsque Denham semble prêt à triompher d'avoir eu raison ("It was beauty killed the beast", dit il depuis 90 minutes) alors qu'il est responsable de la mort d'un grand nombre de personnes, de destructions inouïes, et pour tout dire du chaos? en même temps, le film s'accomplit sous la forme d'un double crescendo qui est encore très efficace, 78 ans après. Mais Denham reviendra, pour le pire et pire encore, avec le film suivant de Cooper et Schoedsack, une suite vite faite et bien mal faite, qui ne fait honneur à aucun des artistes géniaux qui ont suivi le duo jusqu'à cette deuxième aventure: Son of Kong est un abominable navet. Pas King Kong; son statut royal, ce film ne l'a pas volé!

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Merian Cooper