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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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27 janvier 2020 1 27 /01 /janvier /2020 15:55

Laura Seton (Mary Astor) va se marier avec Johnny Case (Robert Ames). Elle est une jeune héritière, qui vit dans une gigantesque demeure, où toute la famille est installée: le père (un magnat à succès de la finance), et ses trois enfants. Outre Laura, il y a aussi Linda (Ann Harding) et Ned (William Holden, mais pas le même!). Autant Laura est à l'image de son père, hautaine et coincée (elle croit dur comme fer qu'elle va posséder son mari, et que se marier avec lui va le hausser à son niveau à elle), autant Ned, qui aurait du mal à cacher son alcoolisme, et Linda sont humains et pétris de fantaisie. Du reste, Linda ne perd pas de temps avant de constater qu'elle en pince sérieusement pour Johnny, qui de son côté a du mal à accepter la façon dont les deux Seton qui mènent tout le monde par le bout du nez, semblent s'occuper de son avenir sans lui demander son avis...

C'était une pièce à succès, dont l'adaptation la plus célèbre n'est pas ce film: il s'agit de l'adaptation par George Cukor, en 1938, réalisée pour la Columbia (ici, c'est un film tardif réalisé pour Pathé peu de temps avant que sa branche Aéricaine ne périclite). On s'attendrait à ce que Edward Griffith se contente de filmer platement les scènes, il n'en fait rien, anticipant parfois le cinéma d'un Capra avec l'utilisation de caméras multiples pour permettre aux acteurs de continuer à délivrer un texte comme au théâtre, tout en rendant possible un montage plus élaboré: un bon point, donc... Pour le reste, on voit venir l'idylle entre Hardin et Ames avec une bonne demi-heure d'avance, et Griffith donne à Mary Astor la scène inévitable de ces années pré-code, à savoir une séquence en déshabillé vaporeux...

Soyons indulgents envers un film qui a manifestement survécu contre vents et marées, et qui montre souvent des signes de décomposition qui ne trompent pas... Sans compter que le film bénéficie du jeu étrange mais toujours inspiré de Ann Harding, injustement oubliée (mais pas de tout le monde!), et s'illumine lorsque apparaît le grand Edward Everett Horton; justement, c'est le seul acteur présent dans les deux versions, et dans le même rôle par-dessus le marché! 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Comédie Edward Everett Horton
16 novembre 2019 6 16 /11 /novembre /2019 13:47

Dans un grand magasin à la pointe, le principal acteur reste M. Anderson (Warren William), qui est en l'absence du propriétaire passant du temps sur son yacht, le seul maître à bord. Il est rude, ambitieux et profondément attaché à une logique entrepreneuriale qu'on n'appelait pas encore le libéralisme sauvage. Mais si il fait du mal à tous ses employés, ça va être pire quand les affaires de coeur vont s'en mêler, surtout avec son adjoint Martin (Wallace Ford) et son épouse (secrète), interprétée par Loretta Young...

Un capitaliste sans scrupule, qui tient ses employés d'une main de fer, quel beau rôle pour Warren William qui ne retient aucun coup! Ca donne une curieuse identité au film, qui ressemble à une dénonciation visant plus d'humilité et d'humanité dans l'entreprise, sauf qu'aucune amélioration ne vient clôre le film... C'est avant tout l'occasion d'opposer William avec les deux tourtereaux qui se sont mariés en secret, interprétés par Loretta Young et Wallace Ford, qui est excellent dans un rôle difficile.

Pour finir, si le film fait la part belle à une splendide galerie de portraits, il parvient assez peu à déguiser qu'il s'agit pour partie d'une adaptation pirate de...

Au bonheur des dames.

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code
10 novembre 2019 7 10 /11 /novembre /2019 12:01

Alan Crosland, après avoir été un metteur en scène important à la Warner (il avait un rôle similaire à celui de Curtiz dans les années 30 et 40, pour situer: l'efficace réalisateur de projets ambitieux, en premier lieu desquels bien sûr trône son magnifique Don Juan), a sérieusement perdu du crédit et de l'influence. Ce film tarif le voit s'attaquer à un problème social pas beaucoup exploité dans le cinéma de l'époque, celui des Indiens. Mais le film peine à convaincre...

Joe Thunderhorse (Richard Barthelmess) est assimilé, jusqu'à l'extrême; il fait partie d'une troupe de spectacle équestre, et signe autographe sur autographe... Si des blancs, dont une riche snob (Claire Dodd) le renvoient facilement à sa condition d'Amérindien, il ignore tout de son identité sioux. Jusqu'à ce qu'il rentre à la réserve à l'occasion de l'agonie de son père: il y retrouve son peuple, exploité et en situation de quasi expropriation par des anglo-saxons sans scrupules, et il va prendre les choses en main quand sa petite soeur de quinze ans est violée par un croque-mort le jour de la mort de leur père...

La dernière phrase donne l'une des raisons du ratage du film: l'excès de zèle, qui donne parfois l'impression que ce film a surtout pour la WB une valeur de pulp... Difficile après de croire en la véritable portée sociale du film, quand on voit justement à quel point celui-ci schématise. On se prendrait à rêver d'une version par Lloyd Bacon (qui aurait su harmoniser le rythme du film), William Dieterle (Qui aurait su tempérer les incohérences ou carrément glisser du côté baroque), Curtiz bien sûr (son film Black Fury l'année suivante est une grande date du cinéma Rooseveltien) ou carrément William Wellman. Et surtout, si on est toujours content de voir Ann Dvorak (son rôle de jeune Amérindienne est hélas très convenu), faut-il méchamment encore dire à quel point ce pauvre Barthelmess est mou?

Donc si le film n'est pas indigne, il n'est pas, loin s'en faut, beaucoup plus qu'un prétexte à se donner bonne conscience tout en se permettant quelques licences...

 

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Published by François Massarelli - dans Alan Crosland Pre-code
6 octobre 2019 7 06 /10 /octobre /2019 17:15

Voici un film à cheval entre le muet (pour ses premières 55 minutes) et le parlant (pour les dernières 24!): il est aussi situé entre le mélodrame et la comédie, avec un fort penchant pour ce dernier genre d'autant qu'il s'agit d'un "véhicule", comme on dit, pour la comédienne Laura La Plante dont la carrière était sous surveillance à la Universal, car si elle pouvait jouer la comédie muette, le parlant lui posait problème. ...Ce que confirme le film, hélas...

Evelyn Todd est une chorus girl, naïve et simple, montée à la grande ville de son propre chef. Et elle se fait licencier parce qu'elle n'est pas très douée... Effondrée, elle accepte le conseil d'une amie, qui lui propose de passer u bon temps dans la mesure où elle a un joli minois. Mais les hommes qu'elle côtoie dans une soirée aimeraient un peu plus, et elle s'enfuit... Pour trouver sa porte close et ses affaires dans la rue: elle vient d'être mise à la porte de son logement!

C'est le moment que choisit Paul (Neil Hamilton) pour entrer dans sa vie. Le richissime prince charmant la sauve, l'emmène, l'épouse, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si le propre oncle du jeune marié n'était un témoin du passé de la jeune femme. Elle n'a rien à se reprocher, mais comment pourrait-elle le prouver?

La Universal, contrairement à la MGM, peut largement se permettre de dégonfler les bonnes moeurs comme une baudruche, et s'amuser de voir une jeune femme de la classe ouvrière se payer la tête d'une vieille baderne qui la traite comme de la crotte, mais comme je le disais plus haut, le film passe soudainement, en plein milieu de sa partie dramatique, du muet vers le parlant, et justement, quand il s'agit de parler, Laura La Plante ne tient pas vraiment la distance. Reste un film soigné, dont les ruptures de ton sont parfaitement bien amenées, et dont les acteurs, dans l'ensemble, assument parfaitement leur rôle... Tant qu'il ne faut pas trop parler!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie William Wyler 1929 Pre-code *
15 septembre 2019 7 15 /09 /septembre /2019 17:24

Dans la famille horreur, je demande la Paramount... et il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent! Disons que la compagnie, qu'on peut considérer comme à la pointe dans la plupart des domaines à cette époque, n'a pas vraiment brillé pour ses films fantastiques, et que la raison d'être de celui-ci est essentiellement pour se raccrocher au wagon des succès des premiers films fantastiques de la Universal, tout comme la MGM, la Warner et la RKO vont s'engouffrer dans la brèche. Dans ces conditions, que Mamoulian ait produit un bon film était déjà inespéré... Comme c'est un chef d'oeuvre, on pourra sans doute crier au miracle!

Le récit de Stevenson est déjà, à lui tout seul, une provocation d'une ironie cinglante: il a parfaitement réussi, à l'ère Victorienne, à capter l'esprit du mâle de l'époque: divisé fermement en deux, prêt à faire fortune et à se marier avec de décentes jeunes femmes de la meilleure société, mais à côté aussi prêt à se livrer à la débauche sans remords ni regrets puisque personne n'osera soulever le sujet à table... Et Henry Jekyll (Fredric March), qui ne brille pas par sa sainteté puisqu'il est vaniteux et que c'est un péché, n'est pas en reste: il souhaite convoler en justes noces avec une femme qu'il aime sincèrement, ou du moins dont l'aveu d'amour, de sa part, est sincère (Il se pourrait que ce fut du désir mal placé...); pourtant, à la première occasion, celui qui est persuadé que l'homme est effectivement divisé en deux, se laisse aller à un écart puisqu'après tout, il EST divisé en deux et n'y peut rien tant qu'il n'aura pas traité la chose scientifiquement. Et le gag, c'est qu'alors que son mariage avec la belle Muriel Carew (Rose Hobart) semble s'éloigner de jour en jour faute de consentement immédiat du père, l'expérience de séparation du bien et du mal à laquelle se livre le Dr Jekyll va tourner bien sûr à l'avantage du mal, pour ne pas dire du mâle...

Essentiellement, dans cette version de l'intrigue, le mal est de nature sexuelle: Hyde est une version du docteur Jekyll qui laisse libre cours aux pulsions sexuelles ressenties par le docteur... ce qui nous donne à nous, spectateurs, un rôle intéressant dans le film: quand le belle prostituée Ivy Pearson (Miriam Hopkins) vient chercher de l'aide auprès de Jekyll et raconte les turpitudes subies par la jeune femme, nous sommes aux premières loges pour constater qu'en réalité, ce qu'entend le bon docteur, c'est d'une part qu'elle déteste une partie de lui-même, et d'autre part, qu'elle l'aime, est prête à tout pour lui, et le lui dit d'ailleurs à genoux, en embrassant goulûment ses mains, et en caressant ses cuisses... Que se passe-t-il vraiment dans cette scène jouée d'ailleurs de manière intime (et qui contraste de façon évidente avec la distance gardée par Muriel et Henry)? Beaucoup de choses, sans doute...

Bref: on n'a pas besoin de nous faire un dessin, la suite est inévitable. De même, les conversations entre Muriel et Jekyll, au départ, finissent toujours par tourner autour d'un désir partagé, lancinant, et ressenti par les deux tourtereaux, mais qu'en raison de leur éducation et de leur statut social, ils ne peuvent ni nommer, ni concrétiser. C'est toute une société bâtie sur la compartimentation, l'hypocrisie et le non-dit qui en prend pour son grade, aussi bien dans le film que dans le conte.

Et Mamoulian s'en est donné à coeur joie; on pourra toujours objecter que si les premières transformations (effectuées surtout grâce à la lumière, au jeu de March et au montage) sont époustouflantes, le metteur en scène finit par se résoudre à des moyens plus mécaniques, en fondus-enchaînés, qui ne sont pas vraiment très adroits. Mais sinon, la mise en scène est constamment inventive, reposant sur des points de vue subjectifs (les cinq premières minutes), des miroirs (on pourrait s'amuser à les compter) et surtout, des fondus enchaînés qui traînent volontairement en longueur, et qui permettent de sonder les pensées, voire les obsessions du bon docteur: ainsi sa première rencontre avec Ivy (qui s'est quasiment offerte à lui) restera-t-elle bien longtemps dans les pensées du docteur, et nous n'en perdrons pas une miette... Je reste d'ailleurs persuadé que le choix des actrices (Rose Hobart, terne, et Miriam Hopkins, vivace pour ne pas dire vivante) a été effectué pour favoriser la fille des rues sur la froide héritière... March est excellent, de bout en bout et tout le casting de cette visite ironique d'un Londres légendaire est à l'avenant. 

Bref, le fantastique n'était peut-être pas la tasse de thé de la maison, mais le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est une réussite: d'emblée, l'un des meilleurs films du cycle fantastique des années 30 et de la période pré-code, l'un des plus chargés en sens aussi. 

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Rouben Mamoulian
7 septembre 2019 6 07 /09 /septembre /2019 18:29

Leonard est un vieux routier du cinéma, déjà, quand il doit affronter le parlant. Apparemment, ça ne lui a pas posé tant de problèmes que ça, si ce n'est qu'il lui a fallu refaire son dernier muet (Marianne, avec Marion Davies) en opérette... Durant le muet, on l'a beaucoup connu en réalisateur prioritaire de Mae Murray, dont il était l'époux. A la MGM, il a beaucoup travaillé avec Norma Shearer, et certains parmi les films qu'il a réalisé avec elle sont probablement parmi les plus convaincants de son oeuvre...

Jerry (Norma Shearer) et Ted (Chester Morris), deux jeunes gens de la meilleure société, qui se fréquentent depuis quelques temps, sont tellement impossibles à séparer qu'ils décident de ne faire qu'un, et se marient, un peu précipitamment. Le groupe d'amis continue à se voir, et trois années plus tard, c'est chez Ted et Jerry qu'ils viennent annoncer un futur mariage... Sauf que parmi les amis, une inconnue semble gêner Ted: c'est ce soir-là, pour leur troisième anniversaire de mariage, que Jerry apprend de Ted (qui doit partir pour une semaine travailler loin de chez eux) qu'il l'a trompée. Mais comme il le dit lui-même: "ce n'est pas grave, ça ne veut rien dire...".

La jeune femme le prend au mot et décide de le tromper avec un de ses amis... Quand il l'apprend, Ted ne peut se résoudre à l'accepter, et le divorce est vite inéluctable... Une fois définitivement séparée de son mari, Jerry décide de se comporter comme un homme et de collectionner les conquêtes masculines...

The Divorcee est probablement une mission délicate confiée à Shearer et Leonard: toucher au plus près d'un sujet sensible, tout en faisant semblant de prêcher l'apaisement des sens et le conservatisme familial! Tout en restant quand même une comédie, le film est une charge provocante, dans laquelle l'actrice occupe toute la place: le génie de l'interprète, ici, annonce sa mémorable performance (sur un sujet assez proche, au départ) dans The women de George Cukor!

La leçon du film tourne autour de l'attitude des hommes et des femmes face à l'adultère, d'une part, mais en filigrane le film égratigne aussi une vision particulièrement conservatrice du sentiment de supériorité affiché par certains hommes. Et surtout, au grand effroi de Louis B. Mayer j'imagine même si le vieux brigand devait au moins se réjouir de l'effet médiatique inévitable, il permet à Norma Shearer de passer assez allègrement d'un homme à l'autre, toutes griffes et toutes lèvres dehors... Leonard reste assez fermement dans la comédie, plutôt bien servi par une troupe de comédiens, dont certains nous sont déjà connus (Shearer et Conrad Nagel, bien sûr) et d'autres viennent de faire leur apparition (Robert Montgomery à l'aube d'une belle carrière et Chester Morris qu'on reverra deux trois fois à la MGM). Le vétéran s'octroie une ouverture intéressante, via un plan séquence d'une maison de vacances où la bande de jeunes gens prend du bon temps, puis impose un rythme assez rapide pour le dialogue, qui permet en particulier à Norma Shearer de rester très naturelle dans le film.

Il se permet aussi une embardée vers le drame, en développant deux personnages: Paul (Conrad Nagel), amoureux éconduit de Jerry au début, va sa saouler et entraîner un accident de voiture dans lequel sa petite amie Dorothy (Helen Johnson) sera défigurée... Il l'épousera, mais leur destin particulier, et le sacrifice de Paul, inspirera à Jerry de revoir sa fuite en avant vers la fin du film...

Certes, le bon goût familial triomphe à la fin, mais le film reste assez osé pour cette usine à barbe à papa que savait trop souvent être la MGM! Et c'est une bonne surprise, qui vaut bien mieux que la réputation (souvent justifiée) de réalisateur impersonnel de Robert Z. Leonard...

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Comédie
4 septembre 2019 3 04 /09 /septembre /2019 16:15

1931, un certain nombre de personnages quittent Pékin en train pour se rendre à Shanghai: le docteur Harvey (Clive Brook), médecin militaire en route pour soigner un haut dignitaire, un major français (Emile Chautard) en déshérence, qui dissimule un secret qu'il aura du mal à avouer, d'autant qu'il est l'un des rares à ne pas parler anglais; un industriel Américain, Sam Salt (Eugene Palette); Baum (Gustav Von Seyffertitz), un Allemand qui trafique de l'opium; Mrs Haggerty, une Anglaise (Louise Closser Hale), la propriétaire bien comme il faut d'une pension de famille; un pasteur, le révérend Charmichael (Lawrence Grant); un mystérieux Eurasien, Chang (Warner Oland)... Et deux femmes qui vont tout de suite se faire remarquer: Shanghai Lily (Marlene Dietrich), et Hui Fei (Anna May Wong). Deux prostituées de luxe, qui vont immanquablement provoquer la colère des uns, l'ironie des autres, et... la confusion de Harvey, qui a connu Shanghai Lily sous le nom de Madeline, et qui l'aime encore.

Mais c'est la guerre civile, et tout ce petit monde va être mis à rude épreuve lorsque Chang va s'avérer être un chef rebelle important, et qu'il va réquisitionner le train et prendre tous les passagers en otage afin d'obtenir la libération d'un lieutenant...

Le film prend sur plusieurs traditions, toutes ou presque liées au mélodrame: c'est un hus clos, situé dans ou autour du train, et dans lequel Sternberg reconstruit à sa façon (et avec l'aide de nombreux inserts et de transparences filmées en Chine par le grand caméraman James Wong Howe) la Chine dangereuse des films d'aventure. Il alterne le chaud et le froid dans une intrigue qui concerne essentiellement Shanghai Lily, Hui Fei, Chang et Harvey, le reste du casting jouant les choeurs Grecs, notamment en situant les évolutions de l'opinion publique. Le metteur en scène qui à l'instar de Stroheim, sait quelle valeur les signes religieux peuvent avoir dans ce type d'intrigue, va donner un rôle clé au révérend Charmichael, l'homme qui est le plus décidé à vouer les deux "courtisanes" à l'opprobre, va comprendre plus vite que d'autres qu'elles auront sauvé leurs compagnons...

Peut-être ce très rigoureux pasteur, a-t-il lu Boule de Suif? Comme je le disais, les événements rigoureusement faux et baroques de ce film étrange et envoûtant ressortent tous OU PRESQUE du mélodrame, mais la nouvelle de Maupassant, qui allait aussi inspirer à des degrés divers des cinéastes aussi différents que Mizoguchi et Ford avant la fin de la décennie, fait une apparition inévitable, à travers les aventures des deux femmes... Chacune d'entre elle se partage d'ailleurs le lot de l'héroïne de Maupassant... le film, visuellement, donne aux deux actrices une présence phénoménale, et certes, c'est Marlene Dietrich qui est la plus mise en avant, mais Anna May Wong, dotée d'une grande quantité de dialogue, et qui garde longtemps ses mystères, évite l'écueil d'un "rôle exotique" de plus, ou de trop...

Quant à la science de la lumière et de la mise en scène de Sternberg, elle est à son plus haut niveau dans ce film, à l'égal de The scarlet Empress et des trois chefs d'oeuvre muets des années Paramount. Le réalisateur s'est plus à utiliser toutes les opportunités offertes par un train, pour jouer et rejouer avec le cadre, séparant ou rapprochant les voyageurs, emprisonnant les uns dans la morale et les autres dans le mépris ethnique ou de classe... La preuve en images...

 

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Published by François Massarelli - dans Josef Von Sternberg Pre-code
28 août 2019 3 28 /08 /août /2019 19:06

Un décor ultra-codifié, des personnages dérivés d'archétypes, une histoire réduite à l'essentiel, et des dialogues souvent réduits à leur plus simple expression... Le premier film de Sternberg de retour de l'expérience de Der Blaue Engel, surprend forcément. Comme peut surprendre le fossé considérable entre l'apparence brute, non raffinée, de sa star dans le film précédent, et sa toute nouvelle sophistication, où a été gommée l'apparente indifférence de Lola Lola vis-à-vis du monde...

Au Maroc, dans une petite ville, se télescopent plusieurs personnes autour d'un cabaret: un légionnaire (Gary Cooper) qui tombe toutes les femmes sans exception (y compris celle de son adjudant et ce dernier, on s'en doute, ne le prend pas très bien); un peintre Français, richissime admirateur des femmes des autres, mais qui a fait le voeu de rester à l'écart du mariage (Adolphe Menjou); enfin, une chanteuse de cabaret qui vient d'arriver et qui a un numéro basé sur une approche provocante et cynique (Marlene Dietrich). Les deux hommes, chacun à leur façon, vont tomber amoureux de la jeune femme, et...

On ne sera pas surpris: Sternberg a privilégié l'atmosphère sur les scènes de son film, et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le dialogue est à la portion congrue. Difficile de croire à ces situations qui semblent emprunter à toutes les images d'Epinal du film de légion (un genre très en vogue jusqu'à la fin des années 30), mais les personnages ont une tendance à nous attirer vers nous: y compris Marlene Dietrich, sauf bien sûr quand elle chante...

...Si on peut appeler ça chanter. Reprenons:

Si je regrette que le chloroforme qui a été employé pour créer L'ange Bleu (de tous les classiques obligatoires, probablement le film que je déteste le plus) tend à plomber la première partie du film, j'apprécie de quelle façon Marlene Dietrich, par l'implication personnelle de son personnage de plus en plus évidente au fur et à mesure du film, finit par le sauver. deux scènes, en particulier, quasi muettes, sont fantastiques: la fin, sur laquelle je ne vis rien dire puisqu'il paraît que ça ne se fait pas, mais aussi une très belle séquence où elle entend, d'un salon, les clairons de la troupe qui revient. Elle se précipite dehors, et dévisage absolument tous les légionnaires qui reviennent d'une bataille, longuement, remontant le flot des hommes blessés.

...Si ce n'est pas de l'amour fou, ça y ressemble drôlement. Quels que soient les défauts occasionnels de ses films, leur kitsch assumé, Sternberg n'a pas son pareil pour nous envoûter autour d'un amour sensuel, brutal, entier et profane, qui faisait furieusement tâche à Hollywood. Et comme en plus il le faisait dans le cadre d'un effort photographique inédit (même si Morocco n'est pas le mieux préservé de ses films), le cinéphile a de quoi en profiter.

Tant qu'ELLE ne chante pas.

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Josef Von Sternberg
26 juillet 2019 5 26 /07 /juillet /2019 17:21

De grands films consacrés au premier conflit mondial sont sortis dès 1930...

Dans celui-ci, deux frères, Anglais (hum...), les Rutledge, sont en vacances avec leur ami Karl (James Darrow) chez lui, en Allemagne, quand l'un d'entre eux, le coureur Monte (Ben Lyon) a une aventure qui tourne mal: il est en plein rendez-vous amoureux avec l'épouse d'un général à monocle quand celui-ci débarque. Monte prend hâtivement la poudre d'escampette, et c'est son frère Roy (James Hall) le raisonnable, qui devra se battre en duel à sa place...

Quand ils reviennent à Oxford, pas de chance: la guerre est déclarée. Mais avant de partir, l'un par devoir, l'autre par désoeuvrement (je schématise), ils vont tous les deux tourner autour de la belle Helen (Jean Harlow), fille de la bonne société Britannique (Hum! Hum!): Roy va se croire son fiancé, mais cette fois c'est Monte qui va remplacer l'autre.

Puis ils font la guerre, les avions, tout ça... Gestes héroïques, prison, sacrifice, etc. A la fin les alliés gagnent.

Howard Hughes a commencé son film en 1927, après la sortie de Wings, ce qui n'a pourtant pas empêché l'ombrageux producteur d'attaquer Warner en justice quand ils ont sorti The dawn patrol. Le film a eu un nombre inquiétant de réalisateur crédités: Marshall Neilan, débarqué après quatre semaines, Luther Reed, dont je ne sais pas s'il a eu le temps de tourner quoi que ce soit avant d'être viré sous un prétexte quelconque, puis Edmund Goulding, mais c'est finalement Hughes qui a fini le film, trois années après le début du tournage, et des centaines de rejet de prises. James Whale était en charge de la direction des dialogues et de leur authenticité (mais pas de l'accent, manifestement, ni de l'intelligence des dialogues), et le film fait appel à des techniques qui sont remarquablement à cheval entre le muet et le parlant: certaines scènes tournées avant la décision de se doter de dialogues, ont été ensuite synchronisées de manière plus ou moins adroite, les scènes dialoguées en Allemand ont été dotées d'intertitres pour la traduction, et trois systèmes de couleurs ont été employés: des teintes comme au plus beau temps du muet, le procédé Multicolor (mais le film a été tiré sur support technicolor) pour une série de scènes bavardes situées vers le début, et le procédé Handshiegl pour les flammes dans des séquences de haute voltige.

Oui, parce que ce film qui est crétinissime de bout en bout n'existe que pour permettre l'existence de deux ou trois scènes tournées à grands frais, dans les airs, par des as de la grande guerre: il y a d'ailleurs eu des morts. Ces scènes sont à la fois techniquement spectaculaires et dramatiquement d'une affligeante platitude...

Car comme je le disais, il y a eu des films formidables dès 1930 pour parler de la première guerre mondiale. L'un d'entre eux était All quiet on the western front, de Lewis Milestone, et sinon il y a aussi eu Westfront 1918 de G.W. Pabst. Bref: celui-ci, de très loin, ne fait pas, mais alors pas du tout partie de la liste. Mieux vaut en rire...

 

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Published by François Massarelli - dans Première guerre mondiale Pre-code James Whale Technicolor
25 juillet 2019 4 25 /07 /juillet /2019 09:56

Le film qui inaugure la carrière de Cukor à la MGM n'est pas une franche comédie, ce serait trop simple. Par contre, c'est de toute évidence un film de prestige, une sorte de Grand Hotel II après le carton du film-mammouth de Edmund Goulding qui osait rassembler une pléiade de stars dans le décor d'un palace, et a obtenu un succès phénoménal en retour. La formule avait du bon, la MGM s'est donc empressée de trouver le moyen de recommencer...

La pièce de Edna Ferber et George Kaufman a été adaptée, entre autres, par la plume acerbe de Herman Mankiewicz (celui dont son frère Joe a toujours dit "le génie, c'est lui"), et ça se sent. Plutôt qu'un lieu commun à tous les personnages, cette histoire qui en combine plusieurs nous conte les quelques jours qui précède un dîner où se retrouveront les personnages...

Oliver Jordan (Lionel Barrymore) est un armateur fini, raboté par la crise, et qui découvre à la faveur d'évanouissements répétés que son coeur est arrivé au bout de sa course. Son épouse Millicent (Billie Burke) a tellement pris des habitudes dans la haute société qu'elle ne se rend pas compte, et a décidé d'impressionner en organisant un dîner pour un Britannique de passage (qui ne se déplacera d'ailleurs même pas), quitte à y inviter, pour faire plaisir à son mari, le nouveau riche Dan Packard (Wallace Beery), et son épouse Kit (Jean Harlow), deux Américains très moyens, épouvantablement vulgaires, mais attirés par le clinquant. Et Dan pense pouvoir utiliser la soirée pour noyer le poisson, car il s'apprête à déposséder Oliver de son entreprise... Egalement invités, le médecin de famille (Edmund Lowe) des Jordan et son épouse (Karen Morley), et ça promet du sport: le bon docteur prodigue ses soins à Mme Packard qui elle lui prodigue ses charmes... Pour donner un peu de brillant à la soirée, Millicent a également invité la grande actrice Carlotta Vance (Marie Dressler), vieille amie de la famille, et un de ses collègues, l'acteur alcoolique (et fini) Larry Renault (John Barrymore). Ce que personne ne sait, c'est que Renault est l'amant de Paula (Madge Evans), la fille des Jordan qui n'a que 19 ans. Renault les a aussi, mais plusieurs fois... Et puis il y a aussi un autre problème: Renault se suicide juste avant le dîner...

Le film oscille constamment entre comédie (au vinaigre, bien sûr) et drame, servi par des performance exceptionnelles: celle de Wallace Beery pour commencer, j'ai un problème sérieux avec le bonhomme, mais c'était un grand acteur. Et ici meilleur que jamais... M'est avis que Cukor s'est mis en tête d'utiliser la personnalité de chaque acteur au maximum, et chaque personnage prend du même coup une vérité impressionnante. Donc oui, le film est bavard, mais c'est un bavardage salutaire... Et le courage de Marie Dressler qui joue quasiment son propre rôle, et celui de John Barrymore qui interprète un acteur has-been, lessivé par le parlant, surnommé "The great profile" (il n'en a qu'un, ajoute-t-on) et devenu alcoolique et consommateur de petites jeunes femmes, a quelque chose de stupéfiant...

Le film en devient presque la naissance à lui tout seul du style de Cukor, cette tendance à constamment confondre la comédie et le drame, derrière une classe de façade, et à croquer avec un talent fou les femmes: qu'elles soient de la génération d'avant celle d'avant (Dressler), parvenue en couchant (Harlow), déconnectée des réalités à force de luxe (Burke, et ses préparatifs névrotiques pour la soirée!), trahie et souffrant en silence (Morley), ou à l'aube d'une vie qu'elle va s'empresser de gâcher (Evans)... L'Amérique de 1933, vue à travers ses femmes.

N'empêche que le meilleur moment du film reste, vers la fin, un échange légendaire entre Harlow et Dressler: 

Harlow: I was reading a book the other day (je lisais un livre, l'autre jour)

Marie Dressler ne dit rien, mais s'arrête d'avancer, médusée...

Dressler: Reading a book?? (un livre??)

Harlow: Yes, it's all about civilisation or something, (...) do you know that the guy said that machinery is going to take the place of every profession? (Oui, un livre sur la civilisation ou quelque chose comme ça... Vous savez que le type disait que les machines vont bientôt replacer toutes les professions?)

Dressler: Oh, my dear, (elle la regarde des pieds à la tête) that's something you need never worry about! (Ma chère vous n'avez aucun raison de vous en inquiéter)

 

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Published by François Massarelli - dans George Cukor Comédie Pre-code