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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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25 juillet 2018 3 25 /07 /juillet /2018 09:10

Le réalisateur Tod Browning, en 1920 et 1921, avait enchaîné les succès pour la Universal, notamment avec ses mélodrames criminels et films d'aventure interprétés par Priscilla Dean: en particulier, The Virgin of Stamboul et Outside the law, avaient été particulièrement salués par le public. Mais pour le chef de production du studio, Irving Thalberg, le metteur en scène ne va pas tarder à devenir un problème à part entière: l'alcoolisme de Browning ne fait plus aucun doute et finit par peser sur son travail. Et... ça se voit.

White Tiger est le fruit de cette situation: un film qui attendra d'ailleurs plusieurs mois sur les étagères et a probablement fait l'objet d'un remontage, et d'un re-titrage afin de le rendre ne serait-ce que présentable... Le tigre blanc du titre est une métaphore, un animal qui symbolise les criminels aux abois, devenant soudain solitaires et plus dangereux pour autrui. 

L'intrigue commence par un prologue dans lequel Hawkes (Wallace Beery), un Irlandais un peu trop copain avec la police, dénonce son copain Donovan, qui meurt dans l'opération policière qui s'ensuit. Il laisse derrière lui deux enfants, Roy et Sylvia, tous deux persuadés que l'autre est mort... Roy va grandir de son côté, et Hawkes va adopter Sylvia, la formant à son métier de cambrioleur et pickpocket. 

A Londres des années plus tard, Hawkes devenu 'Le comte Donelli' fait passer Sylvia (Priscilla Dean) pour sa fille. Ils "travaillent" à côté de Mme Tussaud's, le célèbre musée de cire, et font la connaissance d'un jeune homme, "The Kid" (Raymond Griffith), qui est un escroc d'un autre genre: il est l'automate joueur d'échecs, caché dans le support de la machine... Bien sûr, les deux jeunes gens ne se reconnaissent pas, mais ils affichent de suite une véritable complicité. Les trois vont s'associer, et filer à New York pour y effectuer des cambriolages élaborés... 

Déguisements, faux semblants, le petit monde des attractions canailles, échafaudages criminels improbables, et triangle criminel: tout ça ressemble à l'univers de Tod Browning tel qu'il se développera à la MGM, avec son complice le scénariste Waldemar Young. Mais ce qui me frappe, c'est à quel point l'intrigue de ce film ressemble à un rêve, dans lequel un improbable scénariste bifurquerait constamment. Il y a des qualités, notamment un certain humour, mais je ne suis pas sûr qu'il était déjà là au départ! L'association entre Beery, Dean et Griffith ne tient pas le coup, et comment faire passer la pilule mélodramatique du frère et de la soeur qui ne se reconnaissent pas, alors qu'ils sont précisément en compagnie de l'homme qui a trahi leur père?

Et pourtant, il y a des qualités, et des scènes intéressantes: le prologue, qui me paraît d'ailleurs tourné dans les mêmes décors que Outside the law, et en nocturne; et surtout, une scène située vers la fin: après un long passage durant lequel Roy, entre la vie et la mort, Sylvia (les deux savent désormais qu'ils sont frère et soeur, même si on ne sait pas trop comment Roy l'a appris), et un quatrième larron (Matt Moore) ont démasqué leur complice Hawkes, et l'ont ligoté; Sylvia qui croit Roy condamné à brève échéance, veut se venger sur la personne de Hawkes, auquel elle a juré de le marquer au fer rouge! Elle saisit donc un tisonnier... C'est la nuit, il y a un orage, et le rythme lent adopté par Browning fait merveille. Et quand elle ouvre la porte qui la sépare de Hawkes, elle réalise que celui-ci s'est échappé...

Le rythme, j'en parlais il y a quelques lignes, est ce style lent et contemplatif adopté par Browning, qui laissait les acteurs faire leur travail, mais les noyait dans des gestes qui tournaient parfois à la digression. Du coup, les redondances alourdissent le film, et certaines scènes, déjà mal parties (Cette idée de s'encombrer d'un automate joueur d'échecs pour un cambriolage! et pourquoi pas une animalerie tenue par une vieille ventriloque, tant qu'on y est!!), finissent par devenir incohérentes et incompréhensibles... 

Bref, on comprend que la Universal ait eu du mal à avoir envie de sortir le film, et ait viré Browning. Ironiquement, il allait revenir pour y réaliser l'un de ses films les plus connus, les plus médiatiques, et probablement l'un des pires films jamais effectués à Hollywood: Dracula!

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Published by François Massarelli - dans Muet Noir Tod Browning 1923 **
24 juillet 2018 2 24 /07 /juillet /2018 16:37

Après The wicked darling, Outside the law est la deuxième collaboration de Browning avec Chaney, et quelque chose a changé... le film fait partie de la même veine, une histoire de gangsters avec rédemption à la clé, pour le personnage de Priscilla Dean, qui collaborait souvent avec le metteur en scène. Dean est une actrice intéressante, car si le maquillage tend à souligner un je-ne-sais quoi d'originalité dans ses traits, elle n'a rien d'un modèle, et possède une réalité corporelle bien plus intéressante pour Browning, qui aimait à croire en ses personnages et dans les situations qu'il filmait.

Dean est Molly Madden, la fille d'un gangster (Ralph Lewis) de San Francisco en quête de réforme. Celui-ci, sous l'influence de son ami le philosophe Chang Lo (E. Alyn Warren) souhaite devenir un homme respectable, et voudrait que sa fille prenne le même chemin... Ce qui n'est pas du tout du goût de Black Mike Sylva (Lon Chaney): celui-ci tend un piège à Madden et par une machination, l'envoie en prison pour quelques mois. Molly, dégoûtée par l'injustice et ignorante du rôle joué par Mike, est désireuse de venger son père en retournant vers une vie de criminelle. Sylva souhaite se débarrasser d'elle à son tour, en lui tendant le même genre de piège. Mais le bras droit de Mike, Dapper Bill (Wheeler Oakman), supposé mener la jeune femme en bateau, lui révèle la vérité, et ils vont doubler Mike...

Une histoire gentiment compliquée, résolue en trois actes: les agissements de Mike et la réaction de Molly occupent l'essentiel du premier; le deuxième est surtout consacrée à la période durant laquelle Molly et Bill se cachent, cohabitant dans un appartement où ils vont apprendre à mieux se connaître, et réaliser leur envie profonde d'abandonner une vie de criminels; enfin, Sylva réapparaît dans leurs vies pour le troisième acte, dans lequel ils essaient tant bien que mal de mener à bien leur projet de se ranger, tout en affrontant le danger sérieux représenté par leur ancien associé. Pendant ce temps, dans des conversations philosophiques à bâtons rompus, le chef de la police et Chang Lo échangent leurs vues sur la meilleure manière de combattre la criminalité...

Là où Browning faisait un travail efficace et au rythme marqué avec The Wicked Darling, ce nouveau film bénéficie d'une nouvelle philosophie de la mise en scène, probablement sous l'influence de Lon Chaney. Pour commencer, celui-ci a obtenu de son metteur e scène d'avoir non pas un, mais deux rôles: probablement une envie forte de se frotter à un exercice qu'il a toujours apprécié (voir à ce sujet les films Shadows et Mr Wu): le maquillage en un oriental... Donc en plus de Black Mike Sylva, qui est en quelque sorte une variation sur le personnage maléfique de The Wicked Darling, il interprète un personnage de Chinois, Ah Wing, un domestique de Chang Lo, rangé du bon côté de la loi, et désireux de protéger son maître et ses amis. Dans le film tel qu'il existe aujourd'hui (une version remontée en 1926), on suppose que ce rôle a été amputé. Du coup, ce qui frappe, c'est que Ah Wing est pour une bonne part du film un personnage décoratif, qui semble n'avoir pas d'autre utilité que de faire un peu couleur locale... Mais de même, la façon dont la vie semble surgir à l'intérieur d'un plan (par exemple à travers un détail, comme ce moment durant lequel Black Mike, au moment de quitter le restaurant, reste en arrière de ses copains, et empoche le pourboire laissé par Bill!) aide le film, et souligne la façon dont désormais Browning va agir: installer un monde devant nous, le laisser vivre, et nous laisser attraper les détails au vol. 

Le film n'en possède pas moins, dans une très belle construction, un très beau déchaînement de violence dans lequel Chaney, bien sûr, est particulièrement convaincant. Mais il n'est pas le seul: Priscilla Dean, elle aussi, donne de sa personne, dans un dernier acte marqué non seulement par la violence mais aussi par une belle présence du suspense... Un film nettement supérieur à mes yeux, à tous ceux que Browning réalisera durant son premier passage à la MGM entre 1925 et 1929.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 Tod Browning Lon Chaney **
20 juillet 2018 5 20 /07 /juillet /2018 09:57

Waldemar Young, Lon Chaney, Tod Browning: ces trois noms évoquent un bouquet de films, mettant en vedette l'acteur (Chaney), écrits par le scénariste (Young) et mis en scène par le réalisateur (Browning): sur les dix films de Browning avec Chaney, sept scripts sont de Young... La première collaboration entre les trois hommes (et d'ailleurs la première fois que Browning va diriger Chaney) est ce long métrage, destiné au départ à être un véhicule pour Priscilla Dean, star de films d'aventures. Mais le tournage va révéler à Browning le potentiel impressionnant de Lon Chaney...

L'ouverture est une visite des bas quartiers: une métaphore, celle d'une rose qui tombe dans l'égout, mène à un plan de Dean: Mary Stevens est assise sur un trottoir, enlève une chaussure et se masse le pied. D'une métaphore à l'autre... la séquence suivante nous montre l'environnement: un homme titube en sortant d'un drug-store, sur le mur duquel un panneau annonce 'soft drinks': une allusion à la rumeur sévèrement ancrée dans l'inconscient collectif, selon laquelle le Coca-Cola contiendrait de la cocaïne. Du coup, le "signe cinématographique" est clair: cet homme qui fréquente le même quartier que l'héroïne est un junkie... 

Mary est une voleuse aussi, elle fréquente la bande de 'Stoop' Connors, un dandy qui est aussi un pickpocket et une sacrée fripouille (Lon Chaney). Mais Mary vole un soir un collier, qui va la mener à une rencontre: pour échapper à la police, elle se réfugie chez Kent Mortimer (Wellington Playter). Celui-ci est un homme de la meilleure société, mais ruiné. Sa fiancée vient de le quitter à cause de ses revers de fortune, mais pour Mary, il représente une chance de se sortir de sa situation. Seulement il va falloir mentir... Et comment faire aussi, pour éviter que le collier ne tombe entre les mains de Stoop?

...Car ce collier à l'histoire rocambolesque, va devenir bien un objet symbolique, lien entre Mary et Kent: à l'origine il a été offert par ce dernier à sa fiancée Adele (Gertrude Astor), mais celle-ci l'a perdu. Récupéré par Mary, elle ne peut pas le rendre à Kent qui lui avoue détester le vol: admettre qu'elle l'a volé serait abandonner tout espoir de garder Kent... Et de son côté, Stoop convoite le collier de perles, tout comme il convoite Mary...

Le monde des coulisses du spectacle, qui deviendra souvent le théâtre des opérations pour Browning, n'est pas présent pour ce qui est essentiellement un mélodrame de gangsters, dans lequel le metteur en scène transpose un univers qu'il connait bien: comme le petite monde du show-business et du cirque, la pègre obéit à des lois très fortes, possède ses codes, son langage, et des costumes particuliers. Chaney a beaucoup joué sur cet aspect, car Stoop est un dandy, habillé selon la dernière mode des pickpockets: un accoutrement (chapeau, costume clair, noeud papillon, pantalon très étroit et bottines cirées) qu'il remettra quasiment à l'identique dans Outside the law. Le personnage aurait pu n'être que secondaire, représentant une sorte de menace générique, mais l'acteur n'a aucun mal, avec un naturel impressionnant, à voler la vedette à quiconque partage l'écran avec lui. Sa façon de se tenir, ses gestes, tout concourt à donner au personnage une réalité inédite.

Le rôle de Browning dans cette réussite de caractérisation n'est pas négligeable. En effet, Chaney mal dirigé pouvait en faire des tonnes, il le savait lui-même très bien. Mais ici, il est parfait, et il n'est pas le seul... Priscilla Dean, une star que Browning n'appréciait pas outre mesure, est brillante en voleuse en quête de rédemption. Le style du metteur en scène tel qu'il nous apparaît dans ce film est bien différent de cette tendance à la contemplation, cette étrange absence de rythme, qui marquera son cinéma dans ses films ultérieurs. et le choix de tourner tout le film de nuit ajoute à l'efficacité d'une peinture du milieu qui est très réussie. Aucune surprise donc dans la décision de browning de refaire appel à Chaney pour Outside the law deux ans plus tard.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Tod Browning Lon Chaney *
22 juillet 2017 6 22 /07 /juillet /2017 18:11

Ce film n'existe plus. Tout simplement parce que la dernière copie en existence a brûlé lors d'un incendie qui a ravagé l'entrepôt où elle était stockée. Un accident semble-t-il assez courant, qui nous a coûté de nombreux films, de Murnau (The four devils) ou de Stroheim (La deuxième partie de The wedding march) entre autres... Et s'il y a un film qui est perdu et bien perdu, c'est London after midnight car sa perte est tellement médiatisée, que si une copie ou des fragments avaient réellement survécu (Il y a eu quelques escroqueries et canulars à ce sujet), ça se saurait!

Et donc cette médiatisation passe aussi par la case reconstruction, voyez ce qui est arrivé pour The four devils, de Murnau: Janet Bergström en a reconstitué les contours au moyen de photos de plateau et autres documents... C'est ce qui est fait ici, mais le documentaire adopte une position unique, à savoir qu'il entend se substituer au film pour en raconter l'intrigue, et le fait par ses intertitres tels qu'ils sont connus aujourd'hui (Probablement la liste de ceux qui étaient prévus a-t-elle été conservée avec le script) en plus des photos de plateau, qui au moins sont un reflet partiel de l'aspect visuel voulu par Browning...

L'intrigue, inspirée d'une histoire de Browning intitulée The hypnotist (un titre qui décidément en dit trop) est très proche de celle du remake du film, Mark of the Vampire, à ceci près que ce dernier film est plus logique sur un point: tout part d'un meurtre, maquillé en suicide dans London after midnight. Le remake change cette idée, puisque le meurtrier a plutôt l'idée de maquiller son acte en une attaque de vampires, ce qui justifie la suite! Ici, le détective Burke (Lon Chaney) enquête autour des exactions de vampires, parmi lesquels on reconnait le mort, sir Roger Balfour. Il s'agit d'une machination (Balfour est en fait un sosie) pour confondre l'assassin, et déterminer si c'est le meilleur ami (Henry B. Walthall) de Balfour, ou son neveu (Conrad Nagel) qui a fait le coup... la fille de Balfour (Marceline Day) est au courant de tout, et prête son concours aux comédiens qui interprètent les vampires... Parmi lesquels Burke lui-même, déguisé en créature de cauchemar, l'image la plus connue de ce film perdu du reste.

Une collection de photos de plateau, qui étaient toujours prises à part du tournage, ne rendra que très partiellement compte d'un film disparu. On a malgré tout une assez bonne idée de l'ensemble, même si on est sur (A plus forte raison si on a vu le remake!) que Browning avait su rendre le film plus nocturne. Le maquillage de Chaney en vampire est justement célèbre, et me paraît intéressant en particulier parce qu'il semble être plus inspiré du design de la créature de Frankenstein dans sa version Edison 1910! On est loin du gothique ouvragé à la Lugosi. Et Burke, énigmatique détective qui a plus d'un tour dans son sac, est une autre création probablement fascinante de Chaney, un homme qui dès qu'il n'est pas seul, se comporte comme un inspecteur pompeux de Scotland Yard, avec une moue dédaigneuse. Mais ça ne l'empêche pas, selon la légende établie de Chaney, d'en pincer pour la fille de Balfour...

On ne verra sans doute jamais London after midnight, pas plus que The big city (De Tod Browning), The tower of lies (Victor Sjöström), ou Thunder (William Nigh) si ce n'est pour ce dernier les quelques secondes qui ont survécu. Alors, impossible de trancher l'actuel débat entre ceux qui avancent que c'est probablement un chef d'oeuvre et d'ailleurs c'est le plus gros succès de Chaney et Browning à la MGM, et ceux qui au contraire se basant sur les souvenirs de ceux qui ont vu le film, estiment que c'était un navet de catégorie Z! Quoi qu'il en soit, il est dommage que les deux seuls films de Browning et Chaney qui aient disparu soient justement ceux qui essayaient de sortir des schémas établis avec The unholy three et The blackbird, et offraient justement un peu d'air frais dans un corpus que je continue à trouver un tantinet poussiéreux.

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Published by François Massarelli - dans Muet Tod Browning Lon Chaney 1927 Film perdu
20 juillet 2017 4 20 /07 /juillet /2017 18:09

Au commencement, il y a un scénario pour un film qui aurait pu s'appeler The hypnotist... L'idée était du pur Browning, et il n'a eu aucune difficulté à convaincre Irving Thalberg de produire une version avec la star Lon Chaney, sous le titre de London After Midnight: un film désormais légendaire pour des raison inattendues.

D'une part, tous les commentateurs qui ont eu la chance de le voir, et qui sont probablement tous morts aujourd'hui, le disent: London after midnight ne cassait rien. Selon eux, Chaney y était en pilotage automatique, les gags étaient nuls, et on s'ennuyait ferme. Au vu de la relative médiocrité de la majorité des films de Chaney à la MGM (J'en sauve un ou deux sur ceux que j'ai vus, pas plus), je suis prêt à y croire.

D'autre part, London after midnight a disparu: la dernière copie en a brulé dans un incendie il y a cinquante ans... Des hordes de fans transis d'un film qu'ils ne verront jamais, leur intérêt attisé en particulier par des photos d'un maquillage il est vrai exceptionnel, le cherchent... 

Mais la MGM, ayant d'autres chats à fouetter, a offert à Browning la possibilité de revenir à cette histoire en 1935, sans Chaney décédé en 1930. Browning a eu une carrière en dents de scie, et au vu de ses films muets de 1925 à 1929, je ne m'explique plus vraiment la cote d'amour dont il jouit auprès de nombreux fans de Chaney et d'adorateurs du bizarre. C'est un réalisateur capable, mais ses histoires ne tiennent pas debout, ses obsessions se répètent jusqu'à l'embarras et les fautes techniques abondent, sans parler du rythme mortifère et d'une direction d'acteurs souvent inexistante. On le cantonne à des films sans grand relief... Ses films avec Chaney tournent à vide à force d'exploiter inlassablement la même formule... C'est le même homme qui a commis avec Dracula l'un des films les plus agressivement ennuyeux et mal foutus de l'histoire, avant de revenir en grâce avec un chef d'oeuvre sans aucune concession, Freaks... Voilà, Mark of the vampire est à la croisée de ces chemins: un script ridicule, des acteurs peu ou pas dirigés, et au final un petit miracle paradoxal de non-sense, qui propose comme souvent chez Browning une mise en abyme du monde du spectacle sous un versant qui sent particulièrement mauvais des pieds.

Si vous n'avez pas vu le film, arrêtez vous à la fin du paragraphe suivant.

Le film se situe dans une Transylvanie de pacotille: un homme meurt... On a tôt fait d'accuser les vampires, auxquels tout le monde croit. Pas le Baron Otto (Jean Hersholt), l'ami du défunt, et futur tuteur de l'héritière Irena (Elizabeth Allan), ni l'inspecteur Neumann (Lionel Atwill). Le crime, si crime il y a, reste impuni... Mais quelques mois plus tard, on retrouve Fedor le fiancé d'Irena, qui a subi une attaque de vampire à son tour. Puis on commence à apercevoir le légendaire comte Mora (Bela Lugosi) et sa fille Luna (Caroll Borland), les deux vampires les plus célèbres de la région... accompagnés souvent d'un troisième: Sir Karell, le défunt père d'irena. Il est temps pour un spécialiste d'entrer en scène: le professeur Zelin (Lionel Barrymore) arrive donc...

Lionel Barrymore a parfois besoin de direction, et a priori il n'en a pas reçu ici, il n'en fait qu'à sa tête... mais ça fonctionne parce que ça participe en plein du joyeux style franchement parodique de l'ensemble. Browning, pas si attiré par le fantastique, plus par le bizarre, semble se moquer de son propre Dracula (Que faire d'autre, du reste?) en laissant ses acteurs cabotiner en roue libre, et son intrigue faite de tromperie permanente faire le reste. Et au final, il s'avère que ce n'est qu'illusion, mensonge permanent, mise en scène et décorum... Et y revenir pour en dénombrer les failles est assez facile, mais rappelons que le film n'est pas que l'histoire d'une équipe policière qui trompe un meurtrier (Le baron Otto, qui a cru bon de simuler une attaque de vampires pour camoufler son meurtre, et qui se retrouve tout-à-coup face à des vampires qu'il croit vrais), il est aussi l'histoire d'un public de cinéma qui se fait berner jusqu'au trognon. Le péché mignon de Browning, qui adorait les menteurs et les truqueurs, et semble prendre tellement de plaisir avec ce petit film pour rien...

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Published by François Massarelli - dans Tod Browning Boo!
7 août 2016 7 07 /08 /août /2016 18:53

Le dernier film de Tod Browning est particulièrement sans prétentions, tout en affichant un grand nombre d'intérêts pour les amateurs et observateurs de l'oeuvre du metteur en scène: il se situe une nouvelle fois (The unholy three, The show, The unknown, West of Zanzibar, Freaks) dans le monde du spectacle, dans les coulisses, et comme Mark of the vampire, l'un de ses meilleurs films, celui-ci se présente sous la forme d'un whodunit.

Il commence, d'ailleurs, dans une scène fort trompeuse, car on croit s'être trompé de film: une femme va être exécutée par un groupe de militaires chinois, qui vont la tuer en la mettant dans un cercueil, qu'ils coupent en deux à coup de mitrailleuse! On est, bien sur, devant une illusion, mise en scène par Morgan (Robert Young), le héros du film. Celui-ci a une double casquette, qui rend la lisibilité de l'ensemble un peu compliquée parfois. D'une part, il vend littéralement des attractions de prestidigitation, clés en mais, à des artistes en mal de technique et d'inspiration, et comme le dit son slogan, ses miracles sont à vendre! Mais d'autre part, il est aussi un expert renommé pour débusquer les faux médiums, magiciens et autres charlatans du genre. Compte tenu du fait que la plupart d'entre eux sont sa clientèle potentielle, on s'interroge un tant soit peu...

Mais peu importe, le cinéma, c'est comme un tour de magie, si c'est bien fait on y croit, si c'est mal foutu, on a juste besoin d'un ou deux bons trucs pour se forcer à y croire: un montage serré, quelques coups de théâtre, une jolie protagoniste, ou le charme de Robert Young. L'intrigue ici concerne un étrange double meurtre, celui d'un médium qui semble en connaître un rayon sur ses semblables, plus celui d'un autre homme, n excellent prestidigitateur. Morgan, en tant qu'expert d'une part, mais aussi parce que ces meurtres incriminent la jolie Judy Barclay (Florence Rice)... Et ça passe comme une lettre à la poste! Et une fois de plus, Browning nous berne en nous faisant croire qu'il nous montre tous ses trucs...

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Published by François Massarelli - dans Tod Browning
18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 10:06

Le film séminal de Browning et Chaney est un classique, certes, mais me semble correspondre à une idée pragmatique des dirigeants de la MGM, qui entamait alors sa production: Ils savaient qu'un film était désormais consommé en deux mois, et qu'après il ne servirait plus. Parce que ce film est fait strictement pour être vu une fois, jouant sur l'improbable, l'absurde et le choc. Il concerne un trio de forains-voleurs qui se dissimulent derrière une couverture incroyable: L'un d'entre eux (Lon Chaney) est ventriloque, et déguisé en vieille dame, il vend des perroquets qui ne parlent qu'en sa présence. Lorsque les riches clients se plaignent, il visite les lieux avec son complice, le nain Tweedledee (Harry Earles), se faisant passer pour un bébé. celui-ci profite de la confusion pour repérer les maisons, et ils reviennent et raflent les bijoux avec l'aide d'Hercule (Victor McLaglen, l'homme fort de la foire)...

Ca parait improbable. d'ailleurs, ça l'est: on peut quand même tiquer de voir une telle entreprise germer comme étant une idée de génie pour les trois malfaiteurs! Tout est donc dans l'effet produit, immédiat. N'analysez pas, donc... ne voyez pas le film trop souvent!

C'est du rêve, qui tourne parfois au cauchemar comme avec la présence de ce chimpanzé géant, qui menace de tuer tout ce qui bouge...Mais c'est surtout un film entièrement conçu comme un tour de passe-passe (Ce qui n'a rien d'étonnant quand on connait la carrière de Browning), avec sa fascinante vision sans concession des coulisses du spectacle, ce qui reviendra de film en film. Un film policier dont l'intrigue illogique ne résiste pas à la deuxième vision, mais qui dégage, Chaney oblige (Et il y a Mae Busch), une certaine poésie de l'étrange qui s'exprime, avec un certain humour en prime... Et le film a entamé une collaboration intéressante entre la star, le metteur en scène et le studio, donc il a, à sa façon, fait ses preuves... Et il y eut un remake parlant, réalisé par Jack Conway, mais ça c'est une autre histoire. Tout aussi improbable; tout aussi peu crédible.

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Published by François Massarelli - dans Tod Browning Lon Chaney Muet 1925 *
6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 16:31

Classique paradoxal, Dracula en 1931 inaugurait un cycle impressionnant de films fantastiques dont l'héritage serait indélébile jusqu'à nos jours, tout en concrétisant de façon éclatante les promesses de films muets gothiques (The phantom of the opera, Hunchback of Notre-dame, The cat and the canary, The man who laughs, Seven steps to satan) qui ont progressivement accoutumé le public à des ambiances fantastiques. La photo de Karl freund vulgarisait de façon éclatante le style virtuose des films Allemands du début des années 20, et la mise en scène de Tod Browning permettait à celui-ci d'expérimenter son talent pictural étrange... Tout en proposant un film plus que médiocre.

Dracula est un paradoxe, parce qu'il a été préparé de nombreuses années durant, sans pour autant entrer en production, la pièce de théâtre adaptée étant un franc succès dont il fallait tirer tout le jus. et puis la mort de Paul Leni, pressenti pour tourner le film, n'a pas arrangé les choses. Donc une fois le feu vert donné, on a le sentiment que tout ça a été fait vite, et mal. Soyons clair: le travail de Karl Freund est fantastique, et le style "illusionniste de foire" de Browning se prête visuellement de façon très appropriée au film, mais que tout cela est lent... et certains acteurs (L'affreux Dwight Frye, Everett Van Sloan, Helen Chandler) sont tellement déplacés, on ne peut que donner raison à tous ceux qui favorisent la version Espagnole tournée par Melford en parallèle...

Browning n'était pas pour rien un passionné de magie théâtrale: l'impression ici est qu'il n'y croit pas une seconde. Et pourtant, Lugosi, les poses hallucinantes, l'utilisation du silence, les décors énormes: l'influence qu'a eue ce film raté est encore prégnante aujourd'hui... Et l'un des films les plus intéressants dans son sillage reste sans doute le fameux Mark of the Vampire, de... Tod Browning, avec Bela Lugosi, bien sur. Quant au cycle de la Universal, il allait autant, sinon plus, profiter de la poésie nettement plus assumée du très beau Frankenstein de James Whale. Ouf!

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Tod Browning
9 août 2012 4 09 /08 /août /2012 09:41

Qui est Tod Browning? On est parfois surpris d'apprendre que le réalisateur de London after Midnight, Dracula et Mark of the vampire était un homme installé, respecté dans le Hollywood du début des années 20, miné par un alcoolisme qui lui jouera des tours assez souvent. Enfin, il était un réalisateur à l'aise dans le monde des studios, qui y finira tranquillement sa carrière dans les années 30, avant de prendre une retraite bien méritée en 1939... Il est pourtant responsable d'un grand nombre de productions à la réputation sulfureuse, qui lui ont donné une image de pervers pourvoyeur de plaisirs inavouables... Ca se discute.

Et puis il y a Freaks... La genèse du film est embrouillée, contradictoire même: On crédite souvent Lon Chaney (Décédé en 1930, mais collaborateur fréquent de Browning, dont il existe des photos présentant l'acteur essayant un costume emblématique de Freaks) d'une association avec le film, alors que la nouvelle qui sert de base à Freaks aurait été signalée au directeur de production Irving Thalberg et à Browning par Harry Earles, l'acteur nain (Ou "personne de petite taille" pour rester dans une terminologie encore acceptable aujourd'hui), qui voyait en cette histoire de vengeance des "monstres" de cirque un véhicule idéal pour lui. Thalberg, quant à lui, aurait vu en cette histoire une sorte de film d'horreur idéal pour la MGM, en guise de réponse à la vague venue de la Universal: Freaks était une intrigue située dans le quotidien d'une corporation, dont l'horreur des péripéties ne se déroulait jamais dans un cadre surnaturel...

Dans le petit cirque de madame Tetrallini, en France, le nain Hans tombe fou amoureux de la belle écuyère Cleo. Mais si elle l'épouse, c'est plus pour son héritage fabuleux que pour ses beaux yeux. elle tente ensuite de l'empoisonner mais les camarades de la victime vont apporter à Cleo la preuve de la solidarité des gens du cirque...

Cette intrigue est d'une grande simplicité et permet à Browning d'installer ses caméras dans les coulisses du cirque, dont on ne voit quasiment jamais la piste: on découvre ainsi les soucis quotidiens, les amours, les peines et les joies de tous ces gens, femmes à barbe, "squelettes humains", soeurs siamoises, nains, et d'autres personnages, tous des célébrités en leur genre. La différence entre Olga Baclanova (Cleo), Henry Victor (Hercule, l'amant et complice de Cleo), Wallace Ford (Phroso le clown), Leila Hyams (Venus, montreuse de phoques) et Rose Dione (Madame Tetrallini) d'un coté, et les "freaks" de l'autre, fait tout le sel du film. Encore aujourd'hui il y a un débat houleux entre les héritiers des traditions représentées dans le film, tous les artistes qui exploitent de fait leur propre "différence", pour déterminer si le film de Browning n'était qu'une exploitation éhontée, ou un regard direct et sans concessions sur un univers peint dans sa réalité à peine déformée.

L'intention de la MGM était quand même un peu louche à la base, assimilant de fait les artistes, nains, personnes handicapées (les "pinheads", Prince Randian le torse vivant ou Johnny Eck dépourvu de toutes les parties du corps situées en dessous du nombril) aux monstres de la concurrence, Dr Jekyll ou la créature de Frankenstein... Mais entre les mains de Browning, le seul réalisateur capable de faire ce film, on échappe à mon sens à cette lecture. Phroso et Venus ont beau être des gens dépourvus de ces particularismes, ils sont aussi des gens de cirques, et la solidarité des "monstres" de foire est aussi complétée par une sorte de fraternité des gens du spectacle qui est magnifiquement montrée dans Freaks, et que Browning avait déjà mis en scène dans d'autres films, notamment The unholy three, The Show, The Unknown. Et comment faire l'impasse sur la mutilation ce thème troublant, qui revient sans cesse dans l'oeuvre de Browning? Des créations de Chaney à ces authentiques "monstres", il n'y a qu'un pas, franchi sans hésitation par le metteur en scène qui sait filmer aussi directement que possible, nous laissant gérer le malaise éventuel, un homme sans bras qui joue de la guitare avec ses pieds (The unknown) ou un homme privé de tous ses membres et qui roule une cigarette avec la bouche (Freaks). Dans son oeuvre, ce qui fait le prix de Freaks, c'est que le film est une immersion complète dans la différence...

Il y a un aspect d'exploitation aussi, dans le fait de prendre appui sur cette réalité que nous ne pouvons nous empêcher de considérer comme parallèle, afin d'examiner l'homme à l'intérieur, et de n'en tirer que noirceur et désespoir. L'image ainsi obtenue d'une belle femme devenant une poule humaine, qui devait dans la continuité originale du film (Selon la légende, et elle est soumise à caution...) être complétée par l'apparition d'un ex-Hercule émasculé par la vengeance des "freaks", nous renvoie à notre propre laideur et nos tares, que nous soyions "complets" ou non, grands ou petits, victimes ou criminels. Comment s'étonner alors que le film ait eu une réponse si négative de la part des décideurs du cinéma, mais aussi du public? Mais contrairement à la légende, le film n'a pas été mutilé au-delà de toute ressemblance par "la censure", dont il faut rappeler qu'elle était peu active en cette époque sinon, il n'en resterait probablement que quelques minutes, voire rien du tout.

Le film est pour finir le testament d'un cinéaste inégal, capable du meilleur comme du pire (L'abominable Dracula, plombé par une absence totale de rythme), qui fit l'essentiel de sa réputation sur une série de films répétitifs voire inutiles dédiés à l'art de Lon Chaney, mais dont les meilleurs films restent bien les oeuvres fantastiques étranges réalisées pour la MGM, et inaugurées par ce gros coup de poing dans la figure qu'est le film maudit Freaks, du à la conjonction de talents de Browning, de tous ses "monstres" professionnels, de Harry Earles, acteur de petite taille, et du soutien inattendu mais inconditionnel de Irving Thalberg au projet. Un film qui nous rappelle à toutes les facettes de l'humanité... Un film aux destinées présidées par un réalisateur obsédé par la mutilation depuis un accident de voiture qui l'a éloigné des studios pendant un an tout en coûtant la vie à un de ses meilleurs amis, l'acteur Elmer Booth, et par un producteur génial miné par la maladie depuis son plus jeune age... Pas un hasard non plus.

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Tod Browning Criterion