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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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17 avril 2016 7 17 /04 /avril /2016 20:20

Cinq années, c'est tout ce dont a disposé Yevgueny Bauer pour s'installer à la tête du cinéma Russe avant la Révolution. En 1917, il est décédé des suites d'une blessure, et il aura marqué la jeune cinématographie de son pays à jamais. Si il sera longtemps identifié au cinéma Tsariste, c'était un homme d'ouverture, acquis aux thèses progressistes de certains démocrates de son pays, et qui savait une (Ou deux...) révolution(s) inéluctable(s). de ses nombreux films, une vingtaine subsiste aujourd'hui, qui sont autant de reflets de son style, fait de plans fouillés à l'extrême, dans lesquels une action très pensée est soulignée par un don pour le décor, les éclairages, bref la scénographie, et un certain esprit Slave est particulièrement marqué: on y parle de mort, de tragédie, de vieillissement, mais aussi de classes sociales. L'amour y est nécessairement lié à la mort...

La jeune Vera (Nina Tchernova) ne trouve pas que la vie de ses parents, des nobles très en vue dans l'aristocratie Russe, sans cesse accaparés dans des soirées et autres cocktails mondains, vaille la peine d'être vécue. Elle se languit de trouver un sens à l'existence, et se réjouit lorsque sa mère lui propose de venir avec elle pour une mission de charité: elles vont nourrir des gens qui vivent dans des baraquements insalubres. Lorsqu'elles arrivent chez Maxime Petrov (V. Demert), un homme qui vit seul, Vera est fascinée par l'homme. Lui aussi est fasciné, et bien déterminé à la revoir. De son côté, elle revoit sans cesse cette journée en rêveries, elle est donc décidée à répondre favorablement lorsqu'il l'appelle à l'aide. Mais c'est un piège, elle se rend chez lui, et il la viole. Elle prend un couteau, et le tue avant de s'enfuir. son crime ne sera jamais découvert, mais il va la hanter, à tel point qu'elle va essayer de le confesser à son fiancé, le Prince Doslki'j (A. Ugrjumov). Fou amoureux, celui-ci va pourtant très mal le prendre, que ce soit parce qu'il soit choqué par le meurtre, ou parce qu'il est abasourdi d'apprendre qu'un autre homme a déjà possédé Vera. Celle-ci s'enfuit, et va changer de vie...

C'est l'un des premiers films de Bauer, qui était dans la première année de sa carrière de metteur en scène. Il y montre les écarts entre les classe en ayant recours à un stratagème qui permet sans doute d'éloigner les censeurs: les pauvres y sont représentés comme vivant clairement au crochet des dames qui viennent leur faire la charité, et dans un plan obscur, on voit les faces grimaçantes des hommes et des femmes qui viennent de se voir distribuer la nourriture se moquer des belles dames, sans parler du comportement odieux de Maxime. Mais la cible du film, c'est malgré tout l'aristocratie dans sa superficialité et ses préjugés, à travers la réaction de rejet du Prince à l'annonce du passé trouble de la femme qui l'aime... Et on retrouve le thème omniprésent chez Bauer de l'obsession psychologique, grâce aux nombreuses scènes qui nous montrent Vera en proie au trouble; avant le crime, lorsqu'elle ressent une certaine attirance pour Maxime, et après, lorsque l'homme qu'elle aime lui apparaît comme un autre Maxime... Le film est superbement composé, dans des plans éclairés d'une façon novatrice: au fond, laissant l'action à l'avant-plan plus sombre; une façon de signifier que Bauer s'intéressait au fond des êtres. On n'en douterait pas, à la vision de ses films...

Les ténèbres de l'âme féminine (Yevgueny Bauer, 1913)
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Published by François Massarelli - dans Yevgueny Bauer Russie Muet 1913 *
10 avril 2016 7 10 /04 /avril /2016 09:17

Dans New York, que des centaines d'immigrants rejoignent chaque jour, on découvre un réseau de prostitution, qui est essentiellement consacré à cueillir les nouvelles arrivantes directement à la source, mais pas seulement... Tourné presque en contrebande, réaliste et rempli d'images fortes, ce film est le premier long métrage produit par Universal... à leur insu toutefois. La rocambolesque histoire du tournage de ce film est aujourd'hui bien documentée, en particulier par Kevin Brownlow qui accorde une place de choix à ces six bobines dans son livre Behind the mask of innocence, qui s'intéresse aux tendances sociales, réformatrices et progressistes dans le cinéma muet Américain... Pour faire court, disons que Tucker et le producteur et scénariste du film, Walter McNamara, souhaitaient se lancer dans un film qui dénoncerait les réseaux de prostitution, très actifs à partir des lieux d'immigration, et bien sur en premier lieu à New York, où les ferries venant de Ellis Island débarquaient. La Universal ne souhaitait pas donner suite à un tel film, puisque la spécialité de la compagnie de distribution restait les courts métrages de deux bobines, et les longs métrages n'étaient pas encore l'usage. En tournant directement dans les rues, y compris les lieux réels de l'action, Tucker et son équipe ont fini le film, l'ont monté, et l'ont quand même proposé à Carl Laemmle, qui a bien été obligé d'accepter le cadeau. et inévitablement, le film spectaculaire a fait des petits...

Le film commence par installer une intrigue et ses personnages, et il est frappant de voir le nombre de protagonistes que Tucker et McNamara ont convoqués: l'histoire commence par nous montrer une famille, faites de deux soeurs qui travaillent dans une confiserie. L'aînée, Mary (Jane Gail) est la plus sage des deux, mais Lorna (Ethel Grandin) est pour sa part encore délurée, et par exemple elle est systématiquement en retard. Leur père est un inventeur malchanceux, qui a pourtant perfectionné un système d'enregistrement très fidèle de la voix. Cela va d'ailleurs servir l'intrigue plus tard... On fait également la connaissance de Burke, jeune agent de police interprété par Matt Moore, qui va lui aussi jouer un rôle crucial. C'est le fiancé de Mary, un policier incorruptible. Puis, le film nous amène au plus près du système, nous présentant les "rabatteurs" et leur technique, nous montrant un bordel vu de l'intérieur, sans être trop graphique bien entendu, mais la présence d'une "madame" et de ses filles, certaines pas forcément contentes d'être là, sont on ne peut plus explicites. Enfin, l'intrigue incorpore aussi les images de la vie d'une famille de la bonne société, les Trubus: le père est à la tête d'une association de charité, et s'apprête à marier sa fille avec un riche héritier. ce que ni sa fille Alice ni son épouse ne savent, c'est que 'honorable M. Trubus, sous couvert de charité, est en réalité le patron du réseau de trafic de chair fraîche... C'est à la faveur d'une bavure de son équipe, qui tentait de s'approprier deux jeunes soeurs Suédoises fraîchement débarquées, que la police, et en premier lieu Burke, va commencer à mettre le nez dans les petites affaires de Trubus. Mais il faut faire vite, car Lorna a disparu...

Tucker a privilégié autant qu'il le pouvait des scènes captées en extérieurs réels, dans les rues mêmes de New York, et cette bonne idée porte ses fruits. le film est marqué par un jeu très naturaliste pour l'époque, et par des scènes très physiques: un raid sur le bordel est filmé d'une façon spectaculaire, et la sortie sous caution d'un des bandits arrêtés précipite un mouvement de foule très impressionnant à regarder. Le montage accélère au fur et à mesure de la progression de l'intrigue, et si de nombreux éléments renvoient bien sur au mélodrame, des choix éditoriaux novateur permettent d'éviter tout simplisme dogmatique: oui, la soeur qui va se faire attraper était la plus délurée, mais cette tentation de simplifier selon les codes moraux alors en vigueur est largement contrebalancée par le fait que dans toute cette histoire, c'est toute la bonne société et ses mensonges qui sont pointés du doigt. Tucker ne fait pas dans la dentelle, mais il dénonce malgré tout une Amérique à deux vitesses, qui n'est pas, loin s'en fait, le meilleur des mondes. Il le fait dans un film qui en prime a permis d'établir l'importance du cinéma en tant qu'agitateur d'idées, et bien sur comme lanceur d'alertes. Les conséquences de ce film qui fut un grand succès en même temps que la source de scandales, ne furent pas que cinématographiques. Il est dommage que les films de Tucker n'aient pas tous survécu, et il est dommage aussi que le metteur en scène, considéré avant les anées 20 comme l'un des plus grands, ait été emporté en 1921 par une longue maladie en 1921, à l'âge de 41 ans.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 *
1 mai 2015 5 01 /05 /mai /2015 17:39

Urban Gad et Asta Nielsen ont répondu à la première sollicitation des studios Allemands par l'affirmative, et ce dès 1911. C'est d'ailleurs en Allemagne qu'Asta Nielsen allait devenir la plus importante vedettte des studios Européens des années 10. Ce film est l'un des 30 tournés par la dame entre son arrivée à Berlin et la première guerre mondiale. Le titre ne requiert aucune explication, à condition bien sur de savoir que les Suffragettes étaient ces militantes féminines qui se sont illustrées de la fin du XIXe siècle aux années 20 afin d'obtenir le droit de vote (En France, pays sous-développé, il leur fallut attendre jusqu'aux années 40). Le terme a été à l'origine créé en Grande-Bretagne afin de leur être désagréable, tant la gent masculine était irritée de l'insistance jugée contre-nature de ces militantes. Bien sur, on n'attend pas d'un film Allemand davant 1914 qu'il porte un regard mesuré face à une demande de participer à la démocratie, qu'elle soit effectuée par les femmes ou par les hommes... Asta Nielsen y est donc une jeune femme initiée au combat militant par sa mère, et le nom de l'héroïne, Nelly panburne, est une allusion très claire à Emily Pankhurst, l'une des grandes figures du mouvement en Grande-Bretagne...

La jeune Nelly est élevée par ses parents aisés dans l'attente d'un inévitable mariage de prestige, mais la jeune femme, insouciante et volage, n'est pas très décidée à se laisser faire. Elle a rencontré un homme qui lui plait, et c'est réciproque... mais elle n'en connait pas même le nom. Lord Ascue est en fait un politicien en vue, en lute contre les Suffragettes... Parmi elles, la maman de Nelly est l'une des plus influentes, et elle initie bientôt sa fille. Très zélée, celle-ci fait de la prison, où elle tente une grève de la faim. les autorités pénitentiaires répondent par des brutalités: on la force donc à manger... Quand elle sort, elle est l'héroïne du mouvement, et elle est désignée pour prendre contact avec Lord Ascue afin de lui signifier que des lettres très compromettantes sont tombées dans les mains des militantes. Elle a la surprise de trouver face à elle l'homme dont elle est tombée amoureuse...

D'un côté, le film fait référence à des actions réelles des suffragettes, et à des châtiments qu'elles ont en effet subi. Mais sinon, Gad semble clairement ne même pas devoir prendre parti: la façon dont il nous présente les Suffragettes, à l'exception de Nelly, comme étant de vieilles peaux acariâtres et disgracieuses... La caricature est d'époque, et était généralement partagée par toute la bonne société. Mais plus clairemen encore, on nous montre la mère de Nelly confiant une bombe à sa fille, et l'envoyant en mission, au mépris éventuel de sa vie... Le film s'ingénie à démontrer que si la femme mène le monde, c'est d'abord et avant tout par la séduction, et par la maternité!

Bien sur, on n'attendait pas autre chose, et on sait aujourd'hui que le monde a tourné dans un tout autre sens, heureusement. Mais ce qui est le plus intéressant, ici, c'est bien sur la façon dont Asta Nielsen interprète le personnage de Nelly. Accoutumée à jouer la tragédie avec une certaine grandiloquence, Nielsen choisit ici la retenue, pour interpréter une jeune Anglaise de la bonne société. gad la gratifie même de certains gros plans ou plans rapprochés intéressants. Par ailleurs le film a beaucoup souffert de la censure (Les autorités de Munich en particulier ont peu apprécié la façon don Gad montrait la police intervenir vis-à-vis des femmes en lutte), et il n'en reste que des fragments parfois disjoints, 30% du film ayant disparu.

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Published by François Massarelli - dans Asta Nielsen Muet 1913 Urban Gad *
10 février 2013 7 10 /02 /février /2013 11:09

Thomas Ince, dans les années 10, était l'autre grand producteur et réalisateur de films qui dominait, aux cotés de Griffith. Particulièrement dédié au western, il était un patron imposant et respecté, dont l'importance était d'autant plus grande qu'il était justement jugé comme un égal, c'est à dire un réalisateur au même titre que Griffith, dont les courts métrages étaient certes tournés en indépendance quasi complète, mais qui était lui un employé de la Biograph. Pas Ince, qui était son propre patron, et surtout, qui était producteur avant tout. La confusion s'explique, puisqu'après tout même Griffith n'était pas crédité à la réalisation à la Biograph. Mais les films tournés à 'Inceville' étaient supervisés, produits, parfois réalisés par Ince, mais d'autres, aussi, se partageaient le travail, dont J. Farrell McDonald, Francis Ford (Le grand frère de) ou Reginald Barker. De fait le grand homme ne dédaignait pas (Sans doute pas au point d'un Disney quelques années plus tard, mais pas forcément très loin non plus) de tirer la couverture à lui. quant aux principales raisons pour lesquelles il a été aujourd'hui éclipsé, eh bien, disons que d'une part les films n'ont pas été aussi bien conservés que ceux de la Biograph, et surtout que Ince est décédé (dans des circonstances plus que mystérieuses semble-t-il) en 1924...

 

Ces deux films, des "deux bobines" de 1913, ont pour point commun de traiter de la guerre de sécession, cette guerre civile qui a redéfini pour longtemps un pays entier. En 1913, elle n'est finie que depuis 48 ans, et des vétérans en sont encore vivants, ne l'oubions pas. Et elle est de fait un évènement qui a non seulement été déterminant pour la nation Américaine, mais c'est aussi une source culturelle d'anecdotes, de comportements, de légendes et de codes fascinants. Comment s'étonner que des films y aient été consacrés, si nombreux? Chez Griffith, dès les années 1900, chez Ince aussi, chez Edison... Des tragédies, des films d'aventures, des comédies (Grandma's boy, The general) des épopées (Birth of a nation), des films romantiques (Gone with the wind, bien sur...) et des films plus proches de nous qui remettent le s évènements en perspective en offrant une vision plus réaliste, et moins glorieuse des faits (Ride with the devil). C'est que cette guerre, la première guerre moderne (Tranchées, mais aussi guerre totale: terre, mer et même dans les airs, via des ballons captifs d'observation), durant laquelle un nombre imposant de techniques militaires ont été testées, fit un nombre incroyable de morts de part et d'autre: bref, un traumatisme incontournable. J'ai déja dit ailleurs à quel point la guerre civile était une source primordiale d'histoires pour Griffith, sans parler de son magnus opus qui sent si mauvais, mais chez Ince le conflit passé était là encore un inépuisable creuset, comme en témoignent ces deux films. Courts, mais en deux bobines soit un peu moins d'une demi-heures, ils atteignent leur but sans aucun problème...

 

Drummer of the 8th concerne un jeune garçon qui s'enthousiasme pour un conflit auquel son grand frère va participer. Il décide de fuguer et rejoindre le front pour participer en tant que tambour, mais sera très vite fait prisonnier. Lorsqu'il sévade, plusieurs années après, il prend contact avec sa famille, qui n'a jamais abandonné l'espoir de le retrouver, mais il meurt de ses blessures avant de retourner chez lui, et c'est donc un petit cercueil couvert d'un drapeau de l'union qui est aporté à sa mère. L'héroïsme de pacotille, les sentiments guerriers n'ont finalement mené qu'à un gâchis sévère dans un film intelligent, superbement mené, sans temps mort ni action exégérée. Loin des batailles très lisibles de Griffith, celles du film sont plutôt marquées par une certaine confusion géographique et dramatique qui en sert le propos...

Granddad est un constat poignant: une petite famille vit tranquille, le père, sa fille et le grand-père tendre et un brin alcoolique, un vétéran qui meuble l'essentiel de ses journées entre la boisson et le souvenir de ses exploits guerriers passés. Le père veuf ramène une pimbèche moraliste à la maison qui fait comprendre au grand père que ses manies sont dangereuses pour l'éducation de la petite Mildred, et il choisit de quitter les lieux afin de ne pas se placer entre son fils et sa nouvelle épouse. Lorsqu'un vieil homme manchot se présente au bar que fréquente le vieux grand-père et s'enquiert de ce qu'est devenu cet ancien soldat de l'union qui lui avait sauvé la vie à lui, un confédéré à l'article de la mort, les camarades du héros l'amènent à un hospice pour pauvres ou le vieil homme est en train de se tuer à petit feu en travaillant. C'est le moment qu'a choisi Mildred pour emmener son père le visiter. Cette fin mélodramatique est du plus haut sentimental, mais elle permet de clore le thème du film, à savoir l'importance du souvenir, du sacrifice, de l'héroïsme des vétérans. Le film a l'intelligence de ne prendre aucun parti guerrier, et de montrer à travers le rescapé sudiste qui cherche son bienfaiteur nordiste, que la réconciliation a bien eu lieu. Je ne suis pas sur que les noirs de l'Alabama le voyaient du même oeil en 1913, mais ne nous perdons pas dans des digressions: là encore, le film est riche, superbe, bien joué, et passionnant.

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Published by François Massarelli - dans Muet Thomas Ince 1913 *
15 décembre 2012 6 15 /12 /décembre /2012 17:49

Ce film, le deuxième du nom, fait partie des balbutiements du long métrage, avec ses six bobines. On sent à la vision de ce sombre drame ce qui a pu influencer Griffith au moment de faire Intolerance: une utilisation efficace de l'espace et de la profondeur de champ, une certaine lisibilité tant au niveau de l'action que des personnages (Avec des codes vestimentaires en particulier), et un certain sens du raccourci spectaculaire. En prime, le metteur en scène y a probablement puisé la façon d'entremêler l'histoire et l'anecdote...

 

Les derniers jours de Pompei conte les aventures d'un groupe de personnages à la merci d'un fourbe Egyptien, Arbace, grand prêtre du temple d'Isis à Pompei, peu de temps avant l'éruption fatale. Parce qu'une femme qu'il aime a été séduite par le beau Glaucus, Arbace va user de stratagèmes et de ruses toutes plus méchantes les unes que les autres, et profiter honteusement de la faiblesse de Nidia, la belle esclave aveugle que Glaucus a sauvé, mais dont l'amour qu'elle a pour son nouveau maitre n'est pas payé de retour...

 

L'interprétation n'est pas encore à la hauteur, et si parfois le sens du détail pousse Caserini à des positions de caméra plus audacieuses (En se rapprochant un peu de l'action notamment), le découpage privilégie encore des "tableaux". Mais la façon dont l'intrigue avance et se déploie sur 90 minutes, et l'arrivée spectaculaire de deux "clous", les jeux du cirque d'une part et l'inévitable éruption du Vésuve d'autre part, méritent le coup d'oeil. Pour résumer, après tout, ce film porte en gemre , par le biais de l'admiration que portera le maitre David Wark Griffith pour ces premiers longs métrages Italiens (Quo vadis et Cabiria en plus de celui-ci), tout un pan glorieux de l'histoire du cinéma.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 *
21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 16:44

Avec la S.C.A.G.L., Capellani se lance dans l'adaptation fleuve de grands classiques, ses deux principales sources étant Zola et Hugo. Germinal, contemporain de Judith of Bethulia de Griffith (environ 60 minutes), et du premier Fantômas de Feuillade (55 minutes), totalise 2h28, et propose un spectacle peu banal... Aussi enthousiasmant aujourd'hui qu'il y a 98 ans.

Licencié de l'usine qui l'employait parce que son bon coeur l'a poussé à défendre un camarade viré avant lui, Etienne Lantier (Henry Krauss) trouve un travail à la mine. Il tombe vite amoureux d'une femme, Catherine (Sylvie), la fille de l'homme qui l'a hébergé. Elle est promise à un autre, Chaval (Jean Jacquinet), et la rivalité entre les deux hommes va faire de sérieuses étincelles, tout comme les dégradations des relations entre les patrons et les ouvriers. Vite reconnu comme un leader syndical, Lantier se trouve au centre des passions...

Le naturalisme de l'interprétation et des décors, le sens de la composition du metteur en scène font merveille. Capellani, qui a vocation à illustrer le roman dans un premier temps, utilise les intertitres comme des en-têtes de chapitre: "Où Lantier découvre la raison de l'hostilité de Chaval", un peu comme Griffith annonçait l'action par les titres avant de la montrer. A une époque ou le gros plan, le montage serré deviennent des options qui font encore polémiques, Capellani fonctionne encore sur le principe des tableaux. Il en tire deux avantages: d'une part, le cadre est composé en fonction des séquences, avec un talent pour trouver l'angle parfait, et une utilisation de l'espace pensée en fonction de l'ensemble de la séquence; la profondeur de champ est utilisée aussi, notamment dans les scènes de réunions syndicales, ou les scènes dans les bars, restaurants, les intérieurs. d'autre part, les acteurs jouent l'ensemble de chaque scène, généralement avec retenue, même si par exemple Jean Jacquinet en fait parfois trop.

Les scènes anthologiques dépassent le cadre des tableaux, je pense en particulier à la première descente dans la mine, illuminée par une révélation: ce jeune mineur, qui vient de dénouer une imposante chevelure, est donc une femme... L'idylle entre Lantier et Catherine vient de commencer, elle se terminera tragiquement en écho de cette jolie scène: lorsque le corps de la jeune femme sera remonté, seuls dépasseront de la couverture, son bras et la masse de ses cheveux...

La scène de la fusillade, qui voit le monde simpliste de la lutte des classes exploser, lorsque les militaires tirent sur la foule des grévistes et que la fiancée du patron tombe victime des balles, est préparée lentement par une montée de la tension. Capellani nous montre les préparatifs, l'arrivée des bataillons, les ouvriers qui contiennent leur colère... On sait que le drame est inéluctable.

Maintenir la tension pendant 2h28, nous rendre témoins et complices d'une histoire déjà rendue immortelle par la littérature, relayer sans restriction le cri d'indignation d'Emile Zola, et pouvoir le faire encore presque un siècle plus tard... sacré cahier des charges! Sacré film, aussi.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 Albert Capellani *
3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 08:31

Le premier long métrage de Griffith, sorti en 1914, est une oeuvre hybride, qui se rattache autant à l’ensemble de courts métrages (il a été réalisé sous l’égide de la Biograph) qu’aux longs qui suivront. Il est cru, mineur, mais aussi fascinant par les quelques promesses qu’il contient, annonçant par certains côtés (la tentation de l’histoire, le film en costumes, la bible détournée, les ingrédients pour appâter le client) Intolerance

Judith (Blanche Sweet), de la ville assiégée de Béthulie, se sacrifie en séduisant Holopherne (Henry B. Walthall), le prince commandant l’armée menaçante qui prive sa ville de liberté. Elle cherche à le tuer, mais tombe amoureuse de lui et hésite désormais à faire ce pourquoi elle est venue. Parallèlement, on assiste aux efforts de Nathan (Bobby Harron) pour récupérer sa bien aimée (Mae Marsh), prisonnière des armées d’Holopherne.

 

Les deux histoires sont plus ou moins liées par l’exposition, mais on sent bien le désir d’expansion, qui a poussé Griffith à aller au-delà de l’anecdote de Judith: son but est clairement d’aller au-delà de ses deux bobines habituelles. Il a décidé de montrer à la Biograph de quel bois il se chauffe. Il est permis de se demander dans quelle mesure le réalisateur avait vraiment envie de raconter cette histoire… Avec des films comme Enoch Arden, The battle of Elderbush Gulch, il a été motivé sans doute par la possibilité d’extension contenue dans le scénario, et c’est précisément l’un des ingrédients qui l’ont motive dans cette histoire biblique, mais pas le seul… après tout, il y a aussi l’influence maintes fois proclamée par Griffith des films d’art français et des films Italiens, dont le décorum proche du péplum se sent dans ce film. Néanmoins, on est ici au-delà de l’anecdotique démonstration de force des bateleurs-cinématographes d’Italie, et du coté m’as-tu-vu des films Français. Même ampoulée et maladroite, l’histoire est malgré tout centrée sur un personnage et son dilemme, qui parle d’amour, mais aussi de désir.

 

A ce sujet, les efforts de Griffith pour aborder l’érotisme, le grand absent de ses courts métrages Biograph, sont touchants. On sait que les Italiens, les allemands, les Danois et même les Français ne se privaient pas, mais ici, il dépêche à plusieurs reprises des danseuses qui ne sont pas que lascives : elles sont aussi ridicules. Par contre, Blanche Sweet a plusieurs robes un peu suggestives, et nous fait comprendre que son attirance pour Holopherne n’est pas que spirituelle. Un autre point sur lequel il expérimente, c’est le domaine de la violence, et c’est là que se situe le plus intéressant effort de mise en scène : la décapitation d’Holopherne, traitée de main de maître; mais il me semble qu’il demande directement au spectateur ceci: vous croyez que je vais vous le montrer ? Il utilise pourtant une ellipse splendide, et a une autre idée, dans la même séquence : afin de se donner du courage, Judith se représente ses amis morts, tous par la faute de l’homme qu’elle aime. Elle va pouvoir accomplir son acte, et rentrer, la tête haute et le cœur brisé. C’est dire si le film prend de la hauteur. Néanmoins, le sujet parait forcé, clairement, Griffith, comme avec The battle of Elderbush Gulch, se cherche, et il est probable qu’il ne se trouvera qu’avec son Birth of a nation, chef d'oeuvre de sinistre mémoire. Hélas…

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith Muet 1913 Lillian Gish *
12 janvier 2011 3 12 /01 /janvier /2011 11:36

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Encore un grand nom du cinéma qui n’a pas suffisamment sa place, Maurice Tourneur n’est pas que le metteur en scène de Volpone, Justin de Marseille ou du splendide La Main du diable. Il est aussi l’un des plus importants cinéastes du muet Américain, tout simplement. Je vais donc me livrer à un (petit) tour d’horizon de son oeuvre muette. Mais d’abord, je vous renvoie à un document essentiel, qui me semble approprié pour deux raisons : il y est question de Kevin Brownlow et il provient de DVDclassik .

http://www.dvdclassik.com/Critiques/int ... part-2.htm


Né MauriceThomas à Belleville en 1876, Tourneur devient vite un « artiste » : peintre et dessinateur, il sera assez rapidement décorateur, passant de l’illustration de classiques de la littérature à la décoration de théâtre, deux univers qui auront une influence capitale sur son œuvre future. Il devient aussi acteur, et va se retrouver embauché par Antoine, avant de jouer et mettre en scène aux cotés (selon Jean Mitry) de Emile Chautard, Léonce Perret et Henry Roussel. Tous les quatre vont se diriger vers le cinéma : Perret va devenir un acteur et metteur en scène renommé chez Gaumont à partir de 1910, Chautard va être engagé à l’Eclair, ou il prendra Tourneur comme assistant ; Roussel va souvent jouer pour Tourneur, et deviendra à son tour metteur en scène de cinéma plus tard. Tourneur, donc, devient metteur en scène en 1912.

A l’éclair

Chautard parti aux Etats-Unis (Il reviendra), Victorin Jasset se concentrant sur les serials de l’Eclair, Tourneur devient en 1912 le principal metteur en scène des mélodrames et comédies de l’Eclair. Beaucoup de ses films réalisés en 1912, 1913, et 1914 ont disparu, et certains n’ont laissé aucune trace, pas même de nom. Gaumont et Pathé avaient une meilleure gestion de leur patrimoine, et puis l’Eclair n’a pas survécu à la guerre… Quant à nous, pauvre public, tout au plus peut-on se fier… au cinéma de minuit, qui a diffusé deux films en 1997 (Le Friquet et Les gaîtés de l’escadron) puis deux autres il y a un an (La bergère d’Ivry et Figures de cire). Ils sont tous très intéressants, mais ils posent des problèmes filmographiques de datation (Ce dont tout le monde sauf moi sans doute se fout éperdument) : le Friquet est daté de 1912 par Jean Mitry, qui en fait le premier film de son auteur ; la Cinémathèque Française le date de 1913. A la faveur d’une sortie Américaine sans doute (Il y avait une branche Eclair à Fort Lee), l’IMDB le situe en 1914. Figures de cire oscille aussi entre 1913 et 1914 selon les sources… Certains de ces films ont été programmés lors d’une rétrospective Eclair à la CF en 2007 :

http://www.cinematheque.fr/fr/projectio ... ,3636.html


Le friquet (1913 ?) d’après Gyp et Willy raconte le destin tragique d’une jeune trapéziste (Polaire)trouvée par un clown lorsqu’elle était un bébé, qui doit être recueillie par un noble (Roussel) parce qu’elle est constamment en butte aux vexations du patron du cirque. Lorsque le comte s’intéresse à une autre femme qu’elle, la jeune trapéziste retourne au cirque ou elle devient célèbre. C’est la que se noue le drame… Le film , dans la copie diffusée au cinéma de minuit il y a 13 ans, est incomplet, totalisant 22 minutes à 25 images/secondes. Les intertitres ayant disparu, ils ont été remplacés par des indications souvent redondantes, mais bien dans le style de l’époque. L’intrigue va très vite, trop vite d’ailleurs, finissant par ressembler à une bande-annonce. Mais l’intérêt de la mise en scène reste entier : ce n’est pas dans le montage (Bien que Tourneur découpe plus que le Feuillade contemporain ou que son ami Perret) mais dans le plan que la qualité saute aux yeux : le dessinateur-décorateur Tourneur a un sens de la composition exemplaire, le jeu des acteurs est réduit à l’essentiel, et la photo est splendide. Une mélancolie sournoise se fait jour dans tous les plans. On peut toujours se demander ce qui manque, mais quelques indices me font penser qu’il y a peut être eu censure : D’une part aucune trace de décomposition n’est visible, alors qu’il manque des plans entiers ; ils ont donc été sélectionnés pour disparaitre ; d’autre part, lors du dernier acte, la présence insistante d’une bouteille dans le champ de loge de l’héroïne pourrait expliquer bien des choses, sans que ce détail soit exploité dans la copie. Un moment émouvant : lors d’une contreplongée lors d’une scène de cirque, on aperçoit au-dessus de Polaire la verrière du studio Eclair…

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La bergère d’Ivry (1912) est un autre mélo, tout aussi beau à voir (D’autant que la copie proposée au cinéma de minuit était fort joliment teintée), et cette fois le film, à 29 minutes, est complet. On y conte l’histoire d’Aimée, une autre pauvre orpheline recueillie, qui se trouve au milieu d’une intrigue adultérine dont elle riqsque de faire les frais. Elle se sacrifie en endossant la faute de sa bienfaitrice, mais est rachetée au dernier moment par une pirouette ; Le film présente les mêmes qualités de clarté, de jeu et de composition que le précédent, mais on y voit une plus grande cohérence : Le friquet présente beaucoup de tableaux, La bergère d’Ivry développe plus de scènes ; l’une d’entre elles joue sur un suspense formidable : rejetée par son fiancé, auquel elle a donné un couteau pour la tuer en cas d’infidélité, l’héroïne songe à se jeter dans un étang, dont elle s’approche. Tourneur alterne ses plans entre sa bergère et les autres protagonistes afin d’impliquer joliment son spectateur : ca marche !!

Figures de cire (1913?) est un conte grand-guignolesque, fort timide dans sa réalisation, mais dans lequel Tourneur utilise les ombres et l’obscurité avec déjà un goût certain, et encore une fois, le jeu est économe, malgré une introduction /présentation des acteurs dans laquelle les trois protagonistes en font au contraire des tonnes (Voir les débuts de La dixième Symphonie et J’accuse de Gance, c’est à peu près le même esprit). Bien sur, il est facile de se jeter comme l’a fait notre Patrick Brion sur ce film pour en faire une esquisse des ambiances de La main du diable. Mais c’est surtout une trace ancienne des développements picturaux particuliers que Tourneur explorera aux Etats-Unis.

Les gaîtés de l’escadron (1913) est plus connu. Le film a été diffusé en 1997, en complément de la version parlante réalisée par Tourneur avec Raimu, et à mon avis le muet est bien meilleur, plus court (3 bobines), moins riche en numéros d’acteurs (Admettons que ces acteurs, étant Raimu, Charpin, Fernandel, Gabin et roussel, méritent qu’on le voie quand même.). il nous conte bien sur les mésaventure, imaginées et compilées par Courteline dans sa pièce, de troufions et de leur supérieur, mais sans jamais se vautrer dans la vulgarité. Les personnages sont clairement définis, et la réalisation très soignées, sans jamais céder au simplisme du carton-pâte. De plus, ce film est sidérant par la subtilité de son humour. Si vous ne me croyez pas, regardez n’importe quel film burlesque Français de 1913, et comparez.

Voilà ce que j’ai pu voir de la carrière muette Française de Maurice Tourneur. Ce ne sont pas ses chefs-d’œuvre, mais il y a là suffisamment de qualités pour faire de ce monsieur l’un des grands noms du cinéma à venir. S’il faut comparer Tourneur, c’est sans doute à Perret : l’un comme l’autre favorisent le plan et tout ce que celui-ci peut raconter, et aiment à jouer sur la profondeur de champ. Enfin, Perret est réputé pour son utilisation de l’ombre et de la lumière, effectivement remarquable dans certaines séquences du Mystère des roches de Kador (1912). Tourneur se fera lui aussi une spécialité des prouesses picturales d’ici quelques années… En 1914 , il part à Fort Lee (New Jersey) pour superviser la production Eclair Américaine. Il ne reviendra pas avant la fin de la décennie suivante.

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Published by François Massarelli - dans Maurice Tourneur Muet 1912 1913