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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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26 juin 2024 3 26 /06 /juin /2024 21:38

Pendant la Crise de 1929, Aaron Kurlander (Jesse Bradford) est un adolescent rêveur et débrouillard... Qui vit avec ses parents (des immigrés Allemands) et son frère (Cameron Boyd) dans un hôtel où tous les jours, ils ont peur de croiser quelqu'un qui va leur demander de s'acquitter de leur loyer. Personne ne le sait parmi les professeurs des enfants, ou leurs camarades... Mr Kurlander (Jeroen Krabbe) cherche du travail, et MmeKurlander est très malade: Sullivan, le petit frère d'Aaron, va devoir quitter la chambre pour aller vivre avec son oncle...

C'est le troisième film de Steven Soderbergh, et le premier fait pour un studio (Gramercy, branche "expérimentale" de universal). A mi-chemin entre une évocation douce-amère de la crise (St Louis, 1933) et le roman initiatique, cette histoire de grand garçon qui se fait tout seul, livré à lui-même dans la misère de l'après 1929, et qui par la force de son imagination et de son caractère, à survivre contre vents et marées, est souvent irrésistible. Le fameux, proverbial et bien entendu tout ce qu'il y a de fictif "vert paradis" de l'enfance laisse place ici à la peur du lendemain, la tuberculose, la séparation d'une famille, et les conséquences de la stratification sociale, et des stigmates inévitables dans la société Américaine de 1929...

Il y a probablement eu une attraction du réalisateur pour le fait de recréer une époque, comme avec Kafka, et comme il le ferait dans d'autres films à des degrés divers, mais ici l'illusion passe par un choix raisonné et économique de lieux, de costumes et d'attitudes, sans parler des obsessions de l'époque: Lindbergh, mais aussi et surtout la crise de 1929, les bidonvilles et la débrouille... Les acteurs sont tous excellents, et en premier les jeunes: Jesse Bradford qui joue Aaron est très solide, et Amber Benson, l'une de ses voisines, est déjà très impressionnante...

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh Criterion
8 juin 2019 6 08 /06 /juin /2019 09:35

Sawyer Valentini (Claire Foy) est une jeune femme dynamique;, amoureuse de son travail, sans aucun doute extrêmement individualiste et farouchement indépendante: une battante, certes. Mais une battante qui sait qu'elle a un problème... Elle a quitté Boston pour partir s'enterrer ailleurs, pour fuir un fou furieux, qui a décidé qu'elle lui appartenait, et qu'elle croit dangereux. Et lors d'un contrôle de routine auprès d'une conseillère-psychologue, Sawyer se voit tout à coup empêchée de rentrer chez elle, et va désormais vivre dans une institution psychiatrique, où elle n'a jamais désiré mettre les pieds, et qui l'empêche de sortir. Plus grave, parmi les soignants, elle a reconnu son ennemi de Boston...

Comme dans The Snake Pit de Anatole Litvak, ce film est une plongée au quotidien dans l'univers de la psychiatrie, menée avec des flash-backs nombreux et qui structurent le film... mais très vite les questions affleurent: l'univers "sain" de Sawyer n'est pas logique, on a le sentiment, très vite, d'y déceler plusieurs univers possibles. Soderbergh nous montre en effet des indices de perturbation réelle de l'héroïne, et le fait dès le départ, dès la première scène. Les séquences de l'institution semblent d'ailleurs continuer ce procédé, et donner à voir de nombreuses possibilités de développement. Pour ne pas tout révéler, dans certaines possibilités, Sawyer est, effectivement, séquestrée sciemment. Dans d'autres, elle est effectivement confrontée à son "stalker"... La question qu'il fait se poser devant le film, qui triche en permanence bien sûr, c'est dans quelle mesure il est possible que tout ce qui arrive à Sawyer (son infernal problème avec un fou dangereux, son burn-out, mais aussi sa séquestration et bien sûr etc) soit en fait combiné, partiellement vrai... ou pas du tout.

Soderbergh joue avec notre perception dans un film qui est surtout là pour ajouter une nouvelle réflexion sur le pouvoir de la mise en scène, celle du réalisateur autant que des personnages. Elle est intéressante. Mais il souhaitait aussi retourner au thriller avec une contrainte simple: filmer avec la plus petite équipe possible: Peter Andrews, l'authentique double du cinéaste, a en effet tourné avec un portable... Il en résulte un film délibérément direct, un tournage qui se joue de la contrainte, et un art de la mystification qui impressionne. Le film aussi, mais une fois de plus c'est par la capacité à se fondre dans les codes d'un genre, les subvertir, jouer avec le public et le retourner comme une crêpe que Soderbergh épate. C'est un peu gratuit? Ca oui. Je terminerai quand même par dire à quel point Claire Foy est excellente, et ce n'était pas facile: elle est l'une des nombreuses qualités de ce film étrange, profondément inutile, mais qui est une nouvelle déclaration d'amour au cinéma et à sa capacité à expérimenter.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh
19 juillet 2018 4 19 /07 /juillet /2018 09:21

La première question que je me pose, c'est "mais qui donc est Rebecca Blunt?"... La scénariste du film, en effet, est une inconnue, supposée être une amie du couple Soderbergh, et qui aurait proposé un scénario au metteur en scène à l'époque de sa retraite volontaire (Qui est désormais du passé, et je m'en réjouis), afin qu'il lui conseille un metteur en scène. Selon Soderbergh lui-même, le film lui est apparu comme un évidence, et il s'est mis en route. Ajoutant donc sans nul doute Rebecca Blunt à la liste de ses collaborateurs fréquents, comme Peter Andrews (une fois de plus chef opérateur sur ce film) et Mary-Ann Bernard (Monteuse favorite de Soderbergh en encore à la manoeuvre). Donc qui qu'elle soit, bienvenue à elle!

Les Logan sont une famille de Virginie Occidentale, des gens bien modestes: Clyde, le jeune frère (Adam Driver) a été en Irak, où il a perdu sa main gauche, et un peu de son acuité intellectuelle; Mellie (Riley Keough) est coiffeuse et se débrouille; enfin Jimmy (Channing Tatum) vit de petits boulots occasionnels, a une fille adorable d'un mariage raté. Un jour, Jimmy est viré de son travail, et n'attend pas avant de se lancer dans un projet de casse. Ce n'est pas son premier projet, mais c'est le premier qu'il va essayer de vraiment faire aboutir, et pour le mener à bien, Jimmy, Clyde et Mellie ont besoin d'un certain nombre de personnes: parmi elles, les frères Bang, dont l'ainé, Joe (Daniel Craig) est en prison. Le casse est organisé avec des bouts de ficelle, et se déroule dans les coulisses d'une compétition sportive...

On pense à Ocean's eleven, bien sûr (Et Soderbergh y a pensé lui aussi, y faisant même allusion dans le film), mais inversé: là où d'authentiques experts de la bricole, dotés de moyens conséquents, et ayant longuement répété chaque détail de leur casse, opéraient à Las vegas, les Logan n'ont pas grand chose... Et ils sont complétés par des petites gens, Sudistes jusqu'au bout des ongles, qui n'ont pas grand chose à leur apporter, sinon parfois leur naïveté et cet accent fabuleux.

Tout en préservant l'identité de son cinéma (le film est constamment axé sur la mise en scène du casse par Jimmy lui-même, parfois au détriment de ses complices, et toujours à l'inverse du public: toutes les séquences fonctionnent sur le principe de montrer des actions énigmatiques, qui ne seront expliquées qu'avec un temps de retard, comme d'ailleurs le casse lui-même... ), on a parfois le sentiment que Soderbergh s'aventure ici sur un terrain qui serait plutôt celui des frères Coen: une histoire plus sudiste qu'il est permis, située à l'orée des Blue Ridge Mountains, avec des pauvres petits blancs paumés, dotés d'un accent tellement gros qu'on jurerait une caricature... Sauf que la tendresse pour les personnages de Robin Hood servis par eux-mêmes est plus que palpable, et que la caricature n'excède jamais les limites de la décence. Et si c'est un petit retour pour Soderbergh, il n'empêche: il m'avait manqué.

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh Comédie
21 juillet 2017 5 21 /07 /juillet /2017 16:58

L'étape souvent la plus difficile dans le monde du cinéma d'après la chute des studios, c'est probablement le deuxième film. A plus forte raison quand le premier a eu un certain retentissement, et c'était vraiment le cas pour Sex, lies and videotape! Soderbergh a choisi d'en prendre le contre-pied en rendant hommage à Kafka et à une certaine idée du cinéma Allemand. C'est un naufrage...

Tout de suite je vais le dire parce que ça m'énerve au plus haut point: chez certains critiques, en fait la majorité d'entre eux, le raccourci est de mise pour tout ce qui est tellement loin de nous qu'on fait confiance aux braves gens du public pour ne pas s'en approcher: et du coup c'est tout le cinéma Allemand voire Germanique d'avant Hitler qui devient "expressionniste"... Allez voir les critiques de ce film sur internet, ça ne loupera pas: "hommage au cinéma expressionniste"! Mais bon... Soderbergh sait que Kafka n'était pas qu'un gratte-papier qui avait essayé de transcender sa vie en écrivant, il était aussi un fou de cinéma, et a beaucoup écrit à ce sujet. L'idée derrière ce film, c'était donc de montrer un Kafka qui aurait vécu des aventures étrange, et de le montrer dans un noir et blanc nocturne et poisseux comme dans un film d'horreur à l'ancienne.

Il faut beaucoup de courage pour s'accrocher à cette intrigue vaseuse de fonctionnaires qui disparaissent, capturé par un certain Dr Murnau (Sic) qui les trépane parce qu'ils en savent trop sur l'organisation secrète qui contrôle la ville de Prague... Sans rire. Quoique... Le film est aussi sensé être une comédie.

Alors Soderbergh pousse Jeremy Irons (Kafka) à accomplir quelques molles cascades, et son personnage n'a rien pour qu'on ait envie de le suivre non plus. le mystère est mou, le suspense étiolé, et l'idée de passer, le temps d'une bobine, du noir et blanc à la couleur, ne donne rien de bien extravagant? C'est un ratage, le public n'a d'ailleurs pas suivi... On ne se demande pas pourquoi.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh
21 juillet 2017 5 21 /07 /juillet /2017 10:56

Ce film court est en réalité le deuxième segment d'une anthologie intitulée Eros. Vous ne l'avez pas vu? C'est normal, le film n'a pas eu la moindre promotion et les réalisateurs se sont empressés de l'oublier. Sauf un, qui est mort (celui des trois auquel je ne concède pas un gramme de talent, en fait).

Comment dire? Equilibrium est plutôt de la veine expérimentale de Soderbergh, celle avec laquelle depuis tant d'années il nous dit qu'il fait ce qu'il veut, comme il veut,quand il veut. Et à cette époque, il lui suffit encore de claquer le petit doigt pour reformer la clique Ocean, donc on lui fiche assez généralement la paix. Et le bougre est particulièrement efficace et économique... mais cette veine-là (Full frontal, Bubble, The Good German, The girlfriend experience) reste quand même sérieusement problématique, et ce petit exercice d'Equilibre ne fait absolument pas exception.

L'économie se retrouve d'abord dans l'interprétation: trois acteurs, pour cinq personnages. En 1955, un publicitaire (Robert Downey Junior) consulte un psy (Allan Arkin) pour essayer de trouver la clé de son stress, qui l'empêche en particulier de trouver le slogan idéal pour un radio-réveil le tenant en échec depuis quelque temps. La conversation dérive bientôt de l'obsession du patient pour la moumoute de son collaborateur Hal, à un rêve érotique récurrent qui le met dans tous ses états: il s'y trouve toujours avec une très belle femme (Ele Keats) qu'il ne connait pas, dans une chambre d'hôtel...

Pendant ce temps, le psy fait tout pour donner l'illusion à son client qu'il s'occupe de lui, alors qu'il est plutôt occupé à capter l'attention d'une personne qui vit dans un immeuble voisin, et lui fixer un rendez-vous. a la fin de l'entrevue, le publicitaire va mieux, a même trouvé un slogan, et on assiste à son réveil... aux côtés de son épouse: c'est la belle femme du rêve. Le film se termine sur une scène à son travail, située dans le même décor que la séance, et en compagnie de son collègue Hal: C'est le psy.

C'était un rêve? Ce n'en était pas un? On s'en fout, ce genre de pirouette étant le plus souvent destiné essentiellement à mettre une chute à une histoire... C'est exactement sa fonction dans ce film en forme d'énigme burlesque, dont le principal atout est sans doute le numéro de décalage d'Allan Arkin, qui joue de sa voix et de son corps avec génie pour incarner un psy hypocrite qui a autre chose à faire que d'écouter. Pour le reste, c'est longuet, on n'a pas forcément envie de suivre Bob Downey dans cette auto-analyse un peu vaine de l'homo Americanus 1955. Et Soderbergh et l'érotisme, c'est toujours un peu délicat: il se force à adopter des codes très, comment dire, Pirelli 1955 dans sa séquence de rêve. Et il reviendra à des tentatives érotiques froides et déstabilisantes dans d'autres films expérimentaux (The Good German, The girlfriend experience) sans grand succès. Mais on pourra au moins noter un jeu de couleurs très intéressant... La séquence de rêve initiale est en couleur, dominée par le bleu. La séance est en noir et blanc, et l'épilogue est en couleurs atténuées tirant vers le beige...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Steven Soderbergh
19 juillet 2017 3 19 /07 /juillet /2017 17:17

Le film se passe dans un futur indéterminé; le Dr Chris Kelvin (George Clooney), un psychologue, survit au suicide de son épouse. Il reçoit un appel à l'aide émanant d'une station, en orbite autour de la planète (Ou du phénomène) Solaris. Son ami, le commandant Gibarian lui prie instamment de venir se rendre compte des problèmes par lui-même, et ajoute mystérieusement que Kelvin y trouvera aussi son compte. Mais quand il arrive, Gibarian (Ulrich Tukur) est décédé: il s'est suicidé. Ne restent que Snow (Jeremy Davies), un informaticien manifestement secoué, et Gordon (Viola Davis), le médecin de la station: celle-ci s'est barricadée dans sa chambre... Pendant la nuit, Kelvin a une "visite", celle de Rheya (Natascha McElhone), son épouse décédée: elle est bien réelle... Kelvin comprend que le problème qui a emporté son ami Gibarian est lié à un phénomène d'apparition de copies d'êtres humains liées affectivement aux résidents de la station...

Produit par James Cameron, ce film a essuyé beaucoup de critiques, étant le remake d'un autre Solaris, celui de Andreï Tarkovski. Mais le scénario de Soderbergh s'est directement inspiré du roman de Stanislaw Lem, sans trop aller du côté du film, avec lequel les différences sont nombreuses. Pour commencer, Soderbergh (qui est plus que jamais l'auteur complet du film, en ayant rédigé le script, tourné avec la double casquette de chef opérateur et réalisateur, et par dessus le marché effectué le montage!) a délibérément resserré l'intrigue à 98 mn par opposition à Tarkovski qui avait étiré son Solaris sur 3 heures... Et là ou Tarkovski laissait aller son inspiration vers une sorte de SF bucolique, Soderbergh choisit de retourner l'intrigue vers les codes graphiques de la science-fiction spatiale: vaisseau, modules, oxygène, les codes sont tous là. 

Pour moi, le film est finalement plus sous l'inspiration de Kubrick et Resnais, que de Tarkovski, achevant de détacher ce film de l'influence de la première version. Le rythme volontairement très lent du film (Réminiscence de la SF "adulte" de 2001), et sa chronologie inattendue, ses chevauchements de périodes (en particulier au début du film, qui renvoie à l'expérience de Resnais sur son film de 1968 Je t'aime je t'aime, dans lequel il a délibérément découpé son intrigue en petits bouts de moins d'une minute), sont particulièrement déroutants: ils ont d'ailleurs poussé une bonne partie du public à rester chez eux.

Et ils ont bien tort: ce film se mérite, certes, mais il est une réflexion riche, et jamais close, sur l'humain: la culpabilité d'un homme face à sa responsabilité dans la décision de son épouse de se tuer, le regret d'un homme d'avoir abandonné sa famille pour une carrière qui prend toute la place, et des problèmes non-résolus quant à un rapport fraternel qui est parti en eau de boudin: les humains de la station ont tous une "entité" qui est venue à eux de leur psyché, de leurs rêves, de leurs regrets.

Les "entités", c'est entendu, ne sont pas humaines, mais elle sont réelles... Et se pose la question aussi de la responsabilité de ceux qui les reçoivent face à ces apparitions: Kelvin incrédule fait fuir la sienne, avant de succomber au bonheur que lui procure le "retour" de Rheya... Tout en reconnaissant d'un point de vue scientifique qu'elle ne peut rien avoir d'humain. Gordon, quant à elle, a une vision plus dramatique: elle pense que la seule façon de faire triompher l'humanité est de détruire ces "entités". Quant à Snow, on apprend qu'il a reçu son frère décédé, et que... celui-ci l'a tué: car l'informaticien n'est que son reflet. Jeremy Davies, au passage, est sans doute la grande révélation de ce film, avec son interprétation en mode bi-polaire, lancé en permanence dans une conversation avec lui-même.

Mais au fur et à mesure de l'intrigue, la station se rapproche inlassablement de Solaris, précipitant manifestement d'autres décrochages de chronologie, dans un développement excitant par son côté énigmatique. Et au final, on quitte ce film avec plusieurs questions, plusieurs possibilités: et si Solaris était une divinité? Si c'était la mort? Kelvin, lui ne se pose plus la question, car d'une certaine manière il y a trouvé ce qu'il ne savait même pas qu'il cherchait.

De par son ouverture permanente, et l'ensemble des éléments qui peuvent stimuler l'esprit, ce film est une vraie merveille, l'un des meilleurs films de Soderbergh en tout cas, et une sacrée cause perdue! 

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh George Clooney
15 juillet 2017 6 15 /07 /juillet /2017 09:56

 

Quelques mauvaises langues ont bien du essayer de juger ce film sous l'angle de ce qu'on appelle péjorativement un rôle à Oscar, ce genre de performance placée sous les angles conjoints de l'extrême émotion et du consensus le plus sage. On peut toujours se demander, en 1999-2000, pourquoi Steven Soderbergh, cinéaste expérimental et touche-à-tout a bien pu s'atteler à un tel film, grand public par excellence... Et le résultat lui donne totalement raison. Commercialement, d'abord, Erin Brockovich a été l'un des gros succès de l'année. Mais artistiquement, comme d'habitude, le metteur en scène de Ocean's 11 et Schizopolis, pour prendre les deux extrêmes de sa carrière, y a pleinement trouvé son compte...

En Californie, à la lisière du désert, Erin Brockovich (Julia Roberts) est une maman de trois enfants qui ne parvient pas à trouver du travail. Il faut dire qu'elle est jeune, deux fois divorcée, et que l'éducation de ses deux filles et un garçon a pris tout son temps, donc... toutes ses tentatives s'avèrent des échecs. Un accident de voiture va avoir des conséquences inattendues: elle est aidée dans les démarches judiciaires pour obtenir réparation par un avocat, Ed Masry (Albert Finney), qui ne parvient pas à tempérer le tempérament volcanique de la belle, et elle est déboutée. Seule solution pour elle, trouver un boulot avec son manque absolu de qualifications, le plus vite possible...

...Elle se rend donc au cabinet d'Ed Masry, et l'oblige quasiment à l'embaucher.

C'est dans le contexte très système D, pré-informatique (les dossiers sont des boîtes de carton! des vraies!) du cabinet d'avocats, qu'Erin va se révéler; engagée à trier des dossiers, elle va tomber sur des questions, des vraies: en particulier, elle va déterrer une affaire de la population d'une localité lentement empoisonnée via l'eau courante par une compagnie multimilliardaire avec le pouvoir de faire taire tous les avocats de la terre. Erin Brockovich part donc en croisade.

Julia Roberts n'a rien de glamour ici, habillée en jupes ultra-courtes, bustiers très serrés, et décolletés plongeants, comme elle le dit et l'assume elle-même "I look nice!". Elle n'a pas non plus sa langue dans sa poche, et se défend en dépit de son manque total de connaissance officielle du droit et des lois, elle représente donc le triomphe du bon sens sur la paperasse. Et c'est là que le film, certes consensuel, et disons marqué d'un volontarisme vaguement de gauche, prend tout son sel, justement: Erin Brockovich est une héroïne, une vraie, une personne qu'on a envie de suivre! et on la suit, et d'ailleurs on n'est pas les seuls...

Ed Masry, interprété avec sa verve habituelle par Alert Finney en mode bougon, va être convaincu par Erin parce qu'elle obtient des résultats, et ce très vite. Et le "couple" qu'ils forment est enthousiasmant, parce que les étincelles sont systématiques. C'est bien simple, on est dans la droite filiation de Cary Grant et Rosalind Russell dans His Girl Friday, et pas seulement par le jeu des acteurs. Il y a une atmosphère de comédie là-dedans, dans un film qui aurait pu se contenter de nous faire pleurer indéfiniment. Erin Brockovich se distingue de ses glorieux aînés dans le genre, par contre en montrant le "couple" vedette comme des gens qui ne tomberont pas dans les bras l'un de l'autre: pour la partie "romantique", il y a Aaron Eckhart.

A cet héritage jamais forcé de la plus noble comédie des années 30 et 40, Soderbergh ajoute un grain de sel, une touche totalement personnelle: sa mise en scène, suivant les expériences menées dans ses deux derniers films, Out of sight et The limey: Erin Brockovich est filmé à la façon des thrillers polémiques des années 70, All the president's men en tête. L'urgence, la caméra au plus près des acteurs, et des scènes souvent situées dans des lieux aussi authentiques que possible... Le metteur en scène n'a rien perdu pour ce film sensible et grand public, de son mordant, et même s(il est de bon ton de lui préférer, pour cette période charnière, The limey et le superbe Traffic (Un autre film "engagé", mais sans rôle à Oscar!), il faudrait franchement vouloir ne pas aimer ce film pour faire la fine bouche.

Ou ne pas aimer Julia Roberts, dont je pense que c'est tout simplement son meilleur rôle...

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh
21 mai 2017 7 21 /05 /mai /2017 08:45

Ce film est une suite à plus d'un titre... Soderbergh n'a jamais caché qu'il savait à quel point son Ocean's 11 serait condamné à être vu comme un film alimentaire: possédant un certaine classe, rempli de stars, cohérent et excitant, oui, mais fondamentalement creux. Il a tout fait pour en tirer parti, et y glisser ses propres envies, expériences et clins d'yeux divers et variés, mais au final, le film a eu un succès qu'on pourrait qualifier de... programmé. Celui d'un produit de série, dont le public pouvait finalement facilement revendiquer les contours et dans lequel on pouvait prendre un authentique plaisir facile. A ce stade, une suite était, bien sur, inévitable, d'autant que le film de casse porte en lui toutes les possibilités de retour de ses héros. La seule prouesse, pour Jerry Weintraub, consistait en la réussite d'un plan d'action lui permettant de faire revenir non seulement son réalisateur, mais en plus... ses 13 stars (Les 11, plus Garcia et Roberts)... Et c'est exactement ce qu'il a fait. Y ajoutant, tant qu'à faire, Catherine Zeta-Jones, Robbie Coltrane et Vincent Cassel, tant qu'à faire... Sans compter des apparitions de Bruce Willis et Albert Finney.

D'une certaine façon, le film s'arrête là: il donne souvent l'impression de reposer sur un script qui aurait été écrit en fonction des envies des stars justement, de se trouver à tel endroit (Les gars j'ai une course à faire à Amsterdam, il n'y aurait pas moyen d'y organiser un casse, par hasard?)... Par conséquent, le film voyage en permanence: Las Vegas et d'autres endroits aux USA, les studios de Burbank bien sur, mais aussi les Pays-Bas (Amsterdam, Haarlem), la France (Gare du nord, des plages du sud), Italie... Le script existe pourtant, et se pose en pur prétexte pour faire revenir tout le monde: les 11 vivent tous une retraite plus ou moins assumée, en jouissant pleinement de leur argent, et découvrent que la belle vie est finie, puisque Terry Benedict les a retrouvés, et exige qu'on lui rembourse avec des intérêts exorbitants les sommes dérobées lors du casse. Les bandits doivent donc se remettre ensemble, et obtenir un tuyau pour faire un boulot qui leur rapportera vite et bien. Plusieurs problèmes vont se mettre en travers de leur route: d'une part, le premier travail u'on leur propose est à Amsterdam, et ce que seul Frank (Bernie Mac) sait, c'est que Rusty (Brad Pitt) a un passé Européen qui a de solides ramifications en Hollande: son ancienne petite amie Isabel (Catherine Zeta-Jones), rencontrée à Rome, est une inspectrice d'Europol basée à Amsterdam, et elle sait parfaitement qui est Rusty et quelle est son activité. Plus grave, elle sait qu'il a connaissances de certaines techniques, puisqu'elle lui a elle-même filé les tuyaux! D'autre part, le deuxième problème, c'est que les "11" ont de la concurrence! Un bandit Français, le noblillon François Toulour dit "Le renard de la nuit", a appris qu'on considérait Ocean comme le meilleur dans sa catégorie, il a donc décidé de remettre les pendules à l'heure... Et pour se faire déclenché la compétition en donnant à Benedict les infos qui lui manquaient...

Inutile de chercher à comprendre, il suffit, je pense, de se laisser entraîner à travers les dédales, et accepter que lorsque un personnage dit par exemple 'ne comptez pas sur moi es copains' comme le fait Carl Reiner à un moment, c'est probablement pour rester en réserve et pouvoir intervenir au pire moment! Il en ressort une impression de morcellement qui n'est pas sans rappeler que le maître de Soderbergh s'appelle Alain Resnais. Et du coup, le metteur en scène pousse toujours plus loin ses amusements avec la continuité, le montage et la chronologie pour accomplir avec encore plus d'audace son métier d'illusionniste. Et il le fait en nous éloignant bien sur de la vraie nature qui est... Le vide.

Comme les bandits expérimentés (Pitt, Clooney, Coltrane) qui font croire à leur jeune bizuth (Damon) qu'ils ont une conversation codée alors qu'en fait ils disent n'importe qui avec un air mystérieux, comme ces appellations jamais expliquées de techniques de cambriolage que tout le monde au presque semble connaître sur le bout des doigts, le film tourne en vérité autour de rien: des cambriolages qui ratent, des manipulations pour contrer les manipulations, des policiers qui n'en sont pas, des passages en prison qui sont en fait programmés et inscrits dans les plans... tellement de rien que ça finit par donner le vertige. Et  le rien ultime, c'est:

Soit le fait qu'il est question de voler l'oeuf de Fabergé, soit un truc vide. Et en prime il s'agit de le remplacer par un hologramme de l'oeuf de Fabergé (Un hologramme étant généralement un outil qui sert à cacher le vide, c'est bien connu)!

Soit l'idée saugrenue de planter ça et là à l'intérieur du film la ressemblance de Tess Ocean avec... Julia Roberts, et la faire jouer, précisément... Tess se prenant pour Julia Roberts. A ce stade, soit c'est du foutage de gueule (Terme technique servant à faire exactement la même chose que les hologrammes, soit cacher le vide des idées derrière la prouesse technique ou conceptuelle), soit c'est une mise en abyme de génie.

Tout ça pour dire qu'il y a quand même des chose à dire sur ce film volontiers idiot et inutile, qui aurait pu tourner à une sorte de film de vacances long et horripilant. Il se pose en développement possible, expérimental, et prolonge de façon spectaculaire le champ des possibles soulevés par Ocean's 11. Il débouche aussi sur un tour de passe-passe organisé autour de... rien, un rien orchestré, conceptualisé, codifié... Ce qui est toujours sympathique en soi... Il sera suivi d'une autre suite, qui sera fort différente, mais c'est une autre histoire.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh George Clooney
10 mai 2017 3 10 /05 /mai /2017 16:47

Tout commence par l'arrivée d'un Anglais (Un "angliche", un "limey" en argot), interprété par Ternce Stamp, à Los Angeles. Sa fille Jennifer, qui avait quitté la Grande-Bretagne (Et son papa repris de justice), vient de mourir dans des circonstances plus que douteuses: elle a eu un accident sur Mulholland Drive, et sa voiture a pris feu. C'est un ami à elle, Eduardo (Luis Guzman), qui a envoyé à Dave Wilson la mauvaise nouvelle de la mort de son unique enfant. Il est donc venu pour tirer ça au clair, avec l'aide parfois réticente d'Eduardo (Un ancien taulard, qui souhaite plus que tout rester à l'écart des ennuis), et d'Elaine (Lesley Ann Warren), une autre amie de Jennifer. Très vite, Wilson se concentre sur le producteur Terry Valentine (Peter Fonda), avec lequel sa fille a passé beaucoup de temps, et qui a tout l'air de mener des affaires bien louches...

Entre Peter Fonda, Terence Stamp, Lesley Ann Warren, ou encore la présence de Joe Dalessandro, et la bande-son, le film est envahi par les années 60 dont il s'amuse mine de rien à tirer une sorte de bilan, mi-cruel, mi-nostalgique. Soderbergh va jusqu'à donner des flash-backs à son personnage principal, qui sont autant de réemplois de Poor cow, de Ken Loach, permettant ainsi de confronter le personnage de Stamp à ses souvenirs de jeunesse. Comme le dit Terry Valentine à sa nouvelle petite amie, "les sixties, c'était essentiellement 1966 et le début de 1967. Le reste..." Et lui, ainsi que tant d'autres protagonistes, sont coincés comme pour l'éternité dans un lendemain de fête cosmique, dont la mort de Jennifer ne serait qu'une sorte de réveil brutal... Le personnage de Wilson, d'ailleurs, admet avoir passé plus de temps en prison qu'ailleurs, comprenant pourquoi sa fille a tant souhaité prendre le large!

Mais ce film au style si fortement empreint de cette cinématographie particulière qui a tant marqué Soderbergh, reste avant tout un film noir modèle, avec son ange exterminateur mû par une idée fixe, aux méthodes expéditives qui nous renvoient à Get Carter (A ce propos, Michael Caine était pressenti pour le rôle!), et tout sert ici le style, dans un film qui semble n'avoir pas d'autre message que de nous montrer ce qu'il raconte! Et le metteur en scène entremêle les points de vue, et nous fait parfois, de manière abrupte, passer du côté de l'ennemi, soit le riche Terry Valentine, ce qui l'humanise fortement. Le montage aussi est à la fête, avec un déroulement apparemment anarchique, qui joue avec la chronologie un peu à la façon dont Alain Resnais (L'un des modèles de Soderbergh, là encore) s'amusait à perdre le spectateur entre les couches temporelles... C'est un tour de force, et il est du à l'excellente Sarah Flack.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh Noir
6 mai 2017 6 06 /05 /mai /2017 08:21

Les films de Steven Soderbergh inscrivent dans leur déroulement des notions de mise en scène qui en sont le sujet même, en tout cas l'un des thèmes. Les personnages, démiurges ou manipulateurs, ont des plans, les appliquent, nous les expliquent. Parfois cette notion devient plus discrète, parfois elle prend toute la place... Et avec ce qui reste sans doute comme les plus grands succès publics du metteur en scène, cet aspect prend absolument toute la place... Avec son casse détaillé de sa planification à son accomplissement, et avec ses ruptures de continuité permanentes, qui finissent par être le sujet même du film dans un jeu constant du chat et de la série, ce remake qui ne s'imposait en rien, d'une part parce que l'histoire n'a aucun intérêt, d'autre part parce que, sur le papier, qu'est-ce qui compte, dans l'oeuvre d'un metteur en scène? L'épopée grandiose, tragique et vivante des petits guerriers de la lutte anti-drogue (Traffic)? La réflexion sincère et désabusée sur le devenir de l'âme (Solaris)? La façon dont le monde se met à tourner dans le mauvais sens lorsqu'une épidémie transforme les rapports entre le public et les militaires, entre les scientifiques et les médias (Contagion)? ...ou le film rigolo dans lequel une bande de sympathiques bras cassés nous mènent par le bout du nez durant deux heures en accumulant bons mots et surprises visuelles, le tout dans un environnement contrôlé avec tant de soin qu'on n'en revient pas que le film n'ait pas eu besoin de tellement de temps pour se tourner?

La réponse, bien sur, est "tous ces films comptent". Mais j'aurai toujours une tendresse particulière pour ce film dont Soderbergh a admis qu'il "tait pour lui la clé pour se voir ouvrir toute grande la porte d'Hollywood, des studios et du succès, permettant du même coup à ses films plus personnels de se faire... Mais le plaisir de se faire manipuler, le défi de constater que la bande-son, l'image et le cadre temporel racontent finalement une histoire différente, et au final, ce casse accompli, travail d'équipe qui s'accommode d'une mise en scène calibrée, avec ses surprises, ses impondérables et ses passages obligés, je ne connais pas de meilleure métaphore d'un film.

Et le film, j'aime bien, moi.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh George Clooney