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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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6 mai 2017 6 06 /05 /mai /2017 08:21

Les films de Steven Soderbergh inscrivent dans leur déroulement des notions de mise en scène qui en sont le sujet même, en tout cas l'un des thèmes. Les personnages, démiurges ou manipulateurs, ont des plans, les appliquent, nous les expliquent. Parfois cette notion devient plus discrète, parfois elle prend toute la place... Et avec ce qui reste sans doute comme les plus grands succès publics du metteur en scène, cet aspect prend absolument toute la place... Avec son casse détaillé de sa planification à son accomplissement, et avec ses ruptures de continuité permanentes, qui finissent par être le sujet même du film dans un jeu constant du chat et de la série, ce remake qui ne s'imposait en rien, d'une part parce que l'histoire n'a aucun intérêt, d'autre part parce que, sur le papier, qu'est-ce qui compte, dans l'oeuvre d'un metteur en scène? L'épopée grandiose, tragique et vivante des petits guerriers de la lutte anti-drogue (Traffic)? La réflexion sincère et désabusée sur le devenir de l'âme (Solaris)? La façon dont le monde se met à tourner dans le mauvais sens lorsqu'une épidémie transforme les rapports entre le public et les militaires, entre les scientifiques et les médias (Contagion)? ...ou le film rigolo dans lequel une bande de sympathiques bras cassés nous mènent par le bout du nez durant deux heures en accumulant bons mots et surprises visuelles, le tout dans un environnement contrôlé avec tant de soin qu'on n'en revient pas que le film n'ait pas eu besoin de tellement de temps pour se tourner?

La réponse, bien sur, est "tous ces films comptent". Mais j'aurai toujours une tendresse particulière pour ce film dont Soderbergh a admis qu'il "tait pour lui la clé pour se voir ouvrir toute grande la porte d'Hollywood, des studios et du succès, permettant du même coup à ses films plus personnels de se faire... Mais le plaisir de se faire manipuler, le défi de constater que la bande-son, l'image et le cadre temporel racontent finalement une histoire différente, et au final, ce casse accompli, travail d'équipe qui s'accommode d'une mise en scène calibrée, avec ses surprises, ses impondérables et ses passages obligés, je ne connais pas de meilleure métaphore d'un film.

Et le film, j'aime bien, moi.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh George Clooney
31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 17:49

Il a tout fait, tout tenté, tout expérimenté... Il y a même eu une époque durant laquelle ça devenait presque un argument publicitaire, à faire valoir auprès des studios: "Soderbergh, sait tout faire, le fait vite et bien"... Mais ça n'a pas tenu, et pour cause: il y a eu tout, et puis il y a parfois eu n'importe quoi: Full Frontal, l'intrigant film bardé de principes érigés en barbelés autour du projet, qui ont tout simplement rendu le visionnage désagréable et le film inutile; The Good German, parodie nullissime de Casablanca, ou encore The girlfriend experience, le film dans lequel on a l'impression que rien ne se passe. Mais Soderbergh a pourtant beaucoup donné aussi, entre l'ambitieux Che, le magnifique Traffic, ou la luxueuse trilogie Ocean's 11, 12, 13

C'est au milieu de sa décennie la plus féconde que l'on trouve cette expérience unique en son genre, sorte de film amateur, tourné avec un budget ridicule, par des acteurs non-professionnels, chez eux, et qui emprunte deux sentiers inattendus: d'une part, c'est un film social, un peu à la manière dont tant de metteurs en scène des années 30 ont expérimenté le réalisme poétique en Europe (Menschen am Sonntag, par exemple), donc on y verra la classe ouvrière Américaine sur son lieu de vie et son lieu de travail; d'autre part, Bubble emprunte à un genre iconique entre tous, le film policier.

Kyle (Dustin James Ashley) et Martha (Debbie Doebereiner) sont collègues de travail, dans une petite usine qui fabrique des poupées. Leur routine est immuable: Martha, une femme d'âge moyen, passe prendre le jeune homme à sa caravane, où il vit avec sa mère, puis l'amène au travail. Ils mangent ensemble le midi, puis le soir elle le ramène chez lui, avant de rejoindre son propre père qui est invalide et qui vit avec elle. Ils parent nu peu, de tout et surtout de rien; et comme Kyle a un autre boulot car les temps sont durs, il n'a pas le temps de penser à la bagatelle... Arrive Rose (Misty Dawn Wilkins), qui vient gonfler l'effectif de l'entreprise, et qui est accueillie très vite par les deux amis. Kyle est tout de suite attiré par la jeune femme, ce qui ennuie Martha... D'autant que Rose, mère célibataire d'une petite fille, Jesse, est exigeante et envahissante selon elle... Un matin, alors que Kyle et Rose sont sortis la veille, on retrouve la jeune femme étranglée. Trois suspects: Kyle, qui est sorti avec elle, mais l'a raccompagnée assez tôt; le père de Jesse qui est venu faire un esclandre chez elle sous le prétexte de lui emprunter de l'argent, et Martha qui a joué les baby-sitters d'un soir, et a assisté à la bagarre entre les deux parents...

Les acteurs, sans doute afin de pallier à leur manque d'assurance, ont été priés de ne pas manifester la moindre émotion, ce qui est assez déstabilisant... Le montage (dû comme d'habitude à la fidèle Mary Ann Bernard qui est tellement habituée à travailler avec Soderbergh qu'on a l'impression qu'ils ne font qu'un) fonctionne justement dans l'idée de pallier à ce manque d'émotion, en privilégiant des plans courts et dénués de drame. On est souvent à distance des non-acteurs, qui devisent parfois sur leur quotidien, avec naturalisme, mais sans misérabilisme. Et comme on n'est pas chez Pialat, ils le font sobrement... Le jeu dédramatise, mais le montage et la mise en scène font très bien le boulot. 

C'est peut-être l'un des films les moins chers au monde! Peter Andrews, le chef-opérateur attitré de Soderbergh (Qui ne lui coûte presque rien, paraît-il), a travaillé en vidéo numérique légère et a travaillé le cadre en fonction des lieux, toujours à l'économie, dans des plans qui bougent peu, mais sont autant de vignettes du quotidien... Pas de glamour donc, mais une impression de tangibilité poignante... Qui a ses limites, j'en conviens! Disons, qu'au moins, contrairement à Bruno Dumont, aucun mépris n'est présent à l'égard des gens qui sont filmés non pour leur médiocrité, mais pour leur humanité. Et Debbie Doebereiner fait un travail remarquable.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh
31 juillet 2016 7 31 /07 /juillet /2016 09:02

Sous la forme d'une comédie légère, voici un film d'une grande originalité. Matt Damon y interprète un ingénieur agronome, étoile montante de son entreprise, qui prend contact avec le FBI pour dénoncer ce qu'il considère comme une fraude caractérisée. Mais le FBI n'est pas au bout de ses surprises. Le spectateur non plus. J'ai menti en ouvrant cette chronique, mais il est impossible de parler de ce film et de son déroulement sans en trahir les aspects les plus inattendus. Je vais donc m'arrêter rapidement...

Au moins, Steven Soderbergh ne nous ménage pas. Peu de temps après son étrange Che et son très ennuyeux Girlfriend experience, il nous brosse l'attachant et marrant portrait d'un homme qui a une conception toute personnelle du rêve Américain. L'image signée de l'inévitable et fictif chef opérateur Peter Andrews, est très belle et riche, et le film est hallucinant par sa construction. Très attachant, et assez révélateur malgré tout sur les conflits intérieurs d'une société en proie à sa propre auto-destruction. Sous la forme d'une comédie, oui, mais au final The informant! est autant facteur d'indignation que pouvait l'être Traffic en son temps. Mais sur un sujet aussi inattendu que ses surprises...

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh Le coin du bizarre
30 juillet 2016 6 30 /07 /juillet /2016 21:38
The girlfriend experience (Steven Soderbergh, 2009)

Poursuivant sa carrière expérimentale et touche-à-tout, Steven Soderbergh pose la deuxième pierre d'un édifice entamé avec Bubble, il y a quelques années: faire des films pour rien du tout, avec des acteurs pas forcément professionnels, en inventant des nouvelles formes.

Ici, il prend aussi son inspiration dans une série qu'il avait réalisée en compagnie de George "What else?" Clooney, K Street. Le nouveau film, réalisé en 12 minutes pour trois dollars et douze cents, présente quelques jours de la vie d'une escort-girl de luxe jouée par une "adult film star", Sasha Grey: elle propose une prestation qui va au-delà du zim boum tagada traditionnel: elle incarne pour ses clients une authentique petite amie, à heures tarifées. Par ailleurs, divers bouleversements dans son business trouvent un écho dans la situation politique pré-Obama du pays.

Bon, j'aime Steven Soderbergh, je le vénère, même; tel qu'il est, il me plait, il me fait de l'effet, et je l'aime. Mais là, franchement, la jeune femme en question, ses affaires, ses conversations, tout ça, on s'en fout. Voilà.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh le coin du bizarre
12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 09:45

To go haywire: se dit d'une situation, ou d'une personne, qui part complètement en vrille, vers le chaos. C'est déjà fait pour Mallory Kane (Gina Carano) au moment où commence ce film, alors qu'on la voit entrer dans un bar situé manifestement au nord des Etats-Unis en hiver, habillée de vêtements sales, et manifestement sur ses gardes. Et quelques minutes après son arrivée, un homme (Channing Tatum) la rejoint. Ils discutent quelques instants, avant que tout à coup elle ne l'attaque, violemment, avant de le maîtriser, de prendre de façon autoritaire un client en otage, avec sa voiture en prime. Et comme elle est assez bonne fille, elle lui raconte, tout en conduisant, son aventure... La façon dont, détective privée, elle a été amenée dans un piège: on l'a engagée pour deux missions, l'une pour permettre à un milliardaire véreux de mettre la main sur un de ses ennemis (Le job étant pour Mallory déguisé en mission de sauvetage), l'autre... pour se débarrasser d'elle. Trahie par ses employeurs, traquée par ses amis, elle va faire la preuve qu'elle vaut bien cinq à six Jason Bourne.

Steven Soderbergh (L'homme qui a dit il y a cinq ou six ans cesser toute activité cinématographique alors qu'il travaillait à la finition de quatre ou cinq projets en même temps...) a choisi de tourner ce film à l'économie: on sent la patte du bricoleur de génie, qui tourne en priorité dans des lieux authentiques, sans décors construits expressément, et avec des acteurs rompus à la guerilla cinématographique. Le metteur en scène a aussi choisi de réserver les mystères de la manipulation, l'un de ses thèmes de prédilection, aux supérieurs de Mallory, qui va malgré tout déjouer tous leurs trucs avec une intelligence rare. Car, mais ce n'est en rien un mystère, on le devine lorsque en un impressionnant jeu de jambes Gina Carano ne fait qu'une bouchée de Channing Tatum, qui rappelons-le, ressemble au Plomb du cantal à l'époque de sa jeunesse virile... Gina Carano est lutteuse, douée, et bien sur jamais doublée, ce qui autorise le metteur en scène gourmand à filmer aussi frontalement que possible les scènes de bagarre. Ajoutons la présence d'un casting de luxe pour les espions et autres truands (Kassovitz, Fassbender, Michael Douglas, Antonio Banderas, Ewan mcGregor!) et pour jouer le seul allié de Mallory, son papa (Bill Paxton). Chaudement recommandé, si vous avez 92 minutes pour passer du temps en compagnie d'un film d'action féministe, elles ne seront pas perdues.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh
29 août 2015 6 29 /08 /août /2015 10:00
The Knick (Steven Soderbergh, 2014)

La frontière entre télévision et cinéma est en train d'exploser... On n'en est plus à cette époque durant laquelle le travail à la télévision était pour un metteur en scène un purgatoire, une voie de garage ou un dernier recours avant la fin; les budgets sont maintenant impressionnants, le succès devient mondial, et la 'sortie' d'une série est orchestrée comme le furent les blockbusters depuis si longtemps. La qualité, enfin, est au rendez vous, et les metteurs en scène s'affichent sans aucun complexe: Barry Sonnenfeld a dirigé le pilote de Pushing Daisies, ainsi qu'un autre épisode; Bryan Singer en assumant la mise en scène de plusieurs épisodes de Dr House, a défini le style visuel de la série de façon durable, et aujourd'hui les réalisateurs se demandent (Terry Gilliam, David Fincher, Jane Campion) si il n'y aurait pas mieux à faire, en terme de créativité et de liberté, à la télévision qu'au cinéma. Certains ont déjà sauté le pas: Campion (Top of the lake) et Fincher (House of cards) ont déjà lancé leurs séries. Soderbergh a fait plus encore: il a réalisé pour Hbo/Cinémax (Après avoir annoncé qu'il arrêtait son métier de cinéaste, incidemment...) une saison entière de The Knick, soit dix épisodes de 50 minutes... C'est peu étonnant en réalité quand on connait la réputation du metteur en scène pour le travail économique, une règle sacro-sainte en télévision: il tourne vite, demande peu de prises à ses acteurs, les enveloppe dans un environnement de travail qu'ils aiment, et en prime est son propre monteur et son propre directeur de la photo...

Mais The Knick saison 1, avec sa thématique liée à un environnement de travail précis, et sa galerie de personnages qui ont tous des enjeux contradictoires, est aussi un grand film Soderbergh, qui ne dépare absolument pas dans la filmographie du monsieur: il concerne une série d'intrigues fictives dans un lieu qui ne l'est pas, le Knickerbocker Hospital de New York, en 1900; s'y croisent le Dr John Thackery (Clive Owen), un chirurgien surdoué qui doit au début de la série succéder à son grand ami le Dr Christiansen, qui s'est suicidé suite à plusieurs échecs d'opérations. Thackery est cocaïnomane pour tenir, mais il va devenir difficile de se procurer à cause de la réquisition par l'armée des stocks de drogue, afin de subvenir aux besoins militaires dans la guerre aux Philippines. L'administratrice de l'hôpital, Cornelia Robertson (Juliet Rylance), est confronté à un dilemme: son mariage imminent risque en effet de la priver de sa participation à la cause de l'hôpital, auquel elle consacre sa vie. Elle tente d'aider le Dr Algernon Edwards (Andre Holland) à s'intégrer; malgré son talent indéniable on ne veut pas de lui, car il est noir, et New York en 1900 et loin d'être un modèle d'intégration. Le Dr Gallinger (Eric Johnson), en particulier, est très remonté contre celui qu'il ressent comme une menace, mais va avoir fort à faire à la maison, avec le décès de sa fille unique, et la crise de folie dans laquelle la perte va précipiter son épouse Eleanor (Maya Kazan). D'autres ennuis, des peines de coeur, des tromperies, des adultères et des stratégies diverses se mettent en branle dans une oeuvre dense et filmée au plus près de l'humain,dans un environnement qui ressemble bien à une vision de New York au tournant du siècle, rythmée par les petits arrangements avec la loi, la présence de la mafia, et la pauvreté du quartier dans lequel l'hôpital est situé, au grand dam d'ailleurs de bien des membres de son conseil d'administration...

Sans aucun compromis, Soderbergh capte donc une fois de plus les allées et venues des protagonistes de son film, en installant avec douceur les intrigues. Les manipulations et autres stratégies sont bien sur légion, mais on a le temps ici d'y déceler des raisons, toutes profondément humaines: ainsi, on apprend à connaitre des personnages qui révèlent par leur humanité un côté attachant, parfois inattendu, ainsi Soeur Harriet (Cora Seymour), une solide religieuse catholique Irlandaise, qui a pris sur elle d'aider les femmes de la ville à se débarrasser de leurs grossesses... moyennement une modeste participation aux bonnes oeuvres de l'hôpital. Elle est aidée par un ambulancier, Tom Cleary (Chris Sullivan), lui aussi irlandais, qui augmente ses revenus de multiples façons: en détroussant les cadavres, mais aussi en spéculant sur les accidents des uns et des autres, afin d'être le premier ambulancier sur place... Mais l'intrigue principale de The Knick est bien sur la façon dont une structure hospitalière pas forcément richissime, dont le conseil d'administration n'est pas des plus progressistes (Un ecclésiastique y dit, sans aucun scrupule, que de laisser un hôpital dans une zone pauvre n'encourage pas l'effort chez les déshérités, et que de dispenser des soins gratuitement est une erreur humaine, car elle encourage la facilité), s'adapte au progrès. Le choix de placer l'intrigue en 1900 est bien sur symbolique d'un tournant de siècle, qui voir l'hôpital construit en peine révolution industrielle, faire face aux progrès de la médecine, de la chirurgie (Une partie essentielle de beaucoup d'épisodes concerne la façon dont l'équipe de chirurgiens se livre à une concurrence effrénée avec les autres sites hospitaliers, par exemple, et il est beaucoup question de tester de nouvelles approches), mais aussi et surtout de la société: la prostitution, la drogue, l'adultère, la psychiatrie, et surtout l'intégration des minorités, qu'ils soient Noirs, Irlandais, Juifs ou Hispaniques, sont au coeur de cette très belle réalisation pour la télévision, qui est dores et déjà programmée pour une seconde saison...

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh Télévision
29 août 2015 6 29 /08 /août /2015 09:34

Depuis fort longtemps, Soderbergh s'est surtout consacré à trois domaines: les stratégies humaines, qu'elles soient légales, illégales, inter-personnelles, émotionnelles ou que sais-je encore, d'une part. Ainsi George Clooney dans Out of sight est-il un malfrat qui va sciemment multiplier les contacts avec la femme qu'il a rencontrée, qui travaille pour la police, et celle-ci de son côté va choisir les moments officiels, et les moments "off" entre eux... Soderbergh s'intéresse aussi, bien sûr, à la mise en scène, la stratégie calculée en grand, afin de manipuler ou perdre quelqu'un, et d'amener les protagonistes d'un film, les spectateurs du même film, d'un point A à un point B. Les films dans lesquels il a poussé cette thématique à son comble, sont les trois films Ocean's 11, 12 et 13: il y est en permanence question de faire bouger les choses, de façon imperceptible, dans l'optique d'un résultat qui sera bon pour la collectivité. La mise en scène, pour le réalisateur Soderbergh, est aussi interne à un script, n'est pas que l'affaire de ceux qui font le film! Avec Side Effects enfin, comme avant lui avec Erin Brockovich, Traffic, The informant et Haywire, le metteur en scène s'attaque à un troisième domaine, celui de la corporation, vécue de l'intérieur. Il y a des précédents magnifiques, notamment Hawks, qui aimait tant filmer les hommes au travail... Ici, on retrouve cette curiosité pour les stratégies complexes de manipulation, liées à un environnement professionnel particulièrement inattendu, et même deux: la psychiatrie et la médecine d'une part, et la spéculation pharmaceutique d'autre part...

Martin Taylor (Channing Tatum) sort de prison, où il a été enfermé pour un délit d'initiés. Il retrouve son épouse Emily (Rooney Mara) qui l'a patiemment attendu, mais les retrouvailles tournent bien vite à une constatation affligeante: Emily va mal, et a du mal à s'adapter à une nouvelle vie. Elle entre en dépression, et sous les conseils de son psychiatre, le sémillant Dr Banks (Jude Law) elle va commencer à prendre des médicaments, en particulier un anti-dépresseur en vue, conseillé par le Dr Siebert (Catherine Zeta-Jones) une ancienne psychiatre d'Emily que Banks a contactée. Les épisodes de comportement erratiques se multiplient, et la jeune femme finit par poignarder son mari dans une crise de somnambulisme...

Avec son mélange toujours aussi excitant de jeu d'acteurs intense et aussi naturel que possible (On le sait, Soderbergh n'est pas du genre à multiplier les prises, gardant une certaine fraîcheur à la performance), et de mise en scène dans l'instant, avec caméra au poing, Soderbergh nous dévoile l'information au compte-goutte, dans un montage trompeur, qui fait ressortir le plaisir lié au genre qu'il explore. Side effects n'est donc pas un film à message, mais une plongée dans un univers cohérent, dont Rooney Mara et Jude Law font un formidable dédale de manipulations, dont au final nous pourrons retirer les conclusions qui nous arrangeront le plus: Soderbergh fait-il le procès de l'industrie pharmaceutique, celui de la médecine, celui de la spéculation? Réponse à la fin de ce film qui se plait à nous manipuler dans tous les sens, et comme d'habitude montre de quelle façon l'humain avance: en trichant. Le film pourrait n'être qu'anecdotique, mais on s'accroche à son fauteuil.

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh thriller Rooney Mara
23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 09:49

Voilà un film sur lequel on ne peut être que partagé. Non que le personnage de Ernesto "Che" Guevara me soit familier, voire sympathique: l'image du Guerillero dressé contre l'impérialisme est un truc un peu facile, et en se faisant l'aide de camp d'un anti-démocrate viscéral, l'exécuteur des basses oeuvres du régime Cubain m'irrite encore plus.

Je ne crois pas cependant qu'il y ait dans ce film de volonté affichée de le rendre plus saint qu'il n'a déjà été fait, par des années de raccourcis, de T-shirts, et de posters... le film de Soderbergh n'est pas une biographie ni une hagiographie, juste la tentative de montrer deux moments-clés d'un personnage historique, en se basant sur ce qui lui a vraiment donné de la substance: son engagement auprès de Fidel Castro, qui fait l'objet d'une première partie en forme de montée en puissance (The rise of Che?), engagement qui lui a donné un goût pour la lutte armée: une activité de plein air qui lui a cruellement manqué durant sa carrière de ministre (uniquement évoquée par un épisode New-yorkais dans la première partie); puis la deuxième partie, nous confronte à son désir de reprendre la lutte, au Congo (cité dans une réplique), au Venezuela (Pareil) et enfin en Bolivie, dans ce qui ressemble d'abord à une machination à la Danny Ocean (Les lunettes, la coupe de cheveux, le dentier pour changer de tête), puis se transforme très vite en un désastre absolu (The fall of Che?).

Somme toute, à travers ces deux pôles de la vie d'un homme célèbre, Soderbergh fait son Shakespeare, et se laisse aller à sonder un mythe moderne, sans jamais se laisser aller au spectaculaire. On se perdra parfois dans cette lente et austère évocation qui prend son temps, mais dont des signes discrets ça et là nous prouvent qu'elle prendra de plus en plus de sens avec les années: qui est cet homme qu'on aperçoit trois fois, deux plans à New York, un plan à La Paz? Pouquoi Che voit-il son tueur dans le bateau qui le mène à Cuba? D'autres petits bouts de trucs et de machins sont disséminés dans ce film-fleuve. Soderbergh ne s'arrêtera jamais de s'amuser, y compris lorsqu'il a un film de 4h30 à tourner en 78 jours, pour 3 dollars 50.

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh Criterion
9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 12:59
Sex, lies and videotape (Steven Soderbergh, 1989)

Le premier film de Soderbergh lui ressemble tellement, qu'on est surpris rien qu'à la pensée (Qui nous traverse, parfois, soyons francs) d'y trouver des péchés de jeunesse... Cette histoire de communication et d'incommunication est située à la maison en quelque sorte, à Baton rouge, et ne tourne qu'autour de quatre personnages, qui a eux seuls permettent d'en résumer l'intrigue: les Mullany sont mariés, John (Peter Gallagher) est avocat et ambitieux, Ann (Andie McDowell) est femme au foyer, frustrée à tous points de vue, et... frigide. depuis quelques temps, elle est en crise et voit un thérapeute afin de s'en sortir, mais elle admet avoir renoncé à tout jamais au sexe, une activité qu'elle n'a jamais trouvée intéressante de toute façon. Sa soeur Cynthia (Laura San Giacomo), elle, n'a pas renoncé, et elle entretient depuis quelque temps une liaison musclée et énergique avec son beau-frère, bien sur, qui ne se remet pas du refus de son épouse. C'est en ce contexte qu'arrive un ancien camarade d'université de John, Graham (James Spader), qui va remettre de l'ordre dans tout ça. Totalement atypique, aussi éloigné du carriérisme que John peut s'y vautrer, il parcourt les Etats-Unis en filmant les femmes qui le souhaitent, et se confessent de façon assez impudique devant sa caméra. C'est ce qui va précipiter la crise violente que vont finir de traverser Ann et John.

On voit quelques unes des vidéos de Graham, qui restent relativement chastes, mais l'essentiel est ailleurs: un jeu de regards, une conversation qui prend une tournure intime de façon inattendue, une manipulatrice qui se fait prendre au piège, une situation qui se retourne contre celui qui l'a initiée, mais pour son bien: Soderbergh ausculte les tourments de la classe moyenne Américaine, et pour cette fois il permet à certains de ses pantins de s'en tirer, mais derrière le regard impénétrable et l'absence d'émotions de James Spader, il cache une satire au vitriol de l'homme Américain, incarné par un acteur génial qu'on aimerait voir plus souvent, Peter Gallagher, magnifique de suffisance et de médiocrité. Tous ces gens vont, un jour, cesser de mentir, et ce jour-là... Ca fera mal. Soderbergh étant depuis passé maitre dans l'aart de montrer les stratégies conscientes et inconscientes de l'être humain en représentation, on ne s'étonnera pas du plaisir qu'on prend à ce film.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh
16 novembre 2014 7 16 /11 /novembre /2014 16:59

Le quatrième long métrage de Soderbergh est son premier thriller, et un film qui aura sur lui un effet important: c'est durant le tournage d'une scène de ce film qu'il a pris la décision d'abandonner la démarche classique qui était la sienne, alors qu'il avait récemment pris un virage "mainstream" en tournant pour Gramercy Pictures une adaptation de King of the hill avant de prrendre une option sur ce remake de Criss-Cross (Robert Siodmak, 1949). Une fois le tournage et la post-production achevée, le metteur en scène a mis en boite son fameux Schizopolis, et a eu un parcours totalement atypique depuis... Avec Peter Gallagher dans le rôle principal, il retrouvait l'un des acteurs-clés de sex, lies and videotape, le film après le succès duquel il tendait à courir depuis le début des années 90. Mais Gallagher est cette fois-ci un homme arrivé à un carrefour de sa vie, qui a la faveur d'un mariage retrouve sa famille, l'environnement qui était le sien, et surtout une femme qu'il a aimée, et avec laquelle il peut encore, le pense-t-il, faire sa vie. Mais il va surtout faire une série de mauvais choix, et ça va tourner mal, très mal...

Soderbergh, qui peut parfois tourner des films inexplicablement ennuyeux (The girlfriend experience ou The good German en attestent de façon spectaculaire), sait aussi être plutot sévère avec lui-même. Et ce film, qu'il juge lent et vide, ne vaut sans doute pas cete critique! certes, le rythme en est volontiers mou, mais c'est selon moi plus un facteur de tension qu'autre choise. Et il y a des éléments qui reviendront sans cesse, comme cette fabuleuse idée de déstabiliser le spectateur en mélangeant soit les époques, soit les points de vue en laissant celui qui regarde le film se faire une idée avant de lui donner des indices qui lui permettront de caler une interprétation. Et The underneath, comme tant d'autres films de Soderbergh, est une plongée microcosmique dans le quotidien de l'Amérique profonde, sans jugement, ni misérabilisme. Il se distingue d'ailleurs comme le feront à sa suite ses autres thrillers (The limey, Out of sight, Ocean's eleven, Traffic, etc) de tout ce qui était le film noir à la base, dans lequel le jugement (Du spectateur comme des auteurs) n'était jamais très loin. Mais bien sur, sans aller jusqu'à suivre le décidément très sévère Soderbergh, au moins pourra-ton admettre qu'il y a là comme un certain manque d'humour...

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh