La fille danoise du titre, c'est Lili Elbe, une modèle qui a vécu à Copenhague, mais qui est surtout longtemps restée prisonnière du corps d'Einar Wegener (Eddie Redmayne), peintre réputé qui vivait au Danemark en compagnie de son épouse Gerda (Alicia Vikander). Au départ, c'est Einar qui faisait vivre le couple, car l'obsession de gerda pour les portraits traditionnels rebutaient une bonne société friande de sobriété asexuée (les paysages d'Einar) ou d'érotisme plus cru (chez l'agent d'Einar, des nus agressifs et très anatomiques sont étalés partout). Puis, parce qu'ils n'avaient pas leur modèle favori, Gerda a demandé à Einar de lui venir en aide en enfilant les vêtements prévus pour la séance de pose...
Car dans le film, Lili naît du hasard, mais se révèle avoir été là, cachée au plus profond d'Einar depuis la fois où, garçon, ayant revêtu des vêtements de femme, il avait laissé son meilleur ami Hans l'embrasser. Ce souvenir d'enfance à la fois omniprésent et refoulé, Einar l'avait revécu à sa façon, en peignant des paysages... Non: en fait LE paysage revu et re-corrigé, repeint sous tous les angles possibles, de façon obsessionnelle. Et dans le film, on ne le verra pas peindre autre chose, du reste, car à partir du moment où Lili apparaît enfin, Einar va progressivement disparaître...
C'est sinon une histoire vraie (Einar, Gerda et Lili ont existé), au moins un scénario inspiré d'un livre lui-même inspiré de cette histoire vraie, qui a changé beaucoup, éliminé pas mal, et même probablement trop simplifié: par exemple, on a l'impression qu'une fois Lili venue, Einar abandonne sa sexualité totalement au profit de l'exploration d'une chaste féminité: en réalité, Lili Elvenes (Elbe était un surnom donné par la presse) était attirée par sa nouvelle sexualité, mais pas sous l'angle qu'on attendrait: elle a laissé un grand nombre d'oeuvres érotiques, représentation soit vécue, soit fantasmées d'amours lesbiens. Et justement, ce qui nous manque ici, c'est, en dépit de l'Oscar attribué à Alicia Vikander, qui joue Gerda, c'est une vraie exploration de la façon dont Gerda a elle aussi vécu une transformation. Le film y fait essentiellement une allusion, à travers le changement dans on oeuvre une fois que Lili y est entrée: d'abord des portraits, nus et autres études qui subliment le corps de son mari en femme avant qu'il ne "disparaisse", puis des auto-portraits en compagnie de Lili, mais qui tous pour autant que l'on puisse en juger dans le film, mettent surtout en avant la peintre, et dans l'ombre son modèle-muse.
Pourtant dans ce film très sage, très "qualité Britannique" dans son évocation, on a parfois le sentiment que Gerda a sacrifié tout, et ce de A jusqu'à Z, par amour pour Einar. Et a ensuite accompagné Lili dans son choix de devenir l'une des premières personnes à changer de sexe, en 1931, pour son malheur, puisque la deuxième intervention lui sera fatale. De toute façon, rien que par son sujet, le film reste passionnant... Et Tom Hooper, s'il a sagement décidé de donner essentiellement "la parole" au point de vue de Gerda, qui aide une grande partie du public à entrer dans le film, se fait souvent plaisir avec un sens de la composition flagrant dans cette histoire a deux.